EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le droit de la responsabilité civile, c'est-à-dire la possibilité pour une personne qui a subi un dommage d'en obtenir la réparation auprès de son auteur ou de la personne qui en répond, repose sur cinq articles du code civil quasiment inchangés depuis 1804. Or, depuis cette date, ce régime, enrichi par plus de deux siècles de jurisprudence des juridictions judiciaires et, notamment, de solutions prétoriennes de la Cour de cassation, a connu des changements profonds destinés à mieux assurer la réparation des victimes de dommages. Il en résulte un corpus de règles écrites qui ne reflète plus, aujourd'hui, la réalité de la responsabilité civile organisée par le droit français.
Ce constat, largement partagé, est à l'origine d'intenses réflexions engagées depuis les années 2000 sur la réforme de ce régime, qui se sont inscrites dans le cadre plus large de la refonte du droit des obligations, afin de renforcer l'accessibilité et la sécurité juridiques du droit de la responsabilité civile.
En 2005, un premier groupe de travail dirigé par Pierre CATALA, professeur émérite de l'Université Paris II Panthéon-Assas aujourd'hui disparu, et Geneviève VINEY, professeur honoraire à l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne, a remis au garde des Sceaux un projet de réforme des obligations et de la prescription, dit « avant-projet Catala ». Un autre projet, dit « avant-projet Terré », a été élaboré à partir de 2008 par un groupe de travail constitué au sein de l'Académie des sciences morales et politiques, sous la direction de François TERRÉ, professeur émérite de l'université Paris II Panthéon-Assas.
S'inscrivant dans ces réflexions, le Sénat a proposé dès juillet 2009, sur le rapport des sénateurs Alain ANZIANI et Laurent BÉTEILLE, 28 recommandations pour une réforme de la responsabilité civile1(*), reprises dans une proposition de loi déposée en 2010 par Laurent BÉTEILLE2(*).
Ce n'est pourtant que le 13 mars 2017 que la Chancellerie a présenté son projet de réforme de la responsabilité civile, après une consultation publique menée en 2016.
Désireuse que le Parlement puisse se saisir rapidement de ce projet de réforme, la commission des lois a créé en novembre 2017 une mission d'information afin de préparer la discussion parlementaire. Elle a désigné à cette fin un binôme de rapporteurs, Jacques BIGOT (Socialiste et républicain - Bas-Rhin) et François PILLET (Les Républicains - Cher) remplacé, à la suite de sa nomination comme membre du Conseil constitutionnel en février 2019, par André REICHARDT (Les Républicains - Bas-Rhin).
Dans le rapport intitulé « Responsabilité civile : 23 propositions pour faire aboutir une réforme annoncée », adopté le 22 juillet 20203(*) par la commission des lois, les rapporteurs font le constat de la nécessité de faire aboutir une réforme du droit de la responsabilité civile attendue et utile. La réflexion menée depuis bientôt vingt ans semble suffisamment aboutie sur certains points majeurs pour que la réforme ne soit pas différée davantage.
Les rapporteurs ont entendu dégager les axes les plus consensuels de la réforme, écartant certains sujets bloquants. Il en va ainsi, notamment, de l'intégration dans le code civil des dispositions de la loi Badinter4(*) sur les victimes d'accidents de la circulation et de leur évolution. Dans ce domaine, les deux nouveautés proposées par le texte de la Chancellerie - amélioration de l'indemnisation du conducteur fautif et extension du régime spécial à tous les accidents impliquant un chemin de fer ou un tramway circulant sur une voie propre, jusqu'à présent hors du champ de la loi Badinter - sont des modifications importantes et méritent un texte et un débat spécifiques.
Prenant comme base de travail le projet de la Chancellerie, dont la qualité est saluée par l'ensemble des acteurs, ils ont sélectionné les dispositions qui pourraient être inscrites rapidement au sein du code civil et qui reprendraient, dans un esprit pragmatique d'efficacité, les 23 propositions du rapport de la commission des lois.
***
L'article 1er de la proposition de loi modifie le code civil afin de réformer l'ensemble des dispositions relatives à la responsabilité civile.
Il abroge tout d'abord les dispositions actuelles relatives à la réparation du préjudice résultant de l'inexécution du contrat, d'une part, et celles relatives à la responsabilité extracontractuelle, d'autre part.
Il crée au sous-titre II du titre III du livre III un régime de responsabilité civile régissant les régimes de responsabilités contractuelle et extracontractuelle qui comprend des dispositions communes à ces deux régimes, tout comme des dispositions propres à chacun d'eux.
