mercredi 3 septembre 2025

Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

LC



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 25 juin 2025




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 360 F-D

Pourvoi n° J 23-23.169




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 JUIN 2025

La société TM CO, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° J 23-23.169 contre l'arrêt rendu le 13 octobre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 11), dans le litige l'opposant à la société Chateauform France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bellino, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société TM CO, de la SARL Gury & Maitre, avocat de la société Chateauform France, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Bellino, conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 octobre 2023), en février 2017, la société Chateauform France (la société Chateauform), qui met à la disposition des entreprises des espaces de formation équipés de capacités de restauration pour l'organisation de séminaires, est entrée en relation avec M. [W], gérant de la société TM CO, qui exerce une activité d'assistance et de conseil en matière commerciale, financière et administrative dans le domaine de la restauration, en vue de la création d'un espace de restauration sur un site à [Localité 3].

2. Se prévalant d'une relation contractuelle, la société TM CO a assigné la société Chateauform en paiement d'une facture de 28 000 euros.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. La société TM CO fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande
subsidiaire, tendant à voir condamner la société Chateauform à lui payer la somme de 24 000 euros de dommages et intérêts pour rupture brutale et fautive des pourparlers, alors « que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent ; qu'en jugeant irrecevable car nouvelle pour avoir été formulée pour la première fois en appel, la demande de la société TM CO de dommages et intérêts pour rupture brutale et fautive des pourparlers au motif qu'elle avait pour fondement la responsabilité délictuelle, différent de sa demande formée en première instance invoquant l'exécution forcée du contrat, quand, même si leurs fondements étaient différents, ces deux demandes poursuivaient le même résultat économique, à savoir le paiement de la somme de 24 000 euros correspondant aux frais et diligences engagées par la société TM CO dans l'intérêt de la société Chateauform, et donc tendaient aux mêmes fins, la cour d'appel a violé l'article 565 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

6. Aux termes de l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

7. Il résulte de l'article 1112, alinéa 2, du code civil, qu'en cas de faute commise dans les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance d'obtenir ces avantages.

8. Ayant constaté que la société TM CO sollicitait en première instance la condamnation de la société Chateauform au paiement de sa prestation, c'est-à-dire l'exécution du contrat de mandat dont elle invoquait l'existence, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que la demande formée en appel fondée sur la rupture brutale des pourparlers, qui visait l'octroi de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par cette faute délictuelle, ne tendait pas aux mêmes fins et était donc irrecevable.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société TM CO aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le vingt-cinq juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:CO00360

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CAROLINE RHEIMS-CHEMLAL
Cheffe de produits  du domaine Bâtiments, construction et immobilier durables
Tel. 06 43 36 68 45

caroline.rheims-chemlal@fc-enpc.fr

mardi 2 septembre 2025

Contrat et faute dolosive

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

HM



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 2 juillet 2025




Rejet


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 368 F-D

Pourvoi n° V 24-10.050




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025

La société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 24-10.050 contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Sea-Invest [Localité 6], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

2°/ à la société Mediaco Aquitaine, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à la société Worms services maritimes, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ à la société C-P Chipolbrok, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 5] (Chine),

défenderesses à la cassation.

La sociétés Sea Invest [Localité 6] et Worms services maritimes ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Les demanderesses au pourvoi incident invoquent chacune, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Generali IARD, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Mediaco Aquitaine, de la SARL Corlay, avocat de la société Worms services maritimes, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Sea-Invest Bordeaux, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Desistement partiel

1. Il est donné acte à la société Generali IARD du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Mediaco Aquitaine et C-P Chilpolbrok et à la société Sea-Invest [Localité 6] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société C-P Chipolbrok.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué ( Bordeaux, 7 novembre 2023), la société Chantier naval Couach a confié à la société Worms services maritimes (la société Worms) l'organisation du transport de quatre vedettes depuis son site de production Gujan-Mestras vers le port de [Localité 7] (Arabie Saoudite) où elles devaient être livrées à leur acquéreur, le ministère de l'Intérieur d'Arabie Saoudite.

3. En vue de leur transport, les vedettes ont été assurées par la société Couach auprès de la société Generali IARD (la société Generali).

