dimanche 20 avril 2014

L'assureur n'est présent à la procédure qu'au titre de la police pour l'application de laquelle il a été assigné

L'assureur n'est présent à la procédure qu'au titre de la police pour l'application de laquelle il a été assigné

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 28 janvier 2014
N° de pourvoi: 13-10.543
Non publié au bulletin Rejet

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 18 octobre 2012), que la Société HLM l'habitation économique, devenue la société HLM Logevie (la société Logevie), a confié le lot gros oeuvre de la construction de deux bâtiments à la société Snegso, assurée auprès de la Smabtp, et les fondations spéciales à la société Sondefor, assurée auprès de la société Covea Fleet ; que la société ECCTA, assurée auprès de la société Sagena était maître d'oeuvre et que M. Y..., ingénieur conseil assuré auprès de la Smabtp, s'était vu confier l'établissement des plans d'exécution ; qu'à la suite de l'apparition de fissures dans l'immeuble contigu appartenant à M. Z..., les travaux ont été interrompus ; qu'un protocole d'accord a été signé entre la société l'Habitation économique et la société Snegso aux termes duquel, sans reconnaissance de responsabilité, le maître d'ouvrage s'engageait à préfinancer en partie le préjudice de la société Snegso, à déterminer par voie d'expertise, en échange de la reprise des travaux et de la livraison du lot gros-oeuvre pour le 31 octobre 2002, la société Logevie étant subrogée dans les droits de la société Snegso pour recouvrer contre les responsables les sommes versées au titre du protocole ; que l'expertise a attribué la cause des désordres à la perforation des fondations de l'immeuble de M. Z... par un pieu des fondations spéciales ; que M. Z... a assigné la société Logevie qui a appelé en garantie les constructeurs ; que la société Snegso a demandé à la société Logevie l'indemnisation de son préjudice sur le fondement du protocole d'accord ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis :
Attendu que la société Snegso et la Smabtp font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum avec les sociétés Sondefor et Covea Fleet à relever indemne la société Logevie des sommes de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts et de 3 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile qu'elle a été condamnée à verser à M. Z..., de dire que, dans leurs rapports entre elles, les sociétés Snegso et Smabtp, d'une part, Sondefor et Covea Fleet, d'autre part, seraient tenues pour moitié, de les condamner, in solidum avec les sociétés Sondefor et Covea Fleet, à payer à la société Logevie la somme de 242 758 euros en indemnisation de son préjudice propre, et de dire que, dans leurs rapports entre elles, les sociétés Snegso et Smabtp, d'une part, les sociétés Sondefor et Covea Fleet, d'autre part, seraient tenues pour la moitié de cette condamnation, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'il n'est pas établi que le maître de l'ouvrage, dont le bien est à l'origine de troubles du voisinage, a été subrogé après paiement dans les droits du voisin victime, son action en garantie contre l'entrepreneur est fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun laquelle exige la preuve d'une faute ; qu'il ressortait des propres constatations de la cour d'appel par motifs adoptés que « Logevie agit à l'encontre de Snegso (¿) en garantie de la condamnation prononcée au profit de M. Z... » ; qu'en condamnant dès lors la société Snegso in solidum avec un autre entrepreneur et leurs assureurs respectifs à relever le maître de l'ouvrage, la société Logevie, indemne des condamnations prononcées à l'égard du voisin victime, M. Z..., motifs pris de ce que la « société Snegso (¿. n'a) pas respecté (¿ ses) obligations contractuelles de résultat à l'égard de Logevie et (¿ a) provoqué les dommages causes des troubles anormaux de voisinage subis par M. Z... » la cour d'appel a violé les dispositions des articles 544, 1147, 1787 et 1792 et suivants du code civil ;
2°/ que l'action pour trouble anormal du voisinage ne saurait être intentée qu'à l'encontre du voisin occasionnel, auteur matériel du trouble ; que s'agissant de la déstabilisation de l'immeuble contigu, cette action ne saurait être intentée qu'à l'encontre de l'entreprise ayant procédé au forage dans le fonds voisin, et non à l'encontre de celle ayant prétendument modifié les plans de forage ; qu'en tout état de cause, il suffisait de se reporter aux pages 22 et 23 du rapport de l'expert judiciaire pour constater que M. A... a comparé à tort le plan d'exécution BA 201 A du 3 mars 2002, au lieu du plan BA 200 du 9 septembre 2001 avec le plan projet n° GO A01 du 6 janvier 2000 pour en déduire que la société Snegso aurait modifié l'implantation du pieu n° 26 en le rapprochant du mur pignon de la propriété voisine : « Nous rappelons que le pieu n° 26 a été implanté avec 60 cm de décalage avec l'axe des pieux n° 12 et 18 : Voir plan d'exécution BA 201 A de Snegso » ; qu'en considérant dès lors que « la prétendue erreur alléguée contre l'expert auquel il a été reproché à tort de s'être fié au plan BA 201 du 3 mars 2002 pour apprécier l'erreur d'implantation qu'il a retenue, n'est pas établie », la cour d'appel a dénaturé les termes du rapport de l'expert et violé les dispositions de l'article 1134 du code civil ;
