mercredi 20 novembre 2024

Objet de la retenue de garantie et conditions de la réception tacite des travaux

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 novembre 2024




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 594 F-D

Pourvoi n° P 23-13.283




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 NOVEMBRE 2024

La société Banque du bâtiment et des travaux publics, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 23-13.283 contre l'arrêt rendu le 25 mai 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4 - chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Résidences traditionnelles les petits princes, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boucard-Maman, avocat de la société Banque du bâtiment et des travaux publics, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 25 mai 2022), la société Résidences traditionnelles les petits princes (la société RTPP) a confié la réalisation des travaux de chauffage et de plomberie à la société Thermeos, à qui la société Banque du bâtiment et des travaux publics (la banque) a délivré un engagement de caution personnelle et solidaire au titre de la retenue de garantie du marché de travaux au bénéfice du maître de l'ouvrage.

2. Par jugement du 22 avril 2015, la société Thermeos a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire par décision du 27 mai suivant.

3. La banque ayant refusé de payer le montant de la retenue de garantie, la société RTTP l'a assignée en paiement.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à la société RTPP la somme de 34 513,29 euros et de rejeter toutes ses demandes, alors « que la retenue de garantie et la caution solidaire qui peut s'y substituer visent à garantir l'exécution des travaux de levée des réserves formulées lors de la réception de l'ouvrage ; que la retenue de garantie et la caution solidaire qui peut s'y substituer ne peuvent être mises en oeuvre en l'absence de réception de l'ouvrage ; que la réception tacite de l'ouvrage résulte de la volonté non-équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir l'ouvrage ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la réception tacite peut être constatée en présence de la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir les travaux inachevés malgré l'absence de paiement du solde du prix, qu'aux termes de sa déclaration de créances du 22 juin 2015, qui s'analyse en une demande en paiement, la société RTPP avait sollicité l'inscription au passif de la société Thermeos de la somme de 69 402,35 euros HT, soit 83 282,82 euros TTC correspondant aux chiffrages des reprises listées dans le constat d'huissier établi le 27 avril 2015, « manifestant ainsi sa volonté non équivoque de recevoir les travaux inachevés avec réserves », ce dont elle a déduit que la réception tacite avec réserves devait être constatée à la date du 22 juin 2015 ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la volonté non-équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir l'ouvrage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1er de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971, ensemble l'article 1792-6 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1er de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 et 1792-6 du code civil :

5. La retenue de garantie et la caution solidaire qui peut s'y substituer, prévues par le premier de ces textes, ont pour but de protéger le maître de l'ouvrage contre les risques d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux de levée des réserves à la réception (3e Civ., 22 septembre 2004, pourvoi n° 03-12.639, Bull. 2004, III, n° 154 ; 3e Civ., 7 décembre 2005, pourvoi n° 05-10.153, Bull. 2005, III, n° 238).

6. Il résulte du second que la réception tacite de l'ouvrage est caractérisée par la volonté non équivoque des maîtres de l'ouvrage de l'accepter.

7. Pour constater l'existence d'une réception tacite avec réserves au 22 juin 2015 et libérer la caution au profit du maître de l'ouvrage, l'arrêt relève que le constat d'huissier de justice du 27 avril 2015 faisait état d'un abandon de chantier, d'inachèvements et de non-façons et retient qu'aux termes de la déclaration de créance transmise le 22 juin 2015, qui s'analyse en une demande en paiement, la société RTPP sollicitait l'inscription au passif de la société Thermeos de la somme correspondant aux chiffrages des reprises listées dans ce constat, de sorte qu'elle avait manifesté à cette date sa volonté non équivoque de recevoir les travaux inachevés avec réserves.

8. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir les travaux dans leur état d'avancement à la date de l'abandon du chantier, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société Résidences traditionnelles les petits princes aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300594

Le juge ne peut refuser d'évaluer le montant d'un dommage dont il constate l'existence en son principe

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 novembre 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 592 F-D

Pourvoi n° B 21-15.748




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 NOVEMBRE 2024

1°/ la société RDL, société civile immobilière,

2°/ la société RDO, société civile immobilière,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 2], [Localité 3],

ont formé le pourvoi n° B 21-15.748 contre l'arrêt rendu le 23 février 2021 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige les opposant :

1°/ à la société BTSG², société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 3], prise en sa qualité de mandataire ad hoc de la société Creusot-carrelage,

2°/ à la société Creusot-carrelage, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5], [Localité 4], représentée par son mandataire ad hoc, la société BTSG²,

défenderesses à la cassation.

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat des sociétés civiles immobilières RDL et RDO, de Me Balat, avocat de la société BTSG², ès qualités, et de la société Creusot-carrelage, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 23 février 2021), les sociétés civiles immobilières RDL et RDO (les SCI) ont confié à la société Creusot-carrelage des travaux de pose de carrelages.

2. Les SCI ont formé opposition à deux ordonnances portant injonction de payer le solde du prix des marchés à la société Creusot-carrelage et présenté des demandes reconventionnelles aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. Les SCI font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes indemnitaires, alors « que le juge est tenu d'évaluer le préjudice dont il constate l'existence sans qu'il puisse refuser de statuer en se fondant sur l'insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que les travaux réalisés dans l'appartement de la SCI RDL souffrent de défauts d'exécution, tout comme dans l'appartement de la SCI RDO, et que ces malfaçons sont de nature à caractériser un manquement de la société Creusot-carrelage à son obligation contractuelle de résultat ; qu'en affirmant, pour débouter les maîtres de l'ouvrage de leurs demandes indemnitaires, que les conséquences dommageables de ce manquement n'ont pas été chiffrées par l'expert qui a été contraint de déposer son rapport en l'état et que les maîtres de l'ouvrage ne rapportent pas la preuve par la production de deux devis, qu'ils correspondent aux travaux nécessaires à la reprise des malfaçons relevées par l'expert, qui n'a, à aucun moment, conclu à la nécessité de déposer et reposer l'intégralité du carrelage de sol et du carrelage mural dans les deux appartements, quand il appartenait à la cour d'appel d'évaluer le préjudice correspondant au coût des travaux de reprise des malfaçons dont elle avait constaté l'existence, elle a commis un déni de justice, en violation de l'article 4 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 4 du code civil :

4. En application de ce texte, le juge ne peut refuser d'évaluer le montant d'un dommage dont il constate l'existence en son principe.

