mardi 15 novembre 2016

Responsabilité décennale - tromperie sur la qualité de propriétaire - recours en révision

Voir notes :

- Ajaccio, DP EL assurances, 2016, bull. n° 264, p. 5.
- Defferrard, SJ G 2016, p. 2321. 
- JP Karila, RGDA 2017, p. 44.
Note Pagès-de-Varenne, Constr. urb. 2017-1, p. 26. 
Note Ajaccio, Caston et Porte, GP 2017, n° 9, p. 64.

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 10 novembre 2016
Note Ajaccio, Caston et Porte, GP 2017, n° 9, p. 64. 

N° de pourvoi: 14-25.318
Publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 17 juillet 2014), que, le 4 novembre 2004, M. et Mme X... ont acheté la maison que les consorts Y... avaient fait construire courant 1999 ; que, se plaignant en 2005 de l'inondabilité de la chaufferie et du garage, ils ont obtenu, par un arrêt du 6 décembre 2011, la condamnation des vendeurs, du constructeur et de son assureur, la société MMA, à leur verser diverses sommes en réparation de leurs préjudices ; que, les 10 et 11 mai 2012, M. Y... et Marine Y..., alors mineure (les consorts Y...), ont assigné M. et Mme X..., l'entrepreneur et la société MMA en révision de cet arrêt, en exposant que, lors de cette décision, M. et Mme X..., qui avaient reçu les sommes allouées par le tribunal au titre de l'exécution provisoire, n'étaient plus propriétaires de l'immeuble qu'ils avaient revendu le 15 mars 2011 à M. et Mme Z... ; que ceux-ci ont été appelés en intervention forcée dans l'instance par M. et Mme X... ; que, Gérard X... étant décédé en août 2014, Mme X... agit « tant en son nom propre qu'en qualité d'attributaire de la communauté universelle » ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de Mme X..., pris en ses sept premières branches :
Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt de rejeter l'exception de nullité formée à l'encontre du recours en révision de Marine Y..., de déclarer ce recours recevable, de rétracter l'arrêt du 6 décembre 2011 en ses dispositions lui ayant alloué des sommes au titre de la réfection des désordres et de l'indisponibilité des lieux pendant les travaux, de déclarer recevable l'intervention forcée de M. et Mme Z... et de la condamner à restituer à la société MMA les sommes reçues à ce titre et à lui verser ainsi qu'à M. et Mme Z... des dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ que le recours en révision est formé par citation dans un délai de deux mois à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu'elle invoque et que l'irrégularité de fond affectant la validité d'un acte de procédure ne peut être couverte après l'expiration du délai d'action ou du délai de recours ; que la cour d'appel a relevé que la cause de révision avait été connue le 13 mars 2012 ; qu'en ne recherchant pas si les citations aux fins de révision délivrées les 10 et 11 mai 2012 à la requête d'un mineur et donc nulles de ce fait, avaient été régularisées avant le 13 mai 2012, pour se fonder sur des considérations inopérantes prises de ce que M. Y... avait agi en révision par conclusions du 8 mai 2014 tant en son nom personnel qu'en tant que représentant de sa fille Marine née le 18 novembre 1996, que la nullité avait été couverte et que sa cause avait disparu au jour où elle statuait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 117, 122, 596 et 598 du code de procédure civile ;
2°/ que le recours en révision est formé par citation dans un délai de deux mois à compter du jour où la partie a eu connaissance de la cause de révision qu'elle invoque et que toutes les parties au jugement attaqué doivent être appelées à l'instance en révision par l'auteur du recours, à peine d'irrecevabilité ; qu'en déclarant recevable le recours en révision émanant de M. Y..., tout en ayant constaté, d'une part, que la citation aux fins de révision en date des 10 et 11 mai 2012 l'avait été à la requête de M. Y... et de la mineure Marine Y..., mais que cette dernière n'était représentée en la cause par son représentant légal que depuis le 8 mai 2014, et donc postérieurement au 13 mai 2012 et, d'autre part, que la cause de révision était connue depuis le 13 mars 2012, la cour d'appel a violé les articles 596, 597 et 598 du code de procédure civile ;
3°/ qu'il incombe au demandeur en révision de rapporter la preuve de la date à laquelle il a eu connaissance du fait qu'il invoque à l'appui de son recours et que nul ne saurait se constituer une preuve à lui-même ; qu'en retenant la date du 13 mars 2012 pour cela que « les consorts Y... affirment, sans être contredits, avoir eu connaissance de ce changement de propriétaire le 13 mars 2012 au cours des opérations d'expertise ordonnée dans une affaire connexe », cependant que la simple reprise par un expert des déclarations des consorts X... ne pouvait valoir preuve desdites déclarations, la cour d'appel a violé l'article 596 du code de procédure civile ;
4°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, que ces prétentions sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense et qu'il incombe au demandeur en révision de rapporter la preuve de la date à laquelle il a eu connaissance du fait qu'il invoque à l'appui de son recours ; qu'en retenant la date du 13 mars 2012 pour cela que les consorts Y... affirmaient « sans être contredits », avoir eu connaissance de ce changement de propriétaire le 13 mars 2012 au cours des opérations d'expertise ordonnée dans le cadre d'une procédure les opposants aux consorts A..., cependant que les consorts X... faisaient valoir que les demandeurs à la révision ne justifiaient pas, si ce n'est sur cette simple affirmation, de la date à laquelle ils avaient eu connaissance du fait qu'ils invoquaient à l'appui de leurs recours, la cour d'appel a modifié l'objet du litige soumis à sa connaissance en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;
