samedi 29 juin 2024

En appel, distinction entre moyens et prétentions

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 juin 2024




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 305 F-D

Pourvoi n° K 22-23.051



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUIN 2024

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Paris, dont le siège est [Adresse 6], a formé le pourvoi n° K 22-23.051 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 3), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société [Adresse 18], société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 7], prise en son nom propre et en ce qu'elle vient aux droits et obligations de la société TLV 6 SNC,

2°/ à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 17],

3°/ à la société Yxime, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 11],

5°/ à la société Sapian, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 10], anciennement domiciliée [Adresse 2],

6°/ à la société Assistance technique en énergie et services, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 13],

7°/ à la société Cegelec Missenard, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 14],

8°/ à la société Tempeol, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 5], venant aux droits de la société Chauffage entretien, et anciennement domiciliée [Adresse 8],

9°/ à la société CBRE Design & Project, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 16], venant aux droits de la société CBRE Workspace, elle-même venant aux droits de la société Easyburo,

10°/ à la société Guinier génie climatique, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 15], venant aux droits de la société Europ'Air,

11°/ à la société Lafi Engineering, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], anciennement domiciliée [Adresse 9],

12°/ à la société MJA, société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de Mme [J] [N], en qualité de mandataire judiciaire de la société Lafi Engineering,

13°/ à la société Ajassociés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 12], prise en la personne de M. [Y] [X], en qualité d'administrateur judiciaire puis de commissaire à l'exécution du plan de la société Lafi Engineering,

14°/ à la société Esset, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], venant aux droits de la société Yxime,

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.



Sur le rapport de M. David, conseiller faisant fonction de doyen, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse primaire d'assurance maladie de Paris, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Sapian, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Esset, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Assistance technique en énergie et services, de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat des sociétés Gan assurances et Guinier génie climatique, de Me Haas, avocat des sociétés Lafi Engineering, MJA et Ajassociés, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Cegelec Missenard, de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société [Adresse 18], après débats en l'audience publique du 30 avril 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur faisant fonction de doyen, Mme Grandjean, conseiller, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 septembre 2022), le 30 avril 2007, la société Groupe immobilier Renta Corporacion, aux droits de laquelle est venue la société civile immobilière [Adresse 18] (la bailleresse), a donné à bail commercial à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la locataire) des locaux à usage de bureaux situés aux étages 29 à 35 d'un immeuble de grande hauteur.

2. En raison de défauts de ventilation empêchant l'occupation des locaux, la locataire a, le 12 mai 2011, assigné la bailleresse en résolution du contrat aux torts de celle-ci et en indemnisation de ses préjudices.

3. La société Yxime, gestionnaire de l'immeuble, aux droits de laquelle vient la société Esset, et les sociétés Sapian, Assistance technique en énergie et services, Cegelec Missenard,Tempeol, CBRE Design And Project, Guinier génie climatique, Lafi Engineering, intervenues dans l'aménagement des locaux loués ou sur le dispositif d'aération de l'immeuble, ainsi que les sociétés Gan assurances et Axa France IARD, assureurs successifs de la société Lafi Engineering, ont été assignées en intervention forcée.






Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La locataire fait grief à l'arrêt de rejeter toutes ses demandes, alors « que
la cour d'appel doit statuer sur les prétentions énoncées au dispositif et examiner les moyens au soutien de ces prétentions invoqués dans la discussion ; que les dispositions de l'article 954 du code de procédure civile n'exigent pas que les prétentions et les moyens contenus dans les conclusions d'appel figurent formellement sous un paragraphe intitulé « discussion » ; qu'il importe seulement que ces éléments apparaissent de manière claire et lisible dans le corps des conclusions ; qu'en l'espèce, en retenant que les conclusions de la CPAM de Paris ne comportaient pas une « discussion », mais simplement quatre chapitres intitulés « I. Sur la juste analyse des faits par les premiers juges », « II. Sur la juste analyse en droit par les premiers juges », « III. Sur la demande de remboursement des loyers et accessoires depuis l'entrée dans les lieux » et « IV. Sur l'indemnisation du préjudice subi », pour en déduire qu'à défaut de « discussion » elle ne pouvait pas examiner les moyens invoqués dans ces conclusions au soutien des prétentions énoncées au dispositif, la cour d'appel a violé l'article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile, ensemble l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 954, alinéas 2 et 3, du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 :

5. Aux termes du deuxième alinéa de ce texte, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l'énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière distincte.

