jeudi 16 janvier 2020

L’action de l’article 2270-2, devenu 1792-4-2, du code civil, réservée au maître de l’ouvrage, n’est pas ouverte aux tiers à l’opération de construire

Note Périnet-Marquet, Constr.-urb., 2020-2, p. 1.

Note Charbonneau, RDI 2020, p. 120.
Note Caston et Ajaccio, GP 2020, n° 19, p. 64 et 69

Commentaire au rapport 2020 de la Cour de cassation :

Contrat d’entreprise – Sous-traitant – Responsabilité – Responsabilité à l’égard des tiers – Mise en œuvre – Modalités

3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi nº 18-21.895, publié au Bulletin, rapport de Mme Georget et avis de M. Brun

L’action de l’article 2270-2, devenu 1792-4-2, du code civil, réservée au maître de l’ouvrage, n’est pas ouverte aux tiers à l’opération de construire.

Architecte entrepreneur – Responsabilité – Responsabilité à l’égard du maître de l’ouvrage – Préjudice – Réparation – Action récursoire – Recours de 154 LIVRE 3 / Jurisprudence de la Cour l’architecte contre un sous-traitant – Action en responsabilité extra-contractuelle – Prescription – Délai – Point de départ – Détermination

3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi no 18-25.915, publié au Bulletin, rapport de Mme Georget et avis de M. Brun

Le recours d’un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant relève des dispositions de l’article 2224 du code civil. Il se prescrit donc par cinq ans à compter du jour où le premier a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Tel est le cas d’une assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l’ouvrage à l’entrepreneur principal, laquelle met en cause la responsabilité de ce dernier.

Près de douze ans après l’entrée en vigueur de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile, deux pourvois ont offert à la troisième chambre civile de la Cour de cassation l’occasion de préciser le régime du délai d’action en responsabilité contre les constructeurs et leurs sous-traitants par les personnes autres que le maître de l’ouvrage lorsqu’une réception de l’ouvrage a été prononcée.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation décide que les articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil sont réservés aux actions dirigées par les maîtres de l’ouvrage (A). Elle précise que le point de départ du recours entre constructeurs et sous-traitants est l’assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l’ouvrage à celui qui entend exercer un recours (B).

A. – Les dispositions des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil sont réservées aux actions dirigées par les maîtres de l’ouvrage et les acquéreurs de l’ouvrage

Les juges du fond, à l’instar de la doctrine, étaient très divisés en la matière.

Dans un souci de sécurité juridique, il était donc impératif que la Cour de cassation exerçât son rôle d’harmonisation de la jurisprudence en clarifiant le champ d’application des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil.

L’article 1792-4-2 du code civil dispose que les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d’équipement d’un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 du même code se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux et, pour les dommages affectant ceux des éléments d’équipement de l’ouvrage mentionnés à l’article 1792-3, par deux ans à compter de cette même réception.

 L’article 1792-4-3 du code civil prévoit que, en dehors des actions régies par les articles 1792-3, 1792-4-1 et 1792-4-2, les actions en responsabilité dirigées contre les constructeurs désignés aux articles 1792 et 1792-1 et leurs sous-traitants se prescrivent par dix ans à compter de la réception des travaux.

Ces deux textes passent sous silence la qualité des auteurs des actions en responsabilité.

Deux interprétations étaient en concurrence :

– le délai spécifique de dix ans avec un point de départ fixe, à savoir la réception, s’applique quelle que soit la qualité de l’auteur de l’action (maître de l’ouvrage, constructeur, tiers…);

– l’application des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil est réservée aux seules actions engagées par les maîtres ou les acquéreurs de l’ouvrage, les autres recours étant soumis au délai quinquennal de droit commun de l’article 2224 du code civil.

Les partisans de la première solution se fondaient essentiellement sur l’uniformisation des délais pour agir et la généralité des termes des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation, qui a opté pour la seconde solution, a précisé, par une motivation enrichie, les motifs juridiques et les impératifs pratiques ayant fondé son choix.

