mardi 8 juillet 2025

Exception d'inexécution relative à l'absence de levée de réserve

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CC



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 26 juin 2025




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 324 F-D

Pourvoi n° N 22-22.800




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JUIN 2025

Mme [D] [I], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 22-22.800 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige l'opposant à la société FL [Localité 3], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bironneau, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de Mme [I], de la SCP Waquet, Farge, Hazan et Féliers, avocat de la société FL [Localité 3], après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Bironneau, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,





la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 septembre 2022), Mme [I] a conclu avec la société FL [Localité 3] un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture de plans.

2. Mme [I] ayant refusé de procéder aux opérations de réception et de régler le solde des travaux, la société FL [Localité 3] l'a assignée en paiement du solde de ses factures.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

4. Mme [I] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société FL [Localité 3] la somme de 33 148,60 euros au titre du solde des travaux, alors :

« 1°/ que le juge ne doit pas méconnaître les termes du litige ; qu'en l'espèce, la cour a confirmé le jugement qui avait condamné Mme [I] à payer à la société FL [Localité 3] la somme de 33 148,60 euros au titre du solde des travaux en retenant qu'elle demandait "dans le dispositif de ses conclusions de voir débouter la société FL [Localité 3] de sa demande de condamnation des intérêtscontractuels à 1 % ainsi que de leur capitalisation" et "fait plaider qu'au cas où la cour fixerait une date de réception judiciaire antérieure à son arrêt elle serait fondée à opposer l'exception d'inexécution", avant d'ajouter qu'"il ne sera donc statué, par application de l'article 954 du code de procédure civile, que sur les intérêts et leur capitalisation et non sur le paiement du solde des travaux" ; qu'en se déterminant de la sorte quand, dans le dispositif de ses conclusions, Mme [I] avait demandé à la cour de réformer le jugement en ce qu'il l'avait condamnée à payer à la société FL [Localité 3] la somme de 33 148,60 euros avec intérêts au taux de 1 % par mois à compter du 15 août 2016 au titre du solde des travaux restant dû, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

2°/ que le solde du prix des travaux n'est dû qu'à compter de la levée des réserves ; qu'en l'espèce, la cour a confirmé le jugement qui a condamné Mme [I] à payer le solde des travaux, tout en constatant que les réserves n'avaient pas été levées ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article R. 231-7 du code de la construction et de l'habitation ;

3°/ que l'obligation de résultat de l'entrepreneur persiste, pour les désordres ayant fait l'objet de réserves à la réception, jusqu'à la levée de ces réserves, de sorte qu'en l'absence de levée, le maître d'ouvrage est fondé à lui opposer l'exception d'inexécution ; qu'en l'espèce, la cour a jugé que la réception étant intervenue, Mme [I] ne pouvait opposer l'exception d'inexécution que pour la retenue de garantie ; qu'en se déterminant ainsi, tout en ayant constaté que la réception était assortie de réserves qui n'avaient pas été levées, de sorte que Mme [I] était fondée à opposer l'exception d'inexécution pour s'opposer au règlement des sommes restant dues et non pas seulement du montant de la retenue de garantie, elle a violé l'article 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

5. Selon l'article 954 du code de procédure civile, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

6. Ayant relevé que, dans le dispositif de ses conclusions, Mme [I] se bornait à demander à la cour d'appel de réformer la décision entreprise, sans formuler aucune prétention relative à la demande de la société FL [Localité 3] en paiement du solde des travaux restant dû, c'est par une exacte application du texte précité et sans modifier l'objet du litige que la cour d'appel a retenu qu'elle n'était saisie d'aucune prétention de Mme [I] quant au paiement du solde des travaux.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

8. Mme [I] fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société FL [Localité 3] les intérêts de 1 % à compter du 15 août 2016, sur la somme de 26 274,88 euros, avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, alors :

« 1°/ que la cassation de l'arrêt en ce qu'il a confirmé le jugement qui a condamné Mme [I] à payer la somme de 33 148,60 euros au titre du solde des travaux entraînera par voie de conséquence sa censure en ce qu'il l'a également condamnée à payer des intérêts calculés sur une somme correspondant au montant du solde des travaux, déduction faite de la retenue de garantie, par application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°/ que l'obligation de résultat de l'entrepreneur persiste, pour les désordres ayant fait l'objet de réserves à la réception, jusqu'à la levée de celles-ci, de sorte que tant que les réserves ne sont pas levées, le maître d'ouvrage est fondé à lui opposer l'exception d'inexécution ; qu'en l'espèce, la cour a jugé que la réception étant intervenue, Mme [I] ne pouvait opposer l'exception d'inexécution que pour la retenue de garantie et en a déduit qu'elle devait payer des intérêts au taux de 1 % à compter du 15 août 2016 calculé sur le montant du solde du marché, après déduction de la retenue de garantie ; qu'en se déterminant ainsi, quand elle constatait que la réception était assortie de réserves qui n'avaient pas été levées, de sorte que Mme [I] étant fondée à opposer l'exception d'inexécution pour s'opposer au règlement des sommes restant dues et des intérêts afférents, et non pas seulement du montant de la retenue de garantie, la cour a violé l'article 1184 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

9. Ayant retenu que, dans le dispositif de ses conclusions, Mme [I] se bornait à demander à la cour d'appel de réformer la décision entreprise, sans formuler aucune prétention relative à la demande de la société FL [Localité 3] en paiement du solde des travaux restant dû, la cour d'appel en a exactement déduit que Mme [I] n'était fondée à opposer l'exception d'inexécution relative à l'absence de levée de la réserve pour les travaux de confortement du talus qu'à hauteur du montant de la retenue de garantie.

