vendredi 28 février 2020

Le Gouvernement prévoit-il de puiser dans les réserves des caisses existantes afin de financer les mesures de lissage destinées à certaines professions libérales et indépendantes ?

Assemblée nationale
XVe législature
Session ordinaire de 2019-2020

Compte rendu
intégral (extrait)

Avertissement : version provisoire mise en ligne à 15:35

Deuxième séance du jeudi 27 février 2020

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico, pour soutenir l’amendement no 24939.
M. Régis Juanico. Je souhaite moi aussi revenir sur des questions posées en fin de matinée et qui n’ont pas reçu de réponses claires et précises. Le Gouvernement prévoit-il de puiser dans les réserves des caisses existantes afin de financer les mesures de lissage destinées à certaines professions libérales et indépendantes ? C’est ce que vous semblez prévoir pour les avocats : la lettre adressée hier par Mme la garde des sceaux à la Caisse nationale des barreaux français – CNBF – évoque la possibilité d’utiliser les produits des réserves financières de cette dernière. M. le secrétaire d’État répète depuis plusieurs jours qu’il n’est pas question de puiser dans les caisses des professions libérales et indépendantes, mais la lettre de Mme la garde des sceaux dit exactement le contraire ! (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Patrick Hetzel. Tout à fait !
M. Boris Vallaud. Vérité en deçà de la Seine…
M. Régis Juanico. À un moment donné, il faut que vous preniez clairement position !
M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?
M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Défavorable à ces amendements de suppression de l’alinéa 12. Nous reviendrons plus longuement, à l’article 58, sur ces sujets qui ont déjà fait l’objet d’explications.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. À ce genre de question, on répond une première fois, puis une deuxième ; à la troisième, on vous reproche de ne pas y avoir tout à fait répondu ; elles reviennent en permanence et ne font pas du tout avancer le débat.(Protestations sur les bancs des groupes SOC et GDR.) Tous ceux qui nous suivent doivent se dire que cela n’est pas possible !
M. Éric Coquerel. Pas au sens où vous l’entendez !
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. La réalité est toujours la même, monsieur Juanico, il n’y a rien de nouveau : les réserves appartiennent à ceux qui les ont constituées ; ils décideront de leur utilisation en fonction des différentes options possibles. Ce n’est pas au Gouvernement d’en décider et cette décision ne figure pas dans le projet de loi.

Je voudrais que l’on me donne acte du fait que j’ai répondu à cette question dix, quinze, vingt, trente fois, et que l’on passe à d’autres questions ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
M. le président. La parole est à M. Éric Coquerel.
M. Éric Coquerel. Nous faisons bien de vous reposer cette question, car vos réponses ne sont jamais tout à fait les mêmes. (Protestations sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Vous dites qu’il appartiendra à ces caisses de décider si elles puisent ou non dans leurs fonds de réserve.
M. Rémy Rebeyrotte. C’est la lettre de la garde des sceaux !
M. Éric Coquerel. Si vous obligez les avocats, pour éviter le plan social qui s’annonce concernant notamment les moins fortunés d’entre eux, à puiser dans leur fonds de réserve…
M. Alain Perea. C’est faux !
M. Éric Coquerel. …pour équilibrer la situation, vous n’en prenez certes pas la responsabilité, mais cela revient au même.
M. Bruno Millienne. C’est un procès d’intention !
M. Éric Coquerel. Ce fonds de réserve repose sur un principe très clair : il permet, en fonction des aléas et de l’évolution du nombre d’avocats du fait des nouveaux arrivants dans la profession, de compenser les coups durs.

