mercredi 19 novembre 2025

La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

MW2



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 23 octobre 2025




Cassation


Mme MARTINEL, présidente



Arrêt n° 1090 F-D

Pourvoi n° D 23-10.307




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 OCTOBRE 2025

La société Tech'image, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 23-10.307 contre l'arrêt rendu le 9 novembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (9e chambre sécurité sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) des Pays de la Loire, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Caillard, conseillère, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Tech'image, et l'avis de M. Adida-Canac, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 septembre 2025 où étaient présentes Mme Martinel, présidente, Mme Caillard, conseillère rapporteure, Mme Durin-Karsenty, conseillère doyenne, Mme Gratian, greffière de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 novembre 2022), par un jugement du 19 février 2021 notifié le 15 mars 2021, le tribunal judiciaire de Nantes a statué dans un litige opposant la société Tech'image (la société) à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales des Pays de la Loire (l'URSSAF).

2. La société a relevé appel de ce jugement par une déclaration d'appel adressée au greffe de la cour d'appel de Rennes à une adresse erronée et reçue le 7 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Rennes.

3. La société a relevé appel du même jugement par une déclaration reçue le 27 mai 2021 au pôle social du tribunal judiciaire de Nantes, transmise et reçue au greffe de la cour d'appel de Rennes le 3 juin 2021.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable l'appel formé par elle, alors « que l'appel formé devant une juridiction incompétente interrompt le délai de recours ; qu'en retenant que l'appelant n'aurait pas saisi une juridiction incompétente mais bien la cour de Rennes, comme cela figurait sur ses deux lettres et sur la mention portée sur l'enveloppe, quand elle constatait que l'adresse erronée indiquée sur la déclaration avait abouti à la saisine d'une juridiction incompétente qui l'avait réceptionnée avant l'expiration du délai d'appel, de telle sorte que le délai de recours était interrompu, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil par refus d'application. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2241 du code civil :

5. Selon ce texte, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.

6. Pour déclarer irrecevable l'appel de la société, l'arrêt relève d'abord que l'article 2241 du code civil n'est pas applicable, dès lors que l'appelant n'a pas saisi une juridiction incompétente, mais bien la cour d'appel de Rennes, comme cela figure sur ses deux lettres et sur la mention portée sur l'enveloppe, seule l'adresse de la cour d'appel, compétente, étant erronée, et en déduit que la déclaration d'appel du 7 avril 2021 n'a pas pu interrompre le délai d'appel.

7. L'arrêt constate ensuite que le second appel régularisé le 18 mai 2021 par la société, reçu au tribunal judiciaire de Nantes, le 26 mai 2021, transféré au pôle social le 27 mai 2021 et reçu à la cour d'appel de Rennes le 3 juin 2021, a été formé au-delà du délai d'un mois qui lui était imparti.

8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la déclaration d'appel du 7 avril 2021 avait été reçue avant l'expiration du délai d'appel par le tribunal judiciaire de Rennes, juridiction incompétente, et que le délai d'appel avait ainsi été interrompu et n'était pas expiré au moment où l'appelante avait formé un second appel, transmis à la juridiction compétente, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne l'URSSAF des Pays de la Loire aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'URSSAF des Pays de la Loire à payer à la société Tech'image la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-trois octobre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C201090

Motifs insuffisants à établir que les causes ordinaires d'interruption de la prescription étaient énoncées de manière exhaustive dans le contrat d'assurance

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

EO1



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 6 novembre 2025




Cassation


Mme MARTINEL, présidente



Arrêt n° 1103 F-D

Pourvoi n° S 24-11.128




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 NOVEMBRE 2025

M. [K] [M], domicilié [Adresse 3], [Localité 4], a formé le pourvoi n° S 24-11.128 contre l'arrêt rendu le 21 novembre 2023 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de M. [M], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Gan assurances, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 septembre 2025 où étaient présents Mme Martinel, présidente, M. Martin, conseiller rapporteur, Mme Isola, conseillère doyenne, et Mme Cathala, greffière de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 21 novembre 2023), M. [M] (l'assuré), qui avait souscrit, le 9 septembre 2008, auprès de la société Gan assurances (l'assureur) un contrat d'assurance multirisques pour garantir un immeuble bâti situé à [Localité 4] (Puy-de-Dôme), a déclaré, par lettre du 24 septembre 2019, un sinistre au titre de la garantie catastrophes naturelles.

2. La commune a été l'objet de deux arrêtés de catastrophe naturelle, publiés les 19 décembre 2019 et 29 avril 2020, en raison de mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols survenues respectivement au cours de la période du 1er juillet au 30 septembre 2018 et du 1er janvier au 31 décembre 2019.

3. Se fondant sur les conclusions d'un rapport d'expertise amiable établi le 7 août 2020, par lettre du 3 septembre 2020, l'assureur a informé l'assuré qu'il refusait de garantir les dommages affectant l'immeuble.

4. Le 17 octobre 2022, l'assuré a assigné l'assureur devant un juge des référés, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, à fin d'expertise.

