Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 24-13.651
- ECLI:FR:CCASS:2025:C300426
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 02 octobre 2025
Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, du 12 septembre 2023- Président
- Mme Proust (conseillère doyenne faisant fonction de présidente)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 2 octobre 2025
Cassation partielle
Mme PROUST, conseillère doyenne faisant fonction de présidente
Arrêt n° 426 F-D
Pourvoi n° J 24-13.651
Aide juridictionnelle partielle en demande
au profit de M. [R] [E].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 8 février 2024.
Aide juridictionnelle partielle en demande
au profit de M. [Y] [U], épouse [E].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 juillet 2024.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 OCTOBRE 2025
1°/ M. [R] [E],
2°/ Mme [Y] [U], épouse [E],
tous deux domiciliés [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° J 24-13.651 contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2023 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [G] [B],
2°/ à Mme [S] [B],
tous deux domiciliés [Adresse 3],
3°/ à la commune de [Localité 5] représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité [Adresse 6],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. et Mme [E], après débats en l'audience publique du 1er juillet 2025 où étaient présents Mme Proust, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean, conseillère faisant fonction de doyenne, Mme Maréville, greffière de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. et Mme [E] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la commune de [Localité 5].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 12 septembre 2023) et les productions, M. et Mme [E] sont propriétaires d'une maison d'habitation et de terrains attenants situés de part et d'autre de la [Adresse 7], sur la commune de [Localité 5] (la commune).
3. M. et Mme [B] ont acquis de la commune une parcelle cadastrée section AK n° [Cadastre 1], également située [Adresse 7], en face de la maison de M. et Mme [E]. La commune a conservé la propriété d'une parcelle cadastrée section AK n° [Cadastre 2], dépendant de son domaine privé, bordant la même rue et séparant, sur une partie, la parcelle cadastrée section AK n° [Cadastre 1] de la voie publique.
4. Soutenant subir diverses nuisances du fait des aménagements opérés par M. et Mme [B], M. et Mme [E], après expertise, les ont assignés ainsi que la commune, en réalisation, aux frais de l'une ou l'autre des parties, des travaux préconisés par l'expert, comprenant la pose d'un collecteur des eaux pluviales sur une construction édifiée par M. et Mme [B], la matérialisation de la limite séparative entres les diverses parcelles et la voie publique, la réalisation de divers aménagements dans la rue des jardins, et en indemnisation.
5. La commune a soulevé une exception d'incompétence.
6. M. et Mme [E] ont, en cause d'appel, abandonné leur demande en réalisation de travaux dirigée contre la commune.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. M. et Mme [E] font grief à l'arrêt de renvoyer les parties à mieux se pourvoir sur la demande tendant à ce que la commune ou M. et Mme [B] soient condamnés à réaliser des travaux sur la [Adresse 7] et de rejeter l'ensemble de leurs demandes, alors « que les travaux réalisés par une personne privée ne constituent des travaux publics qu'à la condition d'être faits pour le compte d'une personne publique et dans un but d'intérêt général ; que le fait qu'ils soient réalisés sur le domaine public ou privé de l'administration ne leur confère pas le caractère de travaux publics ; que les juridictions administratives sont seules compétentes pour connaître des litiges liés à l'exécution de travaux publics ; qu'en l'espèce, en cause d'appel, les demandeurs se bornaient à solliciter des juges qu'ils ordonnent à leurs voisins, personnes privées, d'installer un chéneau sur le toit du bâtiment privatif qu'ils avaient fait édifier sur leur terrain, afin d'assurer l'écoulement des eaux ; qu'en confirmant le jugement qui avait retenu la compétence du juge administratif au motif pris de la « situation géographique » des travaux, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif impropre, a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII. »
Réponse de la Cour
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III :
8. Il est jugé qu'ont le caractère de travaux publics les travaux immobiliers répondant à une fin d'intérêt général et qui comportent l'intervention d'une personne publique, soit en tant que collectivité réalisant les travaux, soit comme bénéficiaire de ces derniers (Tribunal des conflits, 18 décembre 2000, n° 3225 ; 1re Civ., 6 octobre 2010, pourvoi n° 09-15.448, Bull. 2010, I, n° 195).