5. Pour rejeter les demandes indemnitaires des SCI, l'arrêt relève que les travaux réalisés dans les deux appartements souffrent de défauts d'exécution, s'agissant, pour celui de la SCI RDL, de l'absence de plinthe, de joints des carreaux de la salle de bains non complètement remplis, de carreaux posés sur les murs qui désafleurent, d'une finition aléatoire des jonctions avec les huisseries, et d'un carrelage non aligné sous la porte de la chambre, et, pour celui de la SCI RDO, de l'absence de pose de plinthes, de joints de carreaux verticaux et horizontaux et d'angles verticaux mal exécutés et de pénétrations de la robinetterie dans le carrelage mural, mais que les conséquences dommageables des manquements dans la réalisation de la pose du carrelage par la société Creusot-carrelage n'ont pas été chiffrées par l'expert, contraint de déposer son rapport en l'état.

6. Il retient, ensuite, que les demandes indemnitaires des SCI fondées sur deux devis qui n'ont pas été soumis à l'expert, portent sur des travaux de réfection de carrelage dont il n'est pas permis de vérifier qu'ils correspondent aux travaux nécessaires à la reprise des malfaçons relevées par l'expert, qui n'a, à aucun moment, conclu à la nécessité de déposer et reposer l'intégralité du carrelage de sol et du carrelage mural dans les deux appartements.

7. En statuant ainsi, en refusant d'évaluer le dommage subi par les SCI dont elle constatait l'existence, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes indemnitaires formées par les sociétés civiles immobilières RDL et RDO et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 23 février 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon autrement composée ;

Condamne la société Creusot-carrelage aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Creusot-carrelage et la SCP BTSG², prise en sa qualité de mandataire ad hoc de celle-ci, et condamne la société Creusot-carrelage à payer aux sociétés civiles immobilières RDL et RDO la somme globale de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300592

La contribution à la dette de réparation du dommage causé par plusieurs auteurs a lieu en proportion de la gravité des fautes respectives de ces derniers

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 novembre 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 591 F-D

Pourvoi n° U 23-15.634




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 NOVEMBRE 2024

La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° U 23-15.634 contre l'arrêt rendu le 10 mars 2023 par la cour d'appel de Saint-Denis (chambre civile TGI), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [A] [D], domicilié [Adresse 6],

2°/ à la société Les Muriers, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à la société [C] [O], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], ayant un établissement secondaire [Adresse 5], prise en la personne de M. [C] [O], en sa qualité de mandataire liquidateur de M. [I] [G],

4°/ à la société Allianz France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

5°/ à la société Hirou, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de M. [D],

défendeurs à la cassation.


La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SARL Ortscheidt, avocat de la société civile immobilière Les Muriers, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis, 10 mars 2023), en 2007, la société civile immobilière Les Muriers (la SCI Les Muriers) a confié à M. [D], assuré auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), la maîtrise d'oeuvre de la construction d'immeubles de logement.

2. Les lots gros oeuvre et charpente ont été confiés à M. [G], assuré auprès de la société AGF, aux droits de laquelle vient la société Allianz IARD.

3. En raison de retards et de réserves quant à la qualité des travaux, le maître de l'ouvrage a procédé au remplacement de M. [G] en cours de chantier.

4. M. [G] a été mis en liquidation judiciaire, M. [L] puis la société [C] [O] étant désignés en qualité de liquidateur.

5. La SCI Les Muriers a assigné M. [G] et son liquidateur, ainsi que la société Allianz IARD et M. [D], aux fins de réparation de ses préjudices. M. [D] a appelé la société Axa en intervention forcée.

6. M. [D] a été mis en liquidation judiciaire en cours d'instance et son liquidateur, la société Hirou, a été assigné en intervention forcée.



Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Axa fait grief à l'arrêt de dire qu'elle garantira M. [D] de l'ensemble des sommes que celui-ci sera condamné à verser et de la condamner à payer à la SCI Les Muriers la somme de 442 627,66 euros dont 377 670,22 TTC, somme à laquelle il conviendra de déduire la TVA récupérable, déduction faite de la part de responsabilité de la maîtrise d'ouvrage, et de rejeter ses demandes relatives à l'application d'un plafond de garantie et de la franchise contractuelle, alors « que le juge doit motiver sa décision en fait et en droit ; qu'en se bornant à énoncer, après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 124-5 du code des assurances ainsi que les principes applicables en matière d'application dans le temps des assurances de responsabilité civile professionnelle, que « l'appelante est mal fondée à soutenir qu'elle ne doit plus sa garantie à raison d'un sinistre déclaré après la résiliation du contrat d'assurance », et par motifs éventuellement adoptés des premiers juges, qu' « il est reproché au maître d'oeuvre l'inexécution de ses obligations d'exécution et de suivi de chantier, rentrant donc dans le champ d'application de l'assurance (?) », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

9. Pour condamner la société Axa à garantir les dommages subis par le maître de l'ouvrage, l'arrêt reproduit l'article L. 124-5 du code des assurances, pour en déduire que l'assureur est mal fondé à soutenir qu'il ne doit plus sa garantie à raison d'un sinistre déclaré après la résiliation du contrat d'assurance.

10. En statuant ainsi, par simple affirmation, sans s'expliquer sur le choix des parties au contrat d'assurance quant au déclenchement de la garantie par le fait dommageable ou par la réclamation, alors que la société Axa soutenait que la garantie était déclenchée par la réclamation et que celle-ci était intervenue après la résiliation du contrat, à une date à laquelle l'architecte était assuré auprès d'un autre assureur, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.