4. La société Worms a confié à la société Sea-Invest [Localité 6] (la société Sea Invest) les opérations de déchargement des quatre vedettes depuis les camions dans le port du [Localité 8] et leur chargement sur le navire « Chipolbrok Star », la société de droit chinois C-P Chipolbrok étant chargée de la partie maritime du transport.

5. La société Sea Invest a fait appel à la société Mediaco Aquitaine (la société Mediaco) pour les opérations de déchargement des quatre vedettes depuis les camions jusqu'au quai, puis, alors qu'elle devait procéder elle-même au chargement des vedettes sur le navire, constatant que le matériel du navire serait insuffisant, elle a sollicité en urgence la société Mediaco le prêt à usage des écarteurs nécessaires.

6. Au cours de ces dernières opérations, la dernière vedette a chuté sur le quai et a été déclarée ensuite en perte totale.

7. Le 9 août 2018, subrogée dans les droits de son assurée, la société Generali a assigné les sociétés Worms, Sea Invest, Chipolbrok et Mediaco en indemnisation des préjudices subis. La société Worms a appelé en garantie les sociétés Sea Invest et Chipolbrok. La société Sea Invest a appelé en garantie la société Mediaco.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et les deuxième et troisième branches du second moyen du pourvoi principal

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi incident formé par la société Worms, qui est préalable

Enoncé du moyen

9. La société Worms fait grief à l'arrêt attaqué de la condamner à payer à la société Generali la somme de 127 500 euros en réparation du dommage occasionné par ses fautes personnelles, alors:

«1°/ qu' il n'entre pas dans les obligations du commissionnaire de transport de superviser le chargement et le déchargement, ni de contrôler le manutentionnaire dans ses opérations de manutention; qu'ainsi le fait pour le commissionnaire de ne pas avoir surveillé l'opération de chargement/déchargement et de ne pas s'être assuré du choix de l'écarteur opéré par le chargeur, ne peut en aucun cas constituer une faute personnelle de sa part ; qu'en considérant qu'était fautif à titre personnel le fait pour le commissionnaire de n'avoir pas surveillé les opérations de chargement et en particulier de n'avoir pas vérifié quelles étaient "les incidences éventuelles sur le chargement des vedettes" de la "la modification du plan de chargement du navire, le commissionnaire (n'ayant) pris aucune initiative pour vérifier", la cour d'appel a violé les articles 1103 et 1231-1 du code civil ensemble l'article 5-1 du contrat type de transport résultant du décret nº 2013-293 du 5 avril 2013 ;

2°/ que le commissionnaire de transport n'engage sa responsabilité de son fait personnel que si celui-ci est à l'origine des avaries ou des pertes de marchandises ; qu'en l'espèce, il est constant que l'origine du dommage résulte de l'utilisation par le manutentionnaire, la société Sea Invest, d'un écarteur incompatible avec le levage des vedettes par une grue de 50t ; que la cour d'appel a constaté que les deux premières vedettes avaient été soulevées par la grue n°3 de 320 tonnes du bord, qui était adaptée, ce qui ne pouvait être le cas pour les troisième et quatrième vedettes "du fait de leur positionnement en bout de quai"; qu'il s'en évinçait que la faute reprochée au commissionnaire, la société Worms, à savoir "l'interprétation erronée des termes de la booking note (par la société Worms) conclue avec la société Chipolbrok, en considérant que le bord disposait de tout le matériel nécessaire, alors qu'en réalité la partie maillage de la grue (élingues et écarteurs) n'était pas reprise dans les échanges par courriels entre les sociétés Worms et Chipolbrok" n'avait eu aucune incidence sur le dommage qui n'était dû qu'au mauvais positionnement des dernières vedettes, pour lesquelles n'avait pu être utilisée la grue n° 3 de 320 tonnes du bord ; qu'en considérant néanmoins que la responsabilité du commissionnaire pour faute personnelle devait être retenue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 1231-1 du code civil ensemble l'article 5-1 du contrat type de transport résultant du décret nº 2013-293 du 5 avril 2013 ;