Pour assurer la bonne articulation du régime commun de responsabilité civile avec les dispositions du code civil sur les effets des contrats, l'article 1231 précise que la réparation du préjudice résultant de l'inexécution d'un contrat est soumise aux conditions du nouveau régime commun de responsabilité civile.
Le sous-titre II du titre III du livre III du code civil serait composé de cinq chapitres auxquels s'ajouteraient les dispositions relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux (chapitre VI, articles 1288 à 1288-17) et à la réparation du préjudice écologique (chapitre VII, articles 1289 à 1295), dont le contenu est inchangé par la présente proposition de loi qui se contente de les renuméroter.
Le chapitre Ier insère trois articles fixant des principes liminaires.
Actuellement, pour un même dommage, il est possible de poursuivre le responsable tant sur le fondement du régime général de responsabilité civile que sur la base de lois spéciales relatives à certains cas de responsabilité. L'article 1232 innove et prévoit qu'un régime spécial de responsabilité, lorsqu'il existe, prévaut sur le régime général de responsabilité civile, ce qui fait consensus.
L'article 1233 a deux objets. Son alinéa premier consacre le principe de « non cumul » de responsabilités ou plutôt de « non option », reconnu depuis le XIXe siècle par la jurisprudence et jamais remis en cause depuis ; il vise à priver le demandeur en réparation de toute option entre les deux régimes. Son second alinéa déroge à ce principe pour autoriser le cocontractant victime d'un dommage corporel à choisir entre la responsabilité contractuelle et la responsabilité extracontractuelle, afin de renforcer l'exercice de son droit à réparation.
L'article 1234 clarifie les conditions d'action en réparation du tiers victime d'une inexécution contractuelle en revenant sur la jurisprudence de la Cour de cassation, réaffirmée le 13 janvier 2020 en assemblée plénière, qui paraît ériger définitivement le manquement contractuel en fait générateur de responsabilité extracontractuelle. Ainsi, le tiers pourra désormais demander réparation :
- soit sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, en prouvant alors un fait générateur comme l'exige le droit commun ;
- soit, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en se soumettant alors à l'ensemble de ses règles s'il a un intérêt légitime à la bonne exécution du contrat et ne dispose d'aucune autre action en réparation de son préjudice.
Ces deux innovations, déjà suggérées par le rapport d'information sénatorial Anziani-Béteille de 2009 et l'avant-projet Catala, reprennent les propositions n°s 10 et 2 du rapport d'information de la commission des lois du Sénat adopté le 22 juillet 2020.
Le chapitre II régit les conditions de la responsabilité civile. Il est structuré en trois sections relatives aux dispositions communes aux responsabilités extracontractuelle et contractuelle (section 1), puis aux dispositions propres à ces deux régimes (sections 2 et 3).
La section 1 définit deux conditions d'engagement de la responsabilité commune aux deux régimes de responsabilité : le préjudice réparable et le lien de causalité entre le fait générateur et le dommage.
La sous-section 1, qui comprend les articles 1235 à 1238, est dédiée au préjudice réparable. Elle reprend des dispositions qui figuraient déjà dans l'avant-projet Catala et la proposition de loi de Laurent BÉTEILLE.
L'article 1235 définit le préjudice réparable en consacrant la distinction entre dommage et préjudice, longtemps suggérée par la doctrine. Ainsi, en 2003, dans son rapport sur l'indemnisation du dommage corporel, le groupe de travail dirigé par Yvonne LAMBERT-FAIVRE, professeur émérite à l'Université Jean Moulin (Lyon III), distinguait le dommage qui « relève du fait, de l'événement qui est constatable, objectif, qui appartient au domaine du fait et non du droit », du préjudice qui « relève quant à lui du droit en ce qu'il exprime une atteinte aux intérêts patrimoniaux ou extrapatrimoniaux du demandeur ».
L'article 1236 consacre dans le code civil la jurisprudence relative au caractère réparable d'un préjudice futur, reprenant la formulation retenue par la Cour de cassation.
L'article 1237 précise dans quelles conditions la perte de chance peut être retenue comme préjudice réparable et comment celui-ci doit être évalué, à l'aune de la chance perdue et non de l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée, reprenant là encore une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation.
L'article 1238 participe à la responsabilisation de la victime, en consacrant, comme l'avant-projet Catala, le caractère réparable des dépenses engagées par la victime pour prévenir la réalisation du dommage ou son aggravation.