Et sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

11. La société Axa fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause la société Allianz IARD, venant aux droits de la société AGF, alors « qu'ayant expressément retenu l'existence de « fautes incontestables de l'entreprise MJB » ayant contribué à la survenance des préjudices subis par la SCI Les Muriers et, par ailleurs, admis la recevabilité de l'action récursoire de la société Axa, assureur de M. [D], sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la cour d'appel aurait dû nécessairement en déduire le bien-fondé de la demande de garantie dirigée par la société Axa, assureur de M. [D], contre la compagnie Allianz, assureur de M. [G] ; que dès lors, en déboutant la société Axa de cette demande, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1382 devenu 1240 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil :

12. Il résulte de ce texte que la contribution à la dette de réparation du dommage causé par plusieurs auteurs a lieu en proportion de la gravité des fautes respectives de ces derniers.

13. Pour rejeter entièrement la demande de garantie de la société Axa contre la société Allianz IARD, l'arrêt retient que les préjudices subis par M. [D], résultant de ses propres manquements, constitués par une insuffisance de contrôle des opérations de construction et notamment de la bonne exécution du marché par M. [G], ne peuvent être imputés seulement à celui qui devait être surveillé par le maître d'oeuvre.

14. Il en déduit que l'assureur de M. [D] est mal fondé à solliciter la garantie de M. [G] et, donc, de son assureur, à raison des fautes de cet entrepreneur, alors que l'architecte avait justement pour mission de les empêcher, d'en limiter les effets ou d'alerter rapidement le maître de l'ouvrage, ce qu'il n'a fait qu'à partir du mois de mai 2009.

15. En statuant ainsi, après avoir retenu que M. [D] et M. [G] avaient, par leurs fautes respectives, contribué à la survenance de 75 % des dommages et que, dans leurs rapports entre eux, le partage de responsabilité devait se faire par moitié, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

16. La cassation ne s'étend pas au chef de dispositif rejetant l'application des franchises et plafonds du contrat d'assurance souscrit auprès de la société Axa, dès lors que les motifs critiqués par les premier et deuxième moyens ne sont pas le soutien de cette disposition.

17. Par ailleurs, les dispositions attaquées par le troisième moyen étant cassées, il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la société Axa France IARD garantira M. [D] de l'ensemble des sommes que celui-ci sera condamné à verser, en ce qu'il la condamne à payer à la société civile immobilière Les Muriers la somme de 442 627,66 euros dont 377 670,22 TTC somme à laquelle il conviendra de déduire la TVA récupérable, déduction faite de la part de responsabilité de la maîtrise d'ouvrage, en ce qu'il met hors de cause la société Allianz IARD venant aux droits de la société AGF et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 10 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis autrement composée ;

Condamne la société civile immobilière Les Muriers et la société Allianz IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300591

Constitue la cause étrangère, au sens de l'article 1792 du code civil, l'acceptation délibérée du risque par le maître de l'ouvrage

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 novembre 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 589 F-D


Pourvois n°
E 22-22.793
M 23-18.548 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 NOVEMBRE 2024

I- La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé un pourvoi n° E 22-22.793 contre un arrêt rendu le 9 septembre 2022 par la cour d'appel de Saint-Denis (chambre civile TGI), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [V] [T], domicilié [Adresse 7],
représentant la société [T] en qualité de mandataire de la société Liane de feu,

2°/ à M. [I] [K],

3°/ à Mme [J] [S],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

4°/ à M. [L] [H], domicilié [Adresse 4],

5°/ à M. [E] [M], domicilié [Adresse 8] (Danemark), liquidateur de la compagnie d'assurances Alpha Insurance, prise en sa qualité d'assureur de l'entreprise MSCOI et de M. [W],

6°/ à M. [G] [W], domicilié [Adresse 5],

7°/ à Amtrust Syndicates Ltd Syndicat 5820 des Lloyds de Londres, dont le siège est [Adresse 3] (Royaume-Uni),

8°/ à la société [T], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 6], prise en son établissement sis [Adresse 7] à [Localité 10],

9°/ à la société Lloyd's Insurance Company, dont le siège est [Adresse 9] (Royaume-Uni), venant aux droits de Amtrust Syndicates Ltd Syndicat 5820 des Lloyds de Londres,

10°/ à la société Lloyd's Insurance Company, société anonyme, dont le siège est [Adresse 9] (Royaume-Uni), représentée par Starstone Underwriting Limited,

défendeurs à la cassation.

II- La société Axa France IARD, société anonyme, a également formé un pourvoi n° M 23-18.548 contre l'arrêt rectificatif rendu le12 mai 2023 par la cour d'appel de Saint-Denis (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Lloyd's Insurance Company SA, représentée par Startone Underwriting Limited,

2°/ à M. [I] [K],

3°/ à Mme [J] [S],

4°/ à M. [L] [H],

5°/ à M. [G] [W],

6°/ à M. [E] [M], liquidateur de la compagnie d'assurances Alpha Insurance, prise en sa qualité d'assureur de l'entreprise MSCOI et de M. [W],



7°/ à la société [T], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, représentant à la liquidation judiciaire des sociétés MSCOI et Liane de feu,

défendeurs à la cassation.

Dans le pourvoi n° E 22-22.793, la société Alpha Insurance, agissant en sa qualité d'assureur de l'entreprise MSCOI, représentée par son liquidateur, M. [E] [M], ainsi que M. [K] et Mme [S] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, six moyens de cassation.

La société Alpha Insurance, agissant en sa qualité d'assureur de l'entreprise MSCOI, représentée par son liquidateur, M. [E] [M] invoque, à l'appui de son recours, trois moyens de cassation.

M. [K] et Mme [S] invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Boucard-Maman, avocat de M. [K] et de Mme [S], de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Lloyd's Insurance Company, et de la société Alpha Insurance, représentée par son liquidateur, M. [E] [M], après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° E 22-22.793 et M 23-18.548 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon les arrêts attaqués (Saint-Denis, 9 septembre 2022, rectifié par arrêt du 12 mai 2023), par acte du 6 novembre 2013, la société Liane de feu (le vendeur), désormais en liquidation judiciaire, a vendu une maison d'habitation en l'état futur d'achèvement à M. [K] et Mme [S] (les acquéreurs).

3. Le vendeur a souscrit un contrat d'assurance dommages-ouvrage et un contrat d'assurance de responsabilité décennale auprès de la société ANV Managing Agency Ltd, devenue Amtrust Syndicates Ltd, aux droits de laquelle vient la société Lloyd's Insurance Company.