9. Pour déclarer le juge judiciaire incompétent pour statuer sur la demande de travaux formée par M. et Mme [E], l'arrêt retient que les parcelles dont M. et Mme [B] sont propriétaires sont partiellement constituées de dépendances du domaine public, qui leur ont été cédées par erreur et sans déclassement, de sorte que, au regard de leur situation géographique, les travaux réclamés à M. et Mme [B] sont nécessairement des travaux publics que seul le juge administratif a compétence pour ordonner.
10. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les seuls travaux dont l'exécution était demandée à hauteur d'appel, consistant en la condamnation de M. et Mme [B] à poser un chéneau sur un de leurs bâtiments et à y raccorder deux tuyaux d'évacuation des eaux issues de leur propriété, répondaient à une fin d'intérêt général et comportaient l'intervention d'une personne publique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt confirmant le jugement en ce qu'il renvoie les parties à mieux se pourvoir sur la demande tendant à ce que la commune ou M. et Mme [B] soient condamnés à réaliser des travaux sur la [Adresse 7] n'entraîne pas celle des chefs de dispositif condamnant M. et Mme [B] à payer à M. et Mme [E] une certaine somme en réparation d'un trouble de jouissance, qui sont justifiés par d'autres motifs, non remis en cause par le pourvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il renvoie les parties à mieux se pourvoir sur la demande tendant à ce que la commune de [Localité 5] ou M. et Mme [B] soient condamnés à réaliser des travaux sur la [Adresse 7] située sur la commune de [Localité 5] et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 12 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. et Mme [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme [B] à payer à la SCP Alain Bénabent la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le deux octobre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300426
CIV. 3
CL
COUR DE CASSATION
______________________
Arrêt du 2 octobre 2025
Cassation partielle
Mme PROUST, conseillère doyenne faisant fonction de présidente
Arrêt n° 426 F-D
Pourvoi n° J 24-13.651
Aide juridictionnelle partielle en demande
au profit de M. [R] [E].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 8 février 2024.
Aide juridictionnelle partielle en demande
au profit de M. [Y] [U], épouse [E].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 15 juillet 2024.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 OCTOBRE 2025
1°/ M. [R] [E],
2°/ Mme [Y] [U], épouse [E],
tous deux domiciliés [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° J 24-13.651 contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2023 par la cour d'appel de Grenoble (2e chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [G] [B],
2°/ à Mme [S] [B],
tous deux domiciliés [Adresse 3],
3°/ à la commune de [Localité 5] représentée par son maire en exercice domicilié en cette qualité [Adresse 6],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Baraké, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. et Mme [E], après débats en l'audience publique du 1er juillet 2025 où étaient présents Mme Proust, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, M. Baraké, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean, conseillère faisant fonction de doyenne, Mme Maréville, greffière de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et des conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à M. et Mme [E] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la commune de [Localité 5].
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 12 septembre 2023) et les productions, M. et Mme [E] sont propriétaires d'une maison d'habitation et de terrains attenants situés de part et d'autre de la [Adresse 7], sur la commune de [Localité 5] (la commune).
3. M. et Mme [B] ont acquis de la commune une parcelle cadastrée section AK n° [Cadastre 1], également située [Adresse 7], en face de la maison de M. et Mme [E]. La commune a conservé la propriété d'une parcelle cadastrée section AK n° [Cadastre 2], dépendant de son domaine privé, bordant la même rue et séparant, sur une partie, la parcelle cadastrée section AK n° [Cadastre 1] de la voie publique.
