Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 23-16.768
- ECLI:FR:CCASS:2025:C300060
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du jeudi 30 janvier 2025
Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, du 04 avril 2023- Président
- Mme Teiller (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 janvier 2025
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 60 F-D
Pourvoi n° B 23-16.768
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025
La société Brunel entreprise, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 23-16.768 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2023 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Auvergne bétons spéciaux, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Brunel entreprise, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Foucher-Gros, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 4 avril 2023), la société Brunel entreprise (la société Brunel) a participé à la construction d'une station d'épuration pour la commune de [Localité 3].
2. La société Brunel a sous-traité son marché à la société Auvergne bétons spéciaux (la société Auvergne bétons).
3. La réception a eu lieu le 11 juin 2012.
4. Se plaignant du mauvais fonctionnement de la station, la commune de [Localité 3] a, sur requête du 28 janvier 2014, obtenu du juge des référés du tribunal administratif qu'un expert soit désigné, par ordonnance du 3 juin 2014.
5. Par acte du 20 mai 2021, la société Brunel a assigné la société Auvergne bétons devant un tribunal judiciaire afin d'être relevée et garantie par celle-ci des condamnations qui pourraient être prononcées à son égard.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. La société Brunel fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, du fait de la prescription quinquennale, son recours en garantie contre son sous-traitant, alors « que le constructeur ne peut agir en garantie avant d'être lui-même assigné aux fins de paiement ou d'exécution de l'obligation en nature, de sorte qu'une assignation non accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription du recours en garantie ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action en garantie du constructeur contre le sous-traitant, l'arrêt attaqué a énoncé que le premier avait assigné le second « seulement le 20 mai 2021 », soit « bien au-delà du délai de cinq ans (?) depuis le 28 janvier 2014 », date de la procédure de référé-expertise introduite devant la juridiction administrative par le maître de l'ouvrage à l'encontre du constructeur, et « dans le meilleur des cas depuis le 12 février 2014 », date de son « mémoire en défense » devant cette juridiction ; qu'en statuant ainsi, quand les pièces régulièrement versées aux débats révélaient que l'assignation en garantie avait été délivrée bien moins de cinq ans après le recours de pleine juridiction adressé le 18 janvier 2021 à la juridiction administrative par le maître de l'ouvrage aux fins d'indemnisation, la cour d'appel a violé les articles 2219 et 2224 du code civil ainsi que l'article L 110-4 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2219 et 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce :
7. Aux termes du premier de ces textes, la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.
8. Il résulte des deux derniers que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
9. Il en est ainsi du recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915, publié).
10. Il est jugé (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié) que le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d'être lui-même assigné aux fins de paiement ou d'exécution d'une obligation en nature, il ne peut être considéré comme inactif, pour l'application de la prescription extinctive, avant l'introduction de ces demandes principales.
11. Dès lors, l'assignation, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures.
12. Pour déclarer irrecevables les demandes de la société Brunel, l'arrêt retient que cette société a assigné la société Auvergne bétons le 20 mai 2021, plus de cinq années après le 28 janvier 2014, date à laquelle la requête aux fins d'expertise la concernant avait été adressée au juge des référés du tribunal administratif par le maître de l'ouvrage, ou à tout le moins plus de cinq années après le 12 février 2014, date de son mémoire en défense devant le juge administratif, saisi en référé-expertise.
13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, à quelle date une demande indemnitaire avait été formée contre elle par le maître de l'ouvrage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la société Auvergne bétons spéciaux aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt-cinq.ECLI:FR:CCASS:2025:C300060
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 janvier 2025
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 60 F-D
Pourvoi n° B 23-16.768
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 30 JANVIER 2025
La société Brunel entreprise, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 23-16.768 contre l'arrêt rendu le 4 avril 2023 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Auvergne bétons spéciaux, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Foucher-Gros, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Brunel entreprise, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Foucher-Gros, conseiller rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 4 avril 2023), la société Brunel entreprise (la société Brunel) a participé à la construction d'une station d'épuration pour la commune de [Localité 3].