4. La maîtrise d'oeuvre a été confiée à M. [W], désormais en liquidation judiciaire, assuré auprès de la société Axa France IARD (la société Axa) puis de la société de droit danois Alpha Insurance.

5. Les lots gros oeuvre, charpente et couverture ont été confiés à la société Max service construction Océan indien (la société MSCOI), désormais en liquidation judiciaire, assurée auprès de la société Alpha Insurance.

6. M. [H] a concouru aux travaux d'édification d'un mur de soutènement.

7. Aucune réception expresse n'est intervenue entre le vendeur et les constructeurs.

8. La maison a été livrée aux acquéreurs le 1er novembre 2014 et donnée à bail.

9. Ensuite de l'apparition de désordres, les acquéreurs ont assigné le vendeur, la société Amtrust Syndicates Ltd, la société Axa et M. [H] en indemnisation de leurs préjudices. M. [W], M. [M], pris en sa qualité de liquidateur de la société Alpha Insurance, déclarée en faillite selon la loi danoise, et la société [T], prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société MSCOI et de M. [W], ont été appelés en intervention forcée.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa troisième branche, du pourvoi incident n° E 22-22.793 des acquéreurs

10. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.




Sur le premier moyen du pourvoi principal n° E 22-22.793 de la société Axa et sur le premier moyen du pourvoi incident n° E 22-22.793 de la société Alpha Insurance, rédigés en termes similaires, réunis

Enoncé des moyens

11. Par son premier moyen, la société Axa fait grief à l'arrêt du 9 septembre 2022 de retenir la réception tacite de l'ouvrage à la date du 1er novembre 2014, de la condamner, comme assureur de M. [W], in solidum avec la société Lloyd's Insurance Company, assureur du vendeur, à payer la somme de 254 000 euros aux acquéreurs au titre de la reprise des désordres affectant la villa, à indemniser les préjudices immatériels de ces derniers au titre de la reprise des désordres affectant la villa, de fixer le préjudice de jouissance des propriétaires à la somme de 34 950,00 euros, et à hauteur de 950 euros par mois, de la condamner in solidum avec M. [H], M. [W], la société Lloyd's Insurance Company à payer la somme de 102 000 euros aux acquéreurs, en qualité de propriétaires du mur de soutènement sur la largeur de leur parcelle, de fixer la perte de jouissance des propriétaires de la villa, à la somme de 950,00 euros, à partir du mois de novembre 2016 et jusqu'au versement aux propriétaires des sommes allouées pour réaliser la reprise des désordres et la remise en état de la villa afin de la rendre compatible avec la conclusion d'un bail dans des conditions décentes, de la condamner, in solidum avec M. [W], la société Lloyd's Insurance Company, la société de droit danois Alpha Insurance représentée par son liquidateur M. [M], assureur de la société MSCOI, à payer aux acquéreurs, la somme mensuelle de 950,00 euros, à partir du mois de novembre 2016 et jusqu'au versement aux propriétaires des sommes allouées pour réaliser la reprise des désordres et la remise en état de la villa afin de la rendre compatible avec la conclusion d'un bail dans des conditions décentes et de la condamner, in solidum avec M. [W], la société Lloyd's Insurance Company, assureur du vendeur, la société de droit danois Alpha Insurance représentée par son liquidateur M. [M], assureur de la société MSCOI, à payer aux acquéreurs la somme de 4 000 euros chacun à au titre de leur préjudice moral, alors « que la réception de l'ouvrage s'apprécie en la personne du maître de l'ouvrage, i.e le vendeur en l'état futur d'achèvement ; qu'en se fondant sur la prise de possession et la livraison aux acquéreurs de l'ouvrage non achevé, sur l'établissement d'une attestation d'achèvement du maître d'oeuvre, sur une lettre du notaire confirmant la réception des acquéreurs, sur un contrat de bail entre les acquéreurs et un tiers et sur l'habitabilité de la maison à la date de la livraison aux acquéreurs, la cour d'appel n'a pas caractérisé la manifestation de volonté non équivoque du maître de l'ouvrage, la SCCV Liane de feu, vendeur en l'état futur d'achèvement, de recevoir l'ouvrage et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil. »

12. Par son premier moyen, la société Alpha Insurance, représentée par son liquidateur, M. [M], agissant comme assureur de la société MSCOI, fait grief à l'arrêt de retenir une réception tacite de l'ouvrage au début novembre 2014 et, en conséquence, de prononcer diverses condamnations in solidum à l'encontre des intervenants à la construction, notamment de l'entreprise de gros oeuvre, et de leurs assureurs, aux fins d'indemniser les acquéreurs de leurs divers préjudices, alors « que la réception de l'ouvrage s'apprécie en la personne du maître de l'ouvrage ; qu'en l'espèce, pour retenir une réception tacite par le maître de l'ouvrage, en l'occurrence le vendeur en état futur d'achèvement, l'arrêt attaqué s'est fondé sur la livraison de l'ouvrage « aux acquéreurs », l'établissement par le maître d'oeuvre d'une « attestation d'achèvement des travaux », une « lettre du notaire (?) confirmant la réception tacite », un « contrat de bail » conclu entre les acquéreurs et un tiers ainsi que le caractère « habitable » de l'ouvrage à sa date de livraison ; qu'en statuant par de tels motifs ne caractérisent pas la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir les travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil. »

Réponse de la Cour

13. Ayant relevé que le maître de l'ouvrage-vendeur avait livré, dès sa prise de possession, le 1er novembre 2024, le bien immobilier aux acquéreurs, que ceux-ci l'avaient donné le jour même à bail, qu'il avait établi une attestation d'achèvement des travaux et installé, à ses frais, un groupe électrogène destiné à assurer l'alimentation en électricité de la villa, la cour d'appel, qui en a souverainement déduit, sans apprécier les conditions de la réception en la personne des acquéreurs, que la société Liane de feu, maître de l'ouvrage et vendeur, avait clairement voulu prendre possession et accepter, sans équivoque, l'ouvrage, a pu retenir une réception tacite à cette date.

14. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le premier moyen, pris en ses deux premières branches, du pourvoi incident n° E 22-22.793 des acquéreurs

Enoncé du moyen

15. Les acquéreurs font grief à l'arrêt du 9 septembre 2022 de refuser d'assortir la somme de 254 000 euros allouée au titre de la reprise des désordres de la villa de l'indexation sollicitée, alors :

« 1°/ que les premiers juges avaient indexé l'indemnité due aux exposants au titre du préjudice matériel sur la variation de l'indice BT 01 ; que les exposants sollicitaient en cause d'appel l'indexation des indemnités dues au titre du préjudice matériel ; que pour condamner la société Axa France et la société Lloyd's Insurance company à payer aux exposants, au titre du préjudice matériel affectant la villa, la somme de 254 000 euros sans indexation, la cour d'appel a relevé que l'indexation ne faisait l'objet d'aucune discussion entre les parties ; qu'en statuant ainsi, elle a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que les premiers juges avaient indexé l'indemnité due à M. [K] et Mme [S] au titre du préjudice matériel sur la variation de l'indice BT 01 ; que les exposants sollicitaient en cause d'appel l'indexation des indemnités dues au titre du préjudice matériel ; que pour condamner la société Axa France et la société Lloyd's Insurance Company à payer aux exposants, au titre du préjudice matériel affectant la villa, la somme de 254 000 euros sans indexation, la cour d'appel a relevé que l'indexation ne faisait l'objet d'aucune discussion entre les parties ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

16. La cour d'appel n'a pas statué, dans le dispositif de l'arrêt, sur la demande d'indexation de l'indemnité, ni pour y faire droit, ni pour la rejeter.

17. Sous le couvert de griefs de violation de la loi, le moyen dénonce, en réalité, une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas lieu à ouverture à cassation.

18. Le moyen est donc irrecevable.

Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, du pourvoi incident n° E 22-22.793 des acquéreurs

Enoncé du moyen

19. Les acquéreurs font le même grief à l'arrêt du 9 septembre 2022, alors « que dans les motifs de sa décision, la cour d'appel a dit que M. [W], maître d'oeuvre, devait être condamné à verser aux exposants une somme de 254 000 euros au titre du préjudice matériel affectant la villa, in solidum avec la société Axa France et la société Lloyd's Insurance Company ; que, dans le dispositif de sa décision, elle a condamné de ce chef la société Axa France et la société Lloyd's Insurance company, mais pas M. [W] ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

20. La cour d'appel n'a pas statué, dans le dispositif de l'arrêt, sur la demande d'indemnité formée contre M. [W] au titre des désordres affectant la villa, ni pour y faire droit, ni pour la rejeter.

21. Sous le couvert du grief de violation de la loi, le moyen dénonce en fait une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas lieu à ouverture à cassation.

22. Le moyen est donc irrecevable.

Sur le second moyen du pourvoi incident n° E 22-22.793 des acquéreurs

Enoncé du moyen

23. Les acquéreurs font grief à l'arrêt du 9 septembre 2022 de refuser d'assortir la somme de 102 000 euros allouée au titre de la réfection du mur de soutènement de l'indexation sollicitée, alors :

« 1°/ que les premiers juges avaient indexé l'indemnité à M. [K] et Mme [S] au titre du préjudice matériel sur la variation de l'indice BT 01 ; que les exposants sollicitaient en cause d'appel l'indexation des indemnités dues au titre du préjudice matériel ; qu'au titre du préjudice matériel relatif au mur de soutènement, la cour d'appel a prononcé contre les constructeurs et leurs assureurs une condamnation à verser aux exposants une somme de 102 000 euros, « à la date du 9 août 2021 en cas d'indexation du coût des travaux » ; qu'en statuant ainsi, par une énonciation ne permettant pas de déterminer si elle assortissait ou non la condamnation prononcée d'une indexation, la cour d'appel a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que les premiers juges avaient indexé l'indemnité due aux exposants au titre du préjudice matériel sur la variation de l'indice BT 01 ; que les exposants sollicitaient en cause d'appel l'indexation des indemnités dues au titre du préjudice matériel ; que pour prononcer contre les constructeurs et leurs assureurs, au titre du préjudice matériel relatif au mur de soutènement, une condamnation à verser aux exposants une somme de 102 000 euros, « à la date du 9 août 2021 en cas d'indexation du coût des travaux », la cour d'appel a relevé que l'indexation ne faisait l'objet d'aucune discussion entre les parties ; qu'en statuant ainsi, elle a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »


Réponse de la Cour

24. La cour d'appel n'a pas statué, dans le dispositif de l'arrêt, sur la demande d'indexation de l'indemnité, ni pour y faire droit, ni pour la rejeter, y compris par l'ajout de la mention « à la date du 9 août 2021 en cas d'indexation du coût des travaux » dans le chef de dispositif fixant le montant de l'indemnité.

25. Sous le couvert du grief de violation de la loi, le moyen dénonce en fait une omission de statuer qui, pouvant être réparée par la procédure prévue à l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas lieu à ouverture à cassation.

26. Le moyen est donc irrecevable.

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi principal n° E 22-22.793 de la société Axa et sur le deuxième moyen du pourvoi incident n° E 22-22.793 de la société Alpha Insurance, rédigés en termes similaires, réunis