5. Le juge des référés, constatant la prescription de toute action au fond, a rejeté la demande.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

6. L'assuré fait grief à l'arrêt de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance dans l'instance l'opposant à l'assureur et, y ajoutant, de rejeter le surplus de ses demandes, alors « que l'assureur est tenu de rappeler dans le contrat d'assurance, sous peine d'inopposabilité à l'assuré du délai de prescription édicté par l'article L. 114-1 du code des assurances, les causes d'interruption de la prescription biennale prévues à l'article L. 114-2 du même code ; qu'en se bornant à affirmer que les dispositions générales du contrat d'assurance « rappelle [nt] ensuite les causes ordinaires d'interruption de la prescription en matière de demande de mobilisation de garantie telles qu'énoncées à l'article L. 114-2 du code des assurances et s'appliquant notamment à une demande en justice (même en référé), à un acte d'exécution forcée ou à la désignation d'un expert à la suite d'un sinistre », sans rechercher s'il était mentionné au titre des causes ordinaires d'interruption, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait (art. 2240 c. civ), ce qui était expressément invoqué dans les conclusions d'appel, et la prise d'une mesure conservatoire en application du code des procédures civiles d'exécution (art. 2244 c. civ), la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 114-1 et R. 112-1 du code des assurances. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 114-1 et R. 112-1 du code des assurances :

7. Aux termes du second de ces textes, les polices d'assurance doivent rappeler les dispositions des titres Ier et II, du livre Ier de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance.

8. Selon le premier, la prescription est interrompue par une des causes ordinaires d'interruption de la prescription et par la désignation d'un expert à la suite d'un sinistre.

9. Pour confirmer l'ordonnance qui, après avoir constaté la prescription de toute action au fond, a rejeté la demande d'expertise judiciaire, l'arrêt retient qu'aux termes de l'avenant souscrit le 5 septembre 2011, sur lequel l'assuré a apposé sa signature, il reconnaît avoir reçu un exemplaire du cahier des dispositions générales dont l'article 41 reproduit l'intégralité des dispositions de l'article L. 114-1, alinéa 1er, du code des assurances.

10. Il ajoute que ce document rappelle les causes ordinaires d'interruption de la prescription en matière de demande de mobilisation de la garantie telles qu'énoncées à l'article L. 114-2 du code des assurances et s'appliquant notamment à une demande en justice même en référé, à un acte d'exécution forcée ou à la désignation d'un expert à la suite du sinistre.

11. Il énonce, enfin, qu'il n'est pas établi que l'exemplaire des conditions générales alors remis au souscripteur n'aurait pas contenu les dispositions précitées des articles L. 114-1 et L. 114-2 accompagnées de leurs références précises.

12. En se déterminant ainsi, par des motifs insuffisants à établir que les causes ordinaires d'interruption de la prescription étaient énoncées de manière exhaustive dans le contrat d'assurance, ce que l'assuré contestait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 novembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société Gan assurances aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Gan assurances et la condamne à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le six novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C201103

Entre coobligés fautifs, la contribution à la dette a lieu en proportion de la gravité des fautes respectives

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

EO1



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 6 novembre 2025




Cassation partielle sans renvoi


Mme MARTINEL, présidente



Arrêt n° 1111 F-D

Pourvoi n° E 23-18.266




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 NOVEMBRE 2025

L'Institut polaire français [10], groupement d'intérêt public, dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° E 23-18.266 contre l'arrêt rendu le 10 mai 2023 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [T] [U],

2°/ à Mme [O] [U],

3°/ à Mme [Y] [U],

4°/ à M. [K] [U],

5°/ à M. [D] [U],

tous les cinq domiciliés [Adresse 4],

6°/ à la société CMA CGM, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],

7°/ au Territoire d'Outre-Mer Terres Australes et Antarctiques Françaises, dont le siège est [Adresse 9],

8°/ à la société CMA Ships, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 6],

9°/ à la société MED II, groupement d'intérêt économique, dont le siège est [Adresse 3],

10°/ au préfet du Finistère, domicilié [Adresse 5],

11°/ à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère, dont le siège est [Adresse 2],

12°/ à la chambre de commerce et d'industrie métropolitaine de Bretagne Ouest, établissement public, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les sociétés CMA CGM et CMA Ships, et la collectivité Le Territoire d'Outre-Mer Terres Australes et Antarctiques Françaises ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Salomon, conseillère, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'Institut polaire français [10], de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la chambre de commerce et d'industrie métropolitaine de Bretagne Ouest, de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de MM. [T], [K] et [D] [U], et de Mmes [O] et [Y] [U], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société CMA CGM, du Territoire d'Outre-Mer Terres Australes et Antarctiques Françaises et de la société CMA Ships, et l'avis de M. Brun, avocat général, après débats en l'audience publique du 24 septembre 2025 où étaient présentes Mme Martinel, présidente, Mme Salomon, conseillère rapporteure, Mme Isola, conseillère doyenne, et Mme Cathala, greffière de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Reprise d'instance

1. Il est donné acte à l'Institut [10] de sa reprise d'instance à l'égard d'[D] [U], devenu majeur.

Désistement partiel

2. Il est donné acte à l'Institut [10] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le GIE MED II.

Faits et procédure

3. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 mai 2023), le 30 mai 2013, lors d'une sortie scolaire de visite du navire le « Marion Dufresne », M. [T] [U], alors mineur, a été grièvement blessé par une coupée qui avait été installée par l'équipage pour monter à bord.

4. Le navire fait l'objet d'un contrat d'affrètement à temps entre la société CMA CGM et les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) et est sous-affrété à temps par les TAAF à l'Institut [10] ([8]).