Par le présent projet de loi, vous imposez à certains avocats l’alternative suivante : la ruine immédiate, voire la disparition, ce qui laisse sans défense des clients dont nous vous avons dit que la situation financière est souvent fragile, ou la nécessité de puiser dans les fonds de réserve pour tenir quelques années du fait des mesures que vous leur infligez. Il ne vous appartiendra peut-être pas de trancher mais qu’importe : l’une et l’autre solution reviennent au même ! De facto, les avocats devront puiser dans leur fonds de réserve pour assumer les effets de la loi que vous leur imposez !
M. Jean-René Cazeneuve. Ça y est ? C’est bon, on n’y revient plus ?
M. Éric Coquerel. Respirez un bon coup, cher collègue, vous irez mieux !  C’est fait ! » sur les bancs du groupe LaREM.) Et demandez la parole si vous avez quelque chose à dire, argumentez, répondez !
M. le président. La parole est à M. Frédéric Petit.
M. Frédéric Petit. Les avocats demeureront pleinement responsables de leur fonds de réserve. Je vous rappelle que nous avons adopté hier une disposition les autorisant à maintenir les principes et les méthodes de solidarité interne qu’ils appliquent déjà ! Autrement dit, la loi leur permettra de conserver leur système interne de compensation afin que la profession dispose d’un fonds de solidarité et qu’elle soit libre de faire ce qu’elle veut de ce qui lui appartient. C’est clair, net et précis. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et LaREM.)
M. le président. La parole est à M. Boris Vallaud.
M. Boris Vallaud. En toute franchise, ça sent l’embrouille… Je relis la lettre de la ministre(Exclamations sur les bancs du groupe MODEM) : le financement de la solidarité « sera assuré par les droits de plaidoirie et leur contribution équivalente » ; soit. Elle ajoute ceci : « La CNBF pourra également utiliser les produits de ses réserves financières. » Or le montant que rapporteront les droits de plaidoirie ne fait pas la maille ! L’augmentation totale des cotisations, de l’ordre de 229 millions d’euros, sera nettement supérieure au produit des droits de plaidoirie, qui devrait s’élever à 87,2 millions. Comment pallier la différence ? En puisant dans les réserves.

Vous parlez de liberté de choisir l’âge de départ à la retraite alors qu’en réalité, une très petite retraite ne laisse pas d’autre choix que de travailler plus longtemps. Vous faites la même chose pour les avocats : les droits de plaidoirie ne couvrant pas l’augmentation des cotisations, vous leur permettez de puiser dans leurs réserves, mais quel autre choix auront-ils ?(Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Aucun : ils puiseront dans leurs réserves.
Mme Catherine Fabre. Et la solidarité ?
M. Boris Vallaud. En réalité, vous utilisez bien le fonds de réserve des avocats, même s’il reste à leur bénéfice.
M. Frédéric Petit. Ils ont dix ans pour s’organiser !
M. le président. La parole est à M. Roland Lescure.
M. Roland Lescure. Nous sommes le 27 février, il est quinze heures quinze, il nous reste 31 115 amendements à examiner et voilà onze jours que nous sommes ensemble.
M. Jean-Paul Dufrègne. Nous avons entendu cela toute la matinée !
M. Thibault Bazin. C’est de l’obstruction !
M. Roland Lescure. Puisque ces amendements ont trait au champ d’application de la réforme, permettez-moi de revenir quelques instants sur le projet de nos collègues du groupe Les Républicains, que le président Éric Woerth a rapidement présenté ce matin.
M. Thibault Bazin. Mais ce ne sont pas nos amendements !
M. Roland Lescure. Je lui reconnais volontiers clarté, rigueur et cohérence – contrairement à d’autres, qui nous proposent onze pages simplistes et confiscatoires.
M. Alain Bruneel. Vous ne nous diviserez pas !
M. Roland Lescure. Votre projet, chers collègues du groupe Les Républicains, est simple : au fond, c’est le nôtre, mais au rabais.  Non ! » sur les bancs du groupe LR.) Si j’ai bien entendu, vous proposez un système universel par points et une retraite minimum ; pour le reste, vous souhaitez préserver les caisses autonomes. En bon français et sans pudeur, vous introduisez des fonds de pension à la française. Ce faisant, vous allez à l’encontre de l’objectif de solidarité que nous partageons tous, y compris pour les petits avocats ou encore les danseurs d’opéra qui ne sont pas à l’Opéra de Paris et sont sans projet précis. Au fond, le régime que vous prônez est très proche d’un régime que je connais bien, le régime canadien, et repose sur la combinaison de fonds de pension à la française, d’un régime par capitalisation et d’un régime minimum ; voilà ce qui vous convient.

