mercredi 15 octobre 2025

Trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

FC



COUR DE CASSATION
______________________


Arrêt du 2 octobre 2025




Cassation partielle


Mme PROUST, conseillère doyenne faisant fonction de présidente



Arrêt n° 430 F-D

Pourvoi n° W 23-22.513




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 OCTOBRE 2025

Le groupement agricole d'exploitation en commun des Rocs, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 2], a formé le pourvoi n° W 23-22.513 contre l'arrêt rendu le 20 septembre 2023 par la cour d'appel de Riom (3e chambre civile et commerciale), dans le litige l'opposant à M. [X] [B], domicilié [Adresse 1], [Localité 2], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Choquet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat du groupement agricole d'exploitation en commun des Rocs, de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de M. [B], après débats en l'audience publique du 1er juillet 2025 où étaient présents Mme Proust, conseillère doyenne faisant fonction de présidente, M. Choquet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Grandjean, conseillère faisant fonction de doyenne, et Mme Maréville, greffière de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des présidente et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 20 septembre 2023), le groupement agricole d'exploitation en commun des Rocs (le GAEC) est propriétaire d'une parcelle sur laquelle est édifié un bâtiment permettant la stabulation de quarante-trois vaches laitières.

2. Soutenant que l'édification par M. [B], propriétaire de la parcelle contiguë, d'un hangar accolé obstruait tant les entrées de lumière que les ventilations de son bâtiment et constituait un trouble anormal de voisinage, le GAEC l'a assigné en démolition du hangar et indemnisation.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. Le GAEC fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ; que dans ses conclusions d'appel, le GAEC des Rocs faisait valoir que l'édification du hangar de M. [B], directement accolé au mur de sa stabulation, lui occasionnait non seulement une perte de luminosité naturelle, mais rendait également désormais impossible une ventilation correcte du bâtiment d'exploitation ; qu'il insistait sur le fait que l'accolement du hangar litigieux empêchait d'assurer une ventilation efficace de la stabulation, accueillant 43 génisses, et donc une utilisation normale de ce bâtiment d'élevage au risque de porter atteinte à la santé et au bien-être des animaux ; qu'en se bornant à affirmer, pour débouter le GAEC des Rocs de toutes ses demandes, que, compte tenu de la nature de « jours de souffrance » des ouvertures litigieuses et de la situation préexistante tenant à la présence d'une importante végétation masquant la lumière, le trouble généré par l'édification du hangar de M. [B] et l'obstruction des ouvertures en pavés de verre qui en était résultée ne pouvait être qualifié d'anormal, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si les nuisances causées par l'obstruction des ventilations, qui empêchait désormais une aération correcte de la stabulation et partant une utilisation de ce bâtiment d'élevage, n'excédaient pas les inconvénients normaux du voisinage, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 544 du code civil, ensemble le principe selon lequel nul ne peut causer à autrui un trouble anormal de voisinage. »


Réponse de la Cour

Vu le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage :

4. Pour rejeter les demandes du GAEC, l'arrêt retient que les ouvertures créées dans le mur du bâtiment permettant la stabulation consistent en des jours de souffrance qui ne permettent pas l'acquisition d'une servitude de vue, que le voisin peut à tout moment mettre un terme à un jour en élevant une construction en limite séparative et qu'il résulte des photographies produites qu'avant la réalisation du hangar litigieux, il existait une importante végétation le long du mur qui masquait évidemment la lumière, de sorte que, si les travaux réalisés par M. [B] ont eu pour effet d'obstruer les jours de souffrance constitués par les pavés de verre, ces travaux ne constituent pas un trouble pouvant être qualifié d'anormal au regard de la situation préexistante.

5. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l'édification du hangar par M. [B] n'avait pas eu pour effet une obstruction des ventilations empêchant une aération suffisante du bâtiment permettant la stabulation de nature à causer au GAEC un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette les demandes reconventionnelles de M. [B], l'arrêt rendu le 20 septembre 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. [B] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [B] et le condamne à payer au groupement agricole d'exploitation en commun des Rocs la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé publiquement le deux octobre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.ECLI:FR:CCASS:2025:C300430

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