La sous-section 2 comprend un article unique, l'article 1239, qui rappelle la nécessité de rapporter la preuve d'un lien de causalité entre le fait imputé au défendeur et le dommage.
La section 2 comprend les dispositions propres à la responsabilité extracontractuelle et consacre quatre sous-sections à chacun des faits générateurs de cette responsabilité, consacrant aux côtés des « classiques » faute, fait des choses et fait d'autrui, les troubles anormaux du voisinage.
La sous-section 1 est composée des articles 1240 et 1241. Le premier modernise la rédaction historique de l'article 1382 selon lequel « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Le second donne une définition objective de la faute, telle qu'elle est retenue par la jurisprudence.
La sous-section 2 comporte un seul article 1242 relatif à la responsabilité de plein droit du fait des choses, qui codifie une jurisprudence constante. Cet article inscrit dans le code civil la présomption irréfragable du rôle causal de la chose en cas de contact et comment doit être prouvé ce lien causal en l'absence d'un tel contact. Il définit également la notion de gardien. Il apporte une précision qui va au-delà de la jurisprudence, en restreignant ce régime de responsabilité aux seules choses corporelles, reprenant ainsi la rédaction du projet du ministère de la justice qui permet d'éviter une application trop extensive du régime de responsabilité de plein droit.
La sous-section 3 est une avancée attendue de la réforme. Déjà préconisée par les avant-projets Catala et Terré et le rapport sénatorial Anziani-Béteille de 2009, elle opère une codification des différents cas de responsabilité du fait d'autrui.
L'article 1243 consacre le caractère limitatif de la responsabilité du fait d'autrui qui ne s'appliquerait qu'aux seuls cas reconnus par les articles 1244 à 1248.
L'article 1244 innove en posant le principe que la responsabilité du fait d'autrui repose sur la preuve d'un fait de nature à engager la responsabilité de l'auteur direct du dommage, prenant ainsi le contrepied de la Cour de cassation qui a reconnu une responsabilité de plein droit des père et mère du fait des dommages causés par leur enfant mineur, même en l'absence de faute de leur enfant.
L'article 1245, relatif à la situation du mineur , reconnaît une responsabilité de plein droit des parents exerçant l'autorité parentale - supprimant ainsi le critère de cohabitation prévu par l'ancien article 1242 - et des tuteurs, déjà reconnue de manière prétorienne. Il codifie également la jurisprudence Blieck de 1991 en prévoyant une responsabilité de plein droit du fait d'un mineur de la personne chargée, par décision judiciaire ou administrative, d'organiser et de contrôler à titre permanent son mode de vie. Cette responsabilité est exclusive de celle des parents ou tuteurs.
L'article 1246 prévoit cette même responsabilité de plein droit par la personne chargée par décision judiciaire ou administrative d'organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie d'un majeur, protégé ou non.
L'article 1247 innove en instituant une responsabilité du fait d'autrui pour faute présumée des personnes qui, par contrat et à titre professionnel, assument la surveillance d'autrui, majeur ou mineur, ou l'organisation et le contrôle de son activité. Cet article permet ainsi de prendre en compte les activités de surveillance ou de contrôle qu'opèrent certains professionnels (par exemple, les assistantes maternelles, les centres de loisirs, les maisons de retraite), tout en laissant au professionnel la possibilité de prouver son absence de faute.
L'article 1248 reprend la jurisprudence existante en matière de responsabilité de plein droit du commettant du fait de son préposé. Il confirme les possibilités d'exonération du commettant dans le cadre d'un abus de fonctions, consacrant les trois conditions cumulatives reconnues par la Cour de cassation selon laquelle « le commettant ne s'exonère de sa responsabilité que si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions ». Il ajoute comme cas d'exonération celui où la victime ne pouvait légitimement croire que le préposé agissait pour le compte du commettant. Enfin, il intègre le principe de l'immunité civile du préposé, tout en y apportant deux exceptions.
La sous-section 4, composée d'un unique article 1249, codifie le principe prétorien selon lequel « nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ».
La section 3 comprend les dispositions propres à la responsabilité extracontractuelle.
L'article 1250 précise que l'inexécution du contrat, y compris le retard, suffit à engager la responsabilité du débiteur défaillant, peu important sa gravité dès lors qu'un dommage a été causé.