J’ai une suggestion à vous faire, chers collègues : oubliez les fonds de pension à la française, car les Français n’en veulent pas, et rejoignez-nous – votez en faveur de notre projet de loi et amendez-le à la marge !
M. Stéphane Viry. Nous essayons !
M. Roland Lescure. Je suis certain qu’ainsi, nous parviendrons à progresser ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
M. le président. Sans transition, la parole est au président Éric Woerth.
M. Éric Woerth. Votre découverte est bien tardive, monsieur le président Lescure !
M. Patrick Hetzel. Excellent !
M. Éric Woerth. Nous avons présenté notre proposition dès le mois de janvier, peut-être même à la fin décembre : ce n’est pas tout récent, mais il faut du temps pour qu’il infuse. Vous n’en avez manifestement pas encore tout compris ; lorsqu’il aura infusé davantage, vous aurez une vision réaliste de notre projet qui, tout simplement, est plus clair et plus compréhensible.
M. Sacha Houlié. Et égalitaire ?
M. Éric Woerth. La loi ne saurait être illisible ; si elle l’est, ce n’est plus la loi. Il serait problématique que les Français ne comprennent pas l’intention du législateur. Interrogez les gens dans vos circonscriptions : vous ne trouverez personne pour expliquer un tant soit peu ce dont il s’agit – c’est impossible. Quant aux éléments de langage – nous en avons tous – sur le caractère plus juste et plus universel du projet, ils ne sont avérés nulle part. Les périodes de transition s’étalent sur vingt, trente, voire cinquante ans – c’est-à-dire sur cinq, six, sept ou huit quinquennats ! Comment voulez-vous garantir quoi que ce soit aux Français dans ces conditions ? Nous sommes plus clairs.

J’ajoute que vous imposez de nouvelles charges aux avocats, aux professions libérales et aux non-salariés. Vous aurez beau affirmer que ces professions pourront utiliser comme elles le souhaitent les fonds qu’elles ont constitués, elles seront en réalité obligées de les utiliser pendant la phase de transition pour couvrir les charges supplémentaires en question, que ne couvriront pas non plus les abattements prévus, par exemple sur l’assiette de la CSG. C’est la raison pour laquelle vous proposez d’utiliser le produit des droits de plaidoirie ; mais il est d’ores et déjà versé à la CNBF. Le système de retraite des avocats est totalement autonome – autonomie que vous prétendez préserver, mais seulement dans la limite de l’obligation qui leur est faite de s’intégrer à un système universel dont ils ne veulent pas. Tout cela manque de cohérence intellectuelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
M. Patrick Hetzel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Alain Bruneel.
M. Alain Bruneel. M. Lescure, arrivé en début d’après-midi, reprend les mêmes phrases que ses collègues ce matin. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
M. Patrick Mignola. Ce n’est pas à vous que ça arriverait…
M. Alain Bruneel. Nous avons examiné x amendements, nous dit-il, mais je lui rappelle que nous sommes dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale et que si nous ne sommes pas tous d’accord, chacun a le droit de s’exprimer.
Mme Brigitte Bourguignon, présidente de la commission spéciale. En effet, et comme il le souhaite !
M. Rémy Rebeyrotte. Oui, monsieur Lescure a le droit de dire ce qu’il veut !
M. Patrick Mignola. Seule l’opposition a le droit de se répéter !
M. Alain Bruneel. S’agissant des avocats, je ne comprends pas : comme on l’a dit maintes fois, ils ont une caisse autonome et reversent une partie de leurs fonds au régime général. D’autre part, vous affirmez que leur nombre va décroître – ce que l’on ne saurait deviner, même si des enquêtes existent sur le sujet. Il y a néanmoins un paradoxe : la population augmente – nous sommes 7,7 milliards aujourd’hui mais nous serons 10 milliards en 2050 – et avec elle, le nombre de personnes qui auront besoin de recourir aux services d’avocats. Je regrette, mais il est contradictoire de prétendre que le nombre d’avocats diminuera alors que la population, elle, augmentera ! (M. Stéphane Peu applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Sacha Houlié.
M. Sacha Houlié. Nous avons beaucoup parlé des avocats ; permettez-moi un mot en tant que membre de la profession. Les avocats – ils le disent eux-mêmes – vivent un malaise qui n’est pas dû à la réforme des retraites. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Il découle de l’antécédent de la réforme de la carte judiciaire de 2009 – vous pouvez, chers collègues qui siégez à la droite de l’hémicycle, en assumer la responsabilité – et de la manière dont on a longtemps laissé traîner la question de l’aide juridictionnelle, que nous traitons.

Des réponses leur ont déjà été apportées. Je vous entends reprendre certaines revendications relatives à l’abattement pour affirmer que les baisses de CSG et de CRDS sont insuffisantes, que la transition ne vous plaît pas, que vous jugez trop peu pertinent le maintien des mécanismes de péréquation. Reste que ces avancées existent, qu’elles sont concrètes et que la garde des sceaux les a confirmées.