3°/ que le commissionnaire de transport n'engage sa responsabilité pour son fait personnel que lorsque celui-ci est à l'origine des avaries ou pertes de marchandises ; qu'en l'espèce, il est constant que l'origine du dommage résulte de l'utilisation par le manutentionnaire, la société Sea Invest, d'un écarteur incompatible avec le levage des vedettes par une grue de 50t "du fait de leur positionnement en bout de quai" ; que la cour d'appel a constaté que la société Sea Invest avait utilisé, pour le déchargement des deux dernières vedettes, les écarteurs qu'elle avait choisi d'utiliser pour leur chargement, hors toute pression extérieure : " M. [S] (responsable d'exploitation de la société Sea Invest Bordeaux) a alors téléphoné le 16 aout 2017 vers 17 h 30 à sa marraine Mme [I], secrétaire administrative chez Mediaco, en lui signalant "qu'il était dans la mouise et avait besoin des écarteurs ayant servi au levage précédent" (déclarations de Mme [I] devant l'expert ; qu'ainsi que la société Sea Invest l'indique dans ses conclusions, un de ses salariés s'est alors rendu dans les entrepôts de la société Mediaco, et y a récupéré le matériel qui avait été utilisé lors de la phase de mise à quai."; qu'ainsi, dès le chargement, la société Sea Invest avait opté pour des écarteurs non adaptés aux vedettes ; qu'en considérant néanmoins que la faute du commissionnaire, consistant à avoir fait une "interprétation erronée des termes de la booking note (par la société Worms) conclue avec la société Chipolbrok, en considérant que le bord disposait de tout le matériel nécessaire, alors qu'en réalité la partie maillage de la grue (élingues et écarteurs) n'était pas reprise dans les échanges par courriels entre les sociétés Worms et Chipolbrok", était à l'origine du dommage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé les articles 1231-1 du code civil ensemble l'article 5-1 du contrat type de transport résultant du décret nº 2013-293 du 5 avril 2013.»

Réponse de la Cour

10. L'arrêt relève que, selon l'expert judiciaire, le facteur déclenchant dans le processus ayant conduit à la chute de la vedette est la rupture d'une cadène, ou patte d'élingage, de l'écarteur arrière en raison de son sous-dimensionnement par rapport à la charge à manutentionner et à une contrainte excessive. Il ajoute que l'expert a relevé qu'il n'avait été procédé à aucun calcul de répartition des charges, tant pour la mise à quai que pour l'embarquement à bord du navire, alors que les caractéristiques des vedettes étaient connues et que le manque de coordination quant à la vérification de l'adéquation du matériel à sa mise en oeuvre ainsi que l'absence de calcul pour déterminer les contraintes exercées ont généré une intervention dans l'urgence. L'arrêt retient que la société Worms, chargée notamment d'assurer la coordination entre la société de manutention Sea Invest et la société Chipolbrok dans la phase délicate de chargement des vedettes à bord depuis le quai, n'a pas suffisamment préparé les opérations de mises à bord et a fait une interprétation erronée des termes de la booking note conclue avec la société Chipolbrok en considérant que le bord disposait de tout le matériel nécessaire, alors qu'en réalité, la partie maillage de la grue (élingues et écarteurs) n'étaient pas repris dans les échanges par courriels entre ces deux sociétés et que les écarteurs dont disposait le navire étaient d'un poids unitaire de 18,5 tonnes incompatibles avec le levage des vedettes par une grue de 50 tonnes. Il en déduit que la société Worms n'a pas discerné la contradiction pourtant apparente existant entre l'offre de service de Sea Invest, qui portait sur un navire «bigué», le matériel de levage devant donc être fourni par le bord, alors que le contrat de réservation du fret précisait que les outils de levage, écarteurs/poutres/élingues/manilles spéciaux certifiés si nécessaires étaient à fournir par l'affréteur au chargement/déchargement. Il ajoute qu'une fois informé par le bord de la modification du plan de chargement du navire, le commissionnaire n'a pris aucune initiative pour vérifier les incidences éventuelles sur le chargement des vedettes. L'arrêt retient enfin que, du fait de leur positionnement en bout de quai, qui n'était pas justifié par un risque de surcharge, les 3ème et 4ème vedettes n'ont pu être chargées comme les deux premières par la grue de bord et qu'il a été nécessaire de recourir à la grue de 50 tonnes qui ne pouvait être utilisée avec les écarteurs du navire, ce qui a obligé à une prise de décision précipitée et hâtive pour trouver une solution alternative afin d'éviter les frais de recrutement d'une nouvelle équipe de dockers, sur la tranche horaire dépassant 0H00 et les frais d'immobilisation du navire.

