samedi 16 janvier 2016

La jurisprudence sur la responsabilité du diagnostiqueur commentée par la Cour de cassation...

Bulletin d’information n° 834 du 15 janvier 2016

EN QUELQUES MOTS JURISPRUDENCE EN QUELQUES MOTS

Statuant en matière de prestation de compensation du handicap, prestation versée par le département et qui a “notamment pour objet de financer les surcoûts liés au handicap dans la vie quotidienne” (Laurence Lazerges-Cousquer, D. 2015, chron., p. 1805), la deuxième chambre civile a jugé, le 2 juillet (infra, n° 69), que cette dernière, “n’étant pas mentionnée dans la liste des prestations de l’article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, [...] ne donne pas lieu à recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation et à imputation sur le montant du préjudice devant être indemnisé par celle-ci”, ceci dans la mesure où, selon Laurence Lazerges-Cousquer (op. cit.), “il est jugé par la Cour de cassation en droit commun qu’il résulte des articles 29 et 33 de la loi du 5 juillet 1985 que seules doivent être imputées sur l’indemnité réparant l’atteinte à l’intégrité physique de la victime les prestations versées par des tiers payeurs qui ouAvrent droit, au profit de ceux-ci, à un recours subrogatoire contre la personne tenue à réparation”.

Le 7 juillet, la chambre commerciale a jugé (infra, n° 82) que “la recevabilité de la demande de révocation du liquidateur, formée sur le fondement de l’article L. 237-25 du code de commerce, n’est pas subordonnée à la saisine préalable, aux fins d’injonction, du président du tribunal statuant en référé en application de l’article L. 238-2 du même code”, solution qui, selon Vincent Thomas (D. 2015, p. 1885), permet d’éviter “les procédures en cascade” (“il n’est pas nécessaire d’agir en injonction d’accomplir les formalités négligées par le liquidateur pour saisir le juge de sa révocation”) et, ainsi, “favorise le respect du délai de trois ans dans lequel est enfermée la liquidation”, se conformant “au réalisme qui semble avoir inspiré les rédacteurs de l’article L. 237-25 : l’auteur de telles négligences n’est pas digne de confiance pour mener à bien la réalisation de l’actif et l’apurement du passif social”.

Le lendemain (infra, n° 58), la première chambre civile a jugé que “Le légataire universel a la qualité pour agir en nullité d’un acte à titre onéreux sur le fondement de l’article 489-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2007-308 du 5 mars 2007.” Pour Nathalie Levillain (AJ Famille 2015, p. 501), la jurisprudence “ne semble pas prête à admettre d’autres possibilités de révocation tacite” d’un testament que les hypothèses prévues par les articles 1036 et 1038 du code civil et celle de la “destruction volontaire de l’original du testament par le testateur ou sur son ordre” prévue par jurisprudence, l’auteur ajoutant qu’“en application du principe de correspondance des formes, la révocation d’un testament ne peut être faite dans une donation” et que, “pour limiter les risques et éviter les conséquences d’un décès prématuré, le notaire aurait dû conseiller à son client soit d’établir un testament authentique, soit de rédiger un testament olographe immédiatement après la signature de l’acte de donation”.

Le même jour, la chambre mixte a jugé qu’“il résulte de l’article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation que le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l’acte authentique de vente d’un immeuble garantit l’acquéreur contre le risque mentionné au 3° du deuxième alinéa du I de ce texte et que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n’a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l’art, et qu’il se révèle erroné”, approuvant la cour d’appel qui, “ayant relevé que les investigations insuffisantes du diagnostiqueur n’avaient pas permis que les acquéreurs soient informés de l’état véritable d’infestation parasitaire de l’immeuble et retenu que ceux-ci avaient été contraints de réaliser des travaux pour y remédier”, “a déduit exactement de ces seuls motifs que les préjudices matériels et de jouissance subis par les acquéreurs du fait du diagnostic erroné avaient un caractère certain et que l’assureur du diagnostiqueur leur devait sa garantie”.

VENTEImmeuble. - Termites. - Recherche de la présence de termites. - Fourniture d’un diagnostic technique. - Conséquences. - Détermination.Il résulte de l’article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation que le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l’acte authentique de vente d’un immeuble garantit l’acquéreur contre le risque mentionné au 3° du deuxième alinéa du I de ce texte et que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n’a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l’art, et qu’il se révèle erroné.
Ayant relevé que les investigations insuffisantes du diagnostiqueur n’avaient pas permis que les acquéreurs soient informés de l’état véritable d’infestation parasitaire de l’immeuble et retenu que ceux-ci avaient été contraints de réaliser des travaux pour y remédier, une cour d’appel a déduit exactement de ces seuls motifs que les préjudices matériels et de jouissance subis par les acquéreurs du fait du diagnostic erroné avaient un caractère certain et que l’assureur du diagnostiqueur leur devait sa garantie.

