mercredi 14 décembre 2016

Assurance "catastrophes naturelles" - indemnisation : conditions

 - Note Pélissier, RGDA 2017, p. 146. 

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 8 décembre 2016
N° de pourvoi: 15-17.180
Publié au bulletin Cassation partielle

Mme Flise (président), président
Me Rémy-Corlay, SCP Didier et Pinet, avocat(s)




Texte intégral

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... est propriétaire d'une maison située à Moreilles, pour laquelle il a souscrit un contrat multirisques habitation auprès de la société GMF assurances (l'assureur) ; qu'à la suite d'un arrêté du 25 août 2004 portant constatation de l'état de catastrophe naturelle sur la commune de situation de l'immeuble, pour des mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols de juillet à septembre 2003, il a adressé une déclaration de sinistre à l'assureur qui lui a versé la somme de 16 977 euros en lui précisant qu'un complément d'indemnité lui serait payé sur justification des travaux restant à réaliser sur l'extrémité est de la maison ; que des fissures s'étant aggravées sur l'aile ouest de la construction, M. X... a déclaré un nouveau sinistre le 21 octobre 2006 puis a fait assigner l'assureur en indemnisation de ses préjudices ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. X... la somme de 101 567,52 euros TTC au titre de la réfection de l'aile ouest de la maison, alors, selon le moyen :

1°/ que sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens de l'article L. 125-1 du code des assurances, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises ; que l'expert missionné pour rechercher la cause déterminante du dommage affectant l'aile ouest du bâtiment de l'assuré, a conclu que « l'origine des désordres… paraît double : la sensibilité des alluvions marines aux variations de teneur en eau et, notamment, aux phénomènes de retrait-gonflement, les phénomènes de retrait-gonflement du sol et la mauvaise adaptation des fondations aux caractéristiques géotechniques de leur sol d'assise », précisant que « la déshydratation du sol à l'origine de l'arrêté de catastrophe naturelle du 25 août 2004 n'est pas la seule cause des désordres constatés sur la partie ouest mais reste un facteur aggravant » ; que le jugement entrepris, dont il était demandé confirmation, en avait déduit qu'il n'était pas établi que la seule sécheresse de 2003 était la cause déterminante du sinistre ; qu'en se bornant cependant, pour dire que la sécheresse de l'été 2003, déclarée catastrophe naturelle, était la cause déterminante des dommages affectant l'aile ouest du bâtiment, partant condamner l'assureur à indemniser le sinistre, à relever l'absence de désordres antérieurs affectant l'immeuble, quand cette circonstance, établissant seulement la concomitance entre le désordre constaté et la sécheresse n'était pas de nature à établir que l'intensité de l'agent naturel était la cause déterminante du dommage, ni exclure l'origine des désordres, telle qu'elle avait été constaté par l'expert, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 125-1 du code des assurances ;

2°/ que seuls sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens de l'article L. 125-1 du code des assurances, les dommages matériels directs résultant de l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises ; que l'expert missionné pour rechercher la cause déterminante du dommage affectant l'aile ouest du bâtiment de l'assuré, a constaté que les fondations réalisées en 1980 n'étaient pas conformes aux règles de l'art, (mal dimensionnées, reposant sur des pieux de bois en nombre insuffisant, mal positionnés et qui, faute de longueur suffisante pour atteindre le sol stable ne contribuaient en aucune manière à soutenir et à renforcer les fondations en béton) et n'étaient pas adaptées aux caractéristiques géotechniques de leur terrain d'assise ; que l'expert a préconisé, afin d'assurer la pérennité de l'ouvrage devant être reconstruit, la création de fondations spéciales adaptées à la nature du terrain, avec mise en oeuvre de treize micropieux, d'une profondeur de dix-sept mètres implantés, selon le schéma indiqué ; que le jugement entrepris, dont il était demandé confirmation, en avait déduit qu'il n'était pas établi que toutes les mesures, qui auraient dû être prises pour prévenir les dommages constatés dans l'aile ouest, l'avaient effectivement été ; qu'en se bornant cependant, pour condamner l'assureur à prendre en charge le sinistre, à affirmer, de manière inopérante, que « les mesures habituelles prises à raison de la nature du sol, à savoir une fondation avec micropieux, avaient bien été mises en place et avaient donné satisfaction pendant plusieurs années sans pouvoir néanmoins empêcher la survenance de désordres résultant d'une catastrophe naturelle », sans rechercher si une fondation effectuée dans les règles de l'art, avec des micropieux plus nombreux, mieux implantés et, surtout, d'une profondeur permettant de faire reposer la fondation de l'ouvrage sur un sol ferme était une mesure habituelle qui aurait dû être prise et aurait pu empêcher la survenance du dommage et qui n'avait pas été prise, la cour d'appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 125-1 du code des assurances ;