 L’arrêt du 16 janvier 2020 (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi no 18-25.915, publié au Bulletin) énonce que le recours en garantie d’un constructeur contre un autre constructeur, en l’occurrence un architecte contre un entrepreneur, relève des dispositions de l’article 2224 du code civil.

 D’abord, la troisième chambre civile s’appuie sur un fondement légal. L’article 1792- 4-3 du code civil, qui figure dans une section du code civil relative aux devis et marchés et insérée dans un chapitre consacré aux contrats de louage d’ouvrage et d’industrie, n’a vocation à s’appliquer qu’aux actions en responsabilité dirigées par le maître de l’ouvrage contre les constructeurs ou leurs sous-traitants.

Ensuite, elle se réfère à l’objet de l’action. Alors que le maître de l’ouvrage recherche la réparation d’un dommage à l’ouvrage, le recours d’un constructeur contre un autre constructeur a pour objet de déterminer la charge définitive de la dette que devra supporter chaque responsable. L’arrêt rappelle que la Cour de cassation juge qu’une telle action, qui ne peut être fondée sur la garantie décennale, est de nature contractuelle si les constructeurs sont contractuellement liés et de nature quasi délictuelle s’ils ne le sont pas (3e Civ., 8 février 2012, pourvoi no 11-11.417, Bull. 2012, III, no 23).

Enfin, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un souci de réalisme procédural, invoque le droit à l’accès au juge. Lorsque le maître de l’ouvrage engage son action contre les constructeurs et leurs sous-traitants en toute fin du délai d’épreuve, ceux-ci risquent d’être privés d’un recours contre les autres intervenants à l’acte de construire si le point de départ et la durée du délai sont identiques pour toutes les parties.

Le second arrêt du même jour (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi no 18-21.895, publié au Bulletin) consacre la même solution. Cette affaire concernait une situation moins fréquente que celle relative au pourvoi no 18-25.915 précité puisque l’action était dirigée par le locataire de l’ouvrage et par une société exerçant son activité dans l’immeuble contre un sous-traitant. La troisième chambre civile décide que l’action de l’article 1792-4-2 du code civil, réservée au maître de l’ouvrage, n’est pas ouverte aux tiers à l’opération de construire. En effet, l’éviction des recours entre constructeurs et sous-traitants du périmètre des articles 1792-4-2 et 1792-4-3 du code civil s’étend logiquement aux actions formées par des tiers qui sont totalement étrangers au contrat de louage d’ouvrage et à la réception de l’ouvrage.

Un troisième arrêt du 16 janvier 2020 (3e  Civ., 16 janvier 2020, pourvoi no 16-24.352), qui n’est pas publié au Rapport annuel de la Cour de cassation, décide fort logiquement que l’action de l’article 1792-4-3 du code civil, réservée au maître de l’ouvrage, n’est pas ouverte aux tiers à l’opération de construction agissant sur le fondement d’un trouble anormal du voisinage.

B. – Le point de départ du recours entre constructeurs et sous-traitants est l’assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l’ouvrage (ou l’acquéreur de l’ouvrage)

Appliquer le régime de droit commun de la prescription extinctive impliquait de déterminer le point de départ du délai d’action.

En effet, l’article 2224 du code civil, de portée générale, prévoit un point de départ «glissant», puisqu’il dispose que «les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer».

 À quelle date le constructeur connaît-il ou doit-il connaître les faits lui permettant d’exercer son recours en garantie ?

Là encore, plusieurs solutions étaient envisageables.

Le point de départ du délai quinquennal du recours du constructeur ou du sous-traitant pouvait être fixé soit à compter de l’assignation en référé-expertise qui lui avait été délivrée, soit à compter de l’assignation au fond.

En fixant le point de départ de la prescription au jour de l’assignation en référé expertise, la troisième chambre civile s’inscrit dans une construction jurisprudentielle ancienne.