Les articles 1251 et 1252 reprennent sous une forme modifiée le texte des actuels articles 1231-3 et 1231, abrogés par la proposition de loi. Le premier définit le préjudice réparable dans le cadre de la responsabilité contractuelle (« les conséquences de l'inexécution raisonnablement prévisibles lors de la formation du contrat ») et le second détermine lorsqu'une mise en demeure préalable est nécessaire.
Le chapitre III fixe les causes d'exonération ou d'exclusion de responsabilité.
La section 1 est composée des articles 1253 à 1256 et porte sur les causes d'exonération.
L'article 1253 donne une définition de la force majeure propre à la matière extracontractuelle, dans la continuité de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations qui a déterminé, à l'article 1218 du code civil, les conditions de la force majeure en matière contractuelle.
L'article 1254 consacre la solution jurisprudentielle en vertu de laquelle la faute de la victime vient limiter son indemnisation en exonérant partiellement l'auteur du dommage. Cette solution classique est assortie d'une exception novatrice dans la mesure où seule une faute lourde pourra réduire la réparation en cas de dommage corporel.
Reprenant l'esprit d'une proposition du rapport d'information sénatorial Anziani-Béteille de 2009, l'article 1255 corrige une jurisprudence sévère qui vient limiter l'indemnisation de la victime privée de discernement qui a commis une faute. Seule la faute revêtant les caractères de la force majeure aura ainsi un effet exonératoire.
L'article 1256 consacre la solution jurisprudentielle en vertu de laquelle la faute de la victime directe est opposable aux victimes par ricochet.
La section 2 est composée d'un unique article 1257 qui reproduit dans le code civil les causes d'exclusion du code pénal.
Le chapitre IV, composé des articles 1258 à 1283, comporte les règles relatives aux effets de la responsabilité qui précisent les modalités de réparation des préjudices résultant d'un dommage. Ces règles sont communes aux régimes de responsabilité contractuelle et extracontractuelle, sauf précision contraire.
La section 1 comprend les articles 1258 à 1268 et pose les principes de la réparation.
La sous-section 1 affirme le principe de réparation intégrale du préjudice (article 1258) en reprenant la définition établie de manière constante par la jurisprudence : il a pour objet de replacer la victime autant qu'il est possible dans la situation antérieure au dommage, sans qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit. L'article 1259 consacre la dualité des formes de réparation : réparation en nature ou réparation pécuniaire et, le cas échéant, une combinaison des deux pour assurer la réparation intégrale du préjudice.
La sous-section 2 encadre la réparation en nature qui, selon l'article 1260, a pour objet de supprimer, réduire ou compenser le dommage. Elle ne peut, selon l'article 1261, être imposée à la victime, ce qui n'est pas nettement admis par la jurisprudence aujourd'hui. Elle est aussi exclue en cas d'impossibilité ou de disproportion manifeste entre son coût pour le responsable et son intérêt pour la victime, comme l'est l'exécution forcée en nature d'une obligation. Ce même article donne également au juge la faculté d'autoriser la victime à prendre elle-même des mesures de réparation en nature aux frais du responsable, ce qui est une évolution déjà souhaitée par les avant-projets Catala et Terré ainsi que la proposition de loi de Laurent BÉTEILLE.
La sous-section 3 fixe les règles relatives à la détermination et au versement des dommages et intérêts.
L'article 1262 consacre deux solutions jurisprudentielles bien établies : d'une part, l'évaluation du montant de l'indemnisation au jour du jugement, en tenant compte des évolutions intervenues depuis ; d'autre part, la possibilité pour la victime de réclamer un complément d'indemnité en cas d'aggravation du dommage postérieurement au jugement. Au surplus, il lui permet, en cas de dommage corporel, de demander une indemnisation complémentaire pour tout chef de préjudice résultant de ce même dommage mais non inclus dans la demande initiale, alors que la jurisprudence est hésitante sur ce point. Enfin, cet article innove également en posant le principe de l'évaluation distincte de chaque chef de préjudice et met fin à la technique de l'évaluation globale « tous chefs de préjudices confondus », trop défavorable aux victimes. De plus, tout rejet d'une demande devrait faire l'objet d'une motivation spéciale du juge.
L'article 1263 prévoit, comme le faisait la proposition de loi de Laurent BÉTEILLE, que les dommages et intérêts sont versés en capital ou sous forme d'une rente ce qui correspond à la pratique. Il innove en indexant cette dernière sur un indice fixé par voie réglementaire, afin d'éviter les indexations à des référentiels divers. Il reprend aussi le droit en vigueur à l'article 44 de la loi Badinter du 5 juillet 1985 permettant de convertir la rente en capital, selon une table de conversion déterminée par voie réglementaire.
