jeudi 17 avril 2014

Dommage imminent né de l'effet d'un commandement visant la clause résolutoire - pouvoirs du juge des référés

Cour de cassation
chambre civile 2
Audience publique du jeudi 8 juillet 2010
N° de pourvoi: 09-14.879
Non publié au bulletin Rejet

M. Loriferne (président), président
SCP Gadiou et Chevallier, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique tel que reproduit en annexe :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Paris, 7 avril 2009) et les productions, que la société Le Roma (la société) a pris à bail, le 28 décembre 2001, un local commercial appartenant, depuis le 15 novembre 2005, à la société civile immobilière Gesima, (la SCI) ; que diverses procédures ont opposé les parties, après délivrance par la SCI, de commandements de payer des sommes dues à titre de loyers ; que la société, destinataire d'un commandement en date du 18 avril 2008, a, le 5 mai suivant, contesté, par voie d'assignation en référé, l'acquisition de la clause résolutoire, prévue au bail en cas de défaut de paiement du loyer ;

Attendu que la SCI fait grief à l'arrêt de dire que le commandement du 18 avril 2008, de payer une certaine somme à titre de loyers, délivré à la société n'est pas fondé et qu'il n'a pas entraîné l'acquisition de la clause résolutoire et de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Mais attendu que l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que dès lors que le commandement litigieux visait la clause résolutoire, acquise de plein droit insérée au bail, dont il était expressément indiqué que la SCI entendait se prévaloir en cas de non-paiement de loyers dans le délai imparti, et que la société preneuse estimait avoir antérieurement réglé les loyers réclamés, le fait que le chèque remis en règlement du loyer d'avril 2008 ait été encaissé dans le mois du commandement ne saurait empêcher la société de faire juger que les causes de ce dernier étaient injustifiées au jour de sa délivrance et que cet acte n'a pu produire ses effets ; que le premier juge, auquel la société avait demandé de dire que le commandement de payer du 18 avril 2008 n'a pas entraîné l'acquisition de la clause résolutoire, a statué conformément aux prétentions qui lui étaient soumises ;

Qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu considérer, au regard des inexactitudes affectant les différents décomptes produits par la SCI au soutien de ses précédentes demandes en paiement envers la société, que l'action en référé de cette dernière n'était pas fautive ;

Et attendu que l'arrêt relève à juste titre qu'il existait un risque pour la société de se voir opposer le bénéfice de l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit de son bail commercial, constitutifs d'un dommage imminent qu'il importait de prévenir, de sorte que la décision de dénier au commandement du 18 avril 2008 l'acquisition de la clause résolutoire constituait une mesure appropriée ;

D'où il suit que le moyen est mal fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SCI Gesima aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la SCI Gesima ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit juillet deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la SCI Gesima

Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le commandement de payer délivré le 18 avril 2008 par la SCI GESIMA à l'encontre de la SARL LE ROMA n'était pas fondé et qu'il n'a pas entraîné l'acquisition de la clause résolutoire et d'AVOIR en conséquence débouté la SCI GESIMA de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

AUX MOTIFS QUE, dès lors que le commandement litigieux visait la clause résolutoire de plein droit insérée au bail, dont il était expressément indiqué que la bailleresse entendait se prévaloir en cas de non-paiement dans le délai imparti, et que la société preneuse estimait avoir entièrement réglé les loyers réclamés, le fait que le chèque remis en règlement du loyer d'avril 2008 ait été encaissé dans le mois du commandement ne saurait empêcher la Société LE ROMA de faire juger que les causes de ce dernier étaient injustifiées au jour de sa délivrance et que cet acte n'a pu produire ses effets ; que la Société LE ROMA ayant demandé au juge des référés de «dire que le commandement de payer du 18 avril 2008 n'a pas entraîné l'acquisition de la clause résolutoire», le premier juge n'a pas méconnu l'obligation qui lui est faite, conformément à l'article 5 du Code de Procédure Civile, de «se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé», peu important que la Société GESIMA n'ait pas sollicité la résiliation de plein droit du bail en raison de l'arriéré de loyers qu'elle prétendait restant dû ni formé de demande reconventionnelle tendant à la condamnation de la locataire au paiement de cet arriéré ; qu'en outre c'est sans méconnaître les pouvoirs qu'il tient tant de l'article 808 que de l'article 809 du Code de Procédure Civile que le premier juge s'est prononcé sur la demande dont il était saisi ; qu'en effet, s'agissant de l'article 808, l'urgence résulte de la durée limitée au mois imparti pour satisfaire aux causes du commandement, ou faire juger, notamment en raison des sommes déjà versées, que les causes ne sont pas justifiées, délai au-delà duquel le bailleur est en droit de se prévaloir des effets de la clause résolutoire insérée au bail, et le différend opposant les parties résultant de leur divergence sur l'existence d'une dette locative à la date du 18 avril 2008 ; qu'il existait par ailleurs un risque pour la Société LE ROMA, qui estimait n'avoir aucun versement à effectuer, de se voir opposer le bénéfice de l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit de son bail commercial, constitutif d'un dommage imminent qu'il importait de prévenir ; que c'est donc par juste appréciation de la situation qu'au vu de sa précédente décision du 6 juillet 2007 et des pièces justificatives produites aux débats, le premier juge a relevé, d'une part, que les loyers des mois de janvier à avril 2008 visés dans le commandement avaient été antérieurement réglés par la Société LE ROMA au moyen de quatre chèques bancaires, le dernier daté du 4 avril ayant été encaissé le 23 et, d'autre part, que la somme réclamée au titre du reliquat du loyer de janvier 2007 l'avait été également pour un solde de 250 euros – et non pas 285 euros - et que le surplus de 35 euros, relatif aux frais d'envoi pour l'année 2006 avait été pris en compte dans la dette locative visée dans le commandement du 26 mars 2007 ; qu'il suffit d'ajouter que, quelques jours avant l'ordonnance soumise à la Cour, le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY, dans son jugement rendu le 2 septembre 2008, a constaté que la Société LE ROMA justifiait avoir effectué le règlement des loyers de décembre 2007 à avril 2008 auprès de la Société GESIMA, ce jugement de fond rendu entre les mêmes parties ayant autorité de la chose jugée dès son prononcé relativement à la contestation de la dette locative arrêtée au terme d'avril 2008 inclus et s'imposant au juge des référés ; qu'il s'ensuit qu'en disant que le commandement délivré le 18 avril 2008 n'était pas fondé et n'a pas entraîné l'acquisition de la clause résolutoire, le premier juge a pris la seule mesure justifiée par le différend opposant les parties et susceptible de prévenir le dommage imminent résultant pour l'intimée de cet acte ;

