vendredi 25 juin 2021

L'appel civil et les délices du droit transitoire

 Note M. Barba, D. 2021, p. 1217, sur cass. civ. 2ème 20 mai 2021 (2 arrêts : 19-22.316 et 10-13.210)

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 mai 2021




Annulation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 471 F-P

Pourvoi n° Z 19-22.316



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2021

1°/ M. [S] [I],

2°/ Mme [C] [C], épouse [I],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° Z 19-22.316 contre l'arrêt rendu le 10 juillet 2019 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige les opposant :

1°/ à l'Agent judiciaire de l'Etat - direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à M. [U] [N], domicilié [Adresse 3],

3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [Localité 1] - siège de Bastia, [Adresse 4],

4°/ à la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN), dont le siège est [Adresse 5],

5°/ à la société Calypso, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme [I], de la SCP BaraducBaraduc, Duhamel et RameixDuhamel et Rameix, avocat de M. [N] et de la société Calypso, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de l'Agent judiciaire de l'Etat - direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 10 juillet 2019), M. et Mme [I] ont relevé appel, le 6 juillet 2017, du jugement d'un tribunal de grande instance ayant, d'une part, condamné in solidum M. [N] et la société Calypso à payer une certaine somme à M. [I] et à l'Agent judiciaire de l'Etat et, d'autre part, rejeté les demandes de Mme [I].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais, sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Il résulte des deux premiers de ces textes que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui a été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626) pour la première fois dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

5. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que le dispositif des conclusions de M. et Mme [I] comporte des demandes tendant à « fixer », « condamner », « dire et juger », mais qu'ils s'abstiennent de conclure expressément à la réformation ou à l'annulation du jugement déféré, de sorte que leur appel est dénué d'objet.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle elles ont relevé appel, soit le 6 juillet 2017, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutissant à priver M. et Mme [I] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne l'Agent judiciaire de l'Etat et M. [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 mai 2021




Annulation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 473 F-P

Pourvoi n° X 20-13.210

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2021

M. [Q] [R], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° X 20-13.210 contre l'ordonnance rendue le 18 décembre 2018 par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Bastia et l'arrêt rendu le 29 janvier 2020 par cette même cour d'appel (chambre civile), dans le litige l'opposant à la société U Muvrone, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boulloche, avocat de M. [R], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société U Muvrone, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon les décisions attaquées (Bastia, 18 décembre 2018 et 29 janvier 2020), M. [R] a relevé appel, le 6 mars 2018, du jugement d'un tribunal de commerce ayant déclaré prescrite son action tendant à la nullité de la cession des parts sociales de la société U Muvrone et déclaré irrecevable sa demande en paiement des dividendes pour défaut de qualité et d'intérêt à agir.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le second moyen, pris en sa première branche, ci-après annexés

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Il résulte des deux premiers de ces textes que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui a été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626) pour la première fois dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

5. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que le dispositif des conclusions de M. [R] tend uniquement à dire et juger que l'acte de cession des parts en date du 23 mai 1986 est nul et de nul effet, de constater que la SARL U Muvrone prise en la personne de sa gérante a renoncé à se prévaloir de la prescription, à condamner la SARL U Muvrone à lui payer la somme de 122 783 euros au titre des dividendes qu'il aurait dû percevoir, ainsi qu'à la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sans préciser, au préalable, qu'il demandait l'infirmation du jugement entrepris.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle elles ont relevé appel, soit le 6 mars 2018, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutissant à priver M. [R] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'ordonnance du 18 décembre 2018 ;

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne la société U Muvrone aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.