11. De ces constatations et appréciations souveraines des éléments de preuve qui lui étaient fournis, la cour d'appel a pu déduire que la société Worms commissionnaire de transport, par une insuffisance de préparation et de coordination d'un transport inhabituel nécessitant des précautions particulières, avait commis une faute personnelle en lien avec le dommage.

12. Le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches.

Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

La société Generali fait grief à l'arrêt de condamner la société Worms services maritimes à lui payer la seule contre-valeur en euros de 50 000 DTS au titre du dommage occasionné par le fait de son substitué, la société Sea invest, alors «que la faute lourde ou dolosive consiste dans l'emploi volontaire de moyens inappropriés avec la conscience qu'un dommage en résultera nécessairement ; que la cour d'appel a relevé que la société Sea invest, chargée de la manutention des vedettes, avait utilisé pour leur chargement des écarteurs inappropriés, en ce qu'ils avaient une contrainte maximale d'utilisation (CMU) de seulement 12 tonnes au lieu de 15, et en outre défectueux, et que ces défauts étaient apparents, les écarteurs étant en outre dépourvus de certification, tandis que des "contraintes anormales" allaient être exercées, "génératrices d'un risque élevé de casse " ; qu'elle a également constaté que "le risque de rupture brutale de cet écarteur pouvait donc être prévu" tandis que les opérations de chargement avaient débuté sans aucune coordination ni prise de contact utile avec le bord, et avaient été effectuées sans calcul de répartition des charges et dans la précipitation, la société Sea invest s'étant en outre munie de sangles trop courtes ; qu'en se bornant cependant à affirmer, pour faire application des limites d'indemnisation prévues à l'article L. 5422-13 du code des transports, que la société Generali ne démontrait pas que la société Sea invest ait commis une faute dolosive, après avoir pourtant relevé l'emploi par celle-ci de matériels inappropriés dont le défaut était "apparent", et qu'elle s'était procurés sans en vérifier les caractéristiques ni l'état, ce qui générait "un risque élevé de casse" la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé le texte susvisé.»

Réponse de la Cour

13. L'arrêt retient que la société Sea Invest n'a pas vérifié l'offre de service de la société Mediaco pour les opérations de déchargement des vedettes depuis le camion sur le quai, ce qui ne lui pas permis de constater que la CMU réelle des écarteurs était de 12 tonnes et non de 15 tonnes, que les écarteurs étaient dépourvus de certification, et que des contraintes anormales, génératrices d'un risque élevé de casse, allaient être exercées sur l'écarteur arrière dès lors que le centre de gravité de chaque vedette était déplacé vers l'arrière. Il retient encore qu'elle n'a pas davantage procédé à cette vérification dans les locaux de Mediaco lorsqu'il a été nécessaire d'utiliser de nouveau ces écarteurs en fin de journée, pour le levage des deux dernières vedettes avec la grue de 50 tonnes et que les opérations ont débuté alors qu'aucune coordination ni prise de contact utile n'avait été faite avec le bord en amont, à compter de l'accostage du navire à 11 heures, de sorte que sont apparues tardivement des difficultés à régler avec l'équipage, concernant tant la conduite de la grue par le personnel de bord que l'impossibilité d'utiliser la grue n°3 du bord pour toutes les vedettes, et l'utilisation impossible des écarteurs du bord. Il retient enfin que les opérations de levage ont été effectuées sans calcul de répartition des charges sur les écarteurs, et dans la précipitation, compte tenu du temps perdu, notamment pour le maillage des sangles en tête d'alouette par la société Sea Invest, les sangles neuves de 12 mètres dont elle s'était munie s'étant révélées trop courtes.

14. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a énoncé à bon droit que la faute dolosive ne pouvait résulter que d'un emploi volontaire de moyens totalement inappropriés pour réaliser les opérations de manutention avec la conscience qu'un dommage en résulterait nécessairement, a pu déduire que la société Sea Invest n'avait pas commis une faute de cette nature.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.

Et sur le moyen du pourvoi incident formé par la société Sea Invest

Enoncé du moyen

La société Sea Invest fait grief à l'arrêt de rejeter son recours contre la société Mediaco, alors «qu'aux termes de l'article 1891 du code civil, lorsque la chose prêtée a des défauts tels qu'elle puisse causer un préjudice à celui qui s'en sert, le prêteur est responsable, s'il connaissait les défauts et n'en a pas averti l'emprunteur ; que le prêteur professionnel est présumé avoir connaissance du défaut de la chose prêtée ; que la cour d'appel a elle-même relevé que la société Mediaco Aquitaine requise par la société Sea Invest Bordeaux "pour qu'elle l'aide à réaliser les opérations de déchargement des quatre vedettes (?) et pour lui fournir les écarteurs nécessaires au chargement", lui avait fourni des écarteurs qui ne présentaient pas la charge maximale d'utilisation annoncée, l'écarteur arrière fourni étant en outre dépourvu de certificat de conformité, éléments constitutifs d'un "manquement" de sa part, "pour avoir utilisé des écarteurs qui ne présentaient pas la CMU annoncée" ; qu'en décidant cependant que ce manquement, commis "lors de l'exécution du contrat de location", ne pouvait lui être reproché "à l'occasion du contrat distinct de commodat du 16 août 2017, au terme duquel elle s'est bornée à mettre de nouveau à disposition les écarteurs que réclamait en urgence la société Sea-Invest", au prétexte que cette dernière, emprunteuse, pouvait déceler le défaut de la chose prêtée, après avoir pourtant relevé que la "mise à disposition" des écarteurs intervenait "dans le cadre de bonnes relations commerciales " et que les écarteurs prêtés ne présentaient pas la CMU annoncée lors du contrat de location, ce dont il se déduisait que le prêt revêtait un caractère professionnel, et que le prêteur, professionnel, était présumé avoir connaissance du défaut de la chose prêtée, et devait donc répondre du sinistre, fût-ce partiellement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé la disposition susvisée.»

Réponse de la Cour

L'arrêt retient que la société Sea Invest, spécialiste de la manutention portuaire, était en mesure de constater que la CMU des écarteurs n'était pas de quinze tonnes, mais de douze tonnes, ce qui ressortait de l'examen des poinçons figurant sur les écarteurs, qu'elle était pareillement en mesure de constater qu'il manquait les certificats d'épreuve et que l'un des écarteurs présentait des traces d'usure et une très forte déformation plastique, de sorte que la société Sea Invest connaissait le risque de rupture brutale de cet écarteur, et ce d'autant plus qu'elle avait eu connaissance du plan de la vedette et aurait dû réaliser un calcul de répartition des charges en fonction du centre de gravité. Il relève que ce manquement, qui aurait pu être imputé à la société Mediaco lors de l'exécution du contrat de déchargement des navires, ne peut plus lui être reproché à l'occasion du commodat du 16 août 2017, aux termes duquel elle s'est bornée à mettre de nouveau à disposition les écarteurs que réclamaient d'urgence la société Sea invest, sans avoir l'initiative ni le contrôle des opérations de levage qui allaient suivre pour lesquelles intervenait un spécialiste.

