vendredi 9 décembre 2016

Abus dans l'accomplissement d'une mesure d'exécution forcée

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 1 décembre 2016
N° de pourvoi: 15-25.297
Non publié au bulletin Cassation partielle sans renvoi

Mme Flise (président), président
SCP Ghestin, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'à la suite du divorce de M. X... et Mme Y..., une cour d'appel, statuant sur l'appel d'un jugement rendu au cours des opérations de partage judiciaire les concernant, a condamné Mme Y...à payer à M. X... la moitié des impôts directs, des taxes foncières et des taxes d'habitation relatives au domicile conjugal de 1991 à 1997 avec intérêts au taux légal à compter du jour de la demande ; que par un arrêt rectificatif, cette condamnation a été complétée par l'ajout des termes « en deniers ou en justificatifs de paiement des impôts et taxes litigieux » ; que Mme Y...a interjeté appel du jugement d'un juge de l'exécution la déboutant de sa demande de mainlevée d'une saisie-attribution pratiquée à son encontre par M. X... pour avoir paiement d'une certaine somme au titre de cette condamnation ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de valider la saisie-attribution pratiquée par lui sur les comptes bancaires de Mme Y...en la limitant à la somme de 11 205, 10 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 21 février 2013, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge de l'exécution ne peut pas modifier le dispositif de la décision qui sert de fondement aux poursuites ; qu'il résulte de l'arrêt définitif de la cour d'appel de Metz du 6 septembre 2011, rectifié par l'arrêt du 6 novembre 2012, qui avait réformé le jugement du 20 mai 2008, que Mme Y...a été condamnée « à verser à Igino X... … la moitié des impôts directs et des taxes d'habitation relatives au domicile conjugal de 1991 à 1997, avec intérêt au taux légal au jour de la demande, en deniers ou en justificatifs de paiement des impôts et taxes litigieux » ; qu'en se fondant sur le fait que ces arrêts ne chiffraient pas le montant de la dette de Mme Y...relative aux impôts et taxes pour en déduire qu'il fallait se référer à la somme de 7 913, 10 euros figurant dans les motifs du jugement du 20 mai 2008 qui avait pourtant été réformé sur ce point, la cour d'appel a violé, l'article R. 121-1 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble l'article 1351 du code civil ;

2°/ que selon le dispositif de l'arrêt du 6 septembre 2011, rectifié par l'arrêt du 6 novembre 2012, qui avait réformé le jugement du 20 mai 2008, Mme Y...a été condamnée « à verser à Igino X... … la moitié des impôts directs et des taxes d'habitation relatives au domicile conjugal de 1991 à 1997, avec intérêt au taux légal au jour de la demande, en deniers ou en justificatifs de paiement des impôts et taxes litigieux » ; qu'il en résultait que Mme Y...devait régler la moitié desdits impôts et taxe, sous réserve de justifier de leur règlement au moins partiel ; qu'en arrêtant le chiffre de 7 913, 10 euros et en refusant de rechercher si ce chiffre correspondait à la moitié des impôts payés par M. X... ou si Mme Y...en avait payé une partie, la cour d'appel a violé l'article 1351 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant exactement retenu que l'arrêt fondant les poursuites n'avait pas chiffré le montant des impôts et taxes dus par Mme Y...à M. X... et que la lecture du dispositif ne permettait pas de déterminer quelle somme était due par Mme Y...puisqu'il requérait un examen préalable et la confrontation de nombreuses pièces justificatives, c'est sans violer l'autorité de la chose jugée par cet arrêt que la cour d'appel, pour déterminer le montant de la créance cause de la saisie-attribution, a relevé que M. X... avait lui-même chiffré précisément sa revendication au titre des impôts et taxes à la somme de 7 913, 10 euros ; qu'abstraction faite des motifs erronés critiqués par la première branche, l'arrêt se trouve légalement justifié par ces seuls motifs ;

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à Mme Y...la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts et la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, alors selon le moyen, qu'une action en justice ne peut, sauf circonstances particulières qu'il appartient au juge de spécifier, constituer un abus de droit, lorsque sa légitimité a été reconnue par la juridiction du premier degré ; qu'en affirmant que la mesure d'exécution avait été mise en oeuvre par M. X... pour des sommes qu'il savait ne pas être exigibles puisqu'il ne les avait même pas revendiquées dans ses écrits, en dépit de l'appréciation contraire du premier juge fondée sur les pièces justificatives de la créance, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant relevé que M. X... avait mis en compte dans le cadre de la mesure d'exécution des sommes qui ne ressortaient pas de la décision de justice, qu'il savait ne pas être exigibles puisqu'il ne les avait même pas revendiquées dans ses écrits, en a déduit qu'il avait fait preuve de déloyauté ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, dont il résulte qu'elle n'appréciait pas un abus de M. X... dans l'exercice d'une action en justice reconnue fondée en première instance, mais un abus par ce créancier saisissant au regard des dispositions de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, la cour d'appel, caractérisant la faute de ce dernier dans l'accomplissement d'une mesure d'exécution, a exactement décidé de le condamner au paiement de dommages-intérêts ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu, qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen annexé, pris en sa première branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 1351, devenu 1355, du code civil ;

Attendu que la cour d'appel valide la saisie-attribution limitée à la somme de 11 205, 10 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 21 février 2013 ;

Qu'en statuant ainsi alors que l'arrêt de la cour d'appel du 6 septembre 2011, sur le fondement duquel était poursuivie la saisie-attribution, avait fixé le point de départ des intérêts assortissant la condamnation de Mme Y...au jour de la demande en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et vu l'article l'article 627 du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a assorti la validation de la saisie-attribution limitée à la somme de 11 205, 10 euros des intérêts au taux légal à compter du 21 février 2013, l'arrêt rendu le 23 juin 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que la somme de 11 205, 10 euros produit intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2006 ;

Condamne Mme Y...aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

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