Enoncé des moyens

27. Par son deuxième moyen, la société Axa fait grief à l'arrêt du 9 septembre 2022 de la condamner, comme assureur de M. [W], in solidum avec la société Lloyd's Insurance Company, assureur du vendeur, à payer la somme de 254 000 euros aux acquéreurs au titre de la reprise des désordres affectant la villa, à indemniser les préjudices immatériels de ces derniers au titre de la reprise des désordres affectant la villa, de fixer le préjudice de jouissance des propriétaires à la somme de 34 950,00 euros, et à hauteur de 950 euros par mois, de la condamner in solidum avec M. [H], M. [W], la société Lloyd's Insurance Company à payer la somme de 102 000 euros aux acquéreurs, en qualité de propriétaires du mur de soutènement sur la largeur de leur parcelle, de fixer la perte de jouissance des propriétaires de la villa, à la somme de 950,00 euros, à partir du mois de novembre 2016 et jusqu'au versement aux propriétaires des sommes allouées pour réaliser la reprise des désordres et la remise en état de la villa afin de la rendre compatible avec la conclusion d'un bail dans des conditions décentes, de la condamner, in solidum avec M. [W], la société Lloyd's Insurance Company, la société de droit danois Alpha Insurance représentée par son liquidateur M. [M], assureur de la société MSCOI, à payer aux acquéreurs, la somme mensuelle de 950,00 euros, à partir du mois de novembre 2016 et jusqu'au versement aux propriétaires des sommes allouées pour réaliser la reprise des désordres et la remise en état de la villa afin de la rendre compatible avec la conclusion d'un bail dans des conditions décentes et de la condamner, in solidum avec M. [W], la société Lloyd's Insurance Company, assureur du vendeur, la société de droit danois Alpha Insurance représentée par son liquidateur M. [M], assureur de la société MSCOI, à payer aux acquéreurs la somme de 4 000 euros chacun à au titre de leur préjudice moral, alors « que l'acceptation délibérée des risques par le maître de l'ouvrage exonère le maître d'oeuvre de la responsabilité encourue au titre de l'article 1792 du code civil ; qu'en retenant la responsabilité décennale du maître d'oeuvre, M. [W], assuré par la société Axa France IARD, pour la raison que le défaut de réalisation des fondations dans un sol adapté est imputable à titre principal au maître d'oeuvre chargé d'une mission complète, quand elle relevait que « la SCCV Liane de feu [maître d'ouvrage, vendeur en vefa] a pris le risque délibéré de ne pas faire réaliser d'étude de sol avant la réalisation des travaux malgré l'avis défavorable du contrôleur technique », la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et violé l'article 1792 du code civil. »

28. Par son deuxième moyen, la société Alpha Insurance fait grief à l'arrêt du 9 septembre 2022 de prononcer diverses condamnations in solidum à l'encontre des intervenants à la construction, notamment de l'entreprise de gros oeuvre, et de leurs assureurs, aux fins d'indemniser les acquéreurs de leurs divers préjudices, alors « que l'acceptation délibérée des risques par le maître de l'ouvrage exonère les constructeurs de leur responsabilité au titre de la garantie décennale ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a relevé que le maître de l'ouvrage avait « pris le risque délibéré de ne pas faire réaliser d'étude de sol avant la réalisation des travaux malgré l'avis défavorable du contrôleur technique » ; qu'en retenant néanmoins la responsabilité décennale des locateurs d'ouvrage, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article 1792 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792 du code civil :

29. Aux termes de ce texte, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

30. Constitue la cause étrangère, au sens de ce texte, l'acceptation délibérée du risque par le maître de l'ouvrage, qui exonère en tout ou partie les constructeurs de leur responsabilité tant à son égard qu'à l'égard de l'acquéreur.

31. Pour condamner les sociétés Axa et Alpha Insurance à indemniser les acquéreurs sur le fondement de la responsabilité décennale, l'arrêt retient que les intervenants à la construction de la villa et du mur de soutènement ne démontrent pas que les désordres avérés, de nature décennale, ont été provoqués par une cause étrangère.

32. En statuant ainsi, après avoir retenu que le maître de l'ouvrage avait pris le risque délibéré de ne pas faire réaliser d'étude de sol avant la réalisation des travaux malgré l'avis défavorable du contrôleur technique et que sa faute justifiait que son assureur, la société Lloyd's Insurance Company, ne soit garantie par les sociétés Axa et Alpha Insurance qu'à hauteur de la moitié des dommages, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

Et sur le quatrième moyen du pourvoi n° M 23-18.548 de la société Axa

Enoncé du moyen

33. La société Axa fait grief à l'arrêt du 12 mai 2023 de constater l'omission de statuer affectant l'arrêt du 9 septembre 2022, de dire que dans leurs rapports respectifs, inopposables aux acquéreurs, M. [H] et M. [W], ainsi que leur assureur respectif, seront tenus de garantir la société Lloyd's Insurance Company à hauteur de 50 % des préjudices subis, sous réserve que cet assureur ait dédommagé les acquéreurs, au titre des désordres affectant le mur de soutènement et de dire que dans leurs rapports respectifs, inopposables aux acquéreurs, M. [W], ainsi que leur assureur respectif, la société Axa, la société Alpha Insurance, seront tenus de garantir la société Lloyd's Insurance Company à hauteur de 50 % des préjudices subis, sous réserve que cet assureur ait dédommagé les acquéreurs, au titre des désordres affectant leur villa, alors « que la cassation entraîne l'annulation par voie de conséquence de toute décision qui est la suite, l'application ou l'exécution du jugement cassé ou qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, d'où il suit que la cassation qui sera prononcée de l'arrêt rendu le 9 septembre 2022 par la cour d'appel de Saint-Denis sur le pourvoi n° E 22-22.793 entraînera par voie de conséquence l'annulation de l'arrêt attaqué, par application de l'article 625, alinéa 2, du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 624 du code de procédure civile :

34. Selon ce texte, la cassation s'étend à l'ensemble des dispositions de la décision cassée ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

35. La cassation des condamnations prononcées contre la société Axa au profit des acquéreurs entraîne la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt du 12 mai 2023 disant qu'elle doit, ainsi que M. [W], son assuré garantir la société Lloyd's Insurance Company, assureur du maître de l'ouvrage, à hauteur de 50 % des préjudices subis.

Portée et conséquences de la cassation

36. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des condamnations prononcées contre la société Alpha Insurance au profit des acquéreurs entraîne la cassation du chef de dispositif de l'arrêt du 12 mai 2023 disant que la société Alpha Insurance est tenue, de garantir la société Lloyd's Insurance Company, assureur du maître de l'ouvrage, à hauteur de 50 % des préjudices subis au titre des désordres affectant la villa, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

37. En application du même texte, la cassation des condamnations prononcées contre la société Axa entraîne la cassation du chef de dispositif condamnant la société Alpha Insurance à garantir cet assureur, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

38. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer sur le troisième moyen du pourvoi incident de la société Alpha Insurance, qui ne s'attaque à aucun chef de dispositif qui ne serait atteint par la cassation prononcée sur le deuxième moyen de son pourvoi incident et sur le deuxième moyen du pourvoi principal n° E 22-22.793 de la société Axa.

