vendredi 19 décembre 2014

Défaut "minime" d'implantation de la maison - conséquences

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 9 décembre 2014
N° de pourvoi: 13-10.072
Non publié au bulletin Cassation partielle

M. Terrier (président), président
Me Le Prado, SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 30 octobre 2012), que Mme X... a conclu avec la société Maisons Clairvie un contrat de construction de maison individuelle ; que les travaux ont été réceptionnés avec réserves ; que Mme X... a assigné la société Maisons Clairvie aux fins d'expertise puis, au fond, en condamnation, à titre principal, au paiement des sommes nécessaires à la démolition et reconstruction de la maison, et à titre subsidiaire, au paiement de dommages et intérêts au titre de la réparation des préjudices subis et de la reprise des désordres ; que, reconventionnellement, la société Maisons Clairvie a demandé la condamnation de Mme X... au paiement d'un solde de factures ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à démolition-reconstruction de l'immeuble mais à indemnisation pour des non-conformités contractuelles non rédhibitoires n'entraînant aucune impropriété, alors, selon le moyen :

1°/ que la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec des dommages-intérêts ; que la cour d'appel, pour dire n'y avoir lieu à démolition-reconstruction de cet immeuble mais bien à simple indemnisation du maître de l'ouvrage pour des non-conformités contractuelles non rédhibitoires, n'entraînant aucune impropriété, a retenu que les non-conformités n'étaient pas d'une gravité telle qu'elles nécessitaient une démolition de la construction et sa reconstruction ; qu'en statuant ainsi, et tout en relevant des « non-conformités irrémédiables sauf à démolir la construction pour la reconstruire différemment », la cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil ;

2°/ que tenus, à peine de nullité, de motiver leur décision, les juges ne peuvent se fonder sur des motifs dubitatifs ou hypothétiques ; que la cour d'appel, pour dire n'y avoir lieu à démolition-reconstruction de cet immeuble mais bien à simple indemnisation du maître de l'ouvrage pour des non-conformités contractuelles non rédhibitoires, n'entraînant aucune impropriété, a retenu que les plans n'apparaissaient pas applicables sur le terrain arasé sans une sérieuse adaptation eu égard à la présence de la cave conservée à la demande expresse du maître de l'ouvrage dont la hauteur ne pouvait être réduite ; qu'en statuant ainsi, en se fondant sur un motif dubitatif quant au caractère applicable des plans, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

3°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; que Mme X..., s'expliquant sur la faisabilité du projet, a fait valoir que contrairement à ce qu'indiquait M. Y..., expert, la conservation de l'ancienne cave permettait de réaliser le rez-de-chaussée au niveau prévu, c'est-à-dire pour respecter sa volonté d'avoir une maison de plain pied, que M. Y... précisait que le constructeur avait « rehaussé le mur existant afin de ménager une hauteur utile convenable dans la cave (2, 05 m) », mais que cette mesure avait été prise à l'endroit où il existait un accotement et que M. Z..., huissier, et M. A... avaient constaté ensemble que si l'on enlevait une partie des déchets de maçonnerie neuve jetés dans la cave par la société Maisons Clairvie, et que l'on effectue une mesure hors de cette bordure, la hauteur de la cave sur sa majeure partie était d'environ 2, 52 mètres et en tout état de cause supérieure à 2 mètres ; qu'elle a invoqué et produit les photographies prises après démolition,- le procès-verbal de constat établi par M. François Z..., huissier de justice, le 23 février 2009, et le rapport de M. A... ; que la cour d'appel, pour dire n'y avoir lieu à démolition-reconstruction de cet immeuble mais bien à simple indemnisation du maître de l'ouvrage pour des non-conformités contractuelles non rédhibitoires, n'entraînant aucune impropriété, a retenu que les plans n'apparaissaient pas applicables sur le terrain arasé sans une sérieuse adaptation eu égard à la présence de la cave conservée à la demande expresse du maître de l'ouvrage dont la hauteur ne pouvait être réduite ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur les éléments démontrant l'absence de nécessité d'adapter les plans et de rehausser la cave, la cour d'appel a méconnu les articles 455 du code de procédure civile et 1353 du code civil ;

4°/ que tenus, à peine de nullité, de motiver leur décision, les juges ne peuvent se fonder sur des motifs dubitatifs ou hypothétiques ; que la cour d'appel, pour dire n'y avoir lieu à démolition-reconstruction de cet immeuble mais bien à simple indemnisation du maître de l'ouvrage pour des non-conformités contractuelles non rédhibitoires, n'entraînant aucune impropriété, a retenu que Mme X... s'était bien appropriée cette maison en y emménageant et en y faisant d'importants investissements de confort qui paraissaient exclure de sa part une réelle volonté de démolition-reconstruction : aspiration centralisée, peintures, papiers peints, parquet dans les chambres, placard, carrelage ; qu'en statuant ainsi, par un motif dubitatif, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