6. Selon le troisième alinéa, la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

7. Ces dispositions, qui imposent la présentation, dans les conclusions, des prétentions ainsi que des moyens soutenus à l'appui de celles-ci, ont pour finalité de permettre, en introduisant une discussion, de les distinguer de l'exposé des faits et de la procédure, de l'énoncé des chefs de jugement critiqués et du dispositif récapitulant les prétentions. Elles tendent à assurer clarté et lisibilité des écritures des parties.

8. Elles n'exigent pas que les prétentions et les moyens contenus dans les conclusions d'appel figurent formellement sous un paragraphe intitulé « discussion ». Il importe que ces éléments apparaissent de manière claire et lisible dans le corps des conclusions (2e Civ., 29 juin 2023, pourvoi n° 22-14.432, publié).

9. Pour infirmer le jugement, l'arrêt retient que les dernières conclusions de la locataire ne comportent aucune « discussion », mais simplement quatre chapitres, intitulés « - I. Sur la juste analyse des faits par les premiers juges. - II. Sur la juste analyse en droit par les premiers juges. - III. Sur la demande de remboursement des loyers et accessoires depuis l'entrée dans les lieux - IV. Sur l'indemnisation du préjudice subi » et qu'à défaut de « discussion », la cour d'appel ne pourra examiner aucun des moyens invoqués dans ses conclusions par la locataire au soutien de ses prétentions telles qu'énoncées au dispositif, moyens qui doivent être considérés comme n'étant pas invoqués au soutien de ses demandes d'infirmation du jugement entrepris et de ses autres demandes.

10. En statuant ainsi, alors que les conclusions de la locataire devant elle distinguaient, de manière claire et lisible, les prétentions et les moyens soutenus en appel à leur appui, la cour d'appel, qui y a ajouté une condition qu'il ne prévoit pas, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Condamne la société civile immobilière [Adresse 18] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société civile immobilière Tour la Villette à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300305

mercredi 19 juin 2024

Le juge, qui constate l'existence de troubles de jouissance subis par un locataire, apprécie souverainement les mesures propres à les faire cesser

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 juin 2024




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 304 FS-B

Pourvoi n° C 22-21.250




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUIN 2024

La société Seine Ouest habitat et patrimoine, société d'économie mixte, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° C 22-21.250 contre l'arrêt rendu le 28 juin 2022 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre civile, 2e section), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [Z] [R], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à l'Assistance publique - hôpitaux de [Localité 4] (AP-HP), dont le siège est [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Grall, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Seine Ouest habitat et patrimoine, de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [R], et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 avril 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Grall, conseiller rapporteur, M. David, conseiller faisant fonction de doyen, Mme Grandjean, M. Bosse-Platière, Mmes Proust, Pic, conseillers, Mmes Schmitt, Aldigé, M. Baraké, Mmes Gallet, Davoine, MM. Pons, Choquet, conseillers référendaires, et Mme Maréville, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Seine Ouest habitat et patrimoine (la SOHP) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'Assistance publique - hôpitaux de [Localité 4] (l'AP-HP).

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 juin 2022), l'AP-HP a consenti, le 22 décembre 2006, à la société d'économie mixte de l'Arc-de-Seine (la Semads) une promesse de bail à construction portant sur deux volumes immobiliers destinés à accueillir des logements.

3. Bénéficiaire d'un droit au bail sur plusieurs logements qu'elle était autorisée à sous-louer à ses personnels, l'AP-HP a donné en location, le 1er décembre 2008, l'un d'entre-eux à Mme [R] (la locataire).

4. Se plaignant de nuisances sonores en provenance du local chaufferie situé en-dessous de son appartement, la locataire a assigné l'AP-HP en condamnation à réaliser des travaux de nature à faire cesser son trouble de jouissance.

