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vendredi 24 février 2023

Assurance. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance

 Note V. Tournaire, RCA 2023-4, p. 55.

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

FD



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 février 2023




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 149 F-D

Pourvoi n° X 21-18.067




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 FÉVRIER 2023

La société d'Armement et d'études Alsetex, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° X 21-18.067 contre les arrêts rendus les 30 avril 2019 et 13 avril 2021 par la cour d'appel d'Angers (chambre A - commerciale), dans le litige l'opposant à la société Allianz Iard, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brouzes, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société d'Armement et d'études Alsetex, de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Allianz Iard, et l'avis de Mme Nicolétis, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 janvier 2023 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Brouzes, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Déchéance partielle du pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 30 avril 2019, examinée d'office

1. En application de l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.

Vu l'article 978 du code de procédure civile :

2. Le mémoire ampliatif ne contenant aucun moyen à l'encontre de l'arrêt du 30 avril 2019, il y a lieu de constater la déchéance du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre cette décision.

Sur le pourvoi en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt du 13 avril 2021

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Angers, 13 avril 2021), la société d'Armement et d'études Alsetex (la société Alsetex), appartenant au groupe Etienne Lacroix, est spécialisée dans la fabrication de compositions pyrotechniques.

4. Le groupe Etienne Lacroix a souscrit auprès de la société Allianz Iard (l'assureur) une assurance « Périls dénommés et pertes d'exploitation » ayant fait l'objet d'un « avenant de refonte » n° 2 à effet au 1er janvier 2006, dont les garanties ont été étendues à la société Alsetex par avenant n° 4 à effet au 1er janvier 2007.

5. Le 24 janvier 2014, un accident s'est produit lors de la manipulation, par une salariée, d'une composition pyrotechnique, qui a entraîné le décès de l'opératrice, des dégâts matériels et la suspension administrative de l'autorisation d'exploiter la ligne de production concernée par le sinistre.

6. L'assureur ayant refusé sa garantie en se prévalant d'une clause d'exclusion, la société Alsetex l'a assigné en réparation de ses préjudices directs et de ses pertes d'exploitation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

8. La société Alsetex fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes d'indemnisation à hauteur de 5 437 212 euros et de condamnation pour résistance abusive, et de la débouter de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, alors « qu'une clause d'exclusion ne peut avoir pour effet de vider la garantie de sa substance et que le caractère limité de la clause d'exclusion doit être apprécié par rapport à la garantie concernée ; que, pour admettre l'application de la clause excluant de la garantie « explosion », selon son analyse, les « dommages matériels mais aussi les pertes d'exploitation », lorsque la cause du sinistre est une explosion d'explosifs ou de produits assimilés, la cour d'appel a estimé que la police d'assurance avait vocation à s'appliquer à de multiples sinistres attachés à l'incendie, la foudre, certaines explosions, les tempêtes, les dégâts des eaux, les actes de malveillance, de sorte qu'elle n'était pas privée de substance par l'exclusion litigieuse ; qu'en raisonnant ainsi, la cour d'appel a apprécié le caractère limité de l'exclusion de garantie par rapport à l'ensemble des garanties de la police d'assurance et non par rapport à la garantie en cause, à savoir la garantie « explosion », et violé de ce chef l'article L. 113-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

9. L'assureur conteste la recevabilité du moyen. Il soutient que celui-ci développe une argumentation incompatible avec celle développée devant le juge du fond.

10. Cependant, dans ses conclusions d'appel, l'assurée faisait valoir qu'étendre l'exclusion litigieuse à tous les types de dommages reviendrait à vider la garantie de sa substance, de sorte que le moyen n'est pas incompatible avec la thèse soutenue devant les juges du fond.

11. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 113-1 du code des assurances :

12. Selon ce texte, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée.
13. Une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.

14. Pour rejeter les demandes d'indemnisation de la société Alsetex, l'arrêt, après avoir énoncé que les pertes d'exploitation ne sont pas couvertes en cas de sinistre causé par une explosion d'explosif ou de produits assimilés, indique que la police d'assurance a vocation à s'appliquer à de multiples sinistres attachés à l'incendie, la foudre, certaines explosions, les tempêtes, les dégâts des eaux, les actes de malveillance, de sorte qu'elle n'est pas privée de substance.

15. En statuant ainsi, alors que le caractère limité de la clause d'exclusion litigieuse devait être apprécié en considération de la garantie « explosion » souscrite par l'assurée, et non au regard de l'ensemble des garanties visées au contrat d'assurance, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CONSTATE la déchéance partielle du pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'arrêt du 30 avril 2019 ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 avril 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Angers ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes ;

Condamne la société Allianz Iard aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Allianz Iard et la condamne à payer à la société d'Armement et d'études Alsetex la somme de 3 000 euros ;

mercredi 30 novembre 2022

Agent immobilier -violation de clause d'exclusivité - application de la clause pénale (oui)

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 16 novembre 2022




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 781 F-D

Pourvoi n° H 21-22.400




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 16 NOVEMBRE 2022

La société Monréseau-immo.com, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-22.400 contre l'arrêt rendu le 9 septembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-7), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [G] [E],

2°/ à M. [K] [E],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Jacques, conseiller, les observations de Me Occhipinti, avocat de la société Monréseau-immo.com, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. et Mme [E], après débats en l'audience publique du 4 octobre 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jacques, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 septembre 2021), par acte sous seing privé du 1er juin 2017, M. et Mme [E] ont donné mandat exclusif à la société Monréseau-immo.com (l'agent immobilier) de vendre un bien immobilier.

2. Le 2 octobre 2017, ils ont mis en ligne une annonce, sur un site internet, pour la vente de leur bien.

3. Par lettre du 20 novembre 2017, ils ont résilié le mandat, qui a pris fin le 8 décembre 2017.

4. Faisant grief à M. et Mme [E] d'avoir violé leur obligation d'exclusivité, l'agent immobilier les a assignés en paiement de la clause pénale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. L'agent immobilier fait grief à l'arrêt de rejeter leur demande de paiement de la clause pénale, alors « que doit être appliquée la clause pénale stipulée au profit d'un agent immobilier en cas de violation par son mandant de son obligation d'exclusivité, même si le bien visé par le mandat n'a pas été vendu, dès lors qu'elle sanctionne une inexécution contractuelle et ne constitue pas une indemnité compensatrice de rémunération ; que la cour d'appel a constaté que M. et Mme [E] avaient fautivement violé la clause d'exclusivité les liant à la société Monréseau-Immo.com ; qu'elle a également constaté que le montant de la clause pénale était égal à la rémunération prévue au mandat, mais non pas qu'elle compensait la perte de cette rémunération ; qu'en refusant de mettre en oeuvre cette clause, la cour d'appel a violé l'article 1231-5 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1231-5 du code civil :

6. Selon ce texte, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, le juge pourra, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

7. Pour rejeter la demande, l'arrêt retient que la violation par M. et Mme [E] de la clause d'exclusivité ne permet pas l'application de la clause pénale puisqu'il n'est pas démontré que le mandant aurait conclu la vente de leur bien, ce qui aurait eu pour effet de priver le mandataire de la rémunération à laquelle il aurait pu légitimement prétendre.

8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. et Mme [E] avaient violé la clause d'exclusivité les liant à l'agent immobilier, la cour d'appel, qui a refusé de mettre en oeuvre la clause pénale qui, sanction du manquement d'une partie à ses obligations, s'applique du seul fait de cette inexécution, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 septembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne M. et Mme [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [E] et les condamne à payer à la société Monréseau-immo.com la somme de 3 000 euros ;