Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 23-12.536
- ECLI:FR:CCASS:2024:C300531
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 03 octobre 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 18 novembre 2022- Président
- Mme Teiller (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
CC
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 octobre 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 531 F-D
Pourvoi n° B 23-12.536
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 OCTOBRE 2024
L'Association cultuelle de la grande mosquée de Clichy-Montfermeil, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 23-12.536 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Kilic batiment, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de l'Association cultuelle de la grande mosquée de Clichy-Montfermeil, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Kilic batiment, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 novembre 2022), en 2009, l'Association cultuelle de la grande mosquée de Clichy-Montfermeil (l'association) a confié à la société Kilic bâtiment des travaux de construction d'un immeuble.
2. La société Kilic bâtiment a suspendu l'exécution des travaux pour non-paiement des situations, puis a assigné l'association aux fins de paiement et de résiliation du contrat de construction.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. L'association fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Kilic bâtiment une certaine somme à titre d'indemnité contractuelle de résiliation, alors « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être respectées par le juge ; qu'en l'espèce, il résulte de l'article 13 de la lettre de commande, dont les termes ont été rappelés par la cour, qu'« en cas de retard dans la délivrance de l'ordre de service n° 2 (?) au-delà d'un délai de 180 jours, le présent contrat qui lie le maitre d'ouvrage et l'entrepreneur sera purement et simplement résilié. Dans ce cas, le maitre d'ouvrage s'acquittera auprès de l'entrepreneur, d'une indemnité complémentaire égale à 30 % du montant des travaux restant à exécuter. Cette indemnité sera versée à l'entrepreneur, au plus tard 30 jours après l'établissement d'un constat contradictoire de l'état d'avancement du chantier. Ce constat sera établi par huissier » ; que cette indemnité contractuelle n'était donc due qu'en cas de résiliation de plein droit du contrat consécutive au retard dans la délivrance de l'ordre de service ; qu'en condamnant l'A.C.G.M.C.M à payer à la société Kilic bâtiment la somme de 1 631 818,62 euros, quand la résiliation du contrat avait été prononcée judiciairement aux torts exclusifs de l'A.C.G.M.C.M pour absence de paiement de situations de travaux et de fourniture d'une garantie, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134, alinéa 1er, devenu 1103 du code civil :
5. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
6. Pour condamner l'association au paiement d'une indemnité contractuelle, l'arrêt constate que, selon l'article 13 de la lettre de commande, en cas de retard dans la délivrance de l'ordre de service n° 2 au-delà d'un délai de 180 jours, le contrat sera purement et simplement résilié et, dans ce cas, le maître de l'ouvrage s'acquittera auprès de l'entrepreneur d'une indemnité complémentaire égale à 30 % du montant des travaux restant à exécuter.
7. Il retient que cette clause constitue une clause pénale en ce qu'elle fixe forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractuelle et qu'elle trouve à s'appliquer car la résiliation du marché a été prononcée aux torts exclusifs de l'association.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'indemnité était due, non en cas de résiliation judiciaire du marché pour non-paiement du prix des travaux, mais en cas de résiliation de plein droit pour délivrance tardive de l'ordre de service n° 2, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation du chef de dispositif relatif à la clause pénale n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'association aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'Association cultuelle de la grande mosquée de [Localité 3] à payer à la société Kilic bâtiment la somme de 1 631 618,62 euros au titre de l'article 13 de la lettre de commande, avec intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2009, l'arrêt rendu le 18 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Kilic bâtiment aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Kilic bâtiment et la condamne à payer à l'Association cultuelle de la grande mosquée de Clichy-Montfermeil la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300531
CIV. 3
CC
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 3 octobre 2024
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 531 F-D
Pourvoi n° B 23-12.536
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 OCTOBRE 2024
L'Association cultuelle de la grande mosquée de Clichy-Montfermeil, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 23-12.536 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société Kilic batiment, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de l'Association cultuelle de la grande mosquée de Clichy-Montfermeil, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Kilic batiment, après débats en l'audience publique du 3 septembre 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller doyen, et Mme Maréville, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 novembre 2022), en 2009, l'Association cultuelle de la grande mosquée de Clichy-Montfermeil (l'association) a confié à la société Kilic bâtiment des travaux de construction d'un immeuble.
2. La société Kilic bâtiment a suspendu l'exécution des travaux pour non-paiement des situations, puis a assigné l'association aux fins de paiement et de résiliation du contrat de construction.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
4. L'association fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société Kilic bâtiment une certaine somme à titre d'indemnité contractuelle de résiliation, alors « que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être respectées par le juge ; qu'en l'espèce, il résulte de l'article 13 de la lettre de commande, dont les termes ont été rappelés par la cour, qu'« en cas de retard dans la délivrance de l'ordre de service n° 2 (?) au-delà d'un délai de 180 jours, le présent contrat qui lie le maitre d'ouvrage et l'entrepreneur sera purement et simplement résilié. Dans ce cas, le maitre d'ouvrage s'acquittera auprès de l'entrepreneur, d'une indemnité complémentaire égale à 30 % du montant des travaux restant à exécuter. Cette indemnité sera versée à l'entrepreneur, au plus tard 30 jours après l'établissement d'un constat contradictoire de l'état d'avancement du chantier. Ce constat sera établi par huissier » ; que cette indemnité contractuelle n'était donc due qu'en cas de résiliation de plein droit du contrat consécutive au retard dans la délivrance de l'ordre de service ; qu'en condamnant l'A.C.G.M.C.M à payer à la société Kilic bâtiment la somme de 1 631 818,62 euros, quand la résiliation du contrat avait été prononcée judiciairement aux torts exclusifs de l'A.C.G.M.C.M pour absence de paiement de situations de travaux et de fourniture d'une garantie, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134, alinéa 1er, devenu 1103 du code civil :
5. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
6. Pour condamner l'association au paiement d'une indemnité contractuelle, l'arrêt constate que, selon l'article 13 de la lettre de commande, en cas de retard dans la délivrance de l'ordre de service n° 2 au-delà d'un délai de 180 jours, le contrat sera purement et simplement résilié et, dans ce cas, le maître de l'ouvrage s'acquittera auprès de l'entrepreneur d'une indemnité complémentaire égale à 30 % du montant des travaux restant à exécuter.
7. Il retient que cette clause constitue une clause pénale en ce qu'elle fixe forfaitairement et d'avance l'indemnité à laquelle donnera lieu l'inexécution de l'obligation contractuelle et qu'elle trouve à s'appliquer car la résiliation du marché a été prononcée aux torts exclusifs de l'association.
8. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'indemnité était due, non en cas de résiliation judiciaire du marché pour non-paiement du prix des travaux, mais en cas de résiliation de plein droit pour délivrance tardive de l'ordre de service n° 2, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. La cassation du chef de dispositif relatif à la clause pénale n'emporte pas celle des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'association aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme en application de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres dispositions de l'arrêt non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'Association cultuelle de la grande mosquée de [Localité 3] à payer à la société Kilic bâtiment la somme de 1 631 618,62 euros au titre de l'article 13 de la lettre de commande, avec intérêts au taux légal à compter du 14 décembre 2009, l'arrêt rendu le 18 novembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne la société Kilic bâtiment aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Kilic bâtiment et la condamne à payer à l'Association cultuelle de la grande mosquée de Clichy-Montfermeil la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois octobre deux mille vingt-quatre.
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