5. L'AP-HP a appelé la Semads, aux droits de laquelle vient la SOHP, en intervention forcée.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. La SOHP fait grief à l'arrêt de la condamner sous astreinte à réaliser les travaux de transfert de la chaufferie nécessaires à la suppression des nuisances acoustiques, alors « que le débiteur d'une obligation ne peut se voir imposer les modalités d'exécution de celle-ci ; qu'en condamnant la société Sohp, qui devait, en tant que bailleur, remettre au preneur à bail un logement décent et assurer la jouissance paisible de celui-ci, à réaliser des travaux de déplacement de la chaufferie dans le local électrique situé sous le vestiaire du personnel de la maison de retraite, quand elle ne pouvait être condamnée, à ce titre qu'à mettre fin au trouble acoustique subi par Mme [R] dont elle devait répondre, en restant libre de déterminer les moyens de parvenir à ce résultat, la cour d'appel a méconnu l'article 1143 du code civil, dans sa version applicable au litige, ensemble l'article 1719 du même code. »

Réponse de la Cour

7. Le juge, qui constate l'existence de troubles de jouissance subis par un locataire, apprécie souverainement les mesures propres à les faire cesser en faisant injonction à leur auteur de procéder à des travaux.

8. Le moyen, qui postule le contraire, n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Seine Ouest habitat et patrimoine aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Seine Ouest habitat et patrimoine et la condamne à payer à Mme [R] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juin deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300304

La garantie d'assurance ne pouvait pas être mobilisée pour des faits engageant la responsabilité du sous-traitant survenus après la résiliation du contrat d'assurance

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juin 2024




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 296 F-D

Pourvoi n° E 23-10.906




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUIN 2024

La société Smac, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 23-10.906 contre l'arrêt rendu le 17 octobre 2022 par la cour d'appel de Versailles (4ème chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), société d'assurance mutuelle, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La SMABTP a formé, par un mémoire déposé au greffe, un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Smac, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la SMABTP, après débats en l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 octobre 2022), la société Bouygues bâtiment Île-de-France (la société Bouygues), en charge de la construction du satellite A du terminal 2 de l'aéroport de [4], a sous-traité le lot étanchéité sur toiture à la société Smac, assurée auprès de la SMABTP, laquelle a sous-traité la pose de la membrane en PVC à la société Bati France.

2. La réception des travaux est intervenue avec réserves en 1999.

3. Se plaignant en 2007 de désordres d'infiltrations, la société Aéroports de Paris a obtenu devant la juridiction administrative la condamnation de la société Bouygues à l'indemniser de ses préjudices.

4. La société Bouygues a assigné la société Smac et la SMABTP en paiement des condamnations mises à sa charge. Celles-ci ont appelé en garantie la société Axa France IARD (la société Axa), assureur de la société Bati France.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa seconde branche, et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa seconde branche,

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en sa première branche, et sur le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche, rédigés en termes identiques, réunis

