mercredi 12 février 2025

Portée d'une expertise privée

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

CL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 30 janvier 2025




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 63 F-D

Pourvoi n° E 23-15.414




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025

La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 23-15.414 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2023 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [E] [Y],

2°/ à Mme [F] [X], épouse [Y],

tous deux domiciliés [Adresse 1],

3°/ à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 5],

4°/ à la société Compagnie d'études et de recherches techniques du bâtiment (CERTBAT), société à responsabilité limitée unipersonnelle, exerçant sous le nom commercial Euro'Etanche, dont le siège est [Adresse 6],

5°/ à la société [D] [Z] MJO, mandataires judiciaires, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], ayant un établissement secondaire [Adresse 4], prise en la personne de M. [D] [Z], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Compagnie d'études et de recherches techniques du bâtiment,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bironneau, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et de la société Compagnie d'études et de recherches techniques du bâtiment, de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. et Mme [Y], après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Bironneau, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 9 mars 2023), M. et Mme [Y] ont confié à la société Compagnie d'études et de recherches techniques du bâtiment (la société CERTBAT), assurée auprès de la SMABTP et de la société Axa France IARD (la société Axa), des travaux de réfection de l'étanchéité et de l'isolation de leur toiture-terrasse.

2. Se plaignant d'infiltrations, M. et Mme [Y] ont, après expertise, assigné la société CERTBAT, la SMABTP et la société Axa en indemnisation de leurs préjudices.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La société Axa fait grief à l'arrêt de la condamner à verser à M. et Mme [Y] une certaine somme au titre de la reprise des désordres liés aux infiltrations, alors :

« 1°/ que seuls les désordres compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination dans les dix ans à compter de la réception relèvent de la garantie décennale ; que la cour d'appel a constaté que ressortait du rapport d'expertise judiciaire déposé le 16 janvier 2017 l'absence d'infiltrations dans l'angle nord-ouest du séjour le 11 janvier 2017 suite à la mise en eau de la terrasse sur une hauteur de cinq à six centimètres pendant quarante-huit heures, aucune trace de fluorescéine adjointe à l'eau n'étant apparue dans l'immeuble, ce qui avait conduit l'expert à conclure à l'absence de désordres, et que le rapport complémentaire d'expertise déposé le 28 juin 2022 n'avait permis de constater que la présence d'auréoles sèches affectant ledit plafond, sans aucune possibilité d'investigations complémentaires quant à l'existence de désordres affectant les travaux de la société CERTBAT ; qu'en retenant néanmoins, pour condamner la société Axa à verser à M et Mme [Y] la somme de 6 922,48 euros au titre de la reprise des désordres liés aux infiltrations dans le séjour et la chambre de l'étage, l'existence de désordres de nature décennale affectant les travaux de la société CERTBAT, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1792 du code civil ;

2°/ que le juge ne peut se fonder sur une expertise privée réalisée à la demande de l'une des parties pour asseoir la preuve des faits dont l'existence est débattue qu'à la condition qu'elle soit corroborée par d'autres éléments de preuve objectifs ; qu'en retenant, pour juger que la preuve de l'existence de désordres de nature décennale qui auraient affecté les travaux de la société CERTBAT était rapportée par le rapport d'expertise privée de M. [B], qu'il était corroboré par le rapport de la société Arthex, quand cette dernière s'était contentée de procéder à des relevés d'humidité sur les plafonds du salon des époux [Y], et à une visite de la terrasse sans procéder à aucune investigation de nature à mettre en évidence l'existence de désordres affectant les travaux de la société CERTBAT à l'origine des infiltrations, de sorte que son rapport, qui procédait par voie de pure affirmation, ne pouvait en aucun cas corroborer les conclusions de M. [B] relatives à l'existence de tels désordres, la cour d'appel a derechef violé l'article 1792 du code civil ;

3°/ que la cour d'appel, qui s'est fondée sur un rapport d'expertise privée que rien ne venait corroborer, sinon un autre rapport d'expertise privée, a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

4. La cour d'appel, qui a constaté que l'expert judiciaire avait fait état, dans ses deux rapports successifs, de traces d'anciennes infiltrations, sans pouvoir les imputer à la société CERTBAT, a relevé, d'une part, que la société Arthex mentionnait, dans son rapport amiable, un taux d'humidité important au plafond du séjour et concluait que l'infiltration se produisait au niveau de la partie de l'étanchéité située près de la naissance de l'évacuation des eaux pluviales, d'autre part, que, dans son rapport d'expertise privée, M. [B] confirmait l'existence d'une humidité dans l'angle du plafond du séjour et qu'il avait constaté, après un test de mise en eau, une infiltration dans l'angle nord-ouest au droit de l'évacuation des eaux pluviales.

5. Ces deux rapports d'expertise privée se corroborant l'un l'autre tant sur la persistance du désordre après l'expertise judiciaire initiale que sur l'existence d'un lien entre l'humidité récurrente et l'évacuation des eaux pluviales située dans l'angle du toit-terrasse, sur laquelle la société CERTBAT était intervenue, la cour d'appel a pu en déduire que celle-ci avait engagé sa responsabilité décennale.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Axa France IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Axa France IARD à payer à M. et Mme [Y] la somme globale de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300063

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