4. Soutenant subir diverses nuisances du fait des aménagements opérés par M. et Mme [B], M. et Mme [E], après expertise, les ont assignés ainsi que la commune, en réalisation, aux frais de l'une ou l'autre des parties, des travaux préconisés par l'expert, comprenant la pose d'un collecteur des eaux pluviales sur une construction édifiée par M. et Mme [B], la matérialisation de la limite séparative entres les diverses parcelles et la voie publique, la réalisation de divers aménagements dans la rue des jardins, et en indemnisation.
5. La commune a soulevé une exception d'incompétence.
6. M. et Mme [E] ont, en cause d'appel, abandonné leur demande en réalisation de travaux dirigée contre la commune.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
7. M. et Mme [E] font grief à l'arrêt de renvoyer les parties à mieux se pourvoir sur la demande tendant à ce que la commune ou M. et Mme [B] soient condamnés à réaliser des travaux sur la [Adresse 7] et de rejeter l'ensemble de leurs demandes, alors « que les travaux réalisés par une personne privée ne constituent des travaux publics qu'à la condition d'être faits pour le compte d'une personne publique et dans un but d'intérêt général ; que le fait qu'ils soient réalisés sur le domaine public ou privé de l'administration ne leur confère pas le caractère de travaux publics ; que les juridictions administratives sont seules compétentes pour connaître des litiges liés à l'exécution de travaux publics ; qu'en l'espèce, en cause d'appel, les demandeurs se bornaient à solliciter des juges qu'ils ordonnent à leurs voisins, personnes privées, d'installer un chéneau sur le toit du bâtiment privatif qu'ils avaient fait édifier sur leur terrain, afin d'assurer l'écoulement des eaux ; qu'en confirmant le jugement qui avait retenu la compétence du juge administratif au motif pris de la « situation géographique » des travaux, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif impropre, a violé la loi des 16-24 août 1790, le décret du 16 fructidor an III et l'article 4 de la loi du 28 pluviôse an VIII. »
Réponse de la Cour
Vu la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III :
8. Il est jugé qu'ont le caractère de travaux publics les travaux immobiliers répondant à une fin d'intérêt général et qui comportent l'intervention d'une personne publique, soit en tant que collectivité réalisant les travaux, soit comme bénéficiaire de ces derniers (Tribunal des conflits, 18 décembre 2000, n° 3225 ; 1re Civ., 6 octobre 2010, pourvoi n° 09-15.448, Bull. 2010, I, n° 195).
9. Pour déclarer le juge judiciaire incompétent pour statuer sur la demande de travaux formée par M. et Mme [E], l'arrêt retient que les parcelles dont M. et Mme [B] sont propriétaires sont partiellement constituées de dépendances du domaine public, qui leur ont été cédées par erreur et sans déclassement, de sorte que, au regard de leur situation géographique, les travaux réclamés à M. et Mme [B] sont nécessairement des travaux publics que seul le juge administratif a compétence pour ordonner.
10. En se déterminant ainsi, sans rechercher si les seuls travaux dont l'exécution était demandée à hauteur d'appel, consistant en la condamnation de M. et Mme [B] à poser un chéneau sur un de leurs bâtiments et à y raccorder deux tuyaux d'évacuation des eaux issues de leur propriété, répondaient à une fin d'intérêt général et comportaient l'intervention d'une personne publique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
11. La cassation du chef de dispositif de l'arrêt confirmant le jugement en ce qu'il renvoie les parties à mieux se pourvoir sur la demande tendant à ce que la commune ou M. et Mme [B] soient condamnés à réaliser des travaux sur la [Adresse 7] n'entraîne pas celle des chefs de dispositif condamnant M. et Mme [B] à payer à M. et Mme [E] une certaine somme en réparation d'un trouble de jouissance, qui sont justifiés par d'autres motifs, non remis en cause par le pourvoi.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il renvoie les parties à mieux se pourvoir sur la demande tendant à ce que la commune de [Localité 5] ou M. et Mme [B] soient condamnés à réaliser des travaux sur la [Adresse 7] située sur la commune de [Localité 5] et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 12 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne M. et Mme [B] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. et Mme [B] à payer à la SCP Alain Bénabent la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le deux octobre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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