10. Le moyen, sans portée en ce qui concerne le grief d'une annulation par voie de conséquence, n'est donc pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-six juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par M. Boyer, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Teiller, président empêché, le conseiller rapporteur et le greffier conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300324

En statuant ainsi, sans avoir constaté le caractère forfaitaire du marché...

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 26 juin 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 323 F-D

Pourvoi n° Z 23-23.942




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JUIN 2025

1°/ M. [O] [J],

2°/ Mme [K] [Z], épouse [J],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

ont formé le pourvoi n° Z 23-23.942 contre l'arrêt rendu le 26 octobre 2023 par la cour d'appel de Bordeaux (2e chambre civile), dans le litige les opposant à M. [M] [V], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boucard-Capron-Maman, avocat de M. et Mme [J], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [V], après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux , 26 octobre 2023), M. et Mme [J] ont confié à M. [V] la réalisation de travaux de rénovation de leur maison.

2. Se prévalant d'un retard d'exécution, ils lui ont demandé de cesser d'intervenir sur le chantier.

3. M. [V] les a assignés en paiement d'une facture restée impayée et en dommages-intérêts pour perte de marché.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

4. M. et Mme [J] font grief à l'arrêt de les condamner à payer à M. [V] une certaine somme au titre du solde du marché résilié, alors « que le maître de l'ouvrage n'est tenu de dédommager l'entrepreneur du profit qu'il pouvait escompter de l'exécution intégrale du marché à forfait que dans le cas où le contrat a été résilié par sa seule volonté en vertu de l'article 1794 du code civil ; que dans l'hypothèse où la cour d'appel aurait estimé que la résiliation est intervenue par application de l'article 1224 du code civil, elle ne pouvait mettre à la charge des maîtres de l'ouvrage l'indemnité prévue à l'article 1794 du code civil, sauf à violer ce texte par fausse application. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1226 et 1794 du code civil :

5. En application du premier de ces textes, une partie ne peut pas prétendre à l'exécution d'un contrat résilié, mais seulement à des dommages-intérêts compensant le préjudice causé par la résiliation fautive.

6. Aux termes du second, le maître peut résilier, par sa seule volonté, le marché à forfait, quoique l'ouvrage soit déjà commencé, en dédommageant l'entrepreneur de toutes ses dépenses, de tous ses travaux, et de tout ce qu'il aurait pu gagner dans cette entreprise.

7. Pour condamner les maîtres de l'ouvrage à payer à l'entrepreneur une certaine somme au titre du solde du marché, l'arrêt retient qu'en l'absence de preuve d'un retard fautif dans l'exécution des travaux, la résiliation du contrat était intervenue par la seule volonté des maîtres de l'ouvrage, de sorte que ces derniers devaient régler à l'entrepreneur tout ce qu'il aurait pu gagner dans l'exécution de ce contrat.

8. En statuant ainsi, sans avoir constaté le caractère forfaitaire du marché, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne M. et Mme [J] ensemble à payer à M. [V] la somme de 59 049,67 euros au titre du solde du marché et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 26 octobre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux autrement composée ;

Condamne M. [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-six juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa del'article 450 du code de procédure civile et signé par M. Boyer, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Teiller, président empêché, le conseiller rapporteur et le greffier conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300323

Deux constructeurs coobligés in solidum ne peuvent pas, dans un rapport de contribution à la dette, être condamnés à supporter ensemble une même part de la dette de réparation mais uniquement une part et fraction propre à chacun

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 26 juin 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 322 F-D

Pourvoi n° Z 23-22.309




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JUIN 2025

La Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Z 23-22.309 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2023 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 - chambre 5), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Régie immobilière de la Ville de [Localité 15], société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],

2°/ à la société Socotec construction, société par actions simplifiée, venant aux droits de la société Socotec France,

3°/ à la société Holding socotec, société par actions simplifiée, ayant absorbé la société Socotec France,

toutes deux ayant leur siège [Adresse 12],

4°/ à la société QBE Europe SA/NV, société de droit étranger dont le siège est [Adresse 13] (Belgique), ayant un établissement en France sis [Adresse 14], venant aux droits de QBE Insurance Europe Limited,

5°/ à Mme [G] [L], épouse [O], domiciliée [Adresse 3],

6°/ à la société Martin et Guiheneuf, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 7],

7°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 10],

8°/ à la société Bouygues bâtiment Ile-de-France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1],

9°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

10°/ à la société Antunes, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 9],

11°/ à la société MMA IARD assurances mutuelles, société d'assurance mutuelle à cotisations fixes fonds d'établissements, dont le siège est [Adresse 6],

12°/ à la société Agence d'architecture Ghiulamila associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 11],

13°/ à la société Mutuelle des architectes français, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 8],

défenderesses à la cassation.