Enoncé des moyens

6. La société Smac et la SMABTP font grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il rejette toutes leurs demandes à l'encontre de la société Axa, assureur de la société Bati France, alors « que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ; que l'article 21.1. des conditions générales de la police d'assurance souscrite par la société Bati France auprès de la société Axa prévoit que « pour chacune de ces garanties, sont recevables les sinistres notifiés à l'assureur à compter de la prise d'effet du contrat et avant le dixième anniversaire de la réception de l'opération de construction à la réalisation de laquelle l'assuré a contribué et objet du sinistre, et relatifs à des dommages (au sens de dommages construction) survenus après ladite réception et avant le dixième anniversaire de celle-ci, pour autant d'une part que l'ouverture de chantier de cette opération de construction ait eu lieu pendant la période de validité du contrat et d'autre part que ni le souscripteur ni l'assuré n'ait eu connaissance de faits ou événements susceptibles d'entraîner ces dommages avant la conclusion du contrat » ; que l'article 38.16. des conditions générales de la police d'assurance définit l'« ouverture du chantier » comme la « première intervention de l'un quelconque des entrepreneurs, y compris celui chargé de la démolition, sur le terrain ou sur l'ouvrage objet de l'opération de construction, ou l'acte visé par les directives ministérielles par lequel le maître de l'ouvrage informe du début des travaux la collectivité territoriale concernée si cet acte est antérieur à la première intervention » ; qu'il se déduit de ces stipulations qu'entrent dans le champ de la garantie les sinistres relatifs à des dommages survenus après la réception et avant le dixième anniversaire de celle-ci, dès lors que la déclaration d'ouverture de chantier de l'opération de construction a eu lieu pendant la période de validité du contrat ; qu'en l'espèce, il était constant que la déclaration d'ouverture de chantier était intervenue le 4 juillet 1997, pendant la période de validité du contrat d'assurance, qui n'a été résilié qu'à effet au 1er août 1997 ; qu'en retenant cependant, pour débouter la société Smac de son action directe, que « peu important la date de la déclaration réglementaire d'ouverture du chantier, la garantie de l'assureur n'était pas due pour un chantier auquel son assuré a participé après la résiliation du contrat d'assurance et que, compte tenu de la résiliation de la police effective au 1er août 1997 », la cour d'appel, qui a pris en compte la date d'intervention de la société Bati France, cependant que la police visait la déclaration d'ouverture de chantier, a violé l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016. » Réponse de la Cour

7. La cour d'appel a énoncé, à bon droit, que le contrat d'assurance est un contrat dans lequel la couverture d'un risque par l'assureur a pour contrepartie le paiement d'une prime par l'assuré.

8. Puis, d'une part, elle a constaté que le contrat d'assurance souscrit auprès de la société Axa par la société Bati France avait été résilié le 1er août 1997 et que cette dernière était intervenue sur le chantier après avoir conclu un contrat de sous-traitance avec la société Smac à la suite d'une offre émise le 24 février 1998, de sorte que le risque lié à la responsabilité encourue par le sous-traitant à l'occasion de cette activité de construction était né après la résiliation du contrat d'assurance.

9. D'autre part, elle a retenu que l'article 21 des conditions générales du contrat, qui posait les conditions de prise en charge d'un événement dommageable, n'avait pas pour effet d'étendre la garantie d'assurance à d'autres risques que ceux ayant existé pendant la période de validité du contrat d'assurance.

10. Elle en a exactement déduit que la garantie d'assurance ne pouvait pas être mobilisée pour couvrir des faits engageant la responsabilité du sous-traitant survenus après la résiliation du contrat d'assurance et que cette garantie n'étant pas due, les demandes contre la société Axa ne pouvaient pas prospérer.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300296

La clause de conciliation préalable « solliciter l'avis d'un expert » doit être interprétée comme la volonté des parties d'obtenir cet avis avant toute procédure judiciaire

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juin 2024




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 294 F-D

Pourvoi n° U 22-24.784




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUIN 2024

La société Architecture [Y] [S], société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 22-24.784 contre l'arrêt rendu le 15 septembre 2022 par la cour d'appel de Rennes (4e chambre), dans le litige l'opposant à la société MF Faliconnière 061, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de la société Architecture [Y] [S], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société MF Faliconnière 061, après débats en l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 15 septembre 2022) et les productions, la société MF Faliconnière 061 (la société Faliconnière) a fait construire un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes et a, pour ce faire, confié la maîtrise d'oeuvre des travaux à un groupement dont faisait partie la société Architecte [Y] [S] (la société [S]).

2. Le contrat comportait la clause suivante : « En cas de litige portant sur l'exécution du présent contrat, les parties conviennent de saisir le tribunal compétent dans la juridiction de NANTES.Toutefois, les parties s'engagent à solliciter les avis d'un expert choisi d'un commun accord, avant toute action judiciaire. »

3. Après que les parties ont désigné un expert, la société [S], sans attendre que celui-ci rende son avis, a assigné la société Faliconnière en paiement d'honoraires. Celle-ci a soulevé l'irrecevabilité de la demande pour défaut de mise en oeuvre de la tentative préalable de règlement amiable prévue au contrat.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société [S] fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes formées contre la société Faliconnière, alors :

