mercredi 15 janvier 2025

Le juge ne peut dénaturer les éléments de la cause

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 décembre 2024




Cassation


Mme MARTINEL, président



Arrêt n° 1186 F-D

Pourvoi n° G 22-13.205

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [S].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 6 janvier 2022.


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 DÉCEMBRE 2024

Mme [T] [S], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 22-13.205 contre le jugement rendu le 28 juin 2021 par le tribunal judiciaire de Paris, dans le litige l'opposant à l'établissement public Paris Habitat OPH, dont le siège est [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bohnert, conseiller référendaire, les observations de Me Bertrand, avocat de Mme [S], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 novembre 2024 où étaient présentes Mme Martinel, président, Mme Bohnert, conseiller référendaire rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller doyen, et Mme Gratian, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Paris, 28 juin 2021), rendu en dernier ressort, l'établissement public Paris Habitat OPH (le bailleur) a donné en location un appartement à Mme [S] (la locataire).

2. Invoquant divers désordres affectant les lieux loués ainsi que les parties communes de l'immeuble, la locataire a saisi, par une