ARRÊT
La cour de cassation, siégeant en chambre mixte, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société MMA IARD, société anonyme, dont le siège est 14 boulevard Marie et Alexandre Oyon, 72030 Le Mans cedex 9,
contre l’arrêt rendu le 26 septembre 2013 par la cour d’appel de Montpellier (1re chambre, section AO1), dans le litige l’opposant :
1/ à M. Antoon X...,
2/ à Mme Léonie Z... épouse X...,
domiciliés tous deux (...), 34310 Quarante,
3/ à la société Verdier et associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est 16 rue Georges Durand, 34490 Murviel-lès-Béziers,
4/ à M. Henri Y..., domicilié (...), 34350 Valras-Plage,

défendeurs à la cassation ;
Par arrêt du 18 février 2015, la troisième chambre civile a renvoyé le pourvoi devant une chambre mixte. Le premier président a, par ordonnance du 22 juin 2015, indiqué que cette chambre mixte sera composée des première, deuxième, troisième chambres civiles et de la chambre commerciale, financière et économique ;
La demanderesse invoque, devant la chambre mixte, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;
Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de la société MMA IARD ;
Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme X... ;
La SCP de Nervo et Poupet s’est constituée pour la société Verdier et associés ;
La SCP Baraduc, Duhamel et Rameix s’est constituée pour M. Y... ;
Le rapport écrit de M. Guérin, conseiller, et l’avis écrit de M. Charpenel, premier avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;
(...)
Sur le rapport de M. Guérin, conseiller, assisté de Mme Konopka, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton, de la SCP Piwnica et Molinié, l’avis de M. Charpenel, premier avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n’ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la société MMA IARD (la société MMA) du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Verdier et associés et M. Y... ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Montpellier, 26 septembre 2013), que M. et Mme X..., qui ont acquis de M. Y... un bien immobilier à usage d’habitation, ont eu communication, avant la vente, des états parasitaires établis par la société Hérault diagnostic immobilier (la société HDI) ; qu’ayant découvert, à l’occasion de travaux, un état avancé d’infestation de termites, M. et Mme X... ont, après expertise judiciaire, assigné en indemnisation de leurs préjudices M. Y..., la société Verdier et associés, agence immobilière par l’entremise de laquelle ils avaient acquis le bien, et la société MMA, assureur de responsabilité de la société HDI, entre-temps mise en liquidation judiciaire ;
Attendu que la société MMA fait grief à l’arrêt de la condamner à payer diverses sommes à M. et Mme X... en réparation de leurs préjudices matériels et de jouissance alors, selon le moyen, que les conséquences d’un manquement à un devoir d’information et de conseil ne peuvent s’analyser qu’en une perte de chance dès lors que la décision qu’aurait prise le créancier de l’obligation d’information et les avantages qu’il aurait pu obtenir, s’il avait été mieux informé, ne sont pas établis de manière certaine ; qu’en relevant, pour condamner la société MMA à payer à M. et Mme X... le montant de l’intégralité des travaux de reprise des dégâts causés par l’attaque des termites dont la présence n’avait été décelée que partiellement par l’assuré de la société MMA, que si M. et Mme X... “avaient connu l’ampleur des dégâts causés par l’infestation des insectes xylophages, ils auraient négocié la vente avec leur vendeur en tenant compte du coût des travaux de réparation desdits dégâts” bien que de tels motifs ne soient pas de nature à établir que, mieux informés, M. et Mme X..., qui avaient déjà connaissance de la présence de termites, même s’ils ignoraient l’ampleur exacte de leur attaque, auraient pu obtenir du vendeur une diminution du prix équivalente au coût des travaux de réparation, la cour d’appel a violé l’article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu’il résulte de l’article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation que le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l’acte authentique de vente d’un immeuble garantit l’acquéreur contre le risque mentionné au 3° du deuxième alinéa du I de ce texte et que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n’a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l’art, et qu’il se révèle erroné ; qu’ayant relevé que les investigations insuffisantes de la société HDI n’avaient pas permis que les acquéreurs soient informés de l’état véritable d’infestation parasitaire de l’immeuble et retenu que ceux-ci avaient été contraints de réaliser des travaux pour y remédier, la cour d’appel a déduit exactement de ces seuls motifs que les préjudices matériels et de jouissance subis par M. et Mme X... du fait de ce diagnostic erroné avaient un caractère certain et que la société MMA, assureur de la société HDI, leur devait sa garantie ; que le moyen n’est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.
Ch. mixte, 8 juillet 2015 REJET
N° 13-26.686. - CA montpellier, 26 septembre 2013.
M. Louvel, P. Pt. - M. Guérin, Rap., assisté de Mme Konopka, auditeur. - M. Charpenel, P. Av. Gén. - SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Piwnica et Molinié, Av.
Un commentaire de cette décision est paru dans la Gaz. Pal. 2015, 1, p. 8, note Marc Mignot. Voir également cette même revue, 1, p. 19, note Mustapha Mekki, le D. 2015, somm., p. 1489, cette même revue, p. 2155, note Vincent Mazeaud, le JCP 2015, éd. G, II, 1088, note Yves-Marie Serinet, la RLDC 2015, n° 5967, note Charlotte Guillemin, la revue Ann. loyers, septembre 2015, p. 83, note Christelle Coutant-Lapalus, la revue Contrats, conc. consom. 2015, comm. n° 253, note Laurent Leveneur, et la RJDA 2015, n° 792.

