mardi 23 décembre 2025

Toute action en référé est une action en justice au sens de l'article L. 114-1, alinéa 3, du code des assurances

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FC



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 11 décembre 2025




Cassation partielle sans renvoi


Mme TEILLER, présidente



Arrêt n° 600 F-D

Pourvoi n° Y 23-23.481




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 DÉCEMBRE 2025

La société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 9], a formé le pourvoi n° Y 23-23.481 contre l'arrêt rendu le 26 septembre 2023 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [D] [T], domicilié [Adresse 8],

2°/ à M. [D] [F], domicilié [Adresse 4],

3°/ à la société Robineaud Philippe, Favreau Dominique, Bernuau Isabelle, Augeraud Etienne, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ à la société Actis mandataires judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], prise en la personne de M. [M] [K] [N], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société DSTP,

5°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

6°/ au syndicat des copropriétaires du [Adresse 7], représenté par son syndic, la société Citya Sogexfo, dont le siège est [Adresse 5],

7°/ à la société Grand Cerf, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 11],

8°/ à la société Joubert Downtown, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 10],

9°/ à la société ADM, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] et la société civile immobilière Joubert Downtown ont, chacun, formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 7] et la société civile immobilière Joubert Downtown invoquent, chacun, à l'appui de leur recours, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseillère référendaire, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Gan assurances, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [F], de la société [F] [D], Favreau Dominique, Bernuau Isabelle, Augeraud Etienne, de la SARL Corlay, avocat de la société civile immobilière Grand Cerf, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société civile immobilière Joubert Downtown, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de M. [T], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat du syndicat des copropriétaires du [Adresse 7], de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Allianz IARD, après débats en l'audience publique du 21 octobre 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, Mme Vernimmen, conseillère référendaire rapporteure, M. Boyer, conseiller doyen,et Mme Maréville, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 26 septembre 2023) et les productions, la société civile immobilière Joubert Downtown (le vendeur) a vendu, le 16 janvier 2012, à la société civile immobilière Grand Cerf (l'acquéreur) un bien immobilier, situé au [Adresse 3], dont le toit est partiellement couvert par la terrasse d'un immeuble, soumis au statut de la copropriété, situé au [Adresse 7], laquelle était utilisée à usage d'emplacements de stationnement et de garages.

2. En raison d'infiltrations dans le local situé sous cette terrasse, le vendeur avait confié avant la signature de l'acte authentique la réalisation de travaux de reprise à la société DSTP, désormais en liquidation judiciaire (l'entrepreneur).

3. Les infiltrations ayant perduré, une mesure d'expertise a été ordonnée en référé à la demande de l'acquéreur, le 15 mai 2013, au contradictoire du vendeur.

4. Le 14 janvier 2014, l'acquéreur a assigné en extension de mission d'expertise le syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] (le syndicat des copropriétaires). Par ordonnance du 26 février 2014, les opérations d'expertise ont été étendues à ce dernier ainsi qu'à l'entrepreneur et à la société civile immobilière ADM, précédent propriétaire de cet immeuble.

5. Le 15 janvier 2015, le syndicat des copropriétaires a assigné son assureur, la société Gan assurances IARD aux fins de lui rendre opposables les opérations d'expertise, demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 8 mars 2015.

6. Le rapport d'expertise a été déposé le 6 janvier 2018.

7. Les 18, 21, 22 et 26 février 2019, l'acquéreur a notamment assigné le vendeur, le syndicat des copropriétaires, et la société Gan assurances en indemnisation de ses préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen du pourvoi principal, sur les premier à troisième moyens du pourvoi incident du syndicat des copropriétaires et sur les premier à troisième moyens du pourvoi incident du vendeur

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le grief de la seconde branche du premier moyen du pourvoi principal, qui est irrecevable, et sur les autres griefs, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. La société Gan assurances fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir le syndicat des copropriétaires des condamnations prononcées à son encontre, alors « que la délivrance par le tiers lésé d'une assignation en référé-expertise à l'assuré fait courir le délai de prescription biennale de sa propre action contre son assureur ; qu'en fixant néanmoins en l'espèce le point de départ du délai de prescription biennale de l'action du syndicat des copropriétaires à l'encontre la société Gan assurances, pour écarter toute fin de non-recevoir à ce titre, à la date de l'assignation principale au fond délivrée par la société Grand Cerf au syndicat des copropriétaires le 18 février 2019, au lieu de retenir la date de l'assignation en référé-expertise préalablement délivrée à celui-ci par la société Grand Cerf le 15 janvier 2014, la cour d'appel a méconnu l'article L. 114-1 du code des assurances, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021, applicable en la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 114-1, alinéa 3, du code des assurances :

10. Selon ce texte, quand l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, la prescription biennale ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier.

11. Il est jugé que toute action en référé est une action en justice au sens de l'article L. 114-1, alinéa 3, du code des assurances (1re Civ., 10 mai 2000, pourvoi n° 97-22.651, publié ; 2e Civ., 3 septembre 2009, pourvoi n° 08-18.092, publié).

