mardi 24 mars 2020

Décompte définitif réputé (ou non...) accepté : quand le CCAP l'emporte sur le CCCG (norme NF P 03-001)

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 5 mars 2020
N° de pourvoi: 19-13.800
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boulloche, avocat(s)





Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

MY1



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 mars 2020




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 181 F-D

Pourvoi n° T 19-13.800




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 MARS 2020

La société Sogéa Rhône-Alpes, dont le siège est [...] , anciennement dénommée Campenon Bernard Verazzi, venant aux droits de la société Sogéa Franche-Comté, a formé le pourvoi n° T 19-13.800 contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2018 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la société Fleurs d'épines, société civile immobilière, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Boulloche, avocat de la société Sogéa Rhône-Alpes, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Fleurs d'épines, après débats en l'audience publique du 28 janvier 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 11 décembre 2018), la société civile immobilière Fleurs d'épines (la SCI) a confié à la société Campenon Bernard Franche-Comté, aux droits de laquelle vient désormais la société Sogéa Rhône-Alpes, la réalisation du lot gros oeuvre d'un groupe de bâtiments.

2. La société Campenon Bernard Franche-Comté, qui a résilié le marché le 3 août 2009, a adressé son mémoire définitif au maître de l'ouvrage avec copie au maître d'oeuvre le 28 août 2009 avant de mettre la SCI en demeure, le 17 décembre 2009, de lui notifier son décompte définitif.

3. La SCI a, après expertise, assigné la société Campenon Bernard Franche-Comté en paiement de sommes. Celle-ci a sollicité reconventionnellement la condamnation du maître de l'ouvrage à lui payer le coût des travaux fixé dans son mémoire définitif, faute de notification du décompte définitif dans les délais et conditions prévus par le cahier des clauses administratives générales.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Sogéa Rhône-Alpes fait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne pouvait se prévaloir de la procédure d'apurement des comptes définie à l'article 19.2 du cahier des clauses administratives particulières liant les parties et de la condamner en conséquence à payer à la SCI la somme de 96 281,07 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 17 avril 2012, alors :

« 1°/ que le juge ne doit pas méconnaître la loi du contrat ; qu'en l'espèce, l'article 1.1 du CCAP prévoyait que « sauf indication contraire figurant au présent Cahier des Clauses Administratives Particulières, il y aura lieu d'appliquer les Clauses Générales de la Norme NF P 03-001 de décembre 2000 », et l'article 19.5 du CCAG prévoyait une procédure d'apurement des comptes applicable « sauf dispositions contraires du cahier des clauses administratives particulières », de sorte qu'à défaut d'indication contraire du CCAP, les dispositions du CCAG instaurant une procédure d'apurement des comptes en cas de résiliation du marché avaient vocation à s'appliquer ; que pourtant, la cour d'appel a estimé que l'article 19.2 du CCAP ne prévoyant pas de procédure d'apurement des comptes en cas de résiliation du marché, celle prévue par les articles 19.5 et suivant du CCAG (norme NF P 03-001) n'était pas applicable, si bien que la SCI Fleurs d'Epines était fondée à contester le mémoire définitif de l'entrepreneur ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 1.1 du CCAP et 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ que le juge ne doit pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu, pour juger que la SCI Les Fleurs d'Epines était fondée à contester le décompte définitif de l'entreprise, qu'en cas de résiliation, l'article 22.4 du CCAG, auquel renvoie l'article 22.4 du CCAP, devait s'appliquer, « lequel ne prévoit aucun délai de réponse particulier, le compte devant seulement être réalisé à partir d'un constat contradictoire » ; qu'en statuant ainsi, quand les articles 22.4 du CCAG et 22.4 du CCAP prévoient seulement la réalisation d'un constat contradictoire en cas de résiliation du marché mais n'écartent aucunement l'application de la procédure d'apurement des comptes prévue par les articles 19.5 et suivant du CCAG, notamment en cas de résiliation, la cour d'appel a dénaturé les article 22.4 du CCAP et 22.4 du CCAG. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel, après avoir constaté que l'article 19.5.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) organisait une procédure de vérification des comptes applicable, « sauf dispositions contraires du CCAP », en cas de réception de l'ouvrage ou de résiliation du marché, tandis que l'article 19.2.1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ne prévoyait une telle procédure qu'en cas de réception, a pu, par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que l'ambiguïté des documents contractuels rendait nécessaire, retenir que la procédure d'apurement des comptes prévue par le CCAP n'était pas applicable lorsque le marché avait été résilié et que les conséquences de la résiliation étaient régies par les seules dispositions de l'article 22.4 du CCAP, lequel, renvoyant à l'article 22.4 du CCAG, n'impartissait aucun délai au maître de l'ouvrage pour contester la créance de l'entrepreneur.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi :

Condamne la société Sogéa Rhône-Alpes aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sogéa Rhône-Alpes et la condamne à payer à la SCI Fleurs d'épines la somme de 3 000 euros ;

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