5°/ que dès lors qu'il incombe au demandeur en révision de rapporter la preuve de la date à laquelle il a eu connaissance du fait qu'il invoque à l'appui de son recours, il n'appartenait pas aux consorts X... de contredire l'affirmation des consorts Y... mais simplement de la contester, ce qui était le cas ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a présumé la véracité des affirmations des consorts Y... et ainsi inversé la charge de la preuve du fait contesté, en violation des articles 1315 du code civil et 596 du code de procédure civile ;
6°/ que le recours en révision est ouvert pour fraude ; que la fraude n'est pas constituée par une simple abstention, pas plus que par un simple mensonge ; que par suite, en retenant une fraude au cas d'espèce pour cela que les consorts X... n'avaient pas spontanément fait état de la vente de leur bien dans le cadre du procès qui les opposait aux consorts Y..., la cour d'appel a violé l'article 595 du code de procédure civile ;
7°/ qu'en statuant ainsi, cependant que, de surcroît, la vente d'immeuble est un acte faisant l'objet d'une publication, la cour d'appel a violé l'article 595 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que, l'article 2241, alinéa 2, du code civil, ne distinguant pas entre le vice de forme et l'irrégularité de fond, l'assignation, même affectée d'un vice de fond, a un effet interruptif ; qu'ayant constaté que la citation aux fins de révision avait été délivrée les 10 et 11 mai 2012 à la requête de M. Y... et de la mineure Marine Y..., relevé que M. Y... avait, par conclusions du 8 mai 2014, agi en révision tant en son nom personnel qu'en tant que représentant de sa fille mineure Marine, née le 18 novembre 1996, et retenu, sans modifier l'objet du litige, ni inverser la charge de la preuve, par une appréciation souveraine des moyens de preuve qui lui étaient soumis, que les consorts Y... avaient eu connaissance du changement de propriétaire de l'immeuble, le 13 mars 2012, au cours d'opérations d'expertise ordonnée dans une affaire connexe, la cour d'appel en a exactement déduit que la cause de nullité du recours en révision était couverte à la date où elle statuait et que le recours en révision avait été introduit dans le délai légal ;
Attendu, d'autre part, qu'ayant constaté que, le 6 décembre 2011, date à laquelle elle avait statué sur la demande en réparation des désordres de nature décennale affectant l'immeuble de M. et Mme X..., ceux-ci n'en étaient plus propriétaires pour l'avoir revendu le 15 mars 2011, relevé que l'acte de vente ne comportait aucune clause informant les acquéreurs des désordres et malfaçons pour lesquels les vendeurs exerçaient un recours ni de l'indemnisation reçue à titre provisoire ou mettant à la charge des vendeurs les frais de reprise, que M. et Mme X... lui avaient demandé, par trois jeux de conclusions dans lesquelles ils s'étaient toujours domiciliés dans l'immeuble litigieux, notamment par celles du 15 septembre 2011, le paiement d'une somme au titre de ce sinistre et retenu, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, que M. et Mme X... lui avaient dissimulé ainsi qu'aux parties la vente de cet immeuble, sans avoir effectué les travaux pour lesquels ils avaient reçu les sommes allouées par le jugement assorti de l'exécution provisoire, et avaient commis une tromperie délibérée pour fausser la décision de cette juridiction, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, en a exactement déduit que le recours en révision devait être accueilli ;
D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les deux dernières branches du moyen qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la société MMA :
Attendu que la société MMA fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'intervention forcée de M. et Mme Z... et de la condamner à leur payer diverses sommes, alors, selon le moyen :
1°/ que les tiers ne peuvent être appelés en intervention forcée à l'instance en révision d'une décision dans laquelle ils n'étaient pas attraits ; qu'en retenant, pour déclarer recevable l'intervention forcée des époux Z... par les époux X... sur le fondement de l'article 555 du code de procédure civile, que cette intervention était justifiée par l'évolution du litige, quand les époux X... étaient irrecevables à appeler en intervention forcée les époux Z... qui étaient tiers à la décision frappée de recours en révision, la cour d'appel a violé l'article 555 du code de procédure civile par fausse application ;
2°/ que le recours en révision est une voie de rétractation dont le seul objet est qu'il soit à nouveau statué sur le litige dans les limites que lui avaient fixées les parties, et non sur de nouvelles demandes ; qu'en accueillant la demande des époux Z... tendant à ce que les consorts Y..., la société BETC et les MMA soient condamnés à leur payer diverses sommes en réparation des préjudices qu'ils auraient subis, quand, saisie d'un recours en révision, elle ne pouvait connaître d'une telle demande nouvelle formée par des parties qui n'étaient pas présentes à la décision qui lui était déférée, la cour d'appel a violé l'article 593 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'un tiers peut intervenir à une instance en révision ; qu'ayant constaté qu'il avait été révélé, depuis l'arrêt du 6 décembre 2011 par lequel elle avait statué sur la demande d'indemnisation de M. et Mme X... pour les désordres et malfaçons subis par leur immeuble, que ceux-ci n'en étaient plus les propriétaires lors de cette décision, pour l'avoir revendu le 15 mars 2011 à M. et Mme Z..., et relevé que seuls les propriétaires d'un immeuble atteint de désordres étaient fondés à percevoir les indemnisations allouées au titre des désordres matériels et de jouissance pendant la durée des travaux, la cour d'appel en a exactement déduit que l'intervention de M. et Mme Z... à l'instance en révision était recevable en raison de l'évolution du litige ;
D'ou il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme X... à payer la somme de 3 000 euros à M. et Mme Z... ; rejette les autres demandes ;

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