12. Pour déclarer recevable l'action en garantie du syndicat des copropriétaires contre son assureur, l'arrêt énonce que, lorsque l'action de l'assuré contre l'assureur a pour cause le recours d'un tiers, le délai de prescription court à compter de l'assignation au fond, et non de celle en référé-expertise.

13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


Portée et conséquences de la cassation

14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

16. L'assignation en référé-expertise constitue une action en justice, au sens de l'article L. 114-1 du code des assurances, qui fait courir le délai de prescription biennale de l'action de l'assuré contre son assureur lorsque celle-ci a pour cause le recours d'un tiers.

17. Le syndicat des copropriétaires, qui a été assigné en référé-expertise par le tiers victime le 14 janvier 2014, a interrompu la prescription biennale par l'assignation en référé-expertise qu'il a lui-même délivrée à son assureur le 15 janvier 2015. Le délai de prescription a ensuite été suspendu, par application des dispositions de l'article 2239 du code civil, de la date à laquelle il a été fait droit à cette demande à la date du dépôt du rapport d'expertise, le 6 janvier 2018.

18. Ne justifiant d'aucun autre acte interruptif de prescription à l'égard de son assureur avant ses conclusions récapitulatives du 6 janvier 2021, son action en garantie contre la société Gan assurances est prescrite.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE les pourvois incidents ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Gan assurances à garantir le syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] des condamnations prononcées à son encontre, l'arrêt rendu le 26 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevable comme prescrite la demande en garantie du syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] à l'encontre de la société Gan assurances ;

Dit n'y avoir lieu de modifier les condamnations aux dépens et aux frais irrépétibles prononcées par les juges du fond ;

Condamne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 7] aux dépens de cassation ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le onze décembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300600

Les éléments d'équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage relevant de la garantie décennale

 

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SA



COUR DE CASSATION
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Arrêt du 11 décembre 2025




Rejet


Mme TEILLER, présidente



Arrêt n° 594 F-D

Pourvoi n° G 23-23.950




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 DÉCEMBRE 2025

1°/ Mme [E] [P], épouse [B],

2°/ M. [Z] [B],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° G 23-23.950 contre l'arrêt rendu le 22 juin 2023 par la cour d'appel de Montpellier (3e chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société QBE Insurance International Limited, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société QBE Europe SA-NV, société de droit belge, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseillère, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme [B], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat des sociétés QBE Insuranc International Limited et QBE Europe SA-NV, après débats en l'audience publique du 21 octobre 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, Mme Foucher-Gros, conseillère rapporteure, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 22 juin 2023), M. et Mme [B] ont confié à la société Actéco énergies nouvelles (l'entrepreneur), désormais en liquidation judiciaire, assurée en responsabilité décennale auprès de la société QBE Insurance Europe Limited, l'installation d'une centrale d'énergie solaire dans leur maison d'habitation.

2. Se plaignant de dysfonctionnements de celle-ci, M. et Mme [B] ont, après expertise, assigné la société QBE Insurance Europe Limited, aux droits de laquelle viennent les sociétés QBE Insurance International Limited et QBE Europe SA-NV, en paiement de diverses sommes sur le fondement de la garantie décennale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. et Mme [B] font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes en paiement à l'encontre de la société QBE Insurance Europe Limited, alors :

« 1°/ que les exposants avaient produit aux débats un rapport d'expertise privé établi par le cabinet AEB expertise, le 4 décembre 2014, en présence de M. [U], gérant de la société Actéco, qui avait constaté le « dysfonctionnement de l'installation de production électrique » ainsi que la proposition du gérant de cette société « de réaliser un devis de remise en conformité à une participation pécuniaire à celui-ci (?) ; qu'en énonçant qu'elle partageait « l'analyse du jugement déféré, dont elle adopte expressément les motifs, qui a constaté les lacunes du rapport d'expertise judiciaire et a retenu que les demandeurs ne rapportaient pas la preuve qui leur incombe de l'existence de dysfonctionnements précis de l'installation », sans procéder à aucune analyse même sommaire de ce rapport d'expertise privé, dont les constatations étaient pourtant corroborées par celles du rapport d'expertise judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que les désordres affectant une installation d'énergie solaire, entraînant une augmentation de la consommation d'énergie et un surcoût financier, rendent l'ouvrage dans son ensemble impropre à sa destination ; qu'en énonçant, par motifs expressément adoptés des premiers juges, que les exposants ne rapportent pas « la preuve que le groupe électrogène serait en voie de dysfonctionnement à court ou moyen terme, la simple surconsommation ne pouvant être considérée comme une impropriété à destination de l'ouvrage dans son ensemble » et, par motifs propres, qu'il n'est pas établi que « la production d'électricité par le groupe électrogène serait perturbée suite aux travaux réalisés », cependant que les dysfonctionnements de la centrale de production d'énergie solaire avaient pour conséquence le fonctionnement permanent du groupe électrogène pour pallier les demandes en électricité engendrant un surcoût financier, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;