39. La cassation prononcée sur le deuxième moyen du pourvoi n° E 22-22.793 de la société Axa s'étendant, par voie de conséquence, aux chefs de dispositif attaqués par le troisième moyen du pourvoi de cette société, il n'y a pas lieu de statuer sur ce troisième moyen.

Mise hors de cause

40. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de mettre hors de cause la société Alpha Insurance, représentée par son liquidateur, M. [M], en sa qualité d'assureur de M. [W], dès lors que la cour d'appel de renvoi devra se prononcer sur le contrat d'assurance applicable aux dommages dont cet assuré serait déclaré responsable.

41. Il n'y a pas lieu non plus de mettre hors de cause les acquéreurs, dont la présence est nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :

- fixe la somme de 254 000 euros correspondant à la reprise des désordres de la villa au passif de la société Max service construction Océan indien ;
- condamne la société Axa France IARD, assureur de M. [W], à payer la somme de 254 000 euros à M. [K] et Mme [S] au titre de la reprise des désordres affectant la villa ;
- condamne la société Axa France IARD, assureur de M. [W], à indemniser les préjudices immatériels de M. [K] et Mme [S] au titre de la reprise des désordres affectant la villa ;
- condamne in solidum M. [W] et la société Axa France IARD à payer la somme de 102 000 euros à M. [K] et Mme [S], en qualité de propriétaires du mur de soutènement sur la largeur de leur parcelle ;
- condamne in solidum M. [W], la société Axa France IARD et la société Alpha Insurance représentée par son liquidateur M. [M], assureur de la société Max service construction Océan indien, à payer à M. [K] et Mme [S] la somme mensuelle de 950,00 euros, à partir du mois de novembre 2016 et jusqu'au versement aux propriétaires des sommes allouées pour réaliser la reprise des désordres et la remise en état de la villa afin de la rendre compatible avec la conclusion d'un bail dans des conditions décentes ;
- condamne in solidum M. [W], la société Axa France IARD et la société Alpha Insurance représentée par son liquidateur M. [M], assureur de la société Max service construction Océan indien, à payer la somme de 4 000 euros à M. [K] au titre de son préjudice moral ;
- condamne in solidum M. [W], la société Axa France IARD et la société Alpha Insurance représentée par son liquidateur M. [M], assureur de la société Max service construction Océan indien, à payer la somme de 4 000 euros à Mme [S] au titre de son préjudice moral ;
- fixe au passif de la liquidation de la société Max service construction Océan indien, représentée par M. [T], ès qualités, la somme de 254 000 euros au titre des désordres affectant la villa des intimés, les sommes dues au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral des propriétaires ;
- déboute la société Axa France IARD de son appel en garantie dirigé contre la société Liane de feu et son assureur, aux droits duquel vient la société Lloyd's Insurance Company ;
- condamne la société Alpha Insurance, représentée par son liquidateur M. [M], à garantir la société Axa France IARD à hauteur de 50 % des sommes dues, et payées, à M. [K] et Mme [S], exclusion étant faite des sommes dues au titre des travaux de reprise du mur de soutènement ;
- condamne M. [H], à garantir la société Axa France IARD à hauteur de 50 % des sommes dues et payées, au seul titre des désordres affectant le mur de soutènement, à l'exclusion de celles relevant des préjudices liés aux désordres affectant la villa de M. [K] et Mme [S] ;
- dit que dans leurs rapports respectifs, inopposables aux acquéreurs, M. [W], ainsi que son assureur, seront tenus de garantir la société Lloyd's Insurance Company à hauteur de 50 % des préjudices subis, sous réserve que cet assureur ait dédommagé les acquéreurs, au titre des désordres affectant le mur de soutènement ;
- dit que dans leurs rapports respectifs, inopposables aux acquéreurs, M. [W], ainsi que leur assureur respectif, la société Axa France IARD, la société Alpha Insurance, seront tenus de garantir la société Lloyd's Insurance Company à hauteur de 50 % des préjudices subis, sous réserve que cet assureur ait dédommagé les acquéreurs, au titre des désordres affectant la villa de M. et Mme [Y] [lire de M. [K] et Mme [S]] ;
- et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

l'arrêt rendu le 9 septembre 2022, rectifié par arrêt du 12 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ;

Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause M. [K], Mme [S] et la société Alpha Insurance, représentée par son liquidateur, M. [M], en sa qualité d'assureur de M. [W] ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt du 9 septembre 2022 et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis autrement composée ;

Condamne M. [K] et Mme [S] aux dépens des pourvois principal et incidents n° E 22-22.793 ;

Condamne la société Lloyd's Insurance Company aux dépens du pourvoi n° M 23-18.548 ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300589

Un syndicat des copropriétaires a qualité pour agir en réparation de dommages ayant leur origine dans les parties communes et affectant les parties privatives d'un ou plusieurs lots

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 novembre 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 585 FS-B

Pourvoi n° X 23-14.464




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 NOVEMBRE 2024

1°/ M. [D] [W], domicilié [Adresse 5],

2°/ la Mutuelle des architectes français, société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° X 23-14.464 contre l'arrêt rendu le 26 janvier 2023 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-3), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Areas dommages, compagnie d'assurances, dont le siège est [Adresse 4], prise en sa qualité d'assureur de la société Nice côté peinture,

2°/ au syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 6], représenté par son syndic en exercice la société Athena immobilier, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ à la société Nice coté peinture, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

défendeurs à la cassation.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt.

La société Nice côté peinture a également formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt.

Les demandeurs au pourvoi principal invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation.

