Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 26 mars 2014
N° de pourvoi: 12-25.150
Non publié au bulletin Cassation partielle
M. Terrier (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boulloche, SCP Didier et Pinet, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la société Mutuelle des architectes français (la MAF) et à M. X... du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le syndicat des copropriétaires de la résidence Scarlett (le syndicat), pris en la personne de son syndic la société Gestrim, M. Y... et la société Groupama d'Oc assurances mutuelles agricoles (Groupama), la société Bureau Veritas et la société Les Mutuelles du Mans assurances (les MMA) ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 21 juin 2012), que
la société Piersud, aux droits de laquelle sont venues la Compagnie immobilière Phenix promotion patrimoine (CIPPP), puis la société AS2, assurée en police dommages-ouvrage et police de responsabilité du constructeur non-réalisateur auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), a fait édifier et vendu en l'état futur d'achèvement un groupe de logements placés sous le régime de la copropriété et dénommé Résidence Scarlett ; que sont notamment intervenus à l'opération de construction M. X..., architecte assuré par la MAF, M. Y..., assuré par Groupama, pour les passages couverts, et le Bureau Veritas, assuré par les MMA ; que se plaignant de désordres, le syndicat a, après expertise, assigné en indemnisation la CIPPP, qui, par assignations délivrées entre le 1er et le 14 décembre 2006, a appelé en garantie la SMABTP, M. X... et la MAF, M. Y... et Groupama, ainsi que le Bureau Veritas et les MMA ; que la société AS2, qui avait décidé, le 5 octobre 2006, de dissoudre la société CIPPP, dont elle était l'unique associée, a, en cours de procédure, déclaré venir aux droits de celle-ci ; que M. X..., la MAF et la SMABTP ont fait valoir que la société
CIPPP avait perdu la personnalité morale antérieurement aux assignations délivrées, atteintes d'une nullité de fond ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident éventuel de la société AS2 :
Attendu que la société AS2 fait grief à l'arrêt de déclarer le syndicat recevable à agir en réparation des désordres constatés par l'expert dans son rapport déposé le 19 décembre 2001 et de la condamner à lui payer diverses sommes, alors selon le moyen, que le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale et si les désordres à réparer peuvent être désignés par référence à un document tel un rapport d'expertise, sans être précisément énumérés dans la décision d'autorisation du syndic, encore faut-il que ce document ait été analysé par les copropriétaires après qu'il leur eut été communiqué ou qu'il ait été annexé aux convocations ; qu'en se bornant à relever que les éléments exposés dans le rapport d'expertise ont bien fait l'objet de discussions au cours de l'assemblée générale du 11 mai 2002, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce rapport d'expertise avait été communiqué aux copropriétaires ou annexé à leurs convocations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 55 du décret du 17 mars 1967 ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le projet d'assignation, qui portait sur la réparation de toutes les malfaçons, désordres, manquements et défauts de conformité présentés par les immeubles principaux, annexes, ouvrages, équipements constituant les parties communes de la copropriété sur la base des éléments exposés dans le rapport de l'expert, avait été joint à la convocation de l'assemblée générale des copropriétaires qui s'était réunie le 11 mai 2002, en présence des avocats, qui avaient exposé les problèmes et donné des explications sur la procédure, la cour d'appel qui, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, a pu en déduire que l'action du syndicat était recevable, a légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen du pourvoi incident éventuel de la société AS2, ci-après annexé :
Attendu qu'ayant relevé que l'expert avait observé un pourrissement accéléré des menuiseries trouvant son origine dans l'utilisation d'un bois blanc très tendre au lieu du bois rouge qui était prévu, la cour d'appel a pu retenir, sans méconnaître le principe de la réparation intégrale, qu'en raison de la gravité des désordres, le syndicat était en droit d'obtenir le remplacement des éléments détériorés et de tous les éléments d'origine ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier et le deuxième moyens du pourvoi incident de la société AS2, réunis :
