jeudi 13 octobre 2016

Manquement au devoir de conseil - Préjudice - causalité

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 28 septembre 2016
N° de pourvoi: 15-18.904
Non publié au bulletin Cassation partielle

Mme Batut (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sobefa (la société), qui a pour activité la création et la fabrication de produits en béton destinés à la construction, a souhaité développer un bloc à bancher courbe, permettant la conception d'ouvrages de forme arrondie ; qu'ayant pris connaissance d'une demande de brevet déposée par M. X... en 1994, pour un bloc en matériau moulé pour la construction de murs, elle a sollicité l'analyse d'un spécialiste de la propriété industrielle, M. Y..., sur la validité dudit brevet ; qu'elle lui a adressé, le 19 novembre 2002, sur ses conseils, un croquis de moule distinct de celui couvert par le brevet litigieux, qu'elle projetait de commercialiser ; que M. Y...ayant affirmé que tout risque de contrefaçon était exclu, la société a procédé à l'acquisition du nouveau moule et a produit des blocs à bancher courbes, qu'elle a commercialisés au début de l'année 2003 ; que, sur l'action en contrefaçon exercée contre elle par M. X..., la société a été condamnée, par un arrêt devenu irrévocable, à lui verser une certaine somme à titre de réparation ; qu'elle a, alors, assigné M. Y...en responsabilité et indemnisation ;

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que M. Y...fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la société une somme de 42 257, 53 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que le manquement d'un professionnel à son obligation de conseil n'est causal que s'il est démontré que, sans lui, le créancier aurait agi de façon à éviter le dommage dont il demande réparation ; qu'en retenant, pour condamner le conseil en propriété industrielle à indemniser la société des conséquences préjudiciables de la commercialisation, au demeurant profitable, d'un produit dont il avait omis de signaler le risque marginal d'action en contrefaçon, qu'« il ne fait pas de doute que cette analyse du professionnel a participé de la décision quasi immédiate de procéder à la commande de ces nouveaux blocs », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si la société n'aurait pas décidé de réaliser cette commercialisation même si ce risque marginal litigieux lui avait été signalé, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu que l'arrêt retient que, dans sa lettre du 20 novembre 2002, répondant à la demande d'analyse de la société sur la validité du brevet de M. X..., M. Y...a indiqué que « l'exploitation du bloc proposé ne faisait courir aucun risque de contrefaçon », et a ainsi émis un avis dépourvu de la moindre réserve sur le risque de contrefaçon, empêchant le client d'évaluer correctement le risque inhérent à la mise en oeuvre de tout nouveau produit ; qu'il ajoute qu'au vu de cet avis, la société a commercialisé un objet contrefaisant et a été condamnée de ce chef ; que, de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a pu déduire que M. Y...avait commis une faute en lien direct avec le dommage subi par la société, qu'il lui incombait de réparer ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur la seconde branche du moyen :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que, pour juger que le préjudice de la société devait être évalué au montant des dommages-intérêts alloués à M. X..., après avoir retenu que M. Y...avait commis une faute en lien direct avec le dommage subi par la société, l'arrêt relève qu'aucune décision de justice n'a ordonné le rappel des blocs de béton commercialisés, et que le dossier de la société est dépourvu de toute analyse comptable sur les pertes générées par l'arrêt de la commercialisation, eu égard à l'amortissement sur la période, aux frais d'étude et de fabrication, et au chiffre d'affaires réalisé, que la décision de justice ne remet pas en cause ;

Qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la commercialisation des produits litigieux n'avait pas engendré des bénéfices pour la société, alors que la détermination d'un préjudice suppose la prise en compte des avantages que le demandeur à l'action a pu retirer de la situation dommageable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. Y...à payer à la société Sobefa la somme de 42 257, 53 euros, à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 17 mars 2015, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne la société Sobefa aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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