3°/ qu'en énonçant que « les propriétaires de cette maison se sont toujours servis du groupe électrogène comme unique source d'énergie électrique pour jouir d'une maison que M. et Mme [B] ont achetée en sachant qu'elle n'était pas reliée au réseau électrique public et qu'elle leur imposerait nécessairement un usage parcimonieux de l'énergie électrique », la cour d'appel a méconnu l'économie du contrat conclu entre les exposants et la société Actéco énergies nouvelles, lequel avait pour objet l'installation de panneaux photovoltaïques en vue d'une réduction des coûts d'énergie ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103, du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

5. Il est jugé que, si les éléments d'équipement installés en remplacement ou par adjonction sur un ouvrage existant ne constituent pas en eux-mêmes un ouvrage, ils ne relèvent ni de la garantie décennale ni de la garantie biennale de bon fonctionnement, quel que soit le degré de gravité des désordres, mais de la responsabilité contractuelle de droit commun (3e Civ, 21 mars 2024, pourvoi n° 22-18.694, publié).

6. La cour d'appel ayant retenu que la centrale d'énergie solaire installée dans la maison de M. et Mme [B] constituait un élément d'équipement adjoint à l'ouvrage existant, les désordres dénoncés ne pouvaient relever de la garantie décennale.

7. Par ce moyen de pur droit, suggéré par la défense, et substitué aux motifs critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, l'arrêt, qui rejette les demandes de M. et Mme [B], fondées sur les dispositions de l'article 1792 du code civil, se trouve légalement justifié.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [B] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le onze décembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300594

Le délai biennal de l'article 1648, alinéa 1er, du code civil est un délai de prescription

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 11 décembre 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, présidente



Arrêt n° 592 F-D

Pourvoi n° T 23-19.474




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 DÉCEMBRE 2025

La société Holi'keys, société à responsabilité limitée, exerçant sous l'enseigne [4], dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 23-19.474 contre l'arrêt rendu le 9 mai 2023 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [D] [T],

2°/ à Mme [N] [W], épouse [T],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

3°/ à la société Rial, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],

4°/ à la société Mjuris, société civile professionnelle, anciennement dénommée société Dolley [S], dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de M. [V] [S], mandataire judiciaire, en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Plaisance,

5°/ à la société Entreprise Sautreau, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Abgrall, conseillère, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la société Holi'keys, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. et Mme [T], de la société civile immobilière Rial et de la société Mjuris, ès qualités, après débats en l'audience publique du 21 octobre 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, Mme Abgrall, conseillère rapporteure, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 9 mai 2023), par deux actes du 29 avril 2011, la société civile immobilière Rial (la société Rial) et la société Plaisance (les venderesses) ont vendu à la société Holi'keys (l'acquéreur), d'une part, un terrain bâti à usage de camping, d'autre part, un fonds de commerce de camping.

2. Invoquant l'existence de vices cachés et de non-conformités du camping, l'acquéreur a sollicité et obtenu en référé, par ordonnance du 30 juillet 2014, la désignation d'un expert, qui a déposé son rapport le 30 novembre 2018.

3. Par actes des 18 et 26 mars 2020, l¿acquéreur a assigné la société Rial, M. [S], en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Plaisance, M. et Mme [T], en leur qualité d'associés de cette société, et la société Sautreau en indemnisation de ses préjudices sur le fondement de la garantie des vices cachés, du dol et de la garantie décennale.

4. Les venderesses ont opposé une fin de non-recevoir tirée de la prescription à toutes les demandes, au regard de leur fondement respectif.

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense

Vu les articles 606, 607, 608 et 794 du code de procédure civile :

5. Aux termes du premier de ces textes, les jugements en dernier ressort qui tranchent dans leur dispositif une partie du principal et ordonnent une mesure d'instruction ou une mesure provisoire peuvent être frappés de pourvoi en cassation comme les jugements qui tranchent en dernier ressort tout le principal.

6. Selon le deuxième, peuvent également être frappés de pourvoi en cassation, les jugements en dernier ressort qui, statuant sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident, mettent fin à l'instance.

7. Selon le troisième, hors les cas spécifiés par la loi, les autres jugements en dernier ressort ne peuvent être frappés de pourvoi en cassation indépendamment des jugements sur le fond.

8. Aux termes du dernier, les ordonnances du juge de la mise en état n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée à l'exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir et sur les incidents mettant fin à l'instance.

9. Il en résulte qu'un arrêt, statuant sur l'appel d'une ordonnance du juge de la mise en état qui, faisant droit à des fins de non-recevoir opposées à certaines demandes en les déclarant irrecevables, en ce qu'il met fin à l'instance engagée sur le fondement de celles-ci, est susceptible de pourvoi immédiat.