La société Martin & Guiheneuf a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics, de la SCP Duhamel, avocat des sociétés Bouygues bâtiment Ile-de-France et Allianz IARD, de Me Isabelle Galy, avocat de la société Martin et Guiheneuf, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Antunes, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société MMA IARD assurances mutuelles, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la Caisse d'assurance mutuelle du bâtiment et des travaux publics (la CAMBTP) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la Régie immobilière de la Ville de [Localité 15] (la RIVP), les sociétés Axa France IARD, Holding Socotec, Socotec construction, Agence d'architecture Ghiulamila associés, QBE Europe et la Mutuelle des architectes français.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 13 septembre 2023), la RIVP, venant aux droits de la Société de gestion immobilière (le maître de l'ouvrage), a confié la construction d'un immeuble d'habitation à la société Bouygues bâtiment Ile-de-France (le constructeur), assurée auprès de la société Allianz IARD, sous la maîtrise d'oeuvre d'un groupement composé de Mme [L] et de la société Martin et Guiheneuf, celle-ci étant assurée auprès de la CAMBTP.

3. Le constructeur a sous-traité le lot revêtement de façades en pavé de verre à la société Antunes, assurée auprès de la société MMA IARD assurances mutuelles.

4. La réception est intervenue avec réserves le 30 juillet 2003.

5. Se prévalant de décollements de revêtements en différents endroits de la façade, le maître de l'ouvrage a, après expertise, assigné les intervenants à l'opération de construction et leurs assureurs en indemnisation de ses préjudices.


Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa troisième branche, et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa troisième branche, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé du moyen

6. La CAMBTP et la société Martin et Guiheneuf font grief à l'arrêt de dire que, dans les recours entre les coobligés condamnés in solidum à indemniser le maître de l'ouvrage au titre de son préjudice matériel et des dépens, la charge définitive de la dette sera répartie à hauteur de 30 % pour le constructeur, 40 % pour la société Autunes et 30 % pour Mme [L] et la société Martin et Guiheneuf et de décider la même répartition de responsabilité s'agissant de leur condamnation in solidum à garantir la société Axa France IARD, en qualité d'assureur dommages-ouvrage, du paiement d'une certaine somme, alors « que le codébiteur d'une dette in solidum, qui l'a payée en entier ou a payé plus que sa part, ne peut répéter contre les autres que la part et portion de chacun d'eux, de sorte que, dans un rapport de contribution à la dette, le juge ne peut condamner deux coresponsables à supporter ensemble une même part de la dette, exposant ainsi l'un ou l'autre de ces deux coresponsables au risque de payer au codébiteur qui exerce son action récursoire la totalité de la somme correspondant à cette part commune, plutôt que sa part propre ; qu'en condamnant néanmoins la société Martin et Guiheneuf et Mme [L], dans le rapport de contribution à la dette, à supporter ensemble la dette de réparation à hauteur de 30 %, plutôt qu'une part de responsabilité propre à chacun de ces deux intervenants, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1213, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et 1382, devenu 1240, du code civil :

7. Aux termes du premier de ces textes, l'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs, qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion.

8. Aux termes du second, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

9. Il est jugé, en application de ces textes, que le juge saisi d'un recours exercé par une partie condamnée in solidum, à l'encontre d'un de ses coobligés, est tenu de statuer sur la contribution de chacun d'eux à la condamnation (3e Civ., 28 mai 2008, pourvoi n° 06-20.403, publié) et que chacun des coobligés ne peut être condamné que pour sa part déterminée à proportion du degré de gravité de sa faute (3e Civ., 14 septembre 2005, pourvoi n° 04-10.241, publié).

10. Pour laisser à la charge de Mme [L] et de la société Martin et Guiheneuf, dans leurs rapports avec les coobligés in solidum, une part commune de la dette de réparation, l'arrêt retient que les désordres en façades étaient imputables à un défaut d'exécution du coulage du béton armé par le constructeur, un défaut de pose du revêtement par la société Antunes et une erreur de conception lors de l'établissement du dossier de consultation des entreprises par le groupement de maîtrise d'oeuvre, Mme [L] et la société Martin et Guiheneuf.

11. Il en déduit que, les fautes du constructeur, de la société Antunes, de Mme [L] et de la société Martin et Guiheneuf ayant concouru à la réalisation de l'entier dommage, ils doivent être condamnés in solidum à indemniser le maître de l'ouvrage et que, dans les recours entre eux, la charge définitive de la dette doit être répartie à hauteur de 30 % pour le constructeur, 40 % pour la société Autunes et 30 % pour Mme [L] et la société Martin et Guiheneuf.

12. En statuant ainsi, alors que deux coobligés in solidum ne peuvent pas, dans un rapport de contribution à la dette, être condamnés à supporter ensemble une même part de la dette de réparation mais uniquement une part et fraction propre à chacun, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation prononcée, en ce qu'elle ne porte que sur la part de 30 % mise à la charge de Mme [L] et de la société Martin et Guiheneuf, n'entraîne pas la cassation des chefs de dispositif fixant la charge définitive de la dette entre coobligés à 30 % pour la société Bouygues bâtiment Ile-de-France et à 40 % pour la société Antunes, qui ne s'y rattachent pas par un lien de dépendance nécessaire.

14. De même, en application du même texte, la cassation prononcée n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant in solidum le constructeur et la société Allianz IARD, la société Antunes et la société MMA IARD assurances mutuelles, Mme [L], la société Martin et Guiheneuf et la CAMBTP à indemniser le maître de l'ouvrage, à garantir la société Axa France IARD, assureur dommages-ouvrage, aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui ne s'y rattachent pas par un lien de dépendance nécessaire.