« 1°/ que le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents qui lui sont soumis ; qu'aux termes de l'article 23 « contestations et litiges » du contrat de maîtrise d'oeuvre, conclu entre la SNC MF Falicon 061 et la société d'architecture [Y] [S], les parties se sont engagées à solliciter l'avis d'un expert choisi d'un commun accord, avant toute action judiciaire ; qu'en l'absence de conditions particulières de mise en oeuvre, cette stipulation ne constituait pas un préalable obligatoire de conciliation ; qu'en décidant qu'il résultait de la lecture de l'article 23 du contrat que les parties ne pouvaient introduire une action judiciaire qu'une fois la procédure de conciliation menée à son terme, la cour d'appel a dénaturé la clause en question et violé le principe ci-dessus rappelé ;

2°/ que, subsidiairement, le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents qui lui sont soumis ; qu'aux termes de l'article 23 « contestations et litiges » du contrat de maîtrise d'oeuvre, les parties se sont seulement engagées à solliciter l'avis d'un expert avant toute action judiciaire ; qu'en décidant qu'il résultait de la lecture de l'article 23 du contrat que les parties ne pouvaient engager une action judiciaire qu'une fois l'avis de ce professionnel rendu, la cour d'appel a dénaturé la clause en question et violé le principe ci-dessus rappelé. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que le moyen tiré du défaut de mise en oeuvre de la clause litigieuse, qui instituait une procédure de conciliation obligatoire à la saisine du juge, constituait une fin de non- recevoir.

6. En second lieu, la cour d'appel a retenu, par une interprétation nécessaire exclusive de dénaturation, que les termes « solliciter l'avis d'un expert » devaient être interprétés comme la volonté des parties d'obtenir cet avis avant toute procédure judiciaire, sauf à ce que la clause n'ait aucune portée en s'en tenant à ses termes littéraux.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Architecture [Y] [S] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300294

Recours entre constructeurs et prescription de l'article 2224 du code civil

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juin 2024




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 293 F-D

Pourvoi n° D 23-10.514



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUIN 2024

1°/ la société Arte Charpentier architectes, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6], [Localité 5],

2°/ la société Calq, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], [Localité 5],

ont formé le pourvoi n° D 23-10.514 contre l'arrêt rendu le 14 novembre 2022 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Entreprise Lefort Francheteau, société à associé unique, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 8],

2°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 9],

3°/ à la société Eiffage construction résidentiel, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 7],

défenderesses à la cassation.


Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat des sociétés Arte Charpentier architectes et Calq, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat des sociétés Entreprise Lefort Francheteau Axa France IARD, après débats en l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 novembre 2022), la société [Adresse 10] a confié à la société Arte Charpentier architectes la maîtrise d'oeuvre de la construction d'un immeuble. La maîtrise d'oeuvre d'exécution a été sous-traitée à la société Calq.

2. L'exécution des travaux a été confiée à la société Eiffage construction Val de Seine, aujourd'hui dénommée Eiffage construction résidentiel (la société Eiffage), qui a sous-traité des travaux de climatisation à la société Entreprise Lefort Francheteau, assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa).

3. Le sous-traitant s'est fourni en tuyaux flexibles auprès de la société MCM, qui les avait fabriqués à partir de tresses d'acier vendues par la société Hydrogromma.

4. Un rapport d'expertise judiciaire déposé le 15 avril 2010 a imputé la responsabilité de dégâts des eaux aux sociétés MCM et Hydrogromma.

5. Par arrêt du 4 mai 2016, une cour d'appel a écarté la responsabilité de ces sociétés et retenu celle des sociétés Eiffage et Entreprise Lefort Francheteau.

6. Les 1er et 3 mars 2017, les sociétés Arte Charpentier architectes et Calq ont assigné les sociétés Eiffage, Entreprise Lefort Francheteau et Axa en réparation de leurs préjudices.


Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

8. Les sociétés Arte Charpentier architectes et Calq font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur action dirigée contre les sociétés Eiffage, Entreprise Lefort Francheteau et Axa, comme prescrites, alors :

« 1°/ que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, ce qui suppose la connaissance de l'imputabilité du dommage à la personne qui en est responsable ; qu'en l'espèce, ainsi que l'a relevé la cour d'appel, ce n'est que par un arrêt du 4 mai 2016 que la cour d'appel de Paris, s'écartant des conclusions des experts judiciaires qui avaient conclu à la responsabilité partagée des sociétés MCM et Hydrogomma dans la réalisation des désordres, a déclaré seules responsables les sociétés Eiffage Construction Val de Seine et Lefort Francheteau ; qu'en déclarant cependant irrecevable comme prescrite l'action exercée, par actes des 1er et 3 mars 2017, par les sociétés Arte Charpentier Architectures et Calq Architecture à l'encontre des sociétés Eiffage Construction Val de Seine, Lefort Francheteau et l'assureur Axa, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil ;

2°/ que la cour d'appel a retenu que les appréciations d'ordre juridique ne relevaient pas de la compétence de l'expert judiciaire dont l'avis ne liait pas le juge ; qu'en décidant cependant que les parties étaient en mesure au plus tard au dépôt du rapport d'expertise le 15 avril 2010 de connaître l'étendue de leur préjudice et d'identifier toutes les personnes impliquées dans la réalisation du sinistre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. La cour d'appel a constaté que les dommages dont les sociétés Arte Charpentier architectes et Calq demandaient la réparation étaient liés à un sinistre dont les experts judiciaires attribuaient la cause à la rupture de flexibles posés par la société Entreprise Lefort Francheteau, sous-traitante de la société Eiffage.

10. Ayant souverainement retenu qu'à la date du dépôt du rapport d'expertise, soit le 15 avril 2010, les maîtres d'oeuvre avaient connaissance de l'étendue de leur préjudice et étaient également en mesure d'identifier toutes les personnes impliquées dans la réalisation du sinistre, elle en a exactement déduit que les demandes formées pour la première fois les 1er et 3 mars 2017 contre les sociétés Eiffage, Entreprise Lefort Francheteau et Axa étaient irrecevables comme prescrites.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les sociétés Arte Charpentier architectes et Calq aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les sociétés Arte Charpentier architectes et Calq et les condamne à payer aux sociétés Entreprise Lefort Francheteau et Axa France IARD la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300293

Motifs impropres à caractériser la volonté non équivoque des maîtres de l'ouvrage de le recevoir

 Note S. Bertolaso, RCA 2024-9, p. 26

Voir aussi cass. 22-24.047

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 juin 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 292 F-D

Pourvoi n° K 22-23.557



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUIN 2024

La caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Méditerranée (Groupama Méditerranée), dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 22-23.557 contre l'arrêt rendu le 24 août 2022 par la cour d'appel de Lyon (8ème chambre), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [P] [V],

2°/ à Mme [E] [T], épouse [V],

tous deux domiciliés [Adresse 4],

3°/ à la société Blache maçonnerie, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

4°/ à la société Montagnier TP, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],

5°/ à la société L'Auxiliaire, société d'assurance mutuelle de professionnels du bâtiment et des travaux publics, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.




La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Méditerranée, de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. et Mme [V], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Blache maçonnerie, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat des sociétés Montagnier TP et L'Auxiliaire, après débats en l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 24 août 2022), M. et Mme [V] ont confié à la société Concept maîtrise d'oeuvre Ardèche (la société CMO-07) la maîtrise d'oeuvre de la construction d'une maison.

2. Les travaux de terrassement ont été confiés à la société Montagnier TP, assurée auprès de la société L'Auxiliaire, et ceux de maçonnerie à la société Blache maçonnerie, assurée auprès de la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Méditerranée (la société Groupama Méditerranée).