10. Le pourvoi formé par l'acquéreur est, dès lors, recevable.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

11. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes sur le fondement de la garantie des vices cachés comme étant forcloses, alors « que le délai biennal prévu à l'article 1648, alinéa 1, du code civil, est un délai de prescription et non un délai de forclusion ; que dès lors le délai de deux ans prévu à l'article 1648, alinéa 1, du code civil pour intenter l'action en garantie des vices rédhibitoires est interrompu par une assignation en référé conformément à l'article 2241 de ce code et que ce délai est en outre suspendu lorsque le juge a fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès en application de l'article 2239 du même code, le délai recommençant à courir à compter du jour où la mesure a été exécutée ; en l'espèce, il est constant que l'assignation en référé-expertise a été délivrée moins de deux ans après la découverte des vices, interrompant valablement le délai de prescription de l'action en garantie des vices cachés ; il est tout aussi constant que l'expert judiciaire a déposé son rapport le 30 novembre 2018 ; qu'en application des articles 2239 et 2241 du code civil, la société Holi'keys avait donc jusqu'au 30 novembre 2020 pour interrompre de nouveau le délai de prescription de l'action en garantie des vices rédhibitoires ; qu'il est tout aussi constant que les assignations au fond ont été délivrées par la société Holi'keys par actes des 18 et 26 mars 2020 ; que dès lors en affirmant que l'acquéreur aurait dû assigner les vendeurs au fond avant le 30 juillet 2016 et que les demandes de la société Holi'keys sur le fondement des vices cachés étaient irrecevables comme forcloses, au motif erroné que le délai pour agir était un délai de forclusion et en refusant en conséquence d'admettre la suspension du délai pour agir pendant l'expertise ordonnée par le juge, la cour d'appel a violé les articles 1648, 2239 et 2241 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1648, alinéa 1er, et 2239 du code civil :

12. Aux termes du premier de ces textes, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.

13. Aux termes du second, la prescription est également suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d'instruction présentée avant tout procès.

14. Il est désormais jugé que le délai biennal de l'article 1648, alinéa 1er, du code civil est un délai de prescription (Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvoi n° 21-15.809, publié).

15. Ce délai est donc susceptible de suspension en cas de mesure d'instruction ordonnée par le juge avant tout procès.

16. Pour déclarer irrecevables les demandes formées sur le fondement de la garantie des vices cachés, l'arrêt retient que le délai de forclusion a été interrompu par l'assignation en référé du 19 juin 2014 jusqu'à l'ordonnance ayant ordonné l'expertise du 30 juillet 2014 et qu'à défaut de tout autre acte interruptif de forclusion dans le nouveau délai qui expirait le 30 juillet 2016, l'acquéreur, qui a assigné les venderesses au fond les 18 et 26 mars 2020, est forclos en son action.

17. En statuant ainsi, alors que le délai biennal de prescription avait été suspendu entre l'ordonnance du 30 juillet 2014 et le dépôt du rapport de l'expert le 30 novembre 2018, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

18. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes sur le fondement de la responsabilité contractuelle comme étant prescrites, alors « que si, en principe, la suspension comme l'interruption de la prescription ne peuvent s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions tendent à un même but, de sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première et que tel est le cas d'une demande d'expertise en référé visant à identifier les causes des sinistres subis et à déterminer s'ils constituent un vice rédhibitoire, qui tend au même but que l'action en nullité pour dol visant elle aussi à anéantir le contrat ou obtenir une indemnisation en raison des dissimulations des désordres par les vendeurs ; que la cour d'appel a explicitement considéré que le délai pour agir en garantie des vices cachés avait été interrompu par l'assignation en référé du 19 juin 2014 jusqu'à l'ordonnance du 30 juillet 2014 ; que dès lors en refusant de considérer que l'assignation en référé expertise avait interrompu l'action en nullité pour dol, alors qu'elle tendait au même but que l'action en garantie des vices cachés, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 110-4 I du code de commerce, ensemble les articles 2239 et 2241 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 2241, alinéa 1er, du code civil :

19. Selon ce texte, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription.

20. Il est jugé que, si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à l'autre, il en est autrement lorsque les deux actions, quoiqu'ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but (3e Civ., 22 septembre 2004, pourvoi n° 03-10.923, publié ; 3e Civ., 19 mai 2010, pourvoi n° 09-12.689, publié ; 1re Civ., 9 mai 2019, pourvoi n° 18-14.736, publié).

21. L'action de l'acquéreur tendant à obtenir de son vendeur des dommages-intérêts en réparation de ses préjudices résultant de l'existence de vices ou non-conformités non révélés lors de la vente, tend aux mêmes fins qu'elle soit fondée sur la garantie des vices cachés ou sur le dol.

22. Pour déclarer irrecevables les demandes de l'acquéreur fondées sur le dol, l'arrêt retient que les vices présentés comme dissimulés ont été découverts entre le 26 novembre 2012 et le 17 avril 2014, que l'action fondée sur le dol n'a pas été interrompue par l'assignation en référé du 19 juin 2014 et qu'elle devait être introduite dans les cinq années suivant la découverte des vices et non-conformités précités.

23. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.


PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevables :
- les demandes de la société Holi'keys sur le fondement de la garantie des vices cachés comme étant forcloses,
- les demandes de la société Holi'keys sur le fondement de la responsabilité contractuelle,
et en ce qu'il laisse à la charge de la société Holi'keys les frais irrépétibles exposés par elle en appel, l'arrêt rendu le 9 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers autrement composée ;

Condamne la société civile immobilière Rial, la société civile professionnelle Mjuris, prise en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Plaisance, et M. et Mme [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Rial, la société civile professionnelle Mjuris, prise en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Plaisance, et M. et Mme [T] et les condamne in solidum à payer à la société Holi'keys la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le onze décembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300592

mercredi 17 décembre 2025

Vendeur initial, sous-acquéreur et responsabilités diverses

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 27 novembre 2025




Rejet


Mme TEILLER, présidente



Arrêt n° 575 FS-D

Pourvoi n° W 23-21.110




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 NOVEMBRE 2025

La société Marmalcoa, société de droit étranger, dont le siège est [Adresse 5] (Portugal), a formé le pourvoi n° W 23-21.110 contre l'arrêt rendu le 29 juin 2023 par la cour d'appel de Grenoble (chambre commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société L'Auxiliaire, société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Abeille IARD et santé, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

3°/ à la société Sogea Provence, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7], venant aux droits de la société Chantiers modernes sud, venant elle-même aux droits de la société Charles Queyras TP,

4°/ à la société URBATP carrières et marbres, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6], en liquidation judiciaire,

5°/ à la société [Y] et associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [S] [Y], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société URBATP carrières et marbres,

défenderesses à la cassation.

La société Abeille IARD et santé a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, quatre moyens de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseillère, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Marmalcoa, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de la société Abeille IARD et santé, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société L'Auxiliaire, et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 octobre 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, Mme Foucher-Gros, conseillère rapporteure, M. Boyer, conseiller doyen, Mme Abgrall, MM. Pety, Brillet, Mme Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 29 juin 2023), la commune d'[Localité 4] (la commune) a confié des travaux de création de trottoirs, parking, places et zones piétonnes d'un boulevard à un groupement d'entreprises dont le mandataire est la société Charles Queyras TP, aux droits de laquelle vient désormais la société Sogea Provence (le sous-acquéreur), assurée auprès de la société L'Auxiliaire.




2. Le sous-acquéreur a commandé la fourniture de bordures en pierre calcaire à la société Sportiello marbres, aux droits de laquelle est venue la société URBATP carrières et marbres (le vendeur intermédiaire), désormais en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société Aviva, dénommée ensuite Abeille IARD et santé, qui s'est fournie auprès de la société Marmalcoa (le vendeur initial).

3. Le sous-acquéreur, à qui la commune s'était plainte que des bordures se désagrégeaient, a été indemnisé de ses dommages par la société L'Auxiliaire, qui avait fait réaliser une expertise amiable, ayant donné lieu à deux rapports successifs les 16 octobre 2012 et 18 janvier 2013, avant de solliciter une expertise en référé, ordonnée le 29 avril 2015, l'expert judiciaire ayant déposé son rapport le 10 juillet 2016.

4. Par acte du 26 juillet 2016, le vendeur intermédiaire a assigné le vendeur initial, le sous-acquéreur, la société L'Auxiliaire et la société Aviva pour voir déclarer forclose l'action en garantie des vices cachés du sous-acquéreur et de son assureur et, subsidiairement, en condamnation du vendeur initial.

5. Le 24 mars 2017, la société L'Auxiliaire a assigné le sous-acquéreur, le vendeur initial, le vendeur intermédiaire et l'assureur de celui-ci en paiement des sommes versées à son assuré.

Examen des moyens

Sur le premier moyen et le deuxième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

7. Le vendeur initial fait grief à l'arrêt de dire que les bordures en pierre du chantier de la commune présentaient un vice caché, de le condamner in solidum avec le vendeur intermédiaire à verser une certaine somme à la société L'Auxiliaire subrogée dans les droits du sous-acquéreur, au titre du remboursement de ces bordures, à verser la somme de 787 194,82 euros dont 400 000 euros déduction faite de la franchise, in solidum avec la société Abeille IARD et santé, à la société L'Auxiliaire subrogée dans les droits du sous-acquéreur, à titre de dommages-intérêts correspondant aux frais de dépose et repose, et de le condamner à relever et garantir le vendeur intermédiaire à hauteur d'une certaine somme correspondant au coût des matériaux, alors « que le vendeur n'est tenu à garantie que lorsque la chose est impropre à l'usage auquel on la destine ; que dans ses conclusions, la société Marmalcoa avait souligné que la pierre vendue, dont la particularité avait été soulignée, était conforme à la commande et qu'elle n'avait jamais été informée de la destination de cette pierre, à savoir une commune située en région de montagne ; qu'en retenant l'existence d'un vice caché, sans rechercher si la société Marmalcoa avait été informée de l'usage spécifique qui allait être fait de la pierre, et si en l'absence d'une telle information, la chose vendue, qui pouvait parfaitement être utilisée sans dommage dans d'autres régions, n'était pas exempte de vice caché, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1641 du code civil. »

Réponse de la Cour

8. Ayant retenu que, le vice du matériau provenant de la présence d'argile en quantité excessive, le choix d'une pierre plus résistante au gel et dégel n'aurait pas empêché la survenance des désordres, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche, que ses constatations rendaient inopérante, sur les informations délivrées au vendeur initial quant à la destination de la pierre, a légalement justifié sa décision.