15. En revanche, la cassation du chef de dispositif fixant à 30 % la part mise à la charge de Mme [L] et de la société Martin et Guiheneuf, s'étend au chef de dispositif fixant le même pourcentage, dans leurs rapports avec leurs coobligés, au titre de la garantie de la société Axa France IARD, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage, et au titre des frais irrépétibles et des dépens, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :
- dit que dans les recours entre les coobligés condamnés in solidum à indemniser la Régie immobilière de la Ville de [Localité 15], la charge définitive de la dette de réparation sera ainsi répartie :
- Mme [L] et la société Martin et Guiheneuf : 30 %
- dit que Mme [L] et la société Martin et Guiheneuf devront garantir la société Axa France IARD, assureur dommages-ouvrage, à hauteur de ce pourcentage,
- dit que Mme [L] et la société Martin et Guiheneuf devront supporter à hauteur de 30 % la charge des dépens et des frais irrépétibles,

l'arrêt rendu le 13 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne Mme [L], les sociétés Bouygues bâtiment Île-de-France, Allianz IARD, Antunes et MMA IARD assurances mutuelles aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-six juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par M. Boyer, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Teiller, président empêché, le conseiller rapporteur et le greffier conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300322

Honoraires d'architecte et absence de motifs de l'arrêt

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

IV. 3

FC



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 26 juin 2025




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 319 F-D

Pourvoi n° J 23-22.686




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JUIN 2025

La société Les Sources, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 5], a formé le pourvoi n° J 23-22.686 contre l'arrêt rendu le 21 septembre 2023 par la cour d'appel de Nîmes (chambre civile, 2e chambre section A), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [J] [E], domicilié [Adresse 4],

2°/ à la société Mutuelle des architectes français, dont le siège est [Adresse 1], prise en sa qualité d'assureur de M. [J] [E],

3°/ à la société Piscines Allard construction, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

4°/ à la société AXA France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

5°/ à la société Fabre, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6],

6°/ à la société Mutuelle des architectes français, dont le siège est [Adresse 1], prise en sa qualité d'assureur de la société Bureau d'études thermiques et acoustiques Boulaygues (BETA),

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de la société civile immobilière Les Sources, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [E], de la société Mutuelle des architectes français, prise en sa qualité d'assureur de M. [E], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Fabre, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Foucher-Gros, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société civile immobilière Les Sources (la SCI) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Piscines Allard construction, la Mutuelle des architectes français (la MAF), prise en sa qualité d'assureur du Bureau d'études thermiques et acoustiques Boulaygues, et la société Axa France IARD.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 21 septembre 2023), la SCI, a confié à M. [E] (l'architecte), assuré auprès de la MAF, la maîtrise d'oeuvre des travaux de réhabilitation de son bien immobilier et de création d'une piscine. Sa rémunération était calculée en fonction du coût total des travaux.

3. La société Fabre est intervenue à l'opération pour le lot comprenant la piscine.

4. Le juge des référés, saisi par la SCI, a ordonné une expertise et fixé la consignation à sa charge à une somme équivalente au solde des honoraires demandés par l'architecte.

5. Après qu'une seconde expertise a été ordonnée, la SCI, qui avait assigné l'architecte et la société Fabre, a assigné la MAF, en sa qualité d'assureur du premier, aux fins d'obtenir réparation des désordres dont elle se plaignait.

6. Reconventionnellement, l'architecte a demandé le paiement de ses honoraires et la société Fabre le paiement du solde de son marché.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La SCI fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Fabre la somme de 68 374,21 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2007, et, après avoir ordonné la compensation entre leurs créances respectives, la somme de 31 392,95 euros et de la condamner à payer à l'architecte la somme de 49 753 euros, au titre du solde de ses honoraires, outre les intérêts au taux légal à compter du 5 juin 2007, alors « que tout jugement doit être motivé et le défaut de réponse aux conclusions équivaut à un défaut de motifs ; qu'en confirmant le jugement en ce qu'il avait condamné la SCI Les Sources à payer à la société Fabre la somme de 68 374,21 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2007, et capitalisation des intérêts et, après avoir ordonné la compensation entre leurs créances respectives, la somme de 31 392,95 euros, sans répondre aux conclusions d'appel de la SCI Les Sources selon lesquelles faute de produire des devis acceptés, la société Fabre ne rapportait pas la preuve de l'étendue de sa créance, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

9. Pour condamner la SCI à payer à la société Fabre une certaine somme au titre du solde de son marché, l'arrêt retient, par motifs adoptés, qu'il ne ressort pas des écritures de la SCI que cette demande est contestée.

10. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la SCI, qui soutenait que la société Fabre devait être déboutée de ses demandes, à défaut pour elle de justifier d'une commande matérialisée par un devis accepté, d'une facture correspondant à ce devis, et de disposer de ces mêmes éléments par une synthèse des comptes du maître d'oeuvre, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt qui confirme le jugement condamnant la SCI à payer à la société Fabre la somme de 68 374,21 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2007, capitalisation des intérêts dans les termes de l'article 1343-2 du code civil et condamnant après compensation des créances respectives, la SCI à payer à la société Fabre la somme de 31 392,95 euros entraîne la cassation des chefs de dispositif confirmant le jugement en ce qu'il a condamné la SCI à payer à l'architecte la somme de 49 753 euros au titre du solde de ses honoraires, ordonné la déconsignation immédiate au profit de l'architecte de la somme versée à la CARPA par la SCI en exécution de l'ordonnance du 7 novembre 2007 du président du tribunal de grande instance d'Avignon, condamné la SCI et la société Fabre à verser à l'architecte et la MAF la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement en ce qu'il :