3. M. et Mme [V] ont été assignés par les propriétaires de la parcelle voisine, qui leur reprochaient des décaissements sur leur terrain, et ont appelé les constructeurs et leurs assureurs en intervention forcée aux fins de garantie et d'indemnisation de leurs propres préjudices.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Groupama Méditerranée fait grief à l'arrêt de constater la réception tacite de l'ouvrage à la date du 14 août 2014, de dire, en conséquence, que les désordres relatifs à la question du mur relevaient de la responsabilité décennale et de la condamner in solidum avec la société Blache maçonnerie à payer différentes sommes à M. et Mme [V], alors « que la réception tacite de l'ouvrage, à laquelle est subordonnée la mise en oeuvre de la garantie décennale, requiert que le maître de l'ouvrage ait manifesté de façon non équivoque la volonté de recevoir l'ouvrage ; que pour dire qu'il y avait eu réception tacite de l'ouvrage à la date du 14 août 2014, la cour d'appel a relevé que les époux [V], suite à deux convocations, ont refusé la réception des travaux les 30 mars 2013 et 25 avril 2013, puis qu'à l'issue d'une procédure en restitution des clés, ils avaient pris possession des lieux le 14 août 2014 et qu'à cette date la maison était alors habitable ; qu'en l'état de ces seules énonciations, qui ne caractérisent pas la volonté non équivoque des époux [V] de recevoir les travaux, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article 1792-6 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792-6 du code civil :

5. Il résulte de ce texte que la réception tacite de l'ouvrage est caractérisée par la volonté non équivoque des maîtres de l'ouvrage de l'accepter. Cette volonté n'est présumée qu'en cas de prise de possession de l'ouvrage jointe au paiement intégral du prix des travaux.

6. Pour constater l'existence d'une réception tacite de l'ouvrage au 14 août 2014, l'arrêt relève que, selon le rapport d'expertise judiciaire, M. et Mme [V] ont refusé la réception des travaux à la suite de deux convocations en 2013 et que la maison était habitable lorsqu'ils en ont pris possession à l'issue d'une procédure en restitution des clés.

7. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la volonté non équivoque des maîtres de l'ouvrage de le recevoir, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

8. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif de l'arrêt constatant la réception tacite à la date du 14 août 2014 entraîne la cassation du chef du dispositif disant que la société Groupama Méditerranée doit sa garantie à la société Blache maçonnerie, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

9. En effet, la garantie de l'assureur dépend du fondement de la responsabilité de l'assuré.

10. Il n'y a pas lieu, dès lors, de statuer sur le second moyen.



11. La cassation s'étend également aux condamnations prononcées contre la société Blache maçonnerie sur le fondement de la responsabilité décennale au titre du mur, qui se rattachent au constat d'une réception de l'ouvrage par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il :

- constate la réception tacite à la date du 14 août 2014,
- infirme le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité contractuelle,
- dit que les désordres relatifs à la question du mur relèvent de la responsabilité décennale,
- dit que la société Groupama Méditerranée doit sa garantie à la société Blache maçonnerie,
- condamne in solidum la société Blache maçonnerie et la société Groupama Méditerranée à verser à M. et Mme [V] les sommes de :
- 95 045 euros TTC au titre de la reprise des désordres relatifs au mur, l'étanchéité et le drain outre indexation de cette somme selon les variations du coût de la construction selon L'INSEE, les indices de référence étant celui en vigueur au jour du dépôt du rapport d'expertise et celui en vigueur à la date du présent arrêt,
- 2 943 euros au titre de l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
-15 000 euros au titre du préjudice de jouissance de M. et Mme [V] ;
- 15 555,98 euros au titre des frais bancaires,
et à leur rembourser les frais de géomètre et notaire liés à l'achat de la bande de terrain nécessaire à la réalisation du mur de soutènement,
- et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

l'arrêt rendu le 24 août 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Condamne M. et Mme [V] et les sociétés Blache maçonnerie, Montagnier TP et L'Auxiliaire aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300292

Le bénéficiaire de la promesse de vente avait manqué à ses obligations dans la recherche des financements

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 juin 2024




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 288 F-D

Pourvoi n° Y 23-14.235




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUIN 2024

M. [F] [M] [R], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 23-14.235 contre l'arrêt rendu le 2 février 2023 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [O] [T], domiciliée [Adresse 4], placée sous le régime de la curatelle et assistée par sa curatrice, Mme [V] [T],

2°/ à Mme [V] [T], domiciliée [Adresse 3], prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité de curatrice de Mme [O] [T],

3°/ à M. [K] [T], domicilié [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pety, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [M] [R], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mmes [O] et [V] [T] et de M. [K] [T], après débats en l'audience publique du 23 avril 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Pety, conseiller rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bourges, 2 février 2023), par acte authentique du 29 septembre 2020, [L] [T] et ses trois enfants, [O], [V] et [K], ont consenti à M. [M] [R] (le bénéficiaire) une promesse unilatérale de vente d'un immeuble d'habitation.