Pourquoi le nombre d’avocats va-t-il diminuer ? Parce que la profession va profondément évoluer. L’activité de contentieux de masse disparaîtra parce que les algorithmes s’en chargent bien mieux que les avocats.
M. Boris Vallaud. Bienvenue dans la justice automatique !
M. Sacha Houlié. Ceux-ci vont, comme les infirmiers, se spécialiser dans l’accompagnement de cas typiques où leur intervention demeurera essentielle sans qu’il soit nécessaire de maintenir leur nombre actuel, étant entendu qu’en outre, le ratio entre le nombre de pensionnés et le nombre de cotisants connaîtra une forte hausse. C’est pourquoi la profession s’est elle-même adaptée en augmentant ses cotisations et en prévoyant le rythme de transition. De même, c’est pour eux que nous prenons ces dispositions dans la réforme, en cohérence avec les décisions de la CNBF. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.
Mme Marie-Christine Dalloz. Selon l’argumentation du président Lescure, le groupe Les Républicains ferait la promotion des fonds de pension à la française ; c’est faux. Démontrez-nous la moindre intention, dans notre projet, d’adopter ce type de mécanisme ! Que ce soit clair : nous sommes foncièrement – je dirais même idéologiquement, structurellement, génétiquement – favorables à la répartition. Il n’y a aucune ambiguïté à ce sujet, monsieur Lescure, et notre projet de réforme des retraites ne va pas du tout dans ce sens.

En revanche, je constate un point qui vous fera sûrement plaisir. Comme le rapporteur Turquois l’a expliqué, vous avez décidé d’appliquer la réforme à partir de la génération née en 1975. Or le basculement aura lieu en 2025, alors que la cohorte de 1975 aura 50 ans. Sachant que vous projetez de fixer l’âge de départ à la retraite vers 65 ans, l’intervalle entre ces deux âges permettra précisément de privilégier la capitalisation. En effet, les gens auront compris que votre retraite consistera en un socle minimal ; pendant leurs quinze dernières années d’activité, ils auront donc intérêt à se tourner vers des régimes privés. Vous ne le dites pas ; mais ne nous reprochez pas à tort de défendre des mesures alors que c’est dans votre projet de loi qu’elles figurent implicitement ; assumez-en la réalité !
M. Patrick Hetzel. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Caroline Fiat.
Mme Caroline Fiat. Il vient de nous être dit que le nombre d’avocats baisserait mécaniquement car, les algorithmes permettant d’accélérer le traitement des dossiers, leur présence serait moins nécessaire.
M. Sacha Houlié. Pour le contentieux de masse, oui.
Mme Caroline Fiat. Cette évolution a été comparée à celle des infirmiers.
M. Sacha Houlié. Mais non, c’est tout l’inverse !
Mme Caroline Fiat. Il a été envisagé de faire autant avec moins d’infirmiers ; on en voit le résultat – c’est la crise que traversent les hôpitaux. Aujourd’hui, on se fonde sur ce précédent pour se réjouir de pouvoir à l’avenir faire autant avec moins d’avocats,…
M. Erwan Balanant. Ce n’est pas du tout ce que M. Houlié a dit !
Mme Caroline Fiat. …mais je peux d’ores et déjà vous annoncer le résultat, qui est bien connu puisqu’il sera identique à la crise actuelle du système hospitalier ! On a tant misé sur la capacité à faire autant avec moins d’infirmiers qu’on est allé droit dans le mur. Je vous en prie, ne faites pas le même pari s’agissant des avocats. Un peu de cohérence ! Ne misez pas sur les algorithmes : ils ne fonctionnent pas.

Nous avons d’autant plus besoin des avocats que ceux d’entre eux qui gagnent le moins sont aussi les plus utiles à nos concitoyens les moins fortunés, car ils fournissent l’aide juridictionnelle et permettent à toutes et à tous de faire valoir leur droit à la défense. Les gouvernements précédents ont créé les déserts médicaux ; vous allez créer les déserts judiciaires. Prenez garde à ce que vous faites !
M. Éric Coquerel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Dufrègne.
M. Jean-Paul Dufrègne. M. Lescure a mis en avant deux autres projets : celui du groupe Les Républicains, dont il a invité les membres à rejoindre la majorité, et un autre qu’il a balayé d’un revers de manche en évoquant ses onze pages « confiscatoires »,…
M. Roland Lescure. Parce que c’est vrai !
M. Jean-Paul Dufrègne. …comme si cette notion était taboue et à proscrire. Vous ne cessez de nous rappeler que la société a changé, et nous ne vous avons pas attendus pour le constate. Il faut assurément envisager d’autres sources de financement, et j’espère que la conférence de financement le fera. Il faut partager le progrès, partager la richesse produite dans les entreprises et par les autres moyens qu’offre la société. Notre collègue Houlié a annoncé la baisse du nombre d’avocats grâce aux algorithmes et à la robotique. Cela n’empêchera pas notre pays de produire autant de richesses, voire plus ! Nous devons changer de paradigme pour adapter la société aux réalités de demain.