Sur le troisième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

9. Le vendeur initial fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec le vendeur intermédiaire, à verser la somme de 787 194,82 euros dont 400 000 euros déduction faite de la franchise, in solidum avec la société Abeille IARD et santé à la société L'Auxiliaire, subrogée dans les droits du sous-acquéreur, à titre de dommages-intérêts correspondant aux frais de dépose et repose, alors « que l'action exercée par l'acquéreur final contre le vendeur originaire est celle de son auteur, c'est-à-dire celle du vendeur intermédiaire contre le vendeur originaire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que compte tenu des stipulations contractuelles, l'intermédiaire, ne pouvait réclamer au vendeur originaire, que la seule somme de 139 943,18 euros correspondant au coût des matériaux ; qu'en faisant droit à l'action de la société L'Auxiliaire, venant aux droits de l'acquéreur final, au titre des frais de dépose et repose, dont elle avait relevé que le vendeur intermédiaire ne pouvait obtenir réparation à l'encontre du vendeur originaire, la cour d'appel a violé les articles 1641, 1644 et 1645 du code civil. »



Réponse de la Cour

10. Si le vendeur, tenu de la garantie des vices cachés de la chose vendue, est en droit d'opposer au sous-acquéreur tous les moyens de défense qu'il peut opposer à son propre cocontractant, le juge, statuant dans les limites du litige, ne peut faire application d'une clause limitative de garantie que lorsque celle-ci est opposée par le vendeur à la partie qui se prévaut de ladite garantie.

11. Ayant relevé que le vendeur initial n'opposait la clause de limitation de sa garantie qu'au vendeur intermédiaire, premier acquéreur, et non à l'assureur du sous-acquéreur, c'est à bon droit que la cour d'appel n'en a pas fait application contre ce dernier.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le quatrième moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

13. Le vendeur initial fait grief à l'arrêt de le condamner à relever et garantir le vendeur intermédiaire à hauteur d'une certaine somme correspondant au coût des matériaux, alors « que le juge est tenu de répondre aux conclusions des parties ; que, dans ses conclusions d'appel, le vendeur faisait valoir qu'il n'était pas tenu à garantie à l'égard de la société venant aux droits de la société URBATP carrières et marbres, dès lors que cette dernière avait la qualité de vendeur de pierres identiques à celles qui lui avaient été livrées, qu'elle était à même d'en découvrir les défauts et qu'il ne s'agissait donc pas pour elle de vices cachés ; qu'en se contentant d'examiner la limitation de garantie opposée par le vendeur à la société venant aux droits de la société URBATP carrières et marbres, sans examiner ce moyen pertinent de nature à écarter tout appel en garantie de cette dernière, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

14. Ayant relevé que l'origine exacte des désordres affectant les pierres calcaires fournies ne pouvait pas être décelée avant les investigations effectuées par le laboratoire Lerm, la cour d'appel a fait ressortir, répondant aux conclusions prétendument délaissées, que le vice était caché pour le vendeur intermédiaire.

15. Le moyen n'est donc pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne les sociétés Marmalcoa et Abeille IARD et santé aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-sept novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300575

Responsabilité du "vendeur après achèvement" à l'égard de sous- acquéreurs

 

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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
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Arrêt du 27 novembre 2025




Rejet


Mme TEILLER, présidente



Arrêt n° 573 FS-D

Pourvoi n° Q 24-10.413




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 NOVEMBRE 2025

M. [B] [D], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Q 24-10.413 contre l'arrêt rendu le 4 juillet 2023 par la cour d'appel de Metz (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [F] [G],

2°/ à Mme [O] [N], épouse [G],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

3°/ à M. [A] [J],

4°/ à Mme [C] [I], épouse [J],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [D], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. et Mme [J], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 7 octobre 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, Mme Abgrall, MM. Pety, Brillet, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, Mme Rat, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Letourneur, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à M. [D] du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. et Mme [G].

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 4 juillet 2023), en 2003, M. [D] (le vendeur) a vendu à M. et Mme [G] une maison dans laquelle il avait réalisé des travaux, non achevés au jour de la vente.