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

La société Nice côté peinture invoque, à l'appui de son recours, cinq moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller doyen, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [W] et de la Mutuelle des architectes français, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Nice coté peinture, de la SARL Le Prado-Gilbert, avocat de la société Areas dommages, de la SCP Spinosi, avocat du syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7], et l'avis de M. Burgaud, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 1er octobre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Boyer, conseiller doyen rapporteur, MM. Pety, Brillet, Mmes Foucher-Gros, Guillaudier, conseillers, M. Zedda, Mmes Vernimmen, Rat, Bironneau, M. Cassou de Saint-Mathurin, conseillers référendaires, M. Burgaud, avocat général référendaire, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 26 janvier 2023), le syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 7] (le syndicat des copropriétaires) a confié à la société Nice côté peinture, assurée par la société Areas dommages, des travaux de ravalement de façade et d'étanchéité de terrasses et balcons, sous la maîtrise d'oeuvre de M. [W], architecte assuré auprès de la Mutuelle des architectes français (la MAF).

2. Se plaignant de divers désordres, le syndicat des copropriétaires a, après expertise, assigné M. [W], la MAF, la société Nice côté peinture et la société Areas dommages, en réparation de ses préjudices, outre ceux, matériels et de jouissance, de copropriétaires.

Examen des moyens

Sur les moyens du pourvoi principal et sur les quatre premiers moyens du pourvoi incident de la société Nice côté peinture

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le cinquième moyen du pourvoi incident de la société Nice côté peinture

Enoncé du moyen

4. La société Nice côté peinture fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que, dans leurs recours entre eux, les intervenants responsables seront garantis des condamnations prononcées à leur encontre à proportion du partage de responsabilité et de rejeter sa demande tendant à voir condamner M. [W] et la MAF à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre, alors « que l'obligation contractée solidairement envers le créancier se divise de plein droit entre les débiteurs qui n'en sont tenus entre eux que chacun pour sa part et portion ; qu'en l'espèce, la société NCP condamnée in solidum, demandait à la cour d'appel de condamner M. [W] et son assureur la MAF à la relever et garantir des condamnations prononcées à son encontre ; qu'en énonçant que compte tenu du partage de responsabilité à savoir 40 % pour M. [W] et 60 % pour la SARL NCP, les demandes de relevé et garantie entre coresponsables ne pourraient prospérer, la cour d'appel a violé l'article 1213 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 et les principes régissant l'obligation in solidum. »

Réponse de la Cour

5. Sous le couvert d'un grief de violation de la loi, le moyen critique, en réalité, une omission de statuer qui, pouvant être réparée par application des dispositions de l'article 463 du code de procédure civile, ne donne pas lieu à ouverture à cassation.

6. Le moyen est donc irrecevable.

Mais sur le moyen du pourvoi incident du syndicat des copropriétaires

Enoncé du moyen

7. Le syndicat des copropriétaires fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevables ses demandes formées au titre des préjudices matériel et de jouissance subis par les copropriétaires, alors « que le syndicat des copropriétaires est recevable à agir en réparation de dommages ayant leur origine dans les parties communes et affectant les parties privatives d'un ou plusieurs lots et qu'en ce cas, il n'est pas nécessaire que le préjudice soit subi de la même manière par l'ensemble des copropriétaires ; qu'en considérant, au contraire, que l'action du syndicat des copropriétaires suppose que le préjudice matériel et de jouissance présente un caractère collectif et soit supporté de manière identique par tous les copropriétaires ou les lots ou une grande partie d'entre eux et que, dans le cas présent, seuls quatre copropriétaires étaient affectés par les désordres d'infiltrations et que la nature et l'étendue du préjudice de jouissance n'étaient pas identique au regard de l'importance respective du préjudice subi et qu'il ne pouvait être retenu un préjudice de jouissance collectif qui affecterait indifféremment et de la même manière tous les copropriétaires en ce que les désordres concerneraient une résidence de grand standing, quand l'action du syndicat des copropriétaires [Adresse 7] au titre du préjudice matériel et de jouissance des copropriétaires n'était pas subordonnée au fait que le préjudice soit subi de la même manière par l'ensemble des copropriétaires, la cour d'appel a violé l'article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

8. M. [W] et la MAF contestent la recevabilité du moyen. Ils soutiennent que le grief est contraire à la position du syndicat des copropriétaires devant la cour d'appel.

9. Cependant, le syndicat des copropriétaires ayant soutenu, dans ses conclusions d'appel, qu'il avait qualité pour agir, tant à titre personnel qu'au nom de chaque copropriétaire dès lors que les préjudices individuels subis par ceux-ci trouvaient leur origine dans les parties communes de l'immeuble, le moyen n'est pas contraire à sa position en appel.

10. Le moyen est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article 15, alinéas 1er et 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 :

11. En application de ce texte, un syndicat des copropriétaires a qualité pour agir en réparation de dommages ayant leur origine dans les parties communes et affectant les parties privatives d'un ou plusieurs lots (3e Civ., 23 juin 2004, pourvoi n° 03-10.475, Bull. 2004, III, n° 128).

12. Il n'est pas nécessaire, en ce cas, que le préjudice, qu'il soit matériel ou immatériel, soit subi de la même manière par l'ensemble des copropriétaires.

13. Pour déclarer irrecevable l'action du syndicat des copropriétaires en réparation des préjudices matériel et de jouissance subis par quatre copropriétaires, l'arrêt énonce qu'une telle action n'est recevable que si les préjudices présentent un caractère collectif et sont supportés de manière identique par tous les copropriétaires ou une grande partie d'entre eux, et retient qu'en l'espèce seuls quatre copropriétaires sont affectés par les désordres d'infiltrations et que la nature et l'étendue du préjudice subi par chacun d'entre eux n'est pas identique.

14. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Mise hors de cause

15. En application de l'article 625 du code de procédure civile, il y a lieu de mettre hors de cause la société Areas dommages, dont la présence n'est pas nécessaire devant la cour d'appel de renvoi.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal et le pourvoi incident de la société Nice côté peinture ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable la demande formée par le syndicat des copropriétaires [Adresse 7] au titre des préjudices matériel et de jouissance subis par les copropriétaires, l'arrêt rendu le 26 janvier 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Met hors de cause la société Areas dommages ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;

Condamne M. [W], la Mutuelle des architectes français et la société Nice côté peinture aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille vingt-quatre. ECLI:FR:CCASS:2024:C300585