ALORS QUE, D'UNE PART, dans la mesure où, ainsi qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt, l'essentiel de l'arriéré locatif sollicité dans le commandement de payer du 18 avril 2008 – consistant dans le règlement des quatre mois de loyer de janvier à avril 2008 inclus à hauteur de 1 850 euros mensuel, payable en vertu du bail le 1er de chaque mois – avait été totalement apuré au plus tard dès le 23 avril 2008 – soit cinq jours seulement après la date de délivrance dudit commandement – par l'encaissement du dernier chèque par le bailleur, la société preneuse savait pertinemment que ce commandement était devenu sans objet et ne pouvait donc mettre en oeuvre la clause résolutoire lorsqu'elle a initié la procédure de référé du 5 mai 2008 à l'encontre de la Société GESIMA à seule fin de dire que le commandement de payer n'a pas entraîné l'acquisition de la clause résolutoire ; qu'il s'ensuit déjà que la Société LE ROMA ne pouvait alors ignorer que cette procédure était inutile et vexatoire à l'égard de la Société GESIMA qui s'est au demeurant bien gardé d'exiger le moindre règlement ; qu'ainsi ladite procédure n'avait pu être engagée de bonne foi par la société preneuse, d'où il suit que l'arrêt qui ne s'en est pas correctement expliqué a donc violé l'article 1382 du Code Civil ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE, si en vertu de l'article 5 du Code de Procédure Civile, le juge des référés est tenu de ne se prononcer que sur ce qui est demandé, cette disposition ne saurait faire échec à une demande de condamnation de dommages et intérêts formulée par la Société GESIMA pour abus de procédure ; qu'en l'espèce, c'est précisément pour cette raison que la Société GESIMA avait explicité en appel une demande indemnitaire du préjudice causé par le caractère abusif de la procédure inutile et vexatoire dirigée à son encontre, puisque la Société LE ROMA n'avait sollicité du juge des référés de dire que le commandement de payer litigieux n'avait pas entraîné l'acquisition de la clause résolutoire que dans un esprit de revanche sans objectivité et avec l'intention de nuire à son bailleur ayant précédemment obtenu dans trois procédures en référé initiées par le preneur à son encontre la condamnation de celui-ci à payer des arriérés effectifs de loyer ; que l'arrêt a donc violé ensemble les articles 5 du Code de Procédure Civile et 1382 du Code Civil ;

ALORS QUE, DE TROISIEME PART, étant acquis en droit que la notion d'urgence est nécessaire pour autoriser le juge des référés à prescrire des mesures provisoires sur le fondement de l'article 808 du Code de procédure civile, l'arrêt ne pouvait certainement pas déduire l'urgence de la seule durée limitée au mois imparti par le commandement de payer à la société locataire pour satisfaire aux causes de ce commandement, dès lors que les causes dudit commandement avaient été satisfaites dans un délai de cinq jours depuis sa délivrance et ce d'autant que la Société LE ROMA bénéficiait surabondamment d'une décision de fond rendue pendant la procédure confortant qu'elle était à jour du règlement des loyers de décembre 2007 à avril 2008 inclus ; que l'arrêt a donc violé encore les articles 1382 du Code Civil et 808 du Code de Procédure Civile ;

ALORS QUE, DE QUATRIEME PART, étant acquis en droit la notion de prévention d'un dommage imminent est nécessaire en vue de la prescription par ce juge de mesures conservatoires, l'arrêt ne pouvait certainement pas retenir l'existence d'un prétendu dommage imminent, inexistant à défaut de tout risque d'acquisition de la clause résolutoire et de résiliation de plein droit du bail commercial, au demeurant jamais sollicitée pendant la procédure par la Société GESIMA ; et ce d'autant que la Société LE ROMA bénéficiait surabondamment d'une décision de fond rendue pendant la procédure confortant qu'elle était à jour du règlement des loyers de décembre 2007 à avril 2008 inclus ; que l'arrêt a donc violé encore les articles 1382 du Code Civil et 809 du Code de Procédure Civile.





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