3. M. et Mme [G] ont revendu l'immeuble à M. et Mme [J] (les sous-acquéreurs).

4. Se plaignant de désordres, les sous-acquéreurs ont assigné M. et Mme [G], qui ont appelé le vendeur en intervention forcée.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Le vendeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer diverses sommes aux sous-acquéreurs, alors « qu'est réputé constructeur d'un ouvrage toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ; que le vendeur qui a vendu un immeuble en l'état de travaux inachevés ne pouvant dès lors pas être considérée comme constructeur, sa responsabilité ne peut être recherchée qu'au titre des actions prévues par le droit de la vente ; qu'en l'espèce, il était constant que M. [D] avait effectué des travaux dans l'immeuble litigieux puis l'avait vendu aux époux [G], qui avaient eux-mêmes effectué des travaux avant de revendre l'immeuble aux époux [J] ; que la cour d'appel a constaté, dans un premier temps de sa décision, qu'au moment de la vente de l'immeuble par M. [D] aux époux [G], les travaux n'étaient pas achevés ; qu'elle en a déduit que M. [D] ne pouvait pas être considéré comme vendeur-constructeur au sens de l'article 1792-1, 2°, du code civil ; qu'en retenant néanmoins ensuite que la responsabilité contractuelle de M. [D] était engagée sur le fondement de l'article 1147 ancien du code civil à l'égard des époux [J], au prétexte que le constructeur devait répondre des manquements aux règles de l'art commis lors de la réalisation de l'ouvrage et que M. [D] avait réalisé la partie des travaux à l'origine des désordres, quand il ressortait pourtant de ses propres constatations que M. [D] ne pouvait être considéré comme constructeur, nonobstant les travaux partiels qu'il avait effectués, ce qui interdisait que sa responsabilité soit recherchée en une telle qualité, la cour d'appel a violé les articles 1147, devenu 1231-1, 1641 et 1792-1, 2°, du code civil. »

Réponse de la Cour

7. Ayant retenu que le vendeur avait effectué lui-même, à l'occasion de travaux conséquents de transformation d'une ancienne grange en immeuble d'habitation, entre septembre 2003 et décembre 2005, des travaux de gros oeuvre, qui avaient été terminés avant la vente du bien, ayant consisté à construire des planchers séparatifs entre le rez-de-chaussée et l'étage et à modifier le mur de façade, que les sous-acquéreurs avaient constaté notamment en septembre 2011, un affaissement de la dalle du premier étage, et que les travaux réalisés par le vendeur, qui n'avaient pas été exécutés conformément aux règles de l'art, se trouvaient à l'origine de ces désordres, la cour d'appel a pu en déduire que les demandes des sous-acquéreurs à l'encontre du vendeur sur le fondement de sa responsabilité contractuelle de droit commun, qui accompagne l'immeuble en tant qu'accessoire, devaient être accueillies.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [D] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [D] et le condamne à payer à M. et Mme [J] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-sept novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300573

Prescription de l'action engagée par l'entreprise principale contre l'assureur du sous-traitant

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
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Arrêt du 27 novembre 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, présidente



Arrêt n° 565 F-D

Pourvoi n° H 23-22.017






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 27 NOVEMBRE 2025


La société MAAF assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° H 23-22.017 contre l'arrêt rendu le 19 septembre 2023 par la cour d'appel de Poitiers (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Leroy Merlin France, société anonyme à conseil d'administration, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseillère, les observations de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société MAAF assurances, de la SCP Duhamel, avocat de la société Leroy Merlin France, après débats en l'audience publique du 7 octobre 2025 où étaient présents Mme Teiller, présidente, Mme Foucher-Gros, conseillère rapporteure, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Poitiers, 19 septembre 2023), la société Leroy Merlin France (l'entreprise principale) a confié à un sous-traitant, assuré auprès de la société MAAF assurances, des travaux de pose de poêles et d'inserts chez ses clients.

2. Au cours de l'année 2012, l'entreprise principale a mis en garde ses clients contre le danger que pouvait présenter l'utilisation des installations réalisées par son sous-traitant et a déclaré plusieurs sinistres auprès de son assureur.

3. Après plusieurs expertises amiables réalisées en 2013 et 2014, l'entreprise principale, soutenant que les désordres qui affectaient les installations réalisées par son sous-traitant étaient de nature décennale, de sorte qu'ils relevaient de la garantie de la société MAAF assurances, a, le 25 octobre 2017, assigné celle-ci en paiement de certaines sommes correspondant à celles versées à ses clients.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société MAAF assurances fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de l'entreprise principale et, en conséquence, de la condamner à lui payer certaines sommes, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance ; que la prescription commence donc à courir à compter de la connaissance suffisante du dommage par la victime, sans qu'il soit nécessaire que cette dernière ait une connaissance entière du dommage, ni a fortiori de la solution réparatoire ; qu'en fixant néanmoins le point de départ de la prescription à la date du dernier des rapports d'expertise amiable du 6 janvier 2014, au motif que la société l'entrepreneuse principale n'avait été « pleinement informée des désordres imputables à son sous-traitant et du montant total des travaux de reprise qu'elle aurait à avancer qu'avec le dépôt de ce dernier rapport », la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Ayant énoncé, à bon droit, que l'action engagée par l'entreprise principale contre l'assureur du sous-traitant en paiement des sommes versées aux tiers lésés était soumise au délai quinquennal de prescription prévu à l'article 2224 du code civil, et souverainement retenu que ce n'était que par le dernier rapport d'expertise du 6 janvier 2014 qu'elle avait été pleinement informée du montant total des sommes qu'elle aurait à avancer, la cour d'appel a exactement retenu que l'action formée le 25 octobre 2017 avait été introduite avant l'expiration du délai quinquennal de prescription.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

