mercredi 16 juin 2021

L'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable.

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 10 juin 2021




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 509 F-D

Pourvoi n° S 20-18.334




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 JUIN 2021

La société d'exploitation garage de la Rossa, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° S 20-18.334 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2020 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile B), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Madic, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société GP services, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à la société Alliance MJ, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], représentée par M. [D], en qualité de mandataire ad'hoc de de la société AD services,

4°/ à la société Conception développement Engineering (CDE), dont le siège est, [Adresse 5],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de société d'exploitation garage de la Rossa, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Conception développement Engineering, après débats en l'audience publique du 11 mai 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 19 mai 2020), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 18 avril 2019, pourvoi n° 18-10.045), la société d'exploitation Garage de la Rossa (la société Garage de la Rossa) a confié à la société S2D Sud, devenue la société AD services, une mission de mise aux normes et de rénovation de sa station-service.

2. La société S2D Sud a sous-traité certaines prestations aux sociétés [F] TP, Madic et GP services.

3. La société S2D Sud a acheté à la société Conception développement engineering (CDE) une cuve à carburants.

4. La société Garage de la Rossa a émis des réserves à la réception et refusé de payer le solde du marché, puis a assigné la société S2D Sud en indemnisation. La société S2D Sud a appelé en garantie les sous-traitants.

5. En appel, la société Garage de la Rossa a invoqué des fuites sur la cuve et obtenu une seconde expertise en appelant la société CDE en intervention forcée.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Garage de la Rossa fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes contre les sociétés Madic et GP Services, alors « que le juge ne saurait dénaturer les conclusions des parties ; qu'en énonçant que la société Garage de la Rossa se fondait exclusivement sur le rapport d'expertise de M. [R] pour rechercher la responsabilité conjuguée des sociétés GP Services et Madic, cependant que ses conclusions récapitulatives fondaient expressément la recherche de leurs responsabilités sur d'autres pièces et éléments aussi, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

8. Pour rejeter les demandes formées par la société Garage de la Rossa contre les sociétés GP Services et Madic, l'arrêt retient qu'elles se fondent exclusivement sur le rapport d'expertise de M. [R], l'expertise de M. [J] portant sur des désordres distincts et ne pouvant servir de complément de preuve à la première.

9. En statuant ainsi, alors que, dans ses conclusions d'appel, la société Garage de la Rossa visait, au soutien de ses demandes, d'autres pièces que les rapports d'expertise, la cour d'appel a violé le principe susvisé.

Et sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

10. La société Garage de la Rossa fait grief à l'arrêt de limiter à la somme de 14 750 euros les dommages-intérêts au titre de la perte d'exploitation qu'elle a subie du 1er décembre 2015 au 31 juillet 2016, au paiement desquels elle a condamné in solidum les sociétés GP Services et CDE, alors « que le préjudice résultant d'une faute délictuelle ou quasi-délictuelle doit être réparé dans son intégralité, sans perte ni profit, sa réparation n'étant pas limitée au seul dommage prévu ou prévisible ; qu'en n'indemnisant, en réalité, pas le préjudice d'exploitation concrètement subi par la société d'exploitation Garage de la Rossa, mais en n'indemnisant, au lieu de cela, que le seul préjudice qu'en pratique, elle considérait comme pouvant être raisonnablement prévu ou prévisible, voire limité par les diligences de la victime elle-même, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien, 1240 nouveau, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

11. Il résulte de ce texte que l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences et que la victime n'est pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable.

12. Pour limiter l'indemnisation des pertes d'exploitation subies par la société Garage de la Rossa, l'arrêt retient qu'au regard de la relative modicité des sommes en jeu et de la faculté d'obtenir sur le fondement des conclusions précises et étayées de l'expert les provisions nécessaires à l'exécution des travaux, il y a lieu de fixer le délai nécessaire à la reprise de l'exploitation à huit mois à compter du dépôt du rapport d'expertise.

13. En statuant ainsi, alors que les responsables ne prétendaient pas avoir offert de réparer les désordres, en nature ou par équivalent et alors que la société Garage de la Rossa n'était pas tenue de faire l'avance des frais nécessaires à la reprise de l'exploitation, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes formées contre les sociétés Madic et GP Services et en ce qu'il limite à la somme de 14 750 euros la condamnation prononcée contre les sociétés GP Services et Conception développement engineering au profit de la société Garage de la Rossa au titre de la perte d'exploitation de la société Garage de la Rossa, l'arrêt rendu le 19 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne les sociétés Madic, GP Services et Conception développement engineering aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Conception développement engineering et condamne les sociétés Madic, GP Services et Conception développement engineering à payer à la société Garage de la Rossa la somme globale de 3 000 euros ;

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