2. Cette promesse était assortie d'une condition suspensive d'obtention par le bénéficiaire, avant le 30 novembre 2020, d'un ou plusieurs concours bancaires de Netixis ou d'autres prêteurs, d'un montant de 373 100 euros au taux d'intérêt maximum de 1,50 % hors assurance et d'une durée de remboursement maximale de vingt ans, tout défaut de réalisation de la condition devant donner lieu à la transmission au notaire de deux attestations bancaires de refus de prêt.

3. Le bénéficiaire a versé entre les mains du notaire la somme de 34 980 euros pour garantir le cas échéant le paiement de l'indemnité d'immobilisation.

4. [L] [T] est décédé au cours de l'opération de vente, laissant pour lui succéder ses trois enfants (les promettants).

5. Considérant que le bénéficiaire de la promesse de vente avait manqué à ses obligations dans la recherche des financements, les promettants l'ont assigné, le 10 juin 2021, en paiement de l'indemnité d'immobilisation.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

6. Le bénéficiaire fait grief à l'arrêt de le condamner à payer aux promettants la somme de 34 980 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 avril 2021, alors :

« 1°/ que la condition suspensive est réputée accomplie si celui qui y avait intérêt en a empêché l'accomplissement ; qu'en l'espèce, M. [M] [R] avait versé aux débats les conventions conclues avec un courtier en financement, ainsi que les devis effectués pour la mise en conformité de l'installation sanitaire et le contrat conclu avec un architecte pour des travaux d'un montant de 103 000 euros avec le paiement de 1 320 euros d'honoraires, ce dont il résultait qu'il avait loyalement recherché le financement litigieux ; que la cour d'appel qui, pour juger que la condition suspensive prévue dans la promesse unilatérale de vente devait être considérée comme réalisée, s'est bornée à vérifier si les demandes de prêt formées par l'exposant correspondaient aux caractéristiques du prêt fixées dans la promesse, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si le comportement loyal de celui-ci dans la recherche du financement litigieux n'était pas de nature à considérer qu'il n'avait pas « empêché » l'accomplissement de la condition suspensive prévue dans la promesse de vente, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1104 et de l'article 1304-3 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°/ qu'en ne procédant à aucune analyse, même sommaire, des nouvelles pièces versées aux débats par l'exposant, et plus particulièrement des devis effectués pour la mise en conformité de l'installation sanitaire et du contrat conclu avec un architecte pour des travaux d'un montant de 103 000 euros avec le paiement de 1 320 euros d'honoraires, desquelles il résultait qu'il avait loyalement recherché le financement litigieux et qu'il ne pouvait, dès lors, être considéré comme ayant « empêché » l'accomplissement de la condition suspensive prévue dans la promesse de vente, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

7. Après avoir rappelé les principaux termes de la promesse de vente relatives à la condition suspensive d'obtention par le bénéficiaire d'un concours bancaire et à l'obligation pour ce dernier de justifier, le cas échéant, de deux attestations de refus de prêt, la cour d'appel a retenu qu'aucune des demandes de concours adressées par l'intéressé à sept prêteurs potentiels et ayant donné lieu à autant de réponses négatives ne répondait aux stipulations de l'avant-contrat, à l'exception de celle transmise à la Banque populaire Val-de-France.

8. En l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par la première branche du moyen, que ses constatations rendaient inopérante, ni d'analyser les pièces nouvellement transmises destinées à démontrer la loyauté du bénéficiaire, sans lien avec les termes de la condition suspensive, a pu retenir, dans l'exercice de son pouvoir souverain, que celui-ci avait fait obstacle à sa réalisation.

9. Elle a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [M] [R] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [M] [R] et le condamne à payer à Mmes [O] et [V] [T] ainsi qu'à M. [K] [T] la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juin deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300288