3°/ que le plan d'implantation de la société Snegso prévoyait une distance de 60 cm entre le bord du pieu et le mur conformément au plan projet ECCTA du 6 janvier 2000 (référence GOA01) lequel prévoyait lui-même une distance de 100 cm entre l'axe du pieu de 80 cm de diamètre, situé en son milieu et le bord du mur ainsi que le faisait valoir la société Snegso dans ses conclusions récapitulatives d'appel ; que la cour d'appel a cependant condamné la société Snegso in solidum avec la société Sondefor et leurs assureurs respectifs à relever la société Logevie indemne des condamnations prononcées à l'égard de M. Z... motifs pris de ce que « l'expert précise que si la côte de 100 centimètres d'axe prévue au plan projet de la SAS ECCTA avait été respectée, le débord de la semelle n'aurait pas eu d'incidence » ; qu'en statuant ainsi sans avoir nul égard aux conclusions de la société Snegso relevant la conformité de son plan d'implantation au plan projet d'ECCTA, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 544, 1147, 1787 et 1792 et suivants du code civil ;
4°/ que la Smabtp avait fait valoir dans ses écritures que la réalisation du pieu n° 26 par la société Sondefor était intervenue le 10 septembre 2001 suivant le plan d'exécution BA 200 du 9 septembre 2001 de la société Snegso, approuvé par le maître d'oeuvre ECCTA et le bureau de contrôle Socotec et non celui BA 201 A du 3 mars 2002 et que l'expert avait dès lors opéré une confusion en déduisant la faute de la société Snegso du plan d'exécution « BA 201 A » postérieur à la réalisation du pieu litigieux ; que la cour d'appel a admis que le pieu n° 26 avait été réalisé le 14 septembre 2001 tout en écartant l'erreur commise par l'expert en se fondant sur seul plan GO A 01 établi par le maître d'oeuvre la société ECCTA et que la société Sondefor n'aurait pas respecté sans rechercher, comme elle y était invitée, la date du plan d'exécution réalisé par la société Snegso qui avait été retenu par l'expert pour imputer à cette dernière une faute dans l'établissement du plan ; que, partant, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu, au vu du rapport d'expertise, qu'aucun des plans établis par la société Snegso ne respectait le projet de la société ECCTA prévoyant un écart de 100 centimètres entre l'axe du pieu et les fondations de la maison de M. Z... et que le non-respect de cet écart avait entraîné la perforation de ces fondations par la société Sondefor qui avait appliqué les plans de la société Snegso, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu retenir que la faute de la société Snegso dans l'exécution du contrat d'entreprise avait contribué, pour partie, directement à la réalisation du dommage et la condamner, avec son assureur, à l'indemnisation du préjudice en résultant ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Snegso fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes présentées contre la Smabtp, ès qualités d'assureur de M. Y..., alors, selon le moyen, que l'appel peut être dirigé contre toute personne ayant été partie en première instance, soit toute personne ayant participé à l'instance en y ayant développé ou au contraire subi des prétentions ; qu'il ressortait des motifs du jugement que dans ses conclusions récapitulatives du 18 juin 2010, la société Snegso avait demandé au Tribunal de juger, « si par impossible le tribunal retenait une part de responsabilité à l'encontre de la société Snegso (¿) qu'elle devra en être garantie par son assureur le cas échéant par la même en sa qualité d'assureur de M. Y... ¿. » et qu'aux termes de ses écritures du 21 juin 2010, la compagnie Smabtp lui avait demandé de « juger irrecevables les demandes de la société Snegso à l'encontre de la Smabtp ès qualités d'assureur de M. Y... » ; qu'il en résultait que la compagnie Smabtp était déjà dans la cause en première instance, en sa qualité d'assureur de M. Y... ainsi que le faisait valoir la société Snegso dans ses conclusions récapitulatives d'appel ; qu'en déclarant dès lors irrecevable la demande formée par la société Snegso contre la compagnie Smabtp en ladite qualité motifs pris de ce qu'elle n'avait « été attraite à la procédure devant le Tribunal qu'en qualité d'assureur de la SAS Snegso » la cour d'appel a violé les dispositions des articles 68 et 547 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la SMABTP n'avait été assignée, devant le tribunal, qu'en sa qualité d'assureur de la société Snegso et que, n'étant pas partie à la procédure de première instance en sa qualité d'assureur de M. Y..., qui n'avait pas, non plus, été mis en cause, elle ne pouvait être attraite en cette qualité dans la procédure d'appel faute d'évolution du litige, la cour d'appel en a exactement déduit que les demandes formées par la société Snegso contre la Smabtp, assureur de M. Y..., étaient irrecevables ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi principal :