Note sous chambre mixte, 8 juillet 2015Depuis 1996 (décret n° 96-97 du 7 février 1996 relatif à la protection de la population contre les risques sanitaires liés à une exposition à l’amiante dans les immeubles bâtis), le législateur a multiplié les diagnostics techniques que le propriétaire d’un immeuble bâti doit remettre à l’acquéreur de son bien. Ces diagnostics portent aujourd’hui sur le risque d’exposition au plomb, la présence d’amiante, la présence de termites, l’état de l’installation intérieure de gaz et d’électricité et la performance énergétique. Ils sont regroupés dans un “dossier de diagnostic technique” (article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation), qui doit également contenir le document établi à l’issue du contrôle des installations d’assainissement non collectif et, dans certaines zones géographiques, un état des risques naturels et technologiques ainsi qu’une information sur la présence d’un risque de mérule.
La sanction de la non-remise de la plupart des états ainsi requis est l’impossibilité pour le vendeur de s’exonérer de la garantie des vices cachés (article L. 271-4, II, du code de la construction et de l’habitation) (ce n’est pas le cas du diagnostic de performance énergétique, qui n’a qu’une valeur indicative, et de l’état des risques naturels et technologiques, dont l’absence lors de la signature de l’acte authentique permet à l’acquéreur de demander la résolution du contrat ou une diminution de prix. La loi ne prévoit pas de sanction pour la non-transmission de l’information sur le risque de présence de mérule, qui ne nécessite pas un véritable diagnostic individualisé de l’immeuble). Mais, en cas d’inexactitude d’un ou plusieurs diagnostics, le vendeur, s’il est de bonne foi, est utilement protégé par la clause exonératoire stipulée au contrat. Son obligation se limite à transmettre à l’acquéreur l’information qui lui a été fournie par le diagnostiqueur (3e Civ., 23 septembre 2009, pourvoi n° 08-13.373, Bull. 2009, III, n° 204 ; voir, dans le même sens, 3e Civ., 6 juillet 2011, pourvoi n° 10-18.882, Bull. 2011, III, n° 126 ; 3e Civ., 16 décembre 2014, pourvoi n° 13-17.469).
L’acquéreur ayant reçu une information erronée n’a donc souvent d’autre choix que de rechercher la responsabilité délictuelle du diagnostiqueur, en raison du dommage que lui cause la mauvaise exécution par le technicien du contrat qu’il a conclu avec le vendeur, ou son agence immobilière (assemblée plénière, 6 octobre 2006, pourvoi n° 05-13.255, Bull. 2006, Ass. plén., n° 9).
La question s’est posée de la nature du préjudice dont l’acquéreur peut demander réparation au technicien. S’agit-il d’un préjudice certain, dont le montant correspond au coût des travaux permettant de remédier au vice non révélé, ou, compte tenu de l’incertitude pesant sur la situation qui aurait été celle de la victime si elle avait été parfaitement informée, consiste-t-il en une perte de chance, celle d’avoir pu acquérir le bien à des conditions plus avantageuses, tenant compte du coût des réparations nécessaires, ou même d’avoir pu renoncer à cette acquisition ?
La troisième chambre civile, compétente en matière immobilière, juge régulièrement
qu’est certain et correspond au coût des travaux de réparation nécessaires le préjudice résultant d’une mauvaise information de l’acquéreur par le professionnel (3e Civ., 26 septembre 2001, pourvoi n° 99-21.764, pour des capricornes ; 3e Civ., 23 mai 2007, pourvoi n° 06-13.656, pour la présence de plomb [il faut cependant noter que, dans cette affaire, le pourvoi n’évoquait pas la notion de perte de chance], 3e Civ., 12 septembre 2012, pourvoi n° 11-18.122, pour des termites).