3°/ que seuls sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles les dommages matériels directs résultant de l'intensité anormale d'un agent naturel ; que l'assureur faisait valoir, à titre subsidiaire, que le remplacement des fondations initiales, non conformes aux règles de l'art, par des fondations adaptées au sol devant supporter l'ouvrage, ne constituait pas un dommage matériel direct résultant de la sécheresse, partant ne devait pas être pris en charge par l'assureur ; qu'en énonçant cependant, pour condamner l'assureur à indemniser son assuré du coût de la création de ces fondations, que « le préjudice de M. X... doit cependant être indemnisé de la totalité des désordres dès lors que les améliorations apportées aux fondations sont le seul moyen d'éviter leur réapparition », la cour d'appel, qui a condamné l'assureur à prendre en charge des travaux d'amélioration, a violé, par refus d'application l'article L. 125-1 du code des assurances ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a souverainement estimé que la sécheresse de 2003 ayant donné lieu à l'arrêté de catastrophe naturelle du 25 août 2004 était la cause déterminante du sinistre sans se borner à relever à cet effet l'absence de désordres antérieurs affectant l'immeuble, n'était pas tenue d'effectuer la recherche visée par la deuxième branche que ses constatations rendaient inutiles et a souverainement évalué l'indemnité due au titre de la réparation intégrale du dommage résultant de la nécessité de procéder à la démolition complète avant reconstruction de l'aile ouest de la construction ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à M. X... la somme de 1 424,25 euros au titre de la reprise des fissures du salon, alors, selon le moyen :

1°/ que sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens de l'article L. 125-1 du code des assurances, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises ; que le seul constat de ce que l'expert mandaté par l'assureur a constaté l'existence de fissures, soit l'existence d'un dommage, n'est pas de nature à établir le rôle causal déterminant de l'intensité anormale de l'agent naturel ; qu'en ce qu'elle s'est fondée, pour dire l'assureur tenu à garantie, sur le seul constat, effectué par l'expert de l'assureur en suite de l'arrêté de catastrophe naturelle et de la déclaration de sinistre, de l'existence de fissures affectant le salon du corps principal du bâtiment, la cour d'appel, qui a confondu preuve du dommage et preuve du lien causal, a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 125-1 du code des assurances ;

2°/ que la cour d'appel a constaté que « l'expert indique que les fissures qui affectent le salon ne peuvent avoir comme seule origine la dessiccation du sol et être directement rattachées à l'arrêté de catastrophe naturelle du 25 août 2004 ; qu'il a relevé plusieurs origines : l'absence de fondations pouvant s'opposer aux charges importantes d'un mur en pierre de 0,50 m d'épaisseur, la nature du terrain en zone de marais soumise à des taux hydrométriques variables, affectant la portance du sol et du sous-sol, l'absence de chaînage en partie haute et la vétusté » ; qu'en se bornant, pour dire que les fissures ont eu pour cause déterminante la catastrophe naturelle de septembre 2003, partant que l'assureur est tenu à garantie, à relever, de manière inopérante, que les fissures ont été observées par l'expert mandaté par l'assureur dans le cadre de sa mission Cat Nat, sans indiquer pour quels motifs les différents éléments relevés par l'expert, (absence de fondations et de chaînage du bâtiment, nature du sol, vétusté du bâtiment), comme origines des désordres, n'étaient pas la cause déterminante du dommage, la cour d'appel a encore privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 125-1 du code des assurances ;

Mais attendu que la cour d'appel qui, ayant énuméré les différentes origines relevées par l'expert s'agissant des fissures constatées dans le salon de la maison de M. X... et s'étant à cet égard référée à l'analyse, vainement critiquée par le premier moyen, qu'elle avait précédemment développée pour l'aile ouest de la construction, a souverainement estimé que ces fissures avaient également eu pour cause déterminante la catastrophe naturelle ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article L. 125-1 du code des assurances ;

Attendu que pour condamner l'assureur à payer à M. X... à ce titre la somme de 19 251,16 euros, l'arrêt énonce que l'expert a en outre préconisé la pose, le long du mur sud, d'une membrane d'étanchéité « qui peut s'inscrire comme une mesure conservatoire » ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à justifier la prise en charge du coût de cette membrane d'étanchéité au titre d'un dommage matériel direct au sens du texte susvisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société GMF assurances à payer à M. X... la somme de 19 251,16 euros TTC au titre de la pose d'une membrane d'étanchéité, l'arrêt rendu le 27 février 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties en l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et le condamne à payer à la société GMF assurances la somme de 3 000 euros ;

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