mercredi 25 mars 2020

Les dysfonctionnements affectant le système de chauffage et de climatisation étaient à l'origine d'un inconfort qui n'entraînait pas une impossibilité de travailler dans l'immeuble de sorte que les désordres n'étaient pas de nature décennale

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 5 mars 2020
N° de pourvoi: 19-11.879
Non publié au bulletin Rejet

M. Chauvin (président), président
SCP Ohl et Vexliard, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)





Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 mars 2020




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 173 F-D

Pourvoi n° E 19-11.879




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 5 MARS 2020

La société Mate, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° E 19-11.879 contre l'arrêt rendu le 20 novembre 2018 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Aviva assurances, société anonyme, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Mate, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société Aviva assurances, après débats en l'audience publique du 28 janvier 2020 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 20 novembre 2018), la société Espace Europ a confié à la société Mate, assurée en responsabilité civile décennale auprès de la société Aviva assurances (la société Aviva), la fourniture et l'installation d'une pompe à chaleur destinée à la climatisation et au chauffage de ses bureaux.

2. Se plaignant de dysfonctionnements survenus dès la mise en route de l'installation, la société Espace Europ a, après expertise, assigné la société Mate en résolution de la vente et en dommages-intérêts. La société Mate a assigné en garantie la société Aviva.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Énoncé du moyen

3. La société Mate fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre la société Aviva, alors :

« 1°/ que le système de chauffage-climatisation d'un immeuble peut par sa conception, son ampleur et l'emprunt de ses éléments à la construction immobilière constituer un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil ; qu'en qualifiant le système de chauffage-climatisation litigieux, d'élément d'équipement dissociable, sans rechercher ainsi qu'elle y était invitée, si l'installation qui a fait l'objet d'un devis de 26 400 euros HT n'avait pas nécessité de lourds travaux sur deux niveaux modifiant la structure du bâtiment, les conduits étant intégrés dans le gros oeuvre et ne constituait pas dès lors un ouvrage dont l'impropriété à sa destination relève de la garantie décennale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;

2°/ que la présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage qui font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert ; qu'il en va ainsi lorsque la dépose de cet élément d'équipement, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage ; qu'en énonçant que le système de chauffage-climatisation litigieux constituerait un élément d'équipement dissociable, après avoir constaté que son remplacement nécessiterait la dépose de l'existant et des faux plafonds, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences de ses constatations au regard des articles 1792 et 1792-2 du code civil qu'elle a violé ;

3°/ que les désordres affectant des éléments d'équipement, dissociables ou non, d'origine ou installés sur existant, relèvent de la responsabilité décennale lorsqu'ils rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ; qu'en excluant l'impropriété de l'immeuble à sa destination, après avoir constaté qu'en raison du dysfonctionnement du système de climatisation-chauffage, les occupants de l'immeuble sont soumis à des variations brusques et importantes de température, à des brassages d'air important et à des arrêts de chauffage l'hiver entrainant leur mal être permanent, la cour d'appel a refusé de tirer les conséquences de ses propres constatations en violation de l'article 1792 du code civil ;

4°/ que la société Aviva admettait expressément dans ses conclusions devant la cour d'appel que les travaux facturés le 31 janvier 2006 avaient été intégralement réglés par Espace Europ ; qu'en se fondant pour exclure la réception tacite sur l'absence de preuve du paiement des travaux, la cour d'appel a dénaturé le cadre du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

5°/ que le juge doit en toutes circonstances observer et faire observer le principe de la contradiction ; qu'en statuant comme elle l'a fait sur le fondement d'un moyen contraire aux conclusions de la société Aviva, tiré de l'absence de paiement des travaux, sans inviter préalablement les parties à formuler leurs observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

6°/ que la prise de possession des travaux par le maître de l'ouvrage, et le paiement de l'intégralité des travaux, valent présomption de réception tacite ; qu'en se fondant pour exclure la réception tacite sur l'absence de preuve de la date du paiement, sur la circonstance que l'occupation des locaux aurait résulté de l'activité professionnelle qui s'exerçait dans ces locaux et que la société Espace Europ aurait fait connaître rapidement son insatisfaction à plusieurs reprises, la cour d'appel a statué par des motifs qui ne sont pas de nature à caractériser la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de ne pas recevoir les travaux et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel, qui a apprécié la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis et qui n'était pas liée par les constatations et les conclusions de l'expert judiciaire qu'elle a rappelées, a souverainement retenu que les dysfonctionnements affectant le système de chauffage et de climatisation étaient à l'origine d'un inconfort qui n'entraînait pas une impossibilité de travailler dans l'immeuble de sorte que les désordres n'étaient pas de nature décennale.

5. Elle a déduit à bon droit de ces seuls motifs que la demande de garantie formée par la société Mate contre la société Aviva devait être rejetée.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Énoncé du moyen

7. La société Mate fait le même grief à l'arrêt alors « qu'en statuant comme elle l'a fait sans répondre aux conclusions de la société Mate qui, invoquant la renonciation de l'assureur à contester sa garantie, faisait valoir que la société Aviva avait pris en charge le sinistre en mandatant un expert à ses frais sans décliner sa garantie, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. La cour d'appel, devant qui la société Mate n'avait pas soutenu que la désignation de l'expert serait intervenue sans réserves de la part de l'assureur ni que celui-ci aurait renoncé à contester sa garantie, n'était pas tenue de répondre à des conclusions inopérantes.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Mate aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Mate et la condamne à payer à la société Aviva assurances la somme de 3 000 euros ;

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