C’est pourquoi nous proposons que les revenus financiers participent au financement du système de retraite. Vous mettez constamment à contribution les petits contre les gros, auxquels vous avez accordé des cadeaux fiscaux faramineux – suppression de l’impôt sur la fortune, flat tax, et ainsi de suite. Cette année, les dividendes du CAC40 ont atteint un montant record de 50 milliards !

Quelle part de ce montant alimentera le fonds des retraites ? Est-ce si absurde de penser qu’il faudrait travailler sur ces pistes ? Vous balayez nos propositions d’un revers de main, alors que nos questions portent sur ce qui se passe aujourd’hui et sur ce à quoi il va nous falloir faire face. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
M. le président. La parole est à M. Erwan Balanant.
M. Erwan Balanant. Nous parlons décidément beaucoup des avocats.
M. Patrick Hetzel. C’est un sujet important !
M. Erwan Balanant. Oui, comme beaucoup d’autres, comme celui des artisans, des commerçants, des ouvriers, des agriculteurs, des pêcheurs.
Mme Marie-Christine Dalloz. Nous en avons parlé ce matin !
M. Erwan Balanant. Tous ces sujets sont importants, et j’ai beaucoup d’estime pour les avocats,…
M. Thibault Bazin. Montrez-le leur !
M. Erwan Balanant. …qui exercent une profession essentielle.
M. Jean-Paul Dufrègne. Vous feriez un mauvais avocat !
M. Erwan Balanant. Comme vous, j’ai récemment rencontré des avocats. Les retraites sont un voile qui cache un malaise plus profond : oui, des sauts technologiques induisent une transformation de la profession, même si je ne crois pas beaucoup dans l’avènement d’une justice algorithmique et espère que notre pays comptera encore longtemps beaucoup d’avocats.

Mais un autre problème se pose : celui de leur statut et de leur rapport avec certains donneurs d’ordres, comme les assureurs dans le cadre de l’aide juridictionnelle. Nous devons travailler sur ces sujets.

Aux avocats, je dis que des propositions sérieuses, n’entraînant pratiquement aucun coût pour les petits cabinets, ont été faites à propos des retraites. Réfléchissons maintenant, avec des députés siégeant sur tous les bancs, au statut des avocats, à leur indépendance et à leur rapport avec les assureurs et la justice. Réfléchissions également aux moyens d’améliorer encore cette dernière, même si nous avons déjà beaucoup avancé dans ce domaine, avec la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, qui a revalorisé de 25 % le budget de la justice, lequel n’avait pas progressé depuis presque vingt ans.
(Les amendements no 13682 et identiques ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 1487 et 3964.

La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement no 1487.
M. Thibault Bazin. Il ne vise pas à supprimer un alinéa, mais à assurer la cohérence entre l’alinéa 12 de l’article 4 et le titre 4 du livre 6 du code de la sécurité sociale, « Assurance vieillesse et invalidité-décès des professions libérales ».

L’amendement énumère les professionnels conservant les régimes de retraite actuels, à savoir ceux nés avant 1975, ainsi que les assurés ressortissant aux régimes invalidité-décès propres aux professions libérales.

La rédaction de notre amendement se veut la plus complète possible. On y lit que « sont affiliées aux régimes d’assurance vieillesse des professions libérales les personnes ne relevant pas des dispositions du II de l’article L. 190-1 exerçant » les professions dont nous dressons la liste : médecins, dentistes, sages-femmes, pharmaciens, psychologues, ergothérapeutes, etc. Monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur général, sous-amendez l’amendement si nécessaire, afin qu’aucune profession ne soit oubliée !