L'article 1264 consacre, contrairement à la jurisprudence actuelle de la Cour de cassation, l'obligation pour la victime d'éviter l'aggravation de son préjudice, en droite ligne des avant-projets Catala, Terré et de la proposition de loi sénatoriale de 2010. Il reprend une préconisation du rapport d'information de la commission des lois du 22 juillet 2020 et fait de la limitation des dommages et intérêts une faculté ouverte au juge si la victime n'a pas pris les mesures « sûres, raisonnables et proportionnées » propres à éviter l'aggravation de son préjudice.
L'article 1265 consacre le principe de libre disposition par la victime des sommes allouées.
L'article 1266 reprend sans modification les dispositions de l'actuel article 1231-7, abrogé par la présente proposition de loi, relatives à l'application de l'intérêt légal lors de l'octroi d'une indemnité en justice.
La sous-section 4 ne comprend que l'article 1267 qui établit une solidarité légale entre les coresponsables d'un dommage et organise leur contribution à la dette en l'ajustant à la gravité des fautes commises et à un nouveau critère, celui du rôle causal des faits générateurs, qu'ils soient fautifs ou non.
L'unique article 1268 de la sous-section 5 confère au juge du fond en matière extracontractuelle le pouvoir d'ordonner des mesures tendant à prévenir la survenance d'un dommage ou à faire cesser le trouble illicite auquel est exposé le demandeur. Cette mesure viendrait utilement compléter les pouvoirs octroyés au juge des référés, qui peut déjà prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.
La section 2 du chapitre IV propose des règles particulières à la réparation des préjudices résultant de certaines catégories de dommage et introduit plusieurs propositions du rapport d'information de la commission des lois du 22 juillet 2020.
La sous-section 1, comprenant les articles 1269 à 1280, est relative à la réparation des préjudices résultant d'un dommage corporel.
L'article 1269 définit le dommage corporel comme « toute atteinte à l'intégrité physique ou psychique de la personne », reprenant les termes de l'avant-projet Terré.
L'article 1270 créé un régime spécial de réparation des préjudices résultant d'un dommage corporel, qu'il rend applicable aux deux ordres de juridiction. Il prévoit enfin qu'il n'est possible de déroger à ces règles qu'en faveur de la victime.
Plusieurs articles traitent ensuite de l'évaluation des préjudices. Codifiant une jurisprudence désormais bien établie, l'article 1271 garantit l'indifférence de prédispositions pathologiques sur le droit à indemnisation de la victime. Les articles 1272 et 1273 prévoient respectivement l'adoption, par décret, d'une nomenclature des chefs de préjudices réparables et d'un barème médical d'invalidité, tous deux contraignants mais non limitatifs.
L'article 1274 fixe par principe le versement de l'indemnisation sous forme d'une rente indexée, avec possibilité d'y déroger, pour certains postes de préjudices patrimoniaux subis sur une longue période.
Les articles 1275 à 1280 fixent les modalités de recours des tiers payeurs et reprennent, en les modifiant pour certains, plusieurs articles de la loi Badinter du 5 juillet 1985.
L'article 1275 limite le recours des tiers payeurs sur les indemnités versées à la victime aux cas limitativement énumérés par la loi.
L'article 1276 reprend le droit existant s'agissant des prestations ouvrant droit au recours subrogatoire contre le responsable ou son assureur. L'article 1277 reprend également, sans le modifier, l'article 32 de la loi Badinter ouvrant aux employeurs un recours subrogatoire contre le responsable ou son assureur sur les charges patronales.
L'article 1278 perpétue la règle du recours subrogatoire poste par poste, mais la restreint aux seuls postes de préjudices patrimoniaux, mettant fin à une jurisprudence contestée de la Cour de cassation. Il encadre aussi la mise en oeuvre du droit de préférence de la victime par rapport au tiers payeur à deux cas pouvant conduire à une indemnisation partielle : insolvabilité du responsable et faute de la victime, étant précisé que seule la faute lourde est opposable à une victime de dommage corporel.
L'article 1279 reprend à droit constant le principe selon lequel aucune autre prestation que celles visées dans la loi ne peut faire l'objet d'une action contre le responsable ou son assureur et l'article 1280 reprend à l'identique les modalités de représentation de l'organisme de sécurité sociale chargé du remboursement des soins auprès du responsable ou de son assureur.