Attendu que la société AS2 fait grief à l'arrêt de la condamner à payer au syndicat la somme de 1 823, 29 euros TTC au titre des avaloirs manquants et celle de 7 720, 02 euros TTC au titre de la non-réalisation de liaisons architecturales, alors selon le moyen, que le fait d'accepter sans réserve la chose vendue interdit à l'acheteur de rechercher la responsabilité des constructeurs sur le fondement d'un manquement à leur obligation de lui délivrer un objet conforme aux stipulations contractuelles ; qu'en considérant, par motifs adoptés, que l'absence de réserve à la réception du défaut de conformité apparent des avaloirs était sans incidence sur l'obligation de délivrance qui pèse sur le vendeur, et qu'en condamnant la société AS2 au titre de la non-réalisation des liaisons architecturales, après avoir pourtant constaté qu'aucune réserve n'avait été formulée à la réception sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 1604 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la réalisation d'un seul avaloir au lieu de quatre et le défaut de réalisation des liaisons architecturales en bois avaient été à l'origine du refus de conformité du maire, la cour d'appel, qui a retenu à bon droit que le syndicat pouvait rechercher la responsabilité du vendeur d'immeuble à construire, pour un défaut de conformité apparent à la réception qui n'avait pas fait l'objet de réserve, a pu en déduire que la société AS2 devait délivrer un bien conforme aux stipulations contractuelles ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi incident de la société AS2 :
Attendu que la société AS2 fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande à l'encontre de M. X... et de la MAF au titre des parkings non matérialisés, des avaloirs manquants et de la non-réalisation de liaisons architecturales, alors selon le moyen, que la clause de saisine préalable à toute action judiciaire en cas de litige sur l'exécution du contrat de l'ordre des architectes ne pouvait porter que sur les obligations des parties au regard des dispositions de l'article 1134 du code civil et n'a pas vocation à s'appliquer lorsque la responsabilité de l'architecte est recherchée sur le fondement de l'article 1792 du même code ; qu'en se bornant à affirmer que le litige opposant la société AS2 et M. X... concernait les obligations de ce dernier quant à son implication dans les défauts de conformité, sans rechercher, si la responsabilité de l'architecte était recherchée sur le fondement de l'article 1792 du code civil, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les demandes concernant les parkings non matérialisés, les avaloirs manquants et la non-réalisation de liaisons architecturales, dénonçaient des non-conformités et retenu la responsabilité contractuelle de la société AS2 sur le fondement de l'article 1147 du code civil, la cour d'appel qui, sans être tenue de procéder à des recherches que ses constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que la saisine préalable du conseil de l'ordre était obligatoire, a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi de la société MAF et de M. X..., pris en ses première et troisième branches, et sur le moyen unique du pourvoi incident de la SMABTP, pris en ses première et troisième branches, rédigés en termes identiques, réunis, délibéré par la chambre commerciale :
Vu les articles 1844-5 du code civil et 8, alinéa 2, du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978 ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que la dissolution d'une société dont toutes les parts sont réunies entre les mains d'une personne morale entraîne la transmission universelle de son patrimoine à l'associé unique, sans qu'il y ait lieu à liquidation et que cette transmission n'est réalisée et qu'il n'y a disparition de la personnalité morale qu'à l'issue du délai d'opposition de trente jours ouvert aux créanciers ou, le cas échéant, lorsque l'opposition a été rejetée en première instance ou que le remboursement des créances a été effectué ou les garanties constituées ; qu'aux termes du second, le délai d'opposition court à compter de la publication de la dissolution faite dans un journal habilité à recevoir les annonces légales ;
Attendu que pour condamner in solidum la SMABTP, la société MAF et M. X... à garantir la société AS2 des condamnations au paiement des sommes de 560 024,41 euros et 191 807,30 euros prononcées au profit du syndicat des copropriétaires, l'arrêt retient qu'il ressort des dispositions de l'article 1844-5, alinéa 3, du code civil que la disparition de la personne morale n'intervient qu'après le délai d'opposition et qu'en l'espèce la radiation a été publiée au BODACC le 16 novembre 2006 ; que l'arrêt en déduit que les assignations délivrées par la société CIPPP entre le 1er et le 14 décembre 2006 l'ont été avant la perte de sa personnalité morale ;
Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que la dissolution de la société CIPPP avait été publiée le 6 octobre 2006 dans un journal habilité à recevoir les annonces légales, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :
- condamne in solidum la SMABTP, M. X... et la MAF à garantir la société AS2 de ce chef de condamnation au titre des remontées d'eau d'un montant de 560 024, 41 euros TTC,
- condamne in solidum la SMABTP, M. X... et la MAF à garantir la société AS2 de ce chef de condamnation (au titre des désordres affectant les menuiseries extérieures des constructions ayant fait l'objet des tranches 3bis 4 et 5) au paiement de la somme de 191 807,30 euros TTC,
l'arrêt rendu le 21 juin 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
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