2. La société Brunel a sous-traité son marché à la société Auvergne bétons spéciaux (la société Auvergne bétons).
3. La réception a eu lieu le 11 juin 2012.
4. Se plaignant du mauvais fonctionnement de la station, la commune de [Localité 3] a, sur requête du 28 janvier 2014, obtenu du juge des référés du tribunal administratif qu'un expert soit désigné, par ordonnance du 3 juin 2014.
5. Par acte du 20 mai 2021, la société Brunel a assigné la société Auvergne bétons devant un tribunal judiciaire afin d'être relevée et garantie par celle-ci des condamnations qui pourraient être prononcées à son égard.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
6. La société Brunel fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable, du fait de la prescription quinquennale, son recours en garantie contre son sous-traitant, alors « que le constructeur ne peut agir en garantie avant d'être lui-même assigné aux fins de paiement ou d'exécution de l'obligation en nature, de sorte qu'une assignation non accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription du recours en garantie ; qu'en l'espèce, pour déclarer irrecevable comme prescrite l'action en garantie du constructeur contre le sous-traitant, l'arrêt attaqué a énoncé que le premier avait assigné le second « seulement le 20 mai 2021 », soit « bien au-delà du délai de cinq ans (?) depuis le 28 janvier 2014 », date de la procédure de référé-expertise introduite devant la juridiction administrative par le maître de l'ouvrage à l'encontre du constructeur, et « dans le meilleur des cas depuis le 12 février 2014 », date de son « mémoire en défense » devant cette juridiction ; qu'en statuant ainsi, quand les pièces régulièrement versées aux débats révélaient que l'assignation en garantie avait été délivrée bien moins de cinq ans après le recours de pleine juridiction adressé le 18 janvier 2021 à la juridiction administrative par le maître de l'ouvrage aux fins d'indemnisation, la cour d'appel a violé les articles 2219 et 2224 du code civil ainsi que l'article L 110-4 du code de commerce. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 2219 et 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce :
7. Aux termes du premier de ces textes, la prescription extinctive est un mode d'extinction d'un droit résultant de l'inaction de son titulaire pendant un certain laps de temps.
8. Il résulte des deux derniers que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
9. Il en est ainsi du recours d'un constructeur contre un autre constructeur ou son sous-traitant (3e Civ., 16 janvier 2020, pourvoi n° 18-25.915, publié).
10. Il est jugé (3e Civ., 14 décembre 2022, pourvoi n° 21-21.305, publié) que le constructeur ne pouvant agir en garantie avant d'être lui-même assigné aux fins de paiement ou d'exécution d'une obligation en nature, il ne peut être considéré comme inactif, pour l'application de la prescription extinctive, avant l'introduction de ces demandes principales.
11. Dès lors, l'assignation, si elle n'est pas accompagnée d'une demande de reconnaissance d'un droit, ne serait-ce que par provision, ne peut faire courir la prescription de l'action du constructeur tendant à être garanti de condamnations en nature ou par équivalent ou à obtenir le remboursement de sommes mises à sa charge en vertu de condamnations ultérieures.
12. Pour déclarer irrecevables les demandes de la société Brunel, l'arrêt retient que cette société a assigné la société Auvergne bétons le 20 mai 2021, plus de cinq années après le 28 janvier 2014, date à laquelle la requête aux fins d'expertise la concernant avait été adressée au juge des référés du tribunal administratif par le maître de l'ouvrage, ou à tout le moins plus de cinq années après le 12 février 2014, date de son mémoire en défense devant le juge administratif, saisi en référé-expertise.
13. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, à quelle date une demande indemnitaire avait été formée contre elle par le maître de l'ouvrage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 avril 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la société Auvergne bétons spéciaux aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente janvier deux mille vingt-cinq.
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