5. Pendant cette sortie scolaire, les enfants étaient encadrés par leur professeur principal, une aide de vie scolaire et deux préposés de [8].

6. M. [T] [U], M. [K] [U] et Mme [O] [U], pris tant en leur nom personnel qu'en leur qualité de représentant légal de leurs enfants mineurs [Y] et [D] [U], ont saisi un tribunal de grande instance en indemnisation. La caisse primaire d'assurance maladie du Finistère est intervenue volontairement à l'instance.

Examen des moyens

Sur les premiers moyens du pourvoi principal, formé par [8] et du pourvoi incident, formé par la société CMA CGM

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.



Sur le second moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

8. La société CMA CGM fait grief à l'arrêt de condamner [8] et le préfet du Finistère, respectivement, à ne la garantir des condamnations mises à sa charge qu'à hauteur de 50 % chacun, alors « qu'un coauteur, responsable d'un accident sur le fondement de l'article 1242, alinéa 1er, du code civil, peut recourir pour le tout contre un coauteur fautif ; qu'en condamnant [8] et le préfet du Finistère, coauteurs fautifs, à ne garantir la société CMA CGM des condamnations mises à sa charge en sa qualité de gardien de la chose non fautif, qu'à hauteur de 50 % chacun et non pas pour le tout chacun, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte de l'article 1214 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qu'un codébiteur d'une obligation in solidum ne peut être condamné, sur le recours d'un coobligé, que pour ses part et portion.

10. La cour d'appel, qui a condamné in solidum la société CMA CGM en sa qualité de gardien de la coupée, instrument du dommage, d'une part, [8] et le préfet du Finistère en raison des différents manquements relevés au titre de la surveillance et de l'encadrement des enfants, d'autre part, et a estimé que, les fautes commises étant d'égale importance, il y avait lieu, dans leurs rapports contributifs, de répartir par parts égales la charge de l'indemnisation entre les coauteurs fautifs, a décidé à bon droit que [8] et le préfet du Finistère devaient chacun garantir la société CMA CGM à hauteur de 50 % des condamnations mises à sa charge.

11. Le moyen n'est dès, lors pas, fondé.

Mais sur le second moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

12. [8] fait grief à l'arrêt de le condamner à garantir le préfet du Finistère à hauteur de 50 % des condamnations mises à sa charge, alors « que la contribution à la dette a lieu en proportion des fautes respectives ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que "les différents manquements relevés au titre de la surveillance et de l'encadrement des enfants à l'origine du dommage causé au jeune [T] [U] justifient que la responsabilité de [8] soit fixée à 50 % et celle de M. Le Préfet du Finistère à 50 %" ; qu'en condamnant néanmoins l'Institut [10] à garantir la société CMA CGM à hauteur de 50 % des condamnations mises à sa charge puis à garantir M. le Préfet du Finistère à hauteur de 50 % des condamnations mises à sa charge, le condamnant ainsi à supporter la charge finale de 75 % des condamnations, la cour d'appel a violé les articles 1240 et 1242 alinéa 5 du code civil. »

Réponse de la Cour

13. Vu l'article 1214 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

14. Le juge, saisi d'un recours exercé par une partie condamnée in solidum, à l'encontre d'un de ses coobligés, est tenu de statuer sur la contribution de chacun d'eux à la totalité de la dette. Entre coobligés fautifs, la contribution à la dette a lieu en proportion de la gravité des fautes respectives.

15. L'arrêt retient que les différents manquements relevés au titre de la surveillance et de l'encadrement des enfants à l'origine du dommage causé à M. [T] [U] justifient que la responsabilité de [8] soit fixée à 50 % et celle du préfet à 50 %. Il ajoute qu'il fait droit à la demande de garantie formée par le préfet contre [8] à hauteur de 50 % des condamnations prononcées contre lui et relève qu'aucune demande de garantie n'est présentée par [8] contre le préfet.

16. Dans son dispositif, l'arrêt condamne [8] à garantir le préfet à hauteur de 50 % des condamnations mises à sa charge.

17. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

18. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

19. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

20. Il convient, dans le dispositif de l'arrêt, de répartir par parts égales la charge de l'indemnisation entre les coauteurs fautifs et de condamner [8] à garantir le préfet du Finistère à hauteur de 50 % des indemnisations allouées.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne [8] à garantir le préfet du Finistère à hauteur de 50 % des condamnations mises à sa charge, l'arrêt rendu le 10 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que l'Institut [10] et le préfet du Finistère supporteront chacun pour moitié la charge de l'indemnisation ;

Condamne [8] à garantir le préfet du Finistère à hauteur de 50 % des indemnisations allouées ;

Condamne le préfet du Finistère aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé publiquement le six novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C201111

mercredi 12 novembre 2025

En matière de performance énergétique, l'impropriété à destination ne peut être retenue qu'en cas de dommages conduisant à une surconsommation énergétique ne permettant l'utilisation de l'ouvrage qu'à un coût exorbitant

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 23 octobre 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, présidente



Arrêt n° 499 F-D

Pourvoi n° D 23-18.771




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 OCTOBRE 2025

M. [V] [L], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° D 23-18.771 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2023 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [N] [X],

2°/ à M. [K] [D],

tous deux domiciliés [Adresse 4],

3°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurances mutuelles, dont le siège est [Adresse 1],

4°/ à la société Elibat expertise immobilière, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2],

5°/ à la société MMA IARD, société anonyme à conseil d'administration, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Les sociétés Elibat expertise immobilière et MMA IARD ont formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bironneau, conseillère référendaire, les observations de Me Balat, avocat de M. [L], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat des sociétés Elibat expertise immobilière et MMA IARD, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de Mme [X] et de M. [D], après débats en l'audience publique du 9 septembre 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, Mme Bironneau, conseillère référendaire rapporteure, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [L] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société MMA IARD assurances mutuelles.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 23 mai 2023), M. [L] (le vendeur) a vendu à M. [D] et à Mme [X] (les acquéreurs) une maison d'habitation qu'il avait lui-même partiellement édifiée.