- condamne la société civile immobilière Les Sources à payer à la société Fabre la somme de 68 374,21 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 23 mars 2007,
- dit que les intérêts légaux sur cette somme courent à partir du 23 mars 2007,
- dit que les intérêts sur cette somme seront capitalisés dans les termes de l'article 1343-2 du code civil,
- condamne, après compensation des créances respectives, la société civile immobilière Les Sources à payer à la société Fabre la somme de 31 392,95 euros,
- condamne la société civile immobilière Les Sources à payer à M. [E] la somme de 49 753 euros au titre du solde de ses honoraires outre intérêts au taux légal sur ladite somme avec application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil à compter du 5 juin 2007 et jusqu'à parfait paiement,
- ordonne la déconsignation immédiate au profit de M. [E] de la somme versée à la CARPA par la société civile immobilière Les Sources en exécution de l'ordonnance du 7 novembre 2007 du président du tribunal de grande instance d'Avignon,
- condamne la société civile immobilière Les Sources et la société Fabre à verser à M. [E] et la Mutuelle des architectes français la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

l'arrêt rendu le 21 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier ;

Condamne la société Fabre et M. [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-six juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de la décision au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par M. Boyer, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Teiller, président empêché, le conseiller rapporteur et le greffier conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300319

Mal-fondé de la résiliation du marché

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FC



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 26 juin 2025




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 318 F-D

Pourvoi n° G 23-21.811






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JUIN 2025

Mme [X] [D], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° G 23-21.811 contre l'arrêt rendu le 13 septembre 2023 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [K] [N], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseiller, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de Mme [D], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [N], après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Foucher-Gros, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 13 septembre 2023), en 2015, Mme [D] a conclu avec M. [N] un contrat portant sur la réfection d'un bâtiment annexe à son habitation.

2. Mme [D], soutenant que M. [N] avait abandonné le chantier, l'a assigné en résiliation du marché à ses torts exclusifs, restitution des acomptes versés et paiement de dommages-intérêts, sollicitant, à titre subsidiaire, une mesure d'expertise.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. Mme [D] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de dommages- intérêts en réparation des détériorations du bâtiment et en indemnisation du préjudice de jouissance, alors :

« 1°/ que le prononcé définitif de la résolution du contrat par le premier juge laisse la possibilité aux parties de discuter l'imputabilité de sa rupture devant la cour d'appel ; qu'en déboutant Mme [D] de sa demande en paiement d'une somme de 41 476,18 euros en réparation des dégradations subies par le bâtiment, au motif que le contrat n'avait pas été résilié aux torts de M. [N] par le tribunal, de sorte que l'abandon du chantier ne pouvait lui être imputé, cependant que le prononcé de la résolution du contrat liant Mme [D] à M. [N] dans le dispositif du jugement et l'appel de ce jugement en ce qu'il avait débouté Mme [D] de ses demandes de dommages et intérêts lui donnait la possibilité de discuter l'imputabilité de
la rupture devant la juridiction d'appel et d'invoquer les fautes commises par M. [N], la cour d'appel a violé les articles 1217 et 1355 du code civil ;

2°/ que dans son rapport d'expertise, M. [R] avait constaté que la réalisation très parcellaire des travaux par M. [N] ne pouvait être valorisée qu'à la somme de 3 580 euros et avait chiffré les préjudices nés de l'abandon du chantier à la somme de 37 705 euros ; qu'en énonçant, pour débouter Mme [D] de ses demandes indemnitaires, que M. [R] avait constaté que les dégradations se limitaient en réalité à des auréoles et des traces d'humidité sans aucune gravité, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;

3°/ que les juges doivent statuer sur l'ensemble des préjudices invoqués ; qu'en déboutant Mme [D] de sa demande en réparation du préjudice de jouissance au motif que les photographies du bâtiment démontraient qu'il avait pu être normalement utilisé à usage de stockage sans se prononcer, ainsi qu'elle y était invitée, sur le préjudice de jouissance lié à l'obstruction de l'entrée du garage, empêchant Mme [D] d'y garer sa voiture et à l'impossibilité, du fait de la présence d'échafaudage, d'entretenir l'extérieur de l'abri de jardin, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de réparation intégrale des préjudices, sans perte ni profit pour la victime. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel, qui a relevé, à bon droit, qu'elle n'était pas saisie du chef de dispositif du jugement ayant, après avoir écarté la demande de Mme [D] tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat aux torts exclusifs de M. [N], prononcé la résolution judiciaire au motif que celle-ci était demandée par les deux parties dont aucune n'était fautive, a retenu, d'une part, qu'aucun abandon de chantier n'était imputable à M. [N], d'autre part, sans dénaturation du rapport de consultation, s'agissant des dégradations du chantier du fait de l'absence de pose d'une bâche, que celles-ci se limitaient à des auréoles et traces d'humidité sans gravité et que, dès qu'elle avait demandé que les bâches fussent replacées, il y avait été procédé sans délai, enfin, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, s'agissant du préjudice de jouissance, que Mme [D] avait ultérieurement sollicité les services de M. [N] au cours de l'année 2017 sans justifier s'être plainte auprès de lui de la présence maintenue des échafaudages, ce qu'elle n'aurait pas manqué de faire si elle avait été réellement gênée dans l'utilisation du bâtiment.

5. Elle a pu en déduire que, les préjudices allégués n'étant pas établis, les demandes de Mme [D] devaient être rejetées.

6. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [D] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-six juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de la décision au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par M. Boyer, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mme Teiller, président empêché, le conseiller rapporteur et le greffier conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300318

mardi 1 juillet 2025

Référé interruptif de prescription quinquennale d'un fabricant de peinture - responsabilité de l'entrepreneur et garantie d'assureur (activité déclarée)

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 26 juin 2025




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 331 FS-B

Pourvoi n° N 23-20.274




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 26 JUIN 2025

La société Mufraggi matériaux, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 8], a formé le pourvoi n° N 23-20.274 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2023 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 2), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société A Citadella, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 6],

2°/ à M. [B] [X], domicilié [Adresse 4], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Mader Colors,

3°/ à M. [H] [R], domicilié [Adresse 9],

4°/ au syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 7], représenté par son syndic en exercice la société Ajaccio immobilier, dont le siège est [Adresse 2],

5°/ à la Société mutuelle d'assurances du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 5],

6°/ à la société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en sa qualité d'assureur des sociétés Mufraggi matériaux et Maders Colors,

7°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

M. [X], pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Mader Colors, a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt.

La société A Citadella a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident et un pourvoi provoqué contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

M. [X], ès qualités, invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

La société A Citadella, invoque, à l'appui de son pourvoi incident et de son pourvoi provoqué, un moyen de cassation chacun.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Mufraggi matériaux, de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de la société A Citadella, de la SCP Duhamel, avocat de la société Allianz IARD, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 7], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [X], ès qualités, et l'avis de Mme Vassallo, premier avocat général, après débats en l'audience publique du 13 mai 2025 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Foucher-Gros, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, Mme Abgrall, MM. Pety, Brillet, Mme Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, Mme Vassallo, premier avocat général, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Mufraggi matériaux du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [R], la SMABTP et la société Axa France IARD.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 28 juin 2023), le 1er juillet 2011, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7], bâtiment B (le syndicat des copropriétaires), a conclu avec la société A Citadella (l'entrepreneur), assurée auprès de la SMABTP, un marché de travaux de ravalement des façades.

3. L'entrepreneur a acquis la peinture auprès de la société Mufraggi matériaux (le fournisseur), qui s'est elle-même fournie auprès de la société Mader Colors (le fabricant), désormais en liquidation judiciaire, toutes deux assurées auprès de la société Allianz IARD.

4. Le 29 novembre 2012, lors des opérations préalables à la réception, l'expert chargé du suivi des travaux de ravalement a constaté une différence de teinte sur les façades du bâtiment.

5. Une expertise amiable, diligentée à l'initiative de l'assureur de l'entrepreneur, au contradictoire du fournisseur et du fabricant, a donné lieu à un rapport déposé le 1er février 2013.

6. Par actes des 28 mai et 4 juin 2013, l'entrepreneur a assigné le fabricant et le fournisseur en sollicitant l'opposabilité du jugement à intervenir au second. Par jugement du 30 mai 2016, le tribunal a sursis à statuer sur ces demandes.

7. Par actes des 1er, 4 et 22 avril 2016, le syndicat des copropriétaires, après expertise judiciaire, a assigné l'entrepreneur et son assureur de responsabilité décennale, le fournisseur, le fabricant et leur assureur, en indemnisation de ses préjudices.

8. M. [X], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire du fabricant, est intervenu à l'instance.

Examen des moyens

Sur le deuxième moyen et le troisième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal et sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi incident de M. [X], ès qualités

9. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal et sur le premier moyen du pourvoi incident de M. [X], ès qualités, rédigés en termes similaires, réunis

Enoncé des moyens

10. Par son premier moyen, le fournisseur fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec M. [X], ès qualités, à relever et à garantir indemne l'entrepreneur de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit du syndicat des copropriétaires, alors « que le juge ne peut écarter la prescription d'une action sans fixer son point de départ ; qu'en écartant la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action formée par la société A Citadella à l'encontre de la société Mufraggi matériaux sans préciser à quelle date ce délai de prescription avait commencé à courir, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil. »

11. Par son premier moyen, M. [X], ès qualités, fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec le fournisseur, à relever et à garantir indemne l'entrepreneur de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit du syndicat des copropriétaires, alors « que le juge ne peut écarter la prescription d'une action sans fixer son point de départ ; qu'en écartant la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action formée par la société A Citadella à l'encontre de la société Mader Colors sans préciser à quelle date ce délai de prescription avait commencé à courir, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

12. La cour d'appel a retenu que la prescription quinquennale avait commencé à courir à compter des 2 novembre 2011 et 4 juin 2012, de sorte que les moyens, qui manquent en fait, ne sont pas fondés.

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

13. Le fournisseur fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec M. [X], ès qualités, à relever et à garantir indemne l'entrepreneur de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit du syndicat des copropriétaires, alors « qu'une demande en justice n'interrompt la prescription d'une action en responsabilité que si elle manifeste l'intention du demandeur de mettre en cause la responsabilité du défendeur ; qu'en jugeant que « les appels en garantie présentés à l'encontre de la fournisseuse et de la fabricante de la peinture inadaptée, quel que soit l'article invoqué en défense, ne peuvent se voir opposer de prescription » au motif que l'action engagée devant le tribunal de commerce d'Ajaccio par actes des 28 mai et 4 juin 2013 avait « clairement interrompu la prescription » cependant qu'elle constatait que les demandes en justice qui avaient alors été formulées étaient dirigées contre des tiers ou ne visait la société Mufraggi qu'afin que le jugement statuant sur la responsabilité délictuelle d'un tiers lui soit déclaré opposable, ce dont il résultait que cette demande ne manifestait pas la volonté de l'entrepreneur de mettre en cause la responsabilité contractuelle de la société Mufraggi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 2241 du code civil. »

Réponse de la Cour

14. Selon l'article 2241 du code civil, une demande en justice, même en référé, interrompt les délais de prescription et de forclusion.

