Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 26 mars 2014
N° de pourvoi: 13-10.202
Non publié au bulletin Rejet
M. Terrier (président), président
Me Le Prado, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Odent et Poulet, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 28 septembre 2012, RG 08/ 03281), que Mme X... ayant constaté l'apparition de fissures dans sa maison, après une période de sécheresse, a fait une déclaration de sinistre auprès de la société Mutuelles du Mans Assurances (MMA), assureur dommages-ouvrage, et une déclaration auprès de la société Axa France IARD (Axa), assureur catastrophe naturelle ; qu'après expertise, elle a assigné les vendeurs, le constructeur, les sociétés MMA et Axa en indemnisation ;
Sur le moyen unique :
Attendu que la société Axa fait grief à l'arrêt de dire qu'elle doit sa garantie à Mme X... au titre de la garantie catastrophe naturelle, alors, selon le moyen :
1°/ que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ; qu'il ne saurait en revanche s'exonérer de sa responsabilité de plein droit en démontrant n'avoir commis aucune faute, pas plus qu'en établissant avoir respecté les normes applicables à l'époque de la construction ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme X... de sa demande principale dirigée contre la société Maisons d'aujourd'hui et son assureur décennal la société MMA et dire en conséquence que la garantie de la société Axa est due, en sa qualité d'assureur « catastrophe naturelle », la cour d'appel a retenu que la construction n'était affectée d'aucun vice de conception ni d'aucune malfaçon et que le constructeur avait parfaitement respecté les normes applicables à l'époque de la construction ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;
2°/ que si un phénomène de sécheresse peut constituer une cause étrangère exonératoire de la responsabilité de plein droit du constructeur, encore faut-il qu'il revête les caractères de la force majeure et qu'il soit en conséquence irrésistible ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme X... de sa demande principale dirigée contre la société Maisons d'aujourd'hui et son assureur décennal la société MMA, la cour d'appel a affirmé que la sécheresse ayant sévi dans la région constituait un événement de force majeure exonérant le constructeur, aux motifs que l'expertise démontrait qu'aucune précaution, notamment quant au choix des semelles de l'immeuble, n'aurait pu suffire à éviter les graves dommages survenus du fait de cette sécheresse ; que pourtant, aux termes de son rapport, l'expert indiquait qu'« à l'époque de la construction du pavillon soit en 1996, les profondeurs d'assise des fondations étaient dans l'obligation d'être à une cote hors gel de-60, le pavillon est ancré à une profondeur de-65. Depuis la date de la construction du pavillon et vu les problèmes constatés sur les différents éléments de sécheresse, à ce jour et en fonction des études de sol qui sont rendues obligatoires, il est vrai que les ancrages des fondations auraient été au minimum demandés à 1, 20 m voire 1, 50 m dans les argiles. Nous ne pouvons mettre en cause le constructeur qui n'était pas censé devancer les réglementations applicables dix ans après » ; que l'expert préconisait en outre des travaux consistant « à reprendre en sous-oeuvre la totalité des fondations de l'immeuble permettant un ancrage dans les assises profondes et résistantes permettant de supprimer sous les semelles de fondation les effets retrait gonflement » ; qu'en se déterminant comme elle a fait, la cour d'appel a ainsi dénaturé le rapport d'expertise et violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ que si un phénomène de sécheresse peut constituer une cause étrangère exonératoire de la responsabilité de plein droit du constructeur, encore faut-il qu'il revête les caractères de la force majeure et qu'il soit en conséquence irrésistible ; que n'est pas irrésistible l'événement qui aurait pu être évité par une attitude diligente de l'entrepreneur tenu d'une obligation de se renseigner et d'adapter son projet aux données naturelles qu'il a pu obtenir ; qu'en l'espèce, pour débouter Mme X... de sa demande principale dirigée contre la société Maisons d'aujourd'hui et son assureur décennal la société MMA, la cour d'appel a affirmé que la sécheresse ayant sévi dans la région constituait un événement de force majeure exonérant le constructeur, aux motifs que l'expertise démontrait qu'aucune précaution, notamment quant au choix des semelles de l'immeuble, n'aurait pu suffire à éviter les graves dommages survenus du fait de cette sécheresse ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait la société Axa, les dommages n'avaient pas pour origine le comportement du constructeur qui s'était abstenu de procéder à la moindre étude de sol, laquelle lui aurait permis de constater que l'immeuble litigieux devait être construit sur un terrain argileux nécessitant des fondations plus profondes que les normes de l'époque ne l'exigeaient, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
4°/ que les jugements doivent être motivés, à peine de nullité ; que le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motivation ; que si un phénomène de sécheresse peut constituer une cause étrangère exonératoire de la responsabilité du constructeur, encore faut-il qu'il revête les caractères de la force majeure et qu'il soit en conséquence imprévisible ; qu'en l'espèce, la société Axa soutenait que l'épisode de sécheresse invoqué par le constructeur et son assureur décennal n'était pas imprévisible dès lors que plusieurs arrêtés de catastrophe naturelle motivés par des épisodes de sécheresse avaient déjà été pris dans les années précédant l'intervention de l'arrêté litigieux du 24 août 2004 ; qu'en s'abstenant de répondre à ce moyen, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé, sans dénaturation, que l'expert indiquait que la construction n'était affectée d'aucun vice des matériaux ou de conception ni d'aucune malfaçon et que le constructeur avait respecté les normes applicables au moment des travaux pour les profondeurs d'assise des fondations et retenu qu'aucune précaution quant au choix des semelles de l'immeuble n'aurait pu suffire à éviter les graves dommages survenus du seul fait de la sécheresse exceptionnelle, la cour d'appel, qui, répondant aux conclusions, n'était pas tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire que la sécheresse présentait tous les caractères de la force majeure et exonérait les constructeurs de leur responsabilité légale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Axa France IARD à payer à la société Mutuelles du Mans assurances IARD, la somme de 3 000 euros, à Mme X..., la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Axa France IARD ;
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mardi 15 avril 2014
Sécheresse : force majeure - exonération des constructeurs (oui)
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