Ainsi, s’agissant de l’application de l’article L. 114-1, alinéa 3, du code des assurances, en ce qu’il prévoit que, « quand l’action de l’assuré contre l’assureur a pour cause le recours d’un tiers, le délai de la prescription ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l’assuré ou a été indemnisé par ce dernier», il est acquis depuis 1996 qu’une action en référé-expertise fait courir la prescription (1re Civ., 18 juin 1996, pourvoi no 94-14.985, Bull. 1996, I, no 254; 2e Civ., 3 septembre 2009, pourvoi no 08-18.092, Bull. 2009, II, no 202). La troisième chambre civile de la Cour de cassation applique depuis longtemps cette jurisprudence (3e  Civ., 15 décembre 2010, pourvoi no 09-17.119).

Il était logique d’étendre cette doctrine aux recours entre coobligés.

D’ailleurs, ainsi que mentionné par l’arrêt commenté du 16 janvier 2020 (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi no 18-25.915, publié au Bulletin), la troisième chambre civile de la Cour de cassation avait annoncé sa jurisprudence par un arrêt du 19 mai 2016 (3e Civ., 19 mai 2016, pourvoi no 15-11.355) qui décide que «l’assignation en référé-expertise délivrée par le maître de l’ouvrage à l’entrepreneur principal met en cause la responsabilité de ce dernier et constitue le point de départ du délai de son action récursoire à l’encontre des sous-traitants».

Le Conseil d’État (CE, 7e et 2e chambres réunies, 10 février 2017, no 391722, mentionné dans les tables du Recueil Lebon), au visa des dispositions de l’article 2270-1 du code civil, alors applicable, a adopté une autre solution en fixant le point de départ du recours entre constructeurs à la date de l’assignation au fond délivrée par le maître de l’ouvrage et en retenant qu’une demande en référé-expertise introduite par le maître de l’ouvrage sur le fondement de l’article R. 532-1 du code de justice administrative ne pouvait être regardée comme constituant, à elle seule, une recherche de responsabilité des constructeurs par le maître de l’ouvrage.

La troisième chambre civile de la Cour de cassation considère, pour sa part, que, dès l’assignation en référé-expertise, qui vise les désordres en cause, le constructeur a connaissance des faits qui lui permettront d’exercer son recours récursoire, au sens de l’article 2224 du code civil.

Cette position s’inscrit, en outre, dans l’esprit de la loi no 2008-561 du 17 juin 2008 précitée qui tend à la réduction des délais de prescription de droit commun.

À l’instar de l’assuré qui souhaite mettre en cause son assureur, la solution retenue par la troisième chambre civile oblige le constructeur, qui entend exercer un recours en garantie, à réagir en temps utile, dans un délai non négligeable de cinq ans, par un acte (une assignation en référé-expertise, une assignation aux fins d’extension d’une mesure d’expertise à d’autres parties, une assignation au fond voire des conclusions) interruptif ou suspensif de prescription dans les conditions notamment prévues par les articles 2239 et 2241 du code civil.

Ainsi cette solution tend-elle à resserrer le temps du procès et à favoriser au maximum le caractère contradictoire des opérations d’expertise dont on connaît l’extrême importance dans le contentieux de la construction.

Arrêt n°119 du 16 janvier 2020 (18-21.895) - Cour de cassation - Troisième chambre civile
- ECLI:FR:CCASS:2020:C300119

Construction immobilière - Prescription civile

Rejet


Demandeur(s) : Société brestoise de stockage (Sobrestock), groupement d’intérêt économique ; et autres

Défendeur(s) : société Entreprise Bihannic, société par actions simplifiée ; et autres