16. De ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu déduire que la société Sea Invest ne pouvait se prévaloir d'un manquement contractuel de la société Mediaco à son égard.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société Generali IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Generali IARD et la condamne à payer à la société Worms services maritimes, à la société Sea Invest [Localité 6] chacune la somme de 3 000 euros et condamne la société Sea Invest [Localité 6] à payer à la société Mediaco Aquitaine la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le deux juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:CO00368

Le manquement d'un conseiller en gestion en patrimoine à son obligation d'information

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

JB



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 2 juillet 2025




Cassation


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 373 F-D

Pourvoi n° H 24-13.258




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025

La société Haut-Doubs créer bâtir, société par actions simplifiée à associé unique, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 24-13.258 contre l'arrêt rendu le 30 janvier 2024 par la cour d'appel de Besançon (1re chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à la société Fipad conseil, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chazalette, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Haut-Doubs créer bâtir, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Fipad conseil, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Chazalette, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Besançon, 30 janvier 2024), le 9 décembre 2016, sur les conseils de la société Fipad conseil (la société Fipad), la société Haut-Doubs créer bâtir (HDCB) a investi une certaine somme dans des obligations émises par la société Maranatha, à échéance du 8 juillet 2018.

2. La société Maranatha a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire par jugement du 27 septembre 2017, convertie en liquidation judiciaire le 27 mars 2019.

3. Reprochant à la société Fipad un manquement à son obligation de conseil et soutenant ne pas avoir perçu les gains promis ni la restitution du capital investi à l'échéance, la société HDCB l'a assignée en responsabilité, en paiement d'une provision et en demandant qu'il soit sursis à statuer sur la liquidation de son préjudice jusqu'à la clôture de la procédure de liquidation judiciaire.

Examen des moyens

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. La société HDCB fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation et de sursis à statuer, alors « que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure ; qu'en retenant que si la société Fipad conseil avait commis une faute en proposant à la société Haut Doubs créer bâtir un investissement, sous la forme de souscription d'obligations émises par la société Maranatha, ne correspondant pas au profil de risque contractualisé entre les parties, le préjudice invoqué en résultant, lié à la perte du capital investi, était hypothétique en l'état de la poursuite des opérations de liquidation judiciaire de la société Marathana, sans rechercher, comme elle en était requise, si la date de remboursement du capital investi n'était pas acquise depuis 2018, de sorte que l'absence de remboursement à échéance rendait certain le préjudice en son principe, constitué a minima par la perte des fruits du capital investi, depuis cette date, et que seul son montant restait à déterminer dans l'attente de la clôture des opérations de liquidation de la société Maranatha, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1231-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1231-1 du code civil :

5. Le manquement d'un conseiller en gestion en patrimoine à son obligation d'information sur le risque de perte en capital et la valorisation du produit financier prive cet investisseur d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l'investisseur ait subi des pertes ou des gains manqués.

6. Pour juger que le préjudice invoqué par la société HDCB n'était pas établi, l'arrêt, après avoir que retenu que la société Fipad avait commis une faute en conseillant à sa cliente un investissement ne correspondant pas à son profil de risque, ajoute que le préjudice subi par la société HDCB ne peut consister qu'en une perte de chance de ne pas choisir l'investissement retenu et de ne pas perdre le capital investi. Il constate que les opérations de liquidation judiciaire se poursuivent et en déduit que le préjudice invoqué par la société HDCB, lié à la perte du capital investi, est hypothétique tant en son principe qu'en son montant, car aucun élément ne permet d'apprécier avec certitude si le montant de la créance qu'elle a déclaré lui sera réglé en tout ou partie.

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la date de remboursement du capital investi n'était pas acquise depuis 2018, de sorte que l'absence de remboursement à échéance rendait certain le préjudice en son principe, constitué a minima par la perte des fruits du capital investi, depuis cette date, et que seul son montant restait à déterminer dans l'attente de la clôture des opérations de liquidation de la société Maranatha, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 janvier 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne la société Fipad conseil aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Fipad conseil et la condamne à payer à la société Haut-Doubs créer bâtir la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le deux juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:CO00373

Lorsqu'un emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, l'existence d'un risque d'endettement excessif résultant de celui-ci doit s'apprécier au regard des capacités financières globales de ces coemprunteurs

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

JB



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 2 juillet 2025




Cassation partielle


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 374 F-D

Pourvoi n° V 24-14.305




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025

La société CIC Nord Ouest, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 24-14.305 contre l'arrêt rendu le 21 février 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle 5 - chambre 6), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [C] [M], domiciliée chez ses parents [Adresse 3],

2°/ à M. [N] [L], domicilié chez monsieur et madame [L] [Adresse 1],

3°/ à la société Crédit logement, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chazalette, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société CIC Nord Ouest, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Crédit logement, de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de Mme [M], après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, M. Chazalette, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 21 février 2024), par un acte du 17 octobre 2011, la société Banque CIC Nord Ouest (la banque) a consenti à M. [L] et Mme [M], agissant solidairement, un prêt immobilier garanti par la société Crédit logement.