Si, dans un arrêt du 8 février 2012 (pourvoi n° 10-27.250), la troisième chambre civile a retenu que la cour d’appel avait pu estimer que, “par ses fautes, [le diagnostiqueur] avait fait perdre une chance [à l’acquéreur] d’avoir son attention suffisamment attirée sur les désordres présents de l’immeuble, sur la nécessité de le visiter intégralement et de se renseigner sur le coût des travaux de remise en état” et le condamner à indemniser l’acquéreur du préjudice en découlant, elle a, plus récemment, approuvé la décision d’une cour d’appel qui, ayant retenu que, “du fait de la présence d’amiante dans les murs et le plafond de la pièce principale de l’immeuble, il n’était pas possible de procéder à des travaux sans prendre des mesures particulières très contraignantes et onéreuses, tant pour un simple bricolage que pour des travaux de grande envergure, et qu’il fallait veiller à l’état de conservation de l’immeuble, afin d’éviter tout risque de dispersion de l’amiante dans l’air [...], a caractérisé la certitude du préjudice résultant de la présence d’amiante [et] a pu en déduire que le préjudice de [l’acquéreur] correspondait au coût des travaux de désamiantage” (3e Civ., 21 mai 2014, pourvoi n° 13-14.891, Bull. 2014, III, n° 70).
La troisième chambre civile se montre également exigeante sur la motivation des décisions des juges du fond relative au lien de causalité. Elle a ainsi censuré un arrêt ayant retenu que la faute du diagnostiqueur était sans lien direct avec le préjudice consistant dans la moindre valeur de l’immeuble en jugeant “qu’en statuant ainsi, par un motif dont ne résulte pas l’absence d’un lien de causalité entre la faute imputée [au diagnostiqueur] et le préjudice de [l’acquéreur], la cour d’appel a violé [l’article 1382 du code civil]” (3e Civ., 28 janvier 2003, pourvoi n° 01-13.875 ; voir, dans le même sens, 3e Civ., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-17.422).
La première chambre civile, appelée à statuer sur le préjudice causé à l’acquéreur par le diagnostiqueur de performance énergétique ayant sous-estimé le coût annuel du chauffage, a, dans un arrêt du 20 mars 2013 (pourvoi n° 12-14.711), jugé pour sa part que “les conséquences d’un manquement à un devoir d’information et de conseil ne peuvent s’analyser qu’en une perte de chance dès lors qu’il n’est pas certain que, mieux informé, le créancier de l’obligation d’information se serait trouvé dans une situation différente et plus avantageuse”. D’autres décisions, rendues par cette même chambre dans des domaines voisins, analysent également le préjudice de l’acquéreur mal informé en une perte de chance, en raison de l’incertitude sur la situation qui aurait été la sienne si le fait dommageable ne s’était pas produit (1re Civ., 12 décembre 2007, pourvoi n° 06-16.920, pour la responsabilité d’un expert immobilier consulté, avant l’achat, sur le coût des réparations à effectuer ; 1re Civ., 9 décembre 2010, pourvoi n° 09-69.490, Bull. 2010, I, n° 255, pour la responsabilité d’intermédiaires immobiliers sur les conditions de réalisation de la rénovation dont le bien avait fait l’objet avant la vente).
La deuxième chambre civile, statuant sur un arrêt ayant retenu que la faute du diagnostiqueur “a fait subir un préjudice certain et direct aux acquéreurs qui, pour remédier à la situation et pallier le risque non décelé par l’opérateur de repérage, devront supporter le coût de travaux de désamiantage et que c’est donc à tort que [le diagnostiqueur] et son assureur soutiennent que [les acquéreurs] pouvaient seulement se prévaloir d’une perte de chance d’une meilleure négociation du prix d’achat”, a jugé “qu’en statuant ainsi, alors que les travaux de désamiantage non obligatoires au regard de la réglementation alors en vigueur ne constituaient pas un préjudice certain, la cour d’appel a violé [l’article 1382 du code civil]” (2e Civ., 25 février 2010, pourvoi n° 08-12.991).
C’est pour mettre fin à ces différences d’appréciation, que l’on retrouve aussi devant les juridictions du fond, que la chambre mixte a été saisie, sur renvoi de la troisième chambre civile, du pourvoi formé contre un arrêt qui, pour condamner l’assureur de responsabilité d’un diagnostiqueur ayant établi un état parasitaire erroné à payer aux acquéreurs diverses sommes correspondant au coût des travaux de réparation des dégâts causés par les termites et à la privation de jouissance, avait retenu que, si les acquéreurs avaient connu l’ampleur de ces dégâts, ils auraient négocié la vente avec leur vendeur en tenant compte du coût des travaux de réparation nécessaires.