Attendu, selon l’arrêt attaqué (Rennes, 28 juin 2018), que, par contrat du 7 novembre 2000, la société Silos brestois (société Sica Silo) a confié à la société Le Bâtiment clef en main (société BCM) la rénovation de la couverture d’un bâtiment de stockage ; que la pose des plaques de couverture en fibre ciment a été sous-traitée à la société Bihannic, qui s’est approvisionnée auprès de la société Etablissements Tanguy et compagnie (société Tanguy), assurée auprès de la société MMA IARD (société MMA) ; que les travaux ont été réceptionnés le 29 juin 2001 ; que, les 10 et 11 mai 2007, lors d’une tempête, plusieurs plaques de la couverture se sont envolées et des fissures ont été révélées sur certaines de celles restées en place ; que, le 4 juillet 2007, la société Sica Silo a assigné en référé expertise les sociétés Bihannic et Tanguy ; que la société MMA, assureur de la société Tanguy, est intervenue volontairement ; qu’une ordonnance de référé du 24 juillet 2007 a prescrit une mesure d’expertise ; que, le 7 décembre 2007, la société Sica Silo a assigné en ordonnance commune la Société brestoise de stockage (société Sobrestock), locataire exploitant le bâtiment litigieux ; qu’une ordonnance de référé du 21 janvier 2008 a déclaré les opérations d’expertise communes à la société Sobrestock ; que, le 24 juillet 2008, la société Sobrestock a assigné en ordonnance commune la société Union armoricaine de transports (UAT), chargée des opérations de manutention des marchandises stockées dans le bâtiment ; qu’une ordonnance du 5 août 2008 a déclaré les opérations d’expertise communes à la société UAT ; que, les 17 et 22 septembre 2014, les sociétés Sobrestock et UAT ont assigné les sociétés Bihannic et Tanguy et son assureur, la société MMA, en réparation de leurs préjudices ;

Sur le premier moyen, après avis donné aux parties en application de l’article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que les sociétés Sobrestock et UAT font grief à l’arrêt de déclarer prescrite leur action contre la société Bihannic alors, selon le moyen :

1°/ qu’aux termes de l’article 2270-2 ancien du code civil, issu de l’ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005, entrée en vigueur le 10 juin 2005 (devenu l’article 1792-4-2 du même code en vertu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008), les actions en responsabilité dirigées contre un sous-traitant en raison de dommages affectant un ouvrage ou des éléments d’équipement d’un ouvrage mentionnés aux articles 1792 et 1792-2 se prescrivent par dix ans à compter, non plus de la manifestation du dommage ou de son aggravation, mais à compter de la réception des travaux ; que, lorsque la loi nouvelle réduit la durée du délai de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu’en vertu de ces principes, le point de départ du délai de prescription d’une action en responsabilité dirigée contre un sous-traitant, après le 10 juin 2005, ayant pour objet un ouvrage reçu antérieurement à cette date mais dont le dommage s’est manifesté postérieurement, commence à courir à compter du 10 juin 2005 ; qu’en affirmant néanmoins, pour décider que les demandes formées par les sociétés Sobrestock et UAT à l’encontre de la société Bihannic étaient prescrites, que le délai décennal de la prescription était demeuré inchangé lors de l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 8 juin 2005, de sorte qu’en raison de l’application immédiate de celle-ci, le délai de prescription avait commencé à courir à compter de la réception des travaux, soit le 29 juin 2001, la cour d’appel a violé les articles 2 de l’ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005, 1792-4-2 du code civil et 2270-2 ancien du code civil ;







2°/ que toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d’expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l’égard de toutes les parties, y compris à l’égard de celles appelées uniquement à la procédure initiale, et pour tous les chefs de préjudice procédant du dommage litigieux ; qu’en décidant néanmoins, pour déclarer prescrite les demandes formées par les sociétés Sobrestock et UAT à l’encontre de la société Bihannic, que les assignations en référé, en date des 7 décembre 2007 et 24 juillet 2008, tendant à rendre communes et opposables aux sociétés Sobrestock et UAT les opérations d’expertise ordonnées le 24 juillet 2007 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Brest, n’avaient pas interrompu la prescription à l’égard de la société Bihannic, motifs pris que ces assignations n’étaient pas adressées à celle-ci, après avoir pourtant constaté que la société Bihannic était partie à l’ordonnance initiale du 24 juillet 2007, de sorte que les assignations en ordonnance commune avaient interrompu le délai de prescription à son égard, la cour d’appel a violé l’article 2244 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