2. Les 16 août 2017 et 9 avril 2018, la société Crédit logement a payé au prêteur des échéances impayées puis la totalité du capital restant dû.

3. La société Crédit logement a assigné en paiement M. [L] et Mme [M]. Ceux-ci ont appelé la banque en intervention forcée.
Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à Mme [M] une certaine somme en réparation du préjudice tenant à la perte de chance de ne pas contracter le prêt immobilier du 17 octobre 2011, alors « que lorsqu'un emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, l'existence d'un risque d'endettement excessif résultant de celui-ci doit s'apprécier au regard des capacités financières globales de ces co-emprunteurs ; que pour condamner le CIC Nord-Ouest à payer à Mme [M] des dommages-intérêts, l'arrêt après avoir énoncé que c'est à tort que le tribunal a considéré que l'adaptation du prêt doit s'apprécier non eu égard à la situation d'un des emprunteurs mais globalement au regard des capacités financières des deux intéressés, retient que les situations de M. [L], d'une part, et de Mme [M], d'autre part, étaient éminemment différentes et relève qu'en retenant la capacité de remboursement propre à Mme [M], il ressort que ses revenus ne pouvaient lui permettre d'assurer le remboursement de mensualités de l'emprunt en totalité, représentant plus du double de ses revenus personnels, qu'en effet Mme [M] fait état de ce qu'au moment de la souscription du prêt, elle était employée en qualité de responsable d'agence d'hôtes et hôtesses d'accueil dans le secteur de l'événementiel et que sa part dans les revenus du ménage était de 18 %, qu'elle ne détenait ni patrimoine immobilier ou mobilier, ni épargne et que Mme [M] n'était propriétaire indivis qu'à hauteur de 30 %, que par conséquent la banque était à son égard, Mme [M] étant emprunteur non averti ce qui n'est pas contestable, tenue d'un devoir de mise en garde qu'elle ne justifie pas avoir respecté, n'ayant jamais rencontré Mme [M] ; que compte tenu de sa proximité avec M. [L], dont les capacités financières étaient certaines, la perte de chance de ne pas s'engager à ses côtés est faible et sera justement indemnisée par l'octroi d'une somme équivalente à 10 % de la somme due à Crédit logement, soit 73 500 euros que le CIC Nord sera condamné à lui payer en réparation du préjudice tenant à la perte de chance de ne pas contracter ; qu'en statuant ainsi, en refusant de prendre en compte l'ensemble des biens et revenus des co-emprunteurs lors de l'octroi du prêt, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

5. Il résulte de ce texte que lorsqu'un emprunt est souscrit par plusieurs emprunteurs, l'existence d'un risque d'endettement excessif résultant de celui-ci doit s'apprécier au regard des capacités financières globales de ces coemprunteurs.

6. Pour condamner la banque à payer à Mme [M] des dommages et intérêts, l'arrêt, après avoir énoncé que l'adaptation du prêt s'apprécie à l'égard de chaque emprunteur, retient que les mensualités de remboursement représentaient plus de la moitié des revenus personnels de
Mme [M], qu'il existait un risque d'endettement excessif et que la banque
ne démontre pas avoir exécuté son devoir de mise en garde.

7. En statuant ainsi, sans prendre en compte l'ensemble des biens et revenus des coemprunteurs lors de l'octroi des prêts, la cour d'appel a violé
le texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

8. La banque fait le même grief à l'arrêt, alors « que la banque qui a consenti un prêt à plusieurs emprunteurs et obtenu leur engagement solidaire à le rembourser n'est pas tenue d'informer chacun d'eux de ce qu'il peut avoir, conformément à la définition même de la solidarité, à répondre sur son patrimoine des conséquences d'une défaillance dans l'exécution de l'obligation de remboursement ; qu'en énonçant le contraire, la cour d'appel a, de nouveau, violé l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 :

9. Il résulte de ce texte que l'établissement de crédit n'est pas tenu d'informer chaque emprunteur de ce qu'il peut avoir, conformément à la définition même de la solidarité, à répondre sur son patrimoine des conséquences d'une défaillance dans l'exécution de l'obligation de remboursement.