Vous réaffirmiez ce matin que vous ne touchiez pas aux caisses autonomes ; ne modifiez donc pas leurs aspects positifs, comme la prévoyance, avec la réversion. Les experts-comptables peuvent ainsi verser une cotisation supplémentaire destinée à ce que leur conjoint bénéficie d’une pension de réversion égale à 100 % des points ! Si vous leur ôtiez cette faculté, vous entraîneriez une régression sociale, mes chers collègues. Je vous invite donc à adopter l’amendement, afin que la réforme ne fasse, comme vous le souhaitez, que des gagnants. Voilà l’objectif de cet amendement de bon sens, que nous avons beaucoup travaillé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)
M. Patrick Hetzel. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 3964.
Mme Emmanuelle Ménard. Dans notre énumération, nous avons veillé à n’oublier aucune profession. Mon collègue Thibault Bazin a évoqué des professions du secteur médical ; pour compléter, je tiens à citer les notaires, les huissiers de justice, les commissaires-priseurs, les experts-comptables, mais également les professions liées à l’architecture, les artistes non mentionnés à l’article L. 382-1 du code de la sécurité sociale et les guides conférenciers, les vétérinaires, les moniteurs de ski, ainsi que les guides de haute montagne et les accompagnateurs de moyenne montagne, que l’on oublie trop souvent.

Cette liste est le fruit d’un travail sérieux ; puisqu’il ne s’agit pas, comme l’a souligné mon collègue Bazin, d’un amendement de suppression mais d’une suggestion de réécriture de l’alinéa 12, nous vous demandons de lui accorder beaucoup d’attention. Cette proposition intéressante mériterait d’être votée par tous.  
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Guillaume Gouffier-Cha, rapporteur général. Par ces amendements, vous voulez énumérer les professions libérales qui continueront à relever de leur caisse pour la couverture du risque invalidité-décès. Vous voulez éviter que certaines catégories ne soient oubliées ; rassurez-vous, nous n’en oublierons aucune ! En réalité, les amendements n’apportent aucune clarification par rapport au droit existant, car la rédaction actuelle de l’alinéa 12 conserve la référence aux huit groupes de professions libérales que vous citez et dont l’article L. 640-1 du code de la sécurité sociale dresse la liste. L’alinéa 12 complète cet article, mais ne le modifie pas.

Je vous demande donc de retirer les deux amendements ; à défaut, mon avis serait défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d’État. Madame Ménard, je relisais avec attention votre amendement, en même temps que j’écoutais le rapporteur général, pour vérifier que nous n’avions oublié personne. J’ai répondu à Mme Anthoine à ce sujet ce matin, en lui rappelant que les dispositifs de prévoyance qui existent au sein des professions libérales, concernant notamment l’invalidité et le décès, continueraient de fonctionner comme aujourd’hui. De ce point de vue, la rédaction actuelle de l’alinéa 12 est bonne et satisfait votre demande.

Je vous invite à vérifier l’article L. 640-1 du code de la sécurité sociale, qu’il n’est pas nécessaire de recopier dans le projet de loi puisque celui-ci ne l’abroge pas et ne lui enlève aucune portée. J’espère ainsi vous rassurer, ainsi que M. Bazin.

À défaut de retrait, je donnerai un avis défavorable.
M. le président. Êtes-vous rassuré, monsieur Bazin ?
M. Thibault Bazin. Oui, du moins pour la partie que nous avions déjà évoquée en commission spéciale. Néanmoins, je continue de cheminer…
M. Jean-René Cazeneuve. C’est bien !
M. Thibault Bazin. C’est un sujet sérieux, monsieur Cazeneuve. Je persiste à me poser la question des modalités : les caisses autonomes perdurent, mais leur mode de financement, par délégation et sous la forme de conventions d’objectifs et de moyens, peut poser des problèmes à certaines d’entre elles, notamment celles plus attractives que le régime général que votre réforme imagine pour tout le monde.

Excusez-moi d’être technique, mais avec un plafond à 3 PASS – trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale – plutôt qu’à 1 PASS, comment les caisses autonomes financeront-elles ces avantages sociaux construits progressivement ? Cette question se pose d’autant que certaines complémentaires comportent un troisième niveau de couverture. J’ai pris tout à l’heure l’exemple de la cotisation complémentaire des experts-comptables pour la réversion au conjoint survivant : certes, la caisse autonome ne disparaîtra pas, mais pourront-ils basculer les réserves de la caisse vers la complémentaire ? Percevront-ils suffisamment d’argent pour financer ce mécanisme de prévoyance, qui viendra s’ajouter au futur système de base ? Nous sommes là dans le détail – sauf pour eux, car il s’agit de leur vie.

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