7. La société MAAF assurances fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'entreprise principale certaines sommes, alors « que tout jugement doit être motivé et que le juge ne peut statuer par une simple affirmation dépourvue de tout raisonnement juridique ne traduisant pas le travail d'analyse du juge ; que la cour d'appel a retenu que la MAAF était tenue de garantir l'entrepreneuse principale du préjudice résultant des désordres imputables à son assuré, le sous-traitant, relevant de sa responsabilité décennale ; qu'en se bornant, pour statuer ainsi, à relever que la réception des ouvrages, expresse ou tacite, avait été effectuée sans réserves et le prix payé par le maître de l'ouvrage, sans préciser quels chantiers auraient fait l'objet d'une réception expresse ou tacite, ni quels éléments lui permettaient pour chacun d'eux de parvenir à l'un ou l'autre constat, la cour d'appel, qui a statué par des motifs généraux et imprécis insusceptibles de mettre la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

8. Ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que le sous-traitant était intervenu entre les années 2007 et 2011, que la mise en garde que l'entreprise principale avait adressée à ses clients ne l'avait été qu'une année plus tard, que de nombreux dossiers comportaient un bon de réception et que tous les travaux avaient été payés par les maîtres de l'ouvrage, la cour d'appel a pu déduire de ces motifs, qui ne sont ni généraux ni imprécis, que tous les travaux réalisés avaient fait l'objet d'une réception, expresse ou tacite.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

10. La société MAAF assurances fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'entreprise principale certaine sommes, alors :

« 1°/ que la responsabilité du sous-traitant à raison de son obligation de résultat à l'égard de l'entrepreneur principal ne peut être engagée qu'au titre des désordres affectant les prestations qu'il a réalisées, ce dont la preuve incombe à l'entrepreneur principal qui met en cause sa responsabilité dans ces désordres ; qu'en se bornant à déclarer qu'il résultait des rapports d'expertise amiables non contradictoires versés aux débats par l'entrepreneuse principale, corroborés par les courriers de réclamation de certains clients, les factures des travaux préconisés par les experts amiables, l'absence de réclamation après la réalisation des travaux de reprise et les transactions conclues par l'entrepreneuse principale avec certains clients, que son sous-traitant, n'avait pas réalisé les travaux confiés dans les règles de l'art ni respecté les distances de sécurité en la matière et qu'il avait manqué à son obligation de résultat et engagé sa responsabilité à l'égard de l'entrepreneuse principale, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les documents produits par l'entrepreneuse principale étaient de nature à établir que les prestations dont la cour d'appel relevait l'irrégularité avaient été réalisées par le sous-traitant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ;

3°/ que la cour d'appel qui infirme un jugement, doit réfuter les motifs des premiers juges par des motifs propres, en eux-mêmes ou explicitement, contraires à ceux du jugement ; que pour considérer que les désordres dont l'entrepreneuse principale demandait réparation étaient imputables à une intervention défectueuse de M. [G], dont elle a reconnu la qualité de sous-traitant de la société Leroy Merlin France, la cour d'appel s'est bornée à énumérer les pièces produites par l'entrepreneuse principale pour chacun des chantiers en cause et a considéré que les rapports d'expertise amiable non contradictoire qu'elle produisait établissaient l'irrespect des règles de l'art et des distances par le sous-traitant sur ces chantiers ; qu'en statuant ainsi, sans réfuter les motifs du jugement infirmé sur ce point, qui retenait que, tandis que la mise en cause de la responsabilité du sous-traitant supposait que soit déterminées les prestations qui lui avaient été confiées, à l'exception de six dossiers, les autres comportaient seulement la facture du sous-traitant sans détail des prestations, ou seulement le procès verbal de réception, traduisant certes une intervention matérielle du sous-traitant mais ne permettant pas de déterminer l'étendue des prestations qui lui avaient été confiées, outre qu'aucun dossier ne comportait la demande d'intervention prévue au contrat de base de sous-traitance et que la plupart ne comportaient pas de facture du sous-traitant ou son devis, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 455 du code de procédure civile :

11. Selon le premier de ces textes, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts à raison de l'inexécution de son obligation.

12. En application du second, la cour d'appel qui infirme un jugement doit réfuter les motifs des premiers juges par des motifs propres, en eux même ou explicitement, contraires à ceux du jugement.

13. Pour condamner l'assureur du sous-traitant à payer certaines sommes à l'entreprise principale, l'arrêt retient que les rapports d'expertise qui se corroborent entre eux, et qui sont encore corroborés par les courriers de réclamation de clients, les transactions avec certains de ces derniers et l'absence de réclamation postérieure aux travaux de reprise établissent le manquement du sous-traitant à son obligation de résultat.

14. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si les documents produits par l'entreprise principale établissaient que les dommages résultaient d'une prestation réalisée par le sous-traitant, ni réfuter les motifs contraires du jugement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du premier texte susvisé et n'a pas satisfait aux exigences du second.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déclare recevable l'action de la société Leroy Merlin France, l'arrêt rendu le 19 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Leroy Merlin France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-sept novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300565