La sous-section 2 comprend les articles 1281 et 1282 créant un régime spécial de réparation des préjudices résultant d'un dommage matériel. L'article 1281 permet d'ordonner la mesure la plus appropriée entre réparation et remplacement du bien, en reprenant la jurisprudence selon laquelle la victime a droit à une indemnisation correspondant à la valeur du bien endommagé ou détruit, sans prise en compte de sa vétusté. L'article 1282 retient le principe de l'indemnisation de la perte de jouissance ou d'exploitation du bien.
L'article unique 1283 de la sous-section 3 reprend, en y ajoutant des précisions ponctuelles, les dispositions de l'actuel article 1231-6, abrogé par la proposition de loi, sur les dommages et intérêts dus à raison d'un retard dans le paiement d'une somme d'argent. Le principe des intérêts forfaitaires courant à compter de la mise en demeure est maintenu ; la preuve de la mauvaise foi n'est en revanche plus requise pour l'indemnisation du préjudice supplémentaire indépendant du retard.
Le chapitre V concerne les clauses portant sur la responsabilité.
La section 1 comprend trois articles relatifs aux clauses excluant ou limitant la responsabilité.
L'article 1284 reconnaît la validité des clauses ayant pour objet ou pour effet d'exclure ou de limiter la responsabilité, sauf disposition contraire de la loi. Conformément au principe de traitement préférentiel de la victime d'un dommage corporel, cet article précise que « nul ne peut limiter ou exclure sa responsabilité à raison d'un dommage corporel ».
L'article 1285 neutralise l'effet des clauses limitatives ou exclusives de responsabilité en cas de faute lourde ou dolosive. Ces clauses sont également soumises - sans qu'il soit nécessaire de le rappeler dans le texte - à l'article 1170 qui, reprenant le principe dégagé par l'arrêt Chronopost de la Cour de cassation, dispose que « toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite ».
L'article 1286 prohibe toute clause visant à exclure ou limiter la responsabilité pour faute en matière extracontractuelle.
La section 2, relative aux clauses pénales, reprend en un article 1287 l'article 1231-5 abrogé par la proposition de loi qui précise le pouvoir du juge de modérer ou d'augmenter le montant de la clause pénale s'il est manifestement excessif ou dérisoire.
L'article 2 du texte reprend le dispositif de la proposition de loi déposée par Bruno RETAILLEAU, Michel SAVIN et plusieurs de leurs collègues le 22 février 2017, visant à adapter le droit de la responsabilité des propriétaires ou gestionnaires de sites naturels ouverts au public, adopté à deux reprises par le Sénat.
Il insère un nouvel article L. 311-1-1 au sein du code du sport qui écarte explicitement le jeu de la responsabilité du fait des choses des gardiens de sites dans lesquels s'exercent les sports de nature ou les activités de loisirs, en cas de dommages subis par les pratiquants de ces sports et activités. Le régime de la responsabilité pour faute s'appliquerait donc à ces hypothèses. Cette solution repose sur la théorie de l'acceptation des risques. Ainsi, la victime accepterait de supporter plus de risques dans un milieu naturel peu aménagé que dans un milieu aménagé.
En conséquence, il abroge l'article L. 365-1 du code de l'environnement ayant pour objet d'inviter le juge à prendre en compte les particularités du milieu naturel pour atténuer la responsabilité du gardien de la chose, qui n'a plus lieu d'être.
L'article 3 abroge les articles de la loi Badinter du 5 juillet 1985 relatifs aux recours des tiers payeurs et aux modalités de conversion d'une rente indemnitaire en capital, qui sont reprises dans le code civil par la présente proposition de loi.
L'article 4 détermine l'application outre-mer des dispositions de la présente proposition de loi. L'article 5 fixe les conditions de son entrée en vigueur au 1er janvier 2022 et son application aux instances en cours.
* 1 « Responsabilité civile : des évolutions nécessaires ». Rapport d'information n° 558 (2008-2009) de MM. Alain ANZIANI et Laurent BÉTEILLE, déposé le 15 juillet 2009, fait au nom de la commission des lois. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :
* 2 Proposition de loi n° 657 (2009-2010) portant réforme de la responsabilité civile, présentée par M. Laurent BÉTEILLE, déposée au Sénat le 9 juillet 2010.
* 3 « Responsabilité civile : 23 propositions pour faire aboutir une réforme annoncée ». Rapport d'information n° 663 (2019-2020) fait par MM. Jacques BIGOT et André REICHARDT au nom de la commission des lois. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2019/r19-663-notice.html
* 4 Loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation.
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