Le moyen faisait valoir que ce motif n’est pas de nature à établir que, mieux informés, les acquéreurs auraient pu négocier avec le vendeur une diminution du prix équivalente au coût des travaux de réparation. Selon le grief, les conséquences d’un manquement à un devoir d’information et de conseil ne peuvent s’analyser qu’en une perte de chance dès lors que la décision qu’aurait prise les acquéreurs et, surtout, les avantages qu’ils auraient pu obtenir s’ils avaient été mieux informés ne sont pas établis de manière certaine. Le mémoire en défense répliquait que le diagnostiqueur n’est pas tenu exclusivement d’une obligation d’information et de conseil mais d’une obligation de résultat et qu’à ce titre, il doit réparer l’entier préjudice à l’origine duquel se trouve l’inexécution de cette obligation.
L’arrêt ici commenté retient que le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l’acte authentique de vente d’un immeuble garantit l’acquéreur contre le risque de présence de termites et, au terme d’un contrôle “lourd”, approuve la décision de la cour d’appel qui, pour retenir que le préjudice des acquéreurs, correspondant au coût des travaux de réparation des conséquences du vice non révélé et à la privation de jouissance, présentait un caractère certain, a relevé que les investigations insuffisantes du diagnostiqueur n’avaient pas permis aux acquéreurs d’être informés de l’état véritable d’infestation parasitaire de l’immeuble et que ces travaux étaient nécessaires, ces motifs étant jugés suffisants.
La chambre mixte ne retient donc pas la thèse de la perte de chance. Dès lors, il n’y a pas lieu de se demander si, mieux informés, les acquéreurs auraient pu obtenir du vendeur une réduction de prix correspondant, totalement ou partiellement, au coût des travaux de réparation des dégâts causés par les insectes.
La solution permet également de dépasser la difficulté relative au lien de causalité entre l’erreur du diagnostiqueur, qui n’est pas à l’origine du défaut de l’immeuble, et le préjudice. Le diagnostiqueur ayant délivré une information inexacte doit être condamné à réparer un dommage qu’il n’a pas causé mais que sa négligence a empêché la victime d’éviter. Comme le relève un auteur, on passe ainsi “d’une logique de responsabilité à une logique de garantie” (Ph. Stoffel-Munck, “Responsabilité civile, Chronique”, JCP, éd. G, n° 51, 15 décembre 2014, doctr. 1323, B, 3).
En apportant la précision que la responsabilité du diagnostiqueur se trouve engagée lorsque le diagnostic n’a pas été réalisé conformément aux normes édictées et aux règles de l’art et qu’il se révèle erroné, la chambre mixte rappelle qu’on ne saurait reprocher à un technicien de ne pas avoir révélé des vices qui ne faisaient pas partie de sa mission, confirmant une solution retenue dans le domaine voisin du contrôle technique automobile (Com., 13 mars 2012, pourvoi n° 11-14.459, Bull. 2012, IV, n° 54). Le diagnostiqueur n’est tenu que dans la limite de ses obligations de contrôle.
L’arrêt de la chambre mixte s’inscrit dans le sens du renforcement de la sécurité des transactions immobilières et de la protection des acquéreurs voulu par le législateur, qui non seulement a étendu les domaines dans lesquels un diagnostic technique devait être remis à l’acquéreur d’un immeuble bâti, mais aussi encadré strictement l’activité des diagnostiqueurs, en leur imposant des garanties de compétence, d’indépendance et d’impartialité et en les obligeant à souscrire une assurance de responsabilité (article L. 271-6 du code de la construction et de l’habitation).

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