Mais attendu que l’action de l’article 2270-2, devenu 1792-4-2, du code civil, réservée au maître de l’ouvrage, n’est pas ouverte aux tiers à l’opération de construire, qu’aux termes de l’article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation, que, selon l’article 2224 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer et que, selon l’article 26, II, de cette même loi, les dispositions qui réduisent la durée de la prescription s’appliquent aux prescriptions à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ; qu’il résulte des constatations de la cour d’appel que, les 10 et 11 mai 2007, plusieurs plaques de couverture se sont envolées lors d’une tempête et des fissures ont été révélées sur certaines d’entre elles restées en place, que la seule assignation délivrée par les sociétés Sobrestock et UAT à la société Bihannic date du 22 septembre 2014 ; qu’il s’en déduit qu’en l’absence d’acte interruptif ou suspensif de prescription, une telle action, engagée après le 19 juin 2013, est prescrite ; que, par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, l’arrêt se trouve légalement justifié ;

Sur le second moyen :

Attendu que les sociétés Sobrestock et UAT font grief à l’arrêt de déclarer irrecevables leurs actions formées contre la société Tanguy et son assureur, la société MMA, alors, selon le moyen :

1°/ que toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d’expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l’égard de toutes les parties, y compris à l’égard de celles appelées uniquement à la procédure initiale, et pour tous les chefs de préjudice procédant du dommage litigieux ; qu’en décidant néanmoins, pour déclarer prescrites les demandes formées par les sociétés Sobrestock et UAT à l’encontre de la société Tanguy, que les assignations en référé, en date des 7 décembre 2007 et 24 juillet 2008, tendant à rendre communes et opposables aux sociétés Sobrestock et UAT les opérations d’expertise ordonnées le 24 juillet 2007 par le juge des référés du tribunal de grande instance de Brest, n’avaient pas interrompu la prescription à l’égard de la société Tanguy, motifs pris que ces assignations n’étaient pas adressées à celle-ci, après avoir pourtant constaté que la société Tanguy était partie à l’ordonnance initiale du 24 juillet 2007, de sorte que les assignations en ordonnance commune avaient interrompu le délai de prescription à son égard, la cour d’appel a violé l’article 2244 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;







2°/ qu’aux termes de l’article 26, III, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, lorsqu’une instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de la présente loi, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ; que, de même, en cas d’interruption du délai prescription intervenu sous l’empire du dispositif légal antérieur à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l’instance se poursuit, après l’entrée en vigueur de celle-ci, conformément à la loi ancienne ; qu’en affirmant néanmoins, pour déclarer prescrites les actions en responsabilité engagées par les sociétés Sobrestock et UAT à l’encontre de la société Tanguy, que la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 avait réduit de dix à cinq ans le délai de prescription des actions en responsabilité quasi délictuelle et que, dès lors, l’action était prescrite pour avoir été engagée postérieurement au 17 juin 2013, bien que la prescription ait été interrompue antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, de sorte que l’instance devait se poursuivre conformément à la loi ancienne, la cour d’appel a violé les articles 26, III, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, ensemble l’article 2244 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 ;

Mais attendu qu’ayant relevé, par motifs propres et adoptés, qu’aucun acte interruptif de prescription n’avait été accompli par les sociétés Sobrestock et UAT contre les sociétés Tanguy et MMA avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et que les assignations en ordonnance commune des 7 décembre 2007 et 24 juillet 2008 n’étaient pas dirigées contre la société Tanguy, la cour d’appel en a déduit à bon droit que l’action indemnitaire engagée par les assignations délivrées les 17 et 22 septembre 2014 était prescrite ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;



Président : M. Chauvin
Rapporteur : Mme Georget
Avocat général : M. Brun
Avocat(s) : SCP Richard - SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret - SCP Gadiou et Chevallier

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