5°/ que Mme X..., ayant clairement invoqué son absence d'accord quant aux modifications apportées, a fait valoir qu'elle s'était trouvée dans l'obligation de prendre possession des lieux parce qu'après avoir payé pendant sept mois un garde-meuble, elle ne pouvait assumer en même temps un crédit relais, un logement pour la famille et des frais de procédure, qu'eu égard à la durée des procédures et au coût d'un relogement d'attente, elle n'avait pas d'autre option que d'habiter les lieux, que la suite des événements ne lui avait pas donné tort puisque la procédure avait débuté depuis bientôt six ans ; que les carrelages et les parquets avaient été commandés depuis le début du chantier, et que les papiers peints ainsi que les placards avaient été posés plus tardivement simplement pour rendre la maison vivable (ibid.) ; que la cour d'appel, pour dire n'y avoir lieu à démolition-reconstruction de cet immeuble mais bien à simple indemnisation du maître de l'ouvrage pour des non-conformités contractuelles non rédhibitoires, n'entraînant aucune impropriété, a retenu que Mme X... s'était bien appropriée cette maison en y emménageant et en y faisant d'importants investissements de confort qui paraissaient exclure de sa part une réelle volonté de démolition-reconstruction : aspiration centralisée, peintures, papiers peints, parquet dans les chambres, placard, carrelage ; qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur la nécessité pour Mme X... de se loger, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences des articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

6°/ que la renonciation ne peut être déduite que d'actes positifs manifestant sans équivoque la volonté de renoncer ; que la cour d'appel, pour dire n'y avoir lieu à démolition-reconstruction de cet immeuble mais bien à simple indemnisation du maître de l'ouvrage pour des non-conformités contractuelles non rédhibitoires, n'entraînant aucune impropriété, a retenu que Mme X... s'était bien appropriée cette maison en y emménageant et en y faisant d'importants investissements de confort qui paraissaient exclure de sa part une réelle volonté de démolition-reconstruction : aspiration centralisée, peintures, papiers peints, parquet dans les chambres, placard, carrelage ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser une renonciation de Mme X... a obtenir la réalisation d'une maison conforme aux prévisions contractuelles, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que le défaut d'implantation altimétrique ne faisait qu'accentuer une différence d'altitude qui devait exister « de toute manière », que l'écart de niveau entre le sol du garage et celui de la cuisine constituait une différence de nature et non de degré par rapport à l'origine, la maison ne pouvant être considérée comme devant être de plain pied sur le plan, que le défaut d'implantation en mitoyenneté était minime, de même que les différences par rapport au projet, de la hauteur sous plafond du séjour, de la largeur de la cuisine et enfin de la surface totale de la maison, et relevé que l'expert insistait sur le fait que la maison était parfaitement habitable et ne souffrait d'aucun vice rédhibitoire, la cour d'appel a, par ces seuls motifs, pu en déduire que la demande en paiement de la somme nécessaire à la démolition et reconstruction de l'immeuble n'était pas justifiée ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé :

Attendu qu'ayant souverainement retenu que le contrat ne prévoyait pas la réalisation de modénatures qui ne figuraient ni au descriptif de la maison ni dans les plans de façade et d'exécution, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu retenir que l'absence de réalisation des modénatures ne donnait pas lieu à réduction de la somme due à la société Maisons Clairvie ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa quatrième branche :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que pour condamner la société Maisons Clairvie à payer la somme de 3 000 euros à Mme X... en réparation de son préjudice moral, l'arrêt retient que le constructeur doit réparer l'ensemble des dommages causés à son cocontractant sur la base du comportement d'un maître de l'ouvrage ordinaire et non en fonction d'une prédisposition dépressive hors norme ;

Qu'en statuant ainsi, sans apprécier le préjudice de Mme X... par rapport à sa situation personnelle et concrète, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 1149 du code civil et le principe de réparation intégrale du préjudice ;

Attendu que condamner la société Maisons Clairvie à payer à Mme X..., en réparation des ses divers préjudices matériels, les sommes de 10 000 euros (au titre du défaut d'implantation altimétrique), 3 000 euros (au titre du dénivelé entre le séjour et le garage), 600 euros (au titre de la dimension de la cuisine), 10 000 euros (au titre de la hauteur sous-plafond non conforme), 4 565 euros (au titre de la surface manquante de l'ensemble de la construction), 6 000 euros (au titre des menus désordres) et rejeter la demande au titre de l'erreur d'implantation par rapport à la limite séparative ouest, l'arrêt retient qu'en l'absence de toute estimation des moins-values par un professionnel de l'immobilier comme aurait dû le faire Mme X..., qui a la charge de la preuve de la réalité de son préjudice, la juridiction est contrainte à une évaluation forfaitaire à minima ;

Qu'en procédant à une évaluation forfaitaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le troisième moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 1184 du code civil ;

Attendu que l'arrêt condamne Mme X... au paiement de la pénalité contractuelle de 1 % par mois à compter du 30 novembre 2009 ;

Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les non-conformités, dont elle avait relevé l'existence, ne justifiaient pas le refus de paiement de Mme X... au titre de l'exception d'inexécution, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :

- condamne la société Maisons Clairvie à payer à Mme X... les sommes suivantes en réparation de ses divers préjudices matériels et moraux : 10 000 euros (défaut d'implantation altimétrique), 3 000 euros (dénivelé séjour/ garage) ; 600 euros (dimension de la cuisine) 10 000 euros (hauteur sous plafond non-conforme), 4 565 euros (surface manquante), 6 000 euros (menus désordres) outre indexation en fonction de la variation de l'indice BT 01 de la construction du jour du dépôt du rapport au jour du parfait paiement et 3 000 euros au titre du préjudice moral ;

- rejette la demande au titre de l'implantation par rapport à la limite séparative ouest ;


- condamne Mme X... à payer les intérêts au taux contractuel de 1 % par mois à compter du 30 novembre 2009, l'arrêt rendu le 30 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne la société Clairvie représentée par la société Buisine Naterme et MDP, ès qualités, aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


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