Attendu que la société Snegso fait grief à l'arrêt de la condamner à rembourser à la Société Logevie la somme de 30 000 euros au titre de l'inexécution du protocole d'accord, et de la débouter de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il ressortait des termes du protocole d'accord du 29 mars 2002 qu'il avait précisément pour objet, en contrepartie de la reprise des travaux par la société Snegso, d'indemniser le coût financier par elle subi dans le cadre de l'arrêt du chantier, tel qu'évalué par l'expert judiciaire ; que le protocole prévoyait ainsi en son : « Article 1 : La société l'Habitation économique (nouvellement dénommée Logevie) s'engage à préfinancer pour partie les pertes financières évoquées par la société Snegso ¿. », et en son « Article 4 : Le préfinancement visé à l'article 1 interviendra suivant les modalités suivantes : (¿) 50 % du préjudice financier de la société Snegso dès production d'une note de l'expert ¿. » ; que la cour d'appel a cependant dénié toute indemnisation à la société Snegso dont le préjudice avait été évalué par l'expert judiciaire à la somme de 199 515, 70 euros dans son rapport du 25 mai 2007 en ce qu'elle « ne saurait (¿) imputer son préjudice à une prétendue inexécution du protocole d'accord du 29 mars 2002 par lequel le maître de l'ouvrage s'engageait à préfinancer les pertes financières du constructeur » ; qu'en statuant ainsi au motif inopérant que ledit préjudice trouverait sa cause dans l'arrêt du chantier à la suite d'une erreur dont la société Snegso a été jugée co-responsable, la cour d'appel a dénaturé le protocole d'accord et violé les dispositions des articles 1134 et 2044 et suivants du code civil ;
2°/ qu'un constructeur dont la responsabilité n'a été retenue qu'à hauteur de 50 % ne saurait se voir privé de la totalité de l'indemnisation de son préjudice convenue avec le maître de l'ouvrage ainsi que le faisait valoir la société Snegso dans ses conclusions récapitulatives d'appel : « (¿) si par impossible une quelconque part de responsabilité était laissée par la cour à la société Snegso, dans cette hypothèse il y aurait lieu de la voir dire et juger que la réparation du préjudice subi par Snegso ne serait amputée de son éventuelle quote-part de responsabilité mais non de la totalité » ; qu'en déboutant dès lors dans son intégralité la société Snegso de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts cependant qu'elle avait été jugée co-responsable de l'arrêt du chantier avec la société Sondefor, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 1382 et 1792 et suivants du code civil ;
3°/ que le protocole d'accord du 29 mars 2002 prévoyait en son article 4 que le préfinancement du coût financier subi par la société Snegso du fait de l'arrêt du chantier interviendrait selon les modalités suivantes : « 30 000 euros à la signature du présent protocole à titre d'avance sur les 50 % visés ci-après ; 50 % du préjudice financier de la société Snegso dès production d'une note de l'expert définissant précisément le montant de ce préjudice, déduction faite des 30 000 euros visés précédemment » ; que la cour d'appel a considéré que « la date de livraison (¿) même reportée au 27 août 2003 par le jeu des avenants calculé par la société Snegso n'a pas été respectée suivant le rapport de l'expert qui la situe au 1er décembre 2003 en ce qui concerne le seul lot de gros oeuvre concernant la SAS Snegso » ; qu'en statuant ainsi sans avoir nul égard au compte-rendu de chantier du 25 septembre 2003 faisant ainsi apparaître, ainsi que le faisait valoir la société Snegso dans ses conclusions d'appel que les travaux du lot gros-oeuvre spécifiquement attribués à la société Snegso étaient d'ores et déjà achevés à cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1134, 1147, 1787 et 1792 et suivants du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu, sans laisser aucune part de responsabilité à la société Logevie, que les frais générés par l'arrêt du chantier trouvaient leur origine dans l'erreur d'implantation du pieu dont la société Snegso avait été reconnue pour partie responsable, que la contrepartie du préfinancement de ces frais par le maître d'ouvrage était la livraison du lot gros-oeuvre par la société Snegso au 31 octobre 2002 et que cette date, même reportée par le jeu des avenants, au 27 août 2003, n'avait pas été respectée par l'entreprise qui n'avait, selon l'expert, terminé le lot qu'au 1er décembre 2003, la cour d'appel, a pu, sans dénaturer le protocole d'accord et sans avoir à procéder à une recherche que ces constatations rendaient inopérante, considérer que la société Snegso n'avait pas exécuté les obligations résultant du protocole et la débouter des demandes formées sur ce fondement ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Snegso et la Smabtp à payer à la société Logevie la somme globale de 3 000 euros et à la société Sondefor et la société Covea Fleet la somme globale de 3 000 euros ; condamne la société Snegso à payer à la société Sagena et à la société ECCTA, la somme globale de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;

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