10. Pour condamner la banque à payer à Mme [M] des dommages et intérêts, l'arrêt, après avoir énoncé que la banque doit informer chacun des coemprunteurs sur la notion de solidarité, retient encore que la banque, qui n'avait jamais rencontré cette dernière, ne justifie pas avoir exécuté cette obligation.

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

12. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y aura lieu de mettre hors de cause la société Crédit logement dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

Met hors de cause la société Crédit logement ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Banque CIC Nord Ouest à payer à Mme [M] la somme de 73 500 euros en réparation du préjudice tenant à la perte de chance de ne pas contracter le prêt immobilier du 17 octobre 2011 et en ce qu'il statue sur les dépens concernant Mme [M] et la société Banque CIC Nord Ouest, l'arrêt rendu le 21 février 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne Mme [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le deux juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:CO00374

S'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

JB



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 2 juillet 2025




Cassation


M. VIGNEAU, président



Arrêt n° 381 F-D

Pourvoi n° G 24-17.008




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUILLET 2025

1°/ la société Selarl [C] [H], dont le siège est [Adresse 3], représentée par M. [C] [H], agissant en qualité de liquidateur de la société SCCV Bon Pasteur 1,

2°/ la société SCCV Bon Pasteur 1, société civile de construction vente, dont le siège est [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° G 24-17.008 contre l'arrêt n° RG 22/04393 rendu le 2 mai 2024 par la cour d'appel de Lyon (3e chambre A), dans le litige les opposant à la société Axa France Iard, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gouarin, conseiller, les observations de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat des sociétés Selarl [C] [H], ès qualités, et SCCV Bon Pasteur 1, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Axa France Iard, et l'avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 20 mai 2025 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Gouarin, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 2 mai 2024), les 28 janvier et 24 mars 2021, la société Bon pasteur 1 (le débiteur) a été mise en redressement puis liquidation judiciaires et la société [C] [H] désignée liquidateur.

2. Le 16 février 2021, la société Axa France Iard a déclaré une créance qui a été contestée.

Examen du moyen

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Le débiteur et son liquidateur font grief à l'arrêt d'ordonner l'inscription de la créance de la société Axa France Iard au passif, alors « que la cour d'appel doit statuer sur les dernières conclusions déposées ; que le débiteur et son liquidateur ont notifié des conclusions d'intimées n°3 le 26 février 2024, comportant, par rapport à leurs conclusions d'intimées n° 2 notifiées le 9 octobre 2023, un moyen supplémentaire et des chefs de demande supplémentaires dans le dispositif, deux pièces nouvelles étant produites au soutien de ces écritures ; qu'en statuant pourtant au visa des conclusions déposées le 9 octobre 2023, la cour d'appel a violé les articles 455 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 455, alinéa 1, et 954, alinéa 4, du code de procédure civile :

4. Il résulte de ces textes que s'il n'expose pas succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, le juge, qui ne peut statuer que sur les dernières conclusions déposées, doit viser celles-ci avec l'indication de leur date.

5. Pour écarter le moyen tiré de l'existence d'une contestation sérieuse et ordonner l'inscription de la créance au passif, l'arrêt se borne à viser les conclusions du 9 octobre 2023 dont il reproduit le dispositif et expose succinctement les moyens.

6. En statuant ainsi, alors qu'il ressort des productions que le débiteur et son liquidateur avaient déposé, le 26 février 2024, des conclusions développant des prétentions et une argumentation complémentaires et visant la production de nouvelles pièces, la cour d'appel, qui n'a pas visé ces dernières conclusions et s'est prononcée par des motifs dont il ne résulte pas qu'elle les aurait prises en considération, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 mai 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne la société Axa France Iard aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le deux juillet deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:CO00381