15. L'assignation aux fins de voir rendre opposable à une partie le jugement rendu à l'encontre d'une autre a pour effet de permettre, d'une part, à la partie appelée en déclaration de jugement opposable de faire valoir des observations en défense, d'autre part, au demandeur à l'action d'invoquer directement à l'encontre de cette partie l'autorité de la chose jugée de la décision qui sera rendue. Aussi, une telle assignation constitue-t-elle une demande en justice interruptive de prescription au sens du texte précité.

16. Il en résulte que c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'assignation délivrée par l'entrepreneur, tendant à voir déclarer opposable au fournisseur un jugement statuant sur des demandes dirigées contre le fabricant, avait interrompu le délai de prescription à l'égard de ce fournisseur.

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal et sur le troisième moyen, pris en sa première branche, du pourvoi incident de M. [X], ès qualités, rédigés en termes similaires, réunis

Enoncé des moyens

18. Par son troisième moyen, le fournisseur fait grief à l'arrêt de déclarer hors de cause la société Allianz IARD et de le condamner, in solidum avec M. [X], ès qualités, à relever et à garantir indemne l'entrepreneur de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit du syndicat des copropriétaires, alors « que le juge ne peut écarter la prescription d'une action sans fixer son point de départ ; qu'en jugeant prescrite l'action exercée par la société A Citadella à l'encontre de la société Allianz IARD, assureur de la société Mufraggi matériaux, sans préciser à quelle date ce délai de prescription avait commencé à courir, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil. »

19. Par son troisième moyen, M. [X], ès qualités, fait grief à l'arrêt de déclarer hors de cause la société Allianz IARD et de le condamner, in solidum avec le fournisseur, à relever et à garantir indemne l'entrepreneur de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit du syndicat des copropriétaires, alors « que le juge ne peut écarter la prescription d'une action sans fixer son point de départ ; qu'en jugeant prescrite l'action exercée par la société A Citadella à l'encontre de la société Allianz IARD, assureur de la société Mader Colors, sans préciser à quelle date ce délai de prescription avait commencé à courir, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

20. La cour d'appel a retenu que la prescription quinquennale avait commencé à courir à compter des 2 novembre 2011 et 4 juin 2012, de sorte que les moyens, qui manquent en fait, ne sont pas fondés.

Sur le deuxième moyen du pourvoi incident de M. [X], ès qualités

Enoncé du moyen

21. M. [X], ès qualités, fait grief à l'arrêt de le condamner, in solidum avec le fournisseur, à relever et à garantir indemne l'entrepreneur de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit du syndicat des copropriétaires, alors « qu'en l'espèce, M. [X], se fondant sur les conclusions de l'expert judiciaire, faisait valoir que 51 pots de peinture « teintée » étant nécessaires pour repeindre les façades est, ouest et sud de l'immeuble entre les mois de septembre 2011 et février 2012, ces façades ne pouvaient avoir été peintes exclusivement avec les 55 pots de peinture « teintée » livrés par la société Mader Colors puisqu'elle n'avait livré qu'un total de 33 pots de peinture « teintée » le 2 novembre 2011, les 22 pots supplémentaires de peinture « teintée » n'ayant été livrés que le 4 juin 2012, soit après l'achèvement des travaux de peinture de ces façades en février 2012 ; qu'il en concluait que soit une autre peinture que celle livrée par la société Mader Colors avait été utilisée au commencement des travaux, soit qu'un mélange avait été réalisé et était à l'origine de l'hétérogénéité des produits relevée par l'expert ; qu'en jugeant cependant, pour condamner la société Mader Colors à garantir la société A Citadella des condamnations prononcées à son encontre, que la société Mader Colors avait livré au total 66 pots de peinture les 3 octobre 2011 et 2 novembre 2011, soit un nombre suffisant de pots pour réaliser des travaux nécessitant 51 pots avant le mois de février 2012, sans vérifier, ainsi qu'elle y était expressément invitée, si la livraison effectuée le 3 octobre 2011 par la société Mader Colors ne portait pas exclusivement sur 33 pots de peinture blanche « non teintée », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1217 du code civil. »

Réponse de la Cour

22. Ayant souverainement retenu que les désordres trouvaient leur cause dans une absence d'homogénéisation de la peinture vendue par le fabricant, en raison d'une carence en colorant à la fabrication, qu'aucun problème n'avait été rencontré sur la façade nord, peinte avec un autre produit, et que le fabricant avait envoyé en analyse de la peinture blanche aux lieu et place de la peinture livrée, de sorte que sa démonstration n'était pas crédible, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche sur le contenu de la livraison du 3 octobre 2011 que ses constatations rendaient inopérante, a pu déduire de ces seuls motifs que le fabricant devait garantir l'entrepreneur des condamnations prononcées à son encontre.

23. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le moyen du pourvoi incident de la société A Citadella

Enoncé du moyen

24. L'entrepreneur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au syndicat des copropriétaires une certaine somme, en réparation des défauts de remise en état des façades sud, ouest et est du bâtiment B, avec intérêts au taux légal, et de fixer la durée de réalisation de remise en état, alors « que le constructeur, tenu d'une obligation de résultat pour les dommages intervenus durant la période antérieure à la réception, peut toujours s'exonérer en présence d'une cause étrangère présentant les caractères de la force majeure ; qu'il y a force majeure lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur ; qu'en jugeant que la société A Citadella ne démontrait pas que les conditions de la force majeure étaient réunies, tout en s'abstenant de vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si cette société pouvait être en mesure de déceler les vices dont la peinture se trouvait affectée avant son application en façade, et alors qu'il ressortait de ses propres constatations que d'un côté l'expert amiable avait conclu que les désordres trouvaient leur origine dans une réaction chimique au colorant contenu dans la peinture avec le support datant des années 70 alors que l'expert judiciaire, à la suite des investigations et analyses qu'il avait fait réaliser par le laboratoire Catalyse, était parvenu à déterminer que les causes du désordre avaient pour origine une absence d'homogénéisation de peinture vendue par la société Mader Colors due à une carence en colorant à la fabrication, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

25. La cour d'appel a relevé que l'entrepreneur avait lui-même choisi la peinture à l'origine des désordres et qu'il se bornait à rappeler qu'il ne l'avait pas fabriquée.

26. Elle a pu en déduire, sans être tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, que l'entrepreneur ne rapportait pas la preuve d'un événement revêtant les caractères de la force majeure, exonératoire de sa responsabilité, et a ainsi légalement justifié sa décision.

Sur le moyen du pourvoi provoqué de la société A Citadella

Enoncé du moyen

27. L'entrepreneur fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en garantie formée à l'encontre de la SMABTP, alors :

« 1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions des parties, lesquelles sont fixées par l'acte introductif d'instance et par les conclusions en défense ; qu'en l'espèce, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 7] avait fait assigner la SMABTP, se prévalant de sa qualité d'assureur de la société A Citadella au titre d'une police intitulée « contrat d'assurance professionnelle des entreprises du bâtiment et des travaux publics CAP 2000 » et portant le numéro 1247000/001294687, et dont elle justifiait l'existence par la production aux débats d'une attestation d'assurance ; que de son côté, la société A Citadella faisait valoir qu'en cas de condamnation, son assureur, la SMABTP, lui devrait « garantie contractuelle » ; qu'enfin, la société SMABTP elle-même ne niait pas que la société A Citadella était bien assurée par ses soins et produisait même aux débats un extrait des « conditions générales du contrat souscrit » ; qu'en jugeant toutefois que la société A Citadella ne précisait pas sur quel fondement elle demandait la garantie de son assureur en cas de condamnation, cependant que les parties s'accordaient sur le fait que cette
demande de garantie était fondée sur le contrat que la société A Citadella avait souscrit auprès de la SMABTP, et dont personne ne contestait l'existence, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; qu'en l'espèce, il ressortait de l'attestation d'assurance produite aux débats que la SMABTP garantissait les activités de « peinture et ravalement » de son sociétaire, la société A Citadella, non seulement au titre de sa « responsabilité en cas de dommages matériels à l'ouvrage après réception » mais également au titre de sa « responsabilité civile en cours ou après travaux », précisant qu'à ce titre le « contrat garantit la responsabilité civile encourue vis-à-vis des tiers par le sociétaire, du fait de ses activités professionnelles mentionnées ci-avant, que ce soit en cours ou après exécution de ses travaux », limitant sa garantie à 1 000 000 par sinistre concernant les « dommages matériels » ; que par ailleurs, il ressortait des conditions générales du contrat souscrit, également produites aux débats, qu'était considéré comme tiers « toute personne autre que : - vous-même [le sociétaire] ; - vos associés dans le cadre de votre entreprise ou dans le cadre d'une association ou d'un groupement d'entreprises auquel vous participez ; - si votre entreprise est une personne morale, le président, les administrateurs, directeurs généraux et gérant de la société assurée, dans l'exercice de leurs fonctions ; - vos préposés ou ceux de la société assurée dans l'exercice de leurs fonctions ; - celles exerçant un emploi, même non rémunéré, dans votre entreprise, au cours de leur travail » ; qu'en rejetant toutefois la demande en garantie formulée à l'encontre de la SMABTP, après avoir pourtant confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné la société A Citadella, au titre de sa responsabilité contractuelle vis-à vis du syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 7], tiers au contrat d'assurance, à lui payer la somme de 132 069,08 euros en réparation des défauts de remise en état des façades sud, ouest et est du bâtiment B, la cour d'appel a violé la loi des parties en violation de l'article 1134 alinéa 1, devenu 1103, du code civil. »

Réponse de la Cour

28. La cour d'appel a, sans modifier l'objet du litige, constaté que la SMABTP déniait sa garantie pour les désordres relevant de la responsabilité contractuelle, et relevé que les conditions générales du contrat liant les parties ne prévoyaient de prise en charge par l'assureur que pour les dommages survenus après réception.

29. Ayant constaté qu'aucune réception n'était intervenue, elle a pu en déduire, sans être tenue de se référer aux mentions de l'attestation d'assurance, qui, à l'égard de l'assuré, ne peuvent prévaloir sur les stipulations de la police d'assurance, que les conditions de la garantie n'étaient pas réunies.

30. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-six juin deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par M. Boyer, conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de Mm Teiller, président empêché, le conseiller rapporteur et le greffier conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile. ECLI:FR:CCASS:2025:C300331