3. Un diagnostic de performance énergétique (DPE), établi par la société Elibat expertise immobilière (le diagnostiqueur), annexé à l'acte authentique, mentionnait un niveau de performance énergétique de classe C.

4. Invoquant une superficie de la maison moindre que celle convenue et des problèmes d'isolation, les acquéreurs ont, après expertise, assigné le vendeur, le diagnostiqueur et l'assureur de ce dernier, la société MMA IARD, en réparation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le troisième moyen du pourvoi principal

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. Le vendeur fait grief à l'arrêt de retenir sa responsabilité décennale au titre des désordres et malfaçons concernant l'isolation et de le condamner à payer aux acquéreurs diverses indemnités, alors « que seuls les dommages compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination engage la responsabilité décennale du constructeur ; que la simple surconsommation de chauffage, qui ne rend pas les pièces de l'immeuble inhabitables, ne caractérise pas l'impropriété de l'ouvrage à sa destination ; qu'en retenant que l'isolation thermique insuffisante rendait la maison impropre à sa destination au seul motif que certaines pièces ne pouvaient être chauffées normalement en hiver "sans engager des dépenses importantes d'énergie", la cour d'appel qui n'a pas constaté l'existence d'un défaut compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination, a violé l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1792 du code civil et L. 111-13-1 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version issue de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 :

7. Selon le premier de ces textes, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

8. Selon le second, en matière de performance énergétique, l'impropriété à destination ne peut être retenue qu'en cas de dommages conduisant à une surconsommation énergétique ne permettant l'utilisation de l'ouvrage qu'à un coût exorbitant.

9. Pour condamner le vendeur, sur le fondement de la responsabilité décennale, l'arrêt retient que le défaut d'isolation, qui cause une gêne au quotidien, voire une perte de jouissance pour certaines pièces qui ne peuvent être occupées en période hivernale, entraîne des frais annuels d'énergie excessifs.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si les défauts d'isolation thermique constatés ne permettaient l'utilisation de l'ouvrage qu'à un coût exorbitant, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Et sur le premier moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

11. Le diagnostiqueur et son assureur font grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il les condamne in solidum à payer aux acquéreurs la somme de 21 500 euros en réparation de leur perte de chance de négocier une réduction du prix de vente et, infirmant le jugement sur ce point, de dire que le vendeur d'une part, le diagnostiqueur et son assureur d'autre part, seront tenus in solidum des condamnations prononcées au profit des acquéreurs mais dans la limite de 21 500 euros en ce qui concerne le diagnostiqueur et son assureur, alors « qu'une perte de chance suppose la disparition d'une éventualité favorable ; qu'en condamnant le diagnostiqueur à indemniser les acquéreurs d'une "perte de chance de ne pas acquérir le bien ou d'en négocier le prix à la baisse" cependant qu'elle constatait que, dans cette éventualité, ils auraient été privés des garanties légales du vendeur-constructeur, dont ils avaient bénéficié et grâce auxquelles ils avaient été placés dans la situation dans laquelle ils se seraient trouvés si l'immeuble avait eu la performance énergétique attendue, et sans rechercher si l'éventualité dont la perte était imputée au diagnostiqueur était plus favorable que celle dans laquelle ils se trouvent, ayant bénéficié des garanties leur procurant par équivalent un ouvrage exempt de vices, notamment de ceux affectant sa performance énergétique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1240 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice :

12. Il résulte de ce texte et de ce principe que seule constitue une perte de chance réparable la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable.

13. Pour condamner le diagnostiqueur et son assureur à payer aux acquéreurs la somme de 21 500 euros en réparation de leur perte de chance de négocier une réduction du prix de vente, l'arrêt retient que le préjudice subi par ces derniers en raison de la faute commise par le diagnostiqueur ne peut être réparé qu'au titre de la perte de chance de ne pas acquérir le bien ou d'en négocier le prix à la baisse.

14. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si la perte d'une éventualité favorable pour les acquéreurs, qu'elle imputait au diagnostiqueur, était certaine, en l'état de la réfection complète de l'isolation thermique et de la réparation des dommages immatériels subséquents auxquelles elle venait de condamner le vendeur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :
- juge que le bien immobilier est affecté de désordres et malfaçons concernant l'isolation qui l'affectent dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement et la rend impropre à sa destination,
- condamne M. [L] à payer à M. [D] et à Mme [X] les sommes de 5 000 euros au titre des travaux d'isolation par le sol, 5 780 euros au titre du trouble de jouissance, 2 500 euros, chacun, au titre du préjudice moral,
- condamne in solidum la société Elibat expertise immobilière et la société MMA IARD à payer à M. [D] et à Mme [X] la somme de 21 500 euros au titre de l'indemnisation de leur perte de chance de négocier une réduction du prix de vente,
- condamne in solidum M. [L], la société Elibat expertise immobilière et la société MMA IARD à verser à M. [D] et à Mme [X] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il condamne M. [L], la société Elibat expertise immobilière et la société MMA IARD aux entiers dépens, s'agissant de la procédure de première instance,
- condamne M. [L] à payer à M. [D] et à Mme [X] les sommes suivantes : 83 465,23 euros HT au titre des travaux de reprise de l'isolation, 3 282 euros au titre de l'indemnisation du préjudice correspondant à la surconsommation d'énergie et au coût des diagnostics de performance énergétique des 8 février et 25 mai 2016, 24 945 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2020 au titre de la réduction du prix de vente,
- dit que M. [L], d'une part, la société Elibat expertise immobilière et la société MMA IARD, d'autre part, sont tenus in solidum des condamnations prononcées au profit de M. [D] et Mme [X], mais dans la limite de 21 500 euros en ce qui concerne la société Elibat expertise immobilière et la société MMA IARD,
- condamne la société Elibat expertise immobilière et la société MMA IARD à garantir M. [L] du montant des condamnations prononcées à son encontre à hauteur de la somme de 21 500 euros,
- rejette les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile et dit que chaque partie gardera à sa charge les dépens qu'elle a exposés devant la cour d'appel, s'agissant de la procédure d'appel ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne M. [D] et Mme [X] aux dépens afférents aux pourvois principal et incident ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-trois octobre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300499

Les maîtres de l'ouvrage s'étaient réservés par une clause particulière de l'acte de vente, les actions dont le maître de l'ouvrage est titulaire

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 23 octobre 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, présidente



Arrêt n° 493 F-D

Pourvoi n° D 23-20.266




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 OCTOBRE 2025

1°/ M. [O] [W], domicilié [Adresse 2] (Maroc),

2°/ Mme [Z] [I], divorcée [W], domiciliée [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° D 23-20.266 contre l'arrêt rendu le 27 juin 2023 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Fidelidade - Companhia de Seguros, dont le siège est [Adresse 4] (Portugal), société de droit étranger, prise en sa qualité d'assureur de la société Cool Haven,

2°/ à la société Cool Haven, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 6] (Portugal),

3°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], prise en sa qualité d'assureur de la société Sarp,

4°/ à la société Lloyd's Insurance Company, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 5] (Belgique), prise en sa qualité d'assureur de M. [V],

défenderesses à la cassation.

Les sociétés Cool Haven et Gan assurances ont formé, chacune, un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.

La société Cool Haven, demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

La société Gan assurances, demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseillère, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. et Mme [W], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Lloyd's Insurance Company, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Fidelidade-Companhia de Seguros, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Gan assurances, de Me Soltner, avocat de la société Cool Haven, après débats en l'audience publique du 9 septembre 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, Mme Foucher-Gros, conseillère rapporteure, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 27 juin 2023), M. et Mme [W] (les maîtres de l'ouvrage) ont confié une mission de maîtrise d'oeuvre à M. [V], assuré auprès de la société Lloyd's Insurance Company.

2. Ils ont ensuite commandé à la société Cool Haven, assurée auprès de la société Fidelidade-Companhia de Seguros (la société Fidelidade) la fabrication d'une structure pour un pavillon et confié à la société Sarp, assurée auprès de la société Gan assurances, les lots « terrassement et réseaux, maçonnerie, enduit, pose des fournitures Cool Haven ».

3. Se plaignant de malfaçons et de désordres, notamment d'infiltrations, les maîtres de l'ouvrage ont assigné les intervenants à l'acte de construire et leurs assureurs en référé-expertise.

4. Après avoir vendu leur immeuble, ils ont assigné au fond, les sociétés Cool Haven, Fidelidade, Gan assurances, Lloyd's Insurance Compagny et M. [V] en indemnisation de leurs préjudices.

Examen des moyens

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi incident de la société Gan assurances et sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, du pourvoi incident de la société Cool Haven

5. En application de l'article 1014, alinéa 2 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen du pourvoi incident de la société Cool Haven

Enoncé du moyen

6. La société Cool Haven fait grief à l'arrêt de la condamner, in solidum avec la société Gan assurances, M. [V] et la société Lloyd's, en sa qualité d'assureur décennal de ce dernier, à payer aux maîtres de l'ouvrage certaines sommes au titre du préjudice résultant des désordres de nature décennale affectant l'immeuble et du préjudice de jouissance, et de fixer le partage de responsabilité entre coobligés à la dette, alors « qu'est réputé constructeur de l'ouvrage tout entrepreneur lié au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ; que le fournisseur de matériaux qui n'est pas intervenu dans la réalisation des travaux affectés de désordres de nature décennale n'est pas lié au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage et ne peut être assimilé à un constructeur de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, pour dire que la société Cool Haven était liée à M. et Mme [W] par un contrat de louage d'ouvrage et devait être assimilée à un constructeur de l'ouvrage, la cour d'appel a, par motifs propres et adoptés, retenu que le procès-verbal de réception de chantier avait été établi par elle, qu'elle avait mentionné sur ce procès-verbal que les éléments mobiliers endommagés par le dégât des eaux seraient pris en charge par son assureur et qu'elle s'était impliquée dans la remise en état des désordres au point d'avoir envisagé de proposer aux maîtres de l'ouvrage une remise de prix ; qu'en statuant de la sorte, au regard de circonstances factuelles toutes postérieures à la réalisation des travaux de désordres de nature décennale et, partant, impropres à établir que la société Cool Haven était intervenue dans la réalisation desdits travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 et 1792-1 du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Ayant constaté que, selon son marché, la société Cool Haven avait conçu et fabriqué la structure du pavillon, ce dont il résultait l'existence d'un travail spécifique destiné à répondre à des besoins particuliers, la cour d'appel a pu en déduire que celle-ci était liée aux maîtres de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage.

8. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

9. Les maîtres de l'ouvrage font grief à l'arrêt de condamner la société Cool Haven, la société Gan assurances, en sa qualité d'assureur décennal de la société Sarp, M. [V] et la société Lloyd's Insurance Compagny, en sa qualité d'assureur décennal de M. [V], à leur payer, in solidum, les seules sommes de 42 144,05 euros au titre du préjudice résultant des désordres de nature décennale affectant l'immeuble, et de 3 600 euros au titre du préjudice de jouissance, et de rejeter leurs autres demandes, alors :

« 1°/ que le jugement de première instance condamnait « solidairement la société de droit portugais Cool Haven et la compagnie d'assurances société Fidelidade, la société Gan assurances, M. [V] et la société Lloyd's Insurance Compagny à payer à M. et Mme [W], une certaine somme, sans mentionner que cette indemnité leur était allouée au titre des seuls désordres décennaux ; qu'en estimant néanmoins, pour en déduire qu'en sollicitant confirmation du jugement dans les termes de leurs écritures d'appel, M. et Mme [W] n'auraient plus réclamé, à hauteur d'appel, d'indemnisation au titre des désordres relevant de la responsabilité de droit commun, que le jugement aurait condamné les constructeurs et assureurs susmentionnés à leur payer cette somme « au titre des désordres décennaux », cependant que le dispositif du jugement ne disait pas que cette somme était allouée à ce seul titre, la cour d'appel a dénaturé cette décision, violant ainsi l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

2°/ que dans ses motifs, le jugement de première instance précisait, d'une part, que M. et Mme [W] avaient un droit à indemnisation, s'agissant des demandes fondées sur la garantie décennale, à hauteur de la somme de 56 409,47 euros, au titre des travaux de remise en état, et à hauteur de la somme de 4 000 euros, au titre du préjudice de jouissance, puis, s'agissant des demandes fondées sur la responsabilité contractuelle de droit commun, à hauteur de la somme de 18 483,91 euros au titre du coût des travaux de remise en état, d'autre part, que les maîtres de l'ouvrage devaient être indemnisés à hauteur de la somme de 33 890,41 euros au titre de la garantie de bon fonctionnement ; qu'en son dispositif, le jugement condamnait les constructeurs et assureurs à payer à M. et Mme [W] la somme de 98 116,49 euros et certains d'entre eux à leur verser la somme de 33 890,41 euros ; qu'il ressortait donc clairement dudit jugement que la première des sommes mentionnées à son dispositif correspondait aux indemnités dues au titre de la garantie décennale et de la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs, et la seconde de ces sommes à l'indemnité due au titre de la garantie de bon fonctionnement, de sorte que la somme de 18 483,91 euros, s'agissant des désordres relevant de la responsabilité contractuelle de droit commun, n'avait pas été omise dans le dispositif de cette décision ; qu'en retenant néanmoins, pour en déduire qu'en sollicitant confirmation du jugement dans les termes de leurs écritures d'appel, M. et Mme [W] n'auraient plus réclamé, à hauteur d'appel, d'indemnisation au titre des désordres relevant de la responsabilité de droit commun, que le jugement entrepris aurait condamné les constructeurs et assureurs susmentionnés à payer à M. et Mme [W] la somme de 98 116,49 euros « au titre des désordres décennaux » et que, s'agissant des désordres relevant de la responsabilité de droit commun, il aurait omis, dans son dispositif, la somme de 18 483,91 euros mentionnée dans la motivation du jugement, la cour d'appel a dénaturé ledit jugement, violant ainsi l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

3°/ que par leurs dernières écritures d'appel, M. et Mme [W] avaient sollicité la confirmation du jugement de première instance, sauf en ce qu'il avait écarté la condamnation de la société Lloyd's Insurance Compagny, assureur de M. [V], au titre de désordres relevant de la garantie de bon fonctionnement, et en ce qu'il avait limité la réparation du préjudice de jouissance à la somme de 4 000 euros, ainsi, enfin, qu'en ce qu'il avait condamné les maîtres de l'ouvrage à payer à la société Cool Haven la somme de 33 890,41 euros (correspondant au solde prétendument impayé du prix des travaux) ; qu'il ressortait ainsi clairement des écritures d'appel des maîtres de l'ouvrage qu'ils sollicitaient confirmation du jugement en ce qu'il fixait les indemnités dues aux maîtres de l'ouvrage au titre du coût de reprise des désordres relevant, tant de la garantie décennale, que de la responsabilité de droit commun ; qu'en estimant néanmoins que M. et Mme [W] sollicitaient confirmation du jugement entrepris en ce qu'il aurait condamné les constructeurs et assureurs susmentionnés à leur payer la somme de 98 116,49 euros « au titre des désordres décennaux » , la cour d'appel a dénaturé les écritures d'appel des maîtres de l'ouvrage, violant ainsi derechef l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause. »


Réponse de la Cour

Vu l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

10. Pour rejeter les demandes des maîtres de l'ouvrage présentées au titre des désordres relevant de la responsabilité contractuelle des constructeurs, l'arrêt retient, d'une part, que le tribunal avait intégré ces désordres dans sa motivation mais les avait omis du dispositif du jugement, d'autre part, que les maîtres de l'ouvrage ont demandé la confirmation du jugement en ce qu'il leur a été alloué une indemnité au titre des désordres décennaux.

