mardi 13 juillet 2021

Responsabilité post-décennale : conditions

 Note Pagès-de-Varenne, Constr.-urb. 2021-11, p. 30.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 juillet 2021




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 599 F-D

Pourvoi n° Y 19-23.879




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2021

La société Matavai Lodge, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de son gérant, M. [E] [A] domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 19-23.879 contre l'arrêt rendu le 11 juillet 2019 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [P] [Z], domiciliée [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Matavai Lodge, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [Z], après débats en l'audience publique du 8 juin 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 11 juillet 2019), par acte du 4 février 2013, la société civile immobilière Matavai Lodge (la SCI) a vendu à Mme [Z] un bungalow qu'elle avait fait construire en 2000.

2. Après son entrée en jouissance, Mme [Z] a constaté des infiltrations par la toiture. Elle a assigné la SCI en réparation de son préjudice.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La SCI fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a commis une faute dolosive de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de Mme [Z] et de la condamner à payer une certaine somme à titre d'indemnité, alors « qu'après la forclusion décennale, le constructeur ne peut être tenu que de sa faute dolosive, laquelle suppose une volonté délibérée et consciente de méconnaître la norme par dissimulation ou fraude ; qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que la SCI Matavai Lodge avait confié la construction de la toiture litigieuse à une société Multipose Construction et que c'est cette dernière qui a violé une norme de construction ; qu'en se bornant à constater que la construction avait été réalisée sous la direction de la SCI Matavai Lodge dont les associés ont la qualité de menuisier et de maitre d'?uvre et que celle-ci avait connaissance de l'existence des infiltrations par la toiture, sans constater que la SCI Matavai Lodge avait connaissance de la violation de la norme de construction imputable à la société Multipose Construction, la cour d'appel n'a pas caractérisé la volonté délibérée et consciente de la SCI Matavai Lodge de méconnaître la norme par dissimulation ou fraude, et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

4. Il résulte de ce texte que le constructeur, nonobstant la forclusion décennale, est, sauf faute extérieure au contrat, contractuellement tenu à l'égard du maître de l'ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré même sans intention de nuire, il viole par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles.

5. Pour condamner la SCI malgré la forclusion décennale, l'arrêt retient que dès la construction, réalisée sous la direction de cette société, dont les associés étaient des professionnels du bâtiment, les documents techniques unifiés applicables n'ont pas été respectés et que la SCI, qui était chargée de l'entretien de l'ouvrage, ne pouvait ignorer les infiltrations qui affectaient tant la maison vendue que d'autres qu'elle avait fait construire en même temps si bien qu'en s'abstenant d'en informer l'acquéreur elle avait manqué à ses obligations contractuelles, en particulier à son devoir de loyauté.

6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une volonté délibérée et consciente de la SCI de méconnaître ses obligations par dissimulation ou fraude, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

7. Dès lors que la cour d'appel a accueilli la demande fondée sur la responsabilité civile de droit commun de la SCI, qui était subsidiaire à la demande fondée sur la garantie des vices cachés, la cassation s'étend à la disposition de l'arrêt rejetant le surplus des demandes des parties.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la SCI Matavai Lodge a commis une faute dolosive de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de Mme [Z], la condamne à verser à Mme [Z] la somme de 3 704 716 CFP avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2015, dit que les intérêts échus de cette somme produiront intérêts et déboute les parties du surplus de leurs demandes, l'arrêt rendu le 11 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;

Condamne Mme [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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