11. En statuant ainsi, alors, d'une part, qu'il ressortait du dispositif du jugement que la somme de 8 116,49 euros qui avait été allouée aux maîtres de l'ouvrage ne l'était pas au seul titre de la responsabilité décennale et correspondait à l'addition des indemnités retenues tant à ce titre qu'au titre de la responsabilité contractuelle de droit commun et de la garantie de bon fonctionnement, d'autre part, que les maîtres de l'ouvrage n'ont pas limité leur demande de confirmation de la décision de première instance à la seule indemnité allouée au titre de la garantie décennale, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes clairs et précis du jugement et des conclusions des maîtres de l'ouvrage, a violé le principe susvisé.

Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

12. Les maîtres de l'ouvrage font grief à l'arrêt de limiter à la somme de 42 144,05 euros la condamnation indemnitaire prononcée à leur profit et à l'encontre, in solidum, de la société Cool Haven et de la société Gan assurances, en sa qualité d'assureur décennal de la société Sarp, ainsi que de M. [V] et de la société Lloyd's Insurance Compagny, en sa qualité d'assureur décennal de ce dernier, au titre du préjudice résultant des désordres de nature décennale affectant l'immeuble, alors « que tout constructeur d'un ouvrage engage sa responsabilité décennale, responsabilité de plein droit, envers le maître de l'ouvrage, au titre des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; qu'en se bornant, pour écarter une indemnisation des maîtres de l'ouvrage sur le fondement de la responsabilité décennale, au titre du coût de la réfection de la couverture bac acier, à relever que cette réfection ne relevait pas des « désordres examinés par l'expert », et en ne vérifiant pas, comme l'y invitaient pourtant M. et Mme [W] par leurs dernières écritures d'appel, si le désordre concerné, quand bien même il n'aurait pas été examiné par l'expert, ne constituait pas un désordre relevant de la garantie décennale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792 du code civil :

13. Selon ce texte, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

14. Pour écarter l'indemnisation du coût de réfection de la toiture bac acier, « partie nuit », l'arrêt retient que ce coût ne fait pas partie des désordres examinés par l'expert.

15. En se déterminant ainsi, par un motif impropre et sans rechercher, comme il le lui incombait, si les maîtres de l'ouvrage ne rapportaient pas la preuve d'un désordre de nature décennale affectant la couverture bac acier, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche

16. Les maîtres de l'ouvrage font le même grief à l'arrêt, alors « que les dommages et intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle, ni perte, ni profit ; que le maître de l'ouvrage ayant vendu l'immeuble, dès lors qu'il est recevable à agir, a un droit à indemnisation au titre de l'ensemble des conséquences des désordres engageant la responsabilité du constructeur ; que, si l'indemnité est fixée en considération du coût des travaux nécessaires à la reprise de ces désordres, aucun des frais s'y rapportant, tels les frais de coordination, ne peut être exclu au motif que les travaux concernés ne seront jamais réalisés par le maître de l'ouvrage ; qu'en se fondant néanmoins, pour exclure l'indemnisation de M. et Mme [W] au titre du coût des frais de coordination des travaux de reprise des désordres engageant la responsabilité des constructeurs, sur la considération selon laquelle les travaux ne seraient jamais réalisés par les maîtres de l'ouvrage, la cour d'appel s'est déterminée par une considération impropre et, partant, a violé le texte susvisé, ensemble le principe de la réparation intégrale du préjudice. »





Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

17. La société Gan assurances conteste la recevabilité du moyen, pris en sa deuxième branche. Elle soutient qu'il est nouveau et mélangé de fait et de droit.

18. Cependant, dans leurs conclusions d'appel, les maîtres de l'ouvrage avaient demandé le paiement des frais de coordination des travaux, en faisant valoir que ces travaux devaient être mis à la charge des constructeurs et assureurs au titre de la garantie décennale.

19. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 1792 du code civil et le principe de la réparation intégrale du préjudice :

20. Il résulte de ce texte et de ce principe que les dommages-intérêts alloués en réparation des dommages dont sont responsables de plein droit les constructeurs doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour le maître de l'ouvrage ni perte ni profit.

21. Il s'ensuit que tous dommages, matériels et immatériels, consécutifs aux désordres de l'ouvrage, doivent être réparés par le constructeur tenu à garantie en application de ce texte.

22. Pour exclure les frais de coordination des travaux de l'indemnisation au titre de la garantie décennale, l'arrêt retient qu'aucun des travaux ne sera jamais réalisé par les maîtres de l'ouvrage.

23. En statuant ainsi, après avoir retenu que les maîtres de l'ouvrage s'étaient réservés par une clause particulière de l'acte de vente, les actions dont le maître de l'ouvrage est titulaire, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés.

Sur le moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident de la société Gan assurances et sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident de la société Cool Haven, rédigés en termes identiques, réunis




Enoncé des moyens

24. Par leur moyen, la société Gan assurances, en sa qualité d'assureur décennal de la société Sarp, et la société Cool Haven font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum avec M. [V] et la société Lloyd's Insurance Company, en sa qualité d'assureur décennal de ce dernier, à payer certaines sommes aux maîtres de l'ouvrage au titre du préjudice résultant des désordres de nature décennale affectant l'immeuble, et du préjudice de jouissance, et de fixer le partage de responsabilité entre co-obligés à la dette, alors « que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, pour contester la prise en charge, sur le fondement de la garantie décennale, de la somme de 9 602,95 euros TTC, incluse dans le chiffrage des travaux de reprise du désordre n° 19 lié aux infiltrations d'eau dans l'arrière-cuisine, d'un montant total de 10 000,36 euros TTC, l'exposante a fait valoir que cette somme correspondait seulement à des travaux « préventifs » relatifs à la couverture de la maison, destinés à éviter la survenance d'autres désordres, et qu'elle était donc sans lien avec le désordre n° 19 lui-même ; qu'en écartant la prise en compte du coût de ces travaux préventifs, tout en les intégrant dans l'indemnité globale allouée à M. et Mme [W] au titre de la garantie décennale, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs et violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

25. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs équivaut à un défaut de motifs.

26. Pour fixer à la somme de 42 144,05 euros la somme allouée aux maîtres de l'ouvrage au titre du coût réparatoire des désordres de nature décennale, l'arrêt retient que celle-ci se rapporte aux travaux de reprise en lien avec les infiltrations, et qu'il y a lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il avait pris en compte le coût de travaux préventifs.

27. En statuant ainsi, alors que le coût des travaux préventifs dont elle excluait la prise en compte était inclus dans la somme qu'elle a retenue, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi incident de la société Gan assurances et sur le premier moyen, pris en sa cinquième branche, du pourvoi incident de la société Cool Haven, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé des moyens

28. Par leur moyen, la société Gan assurances, en sa qualité d'assureur décennal de la société Sarp, et la société Cool Haven font le même grief à l'arrêt, alors « que le juge doit, en toutes circonstances, faire respecter et respecter lui-même le principe de la contradiction ; que le juge ne peut substituer un fondement juridique à celui sur lequel les parties fondent leurs demandes, sans les inviter à présenter leurs observations sur ce moyen de droit relevé d'office ; qu'en l'espèce, M. et Mme [W] ont demandé la réparation des désordres n° 6 et 7 affectant la porte coulissante et le volet roulant du bureau, à hauteur des sommes respectives de 1 262,75 euros TTC et 138,60 euros TTC, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs, et non sur celui de la garantie décennale ; qu'aucune partie n'a invoqué ce fondement pour ces désordres ; qu'en retenant d'office que ces désordres n° 6 et 7 relevaient de la garantie décennale, sans inviter les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 16 du code de procédure civile :

29. Aux termes de ce texte, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

30. Pour condamner les sociétés Gan assurances, en sa qualité d'assureur décennal de la société Sarp, et Cool Haven à payer aux maîtres de l'ouvrage une certaine somme au titre du préjudice résultant des désordres de nature décennale affectant l'immeuble, l'arrêt retient que les désordres numéros 6 et 7 affectant le bureau et diverses autres pièces relèvent de cette garantie.

31. En statuant ainsi, alors que les maîtres de l'ouvrage sollicitaient la réparation de ces désordres sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun, sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen relevé d'office tiré du caractère décennal de ceux-ci, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

32. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui condamne in solidum la société Cool Haven, la société Gan assurances, en sa qualité d'assureur décennal de la société Sarp, M. [V], la société Lloyd's Insurance Company, en sa qualité d'assureur décennal de M. [V], à payer aux maîtres de l'ouvrage la somme de 42 144,05 euros au titre du préjudice résultant des désordres de nature décennale affectant l'immeuble entraîne la cassation des chefs de dispositif condamnant in solidum les mêmes à payer aux maîtres de l'ouvrage la somme de 3 600 euros au titre du préjudice de jouissance, fixant le partage de responsabilité et disant que les sociétés Gan assurances et Lloyd's Insurance Company sont fondées à opposer les franchises contractuelles applicables à l'indemnisation du préjudice immatériel relevant des garanties facultatives, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

Mise hors de cause

33. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société Fidelidade, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. et Mme [W] présentées sur le fondement de la responsabilité contractuelle des constructeurs, condamne in solidum la société Cool Haven, la société Gan assurances, en sa qualité d'assureur décennal de la société Sarp, M. [V], la société Lloyd's Insurance Company, en sa qualité d'assureur décennal de M. [V], à payer à M. et Mme [W] la somme de 42 144,05 euros au titre du préjudice résultant des désordres de nature décennale affectant l'immeuble et la somme de 3 600 euros au titre du préjudice de jouissance, dit que, dans les rapports respectifs, les fautes ont concouru aux préjudices dans les proportions suivantes : la société Cool Haven un tiers, la société Sarp un tiers, M. [V] un tiers, dit que les sociétés Gan assurances et Lloyd's Insurance Company sont fondées à opposer les franchises contractuelles applicables à l'indemnisation du préjudice immatériel relevant des garanties facultatives, l'arrêt rendu le 27 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Dit n'y avoir lieu à mettre hors de cause la société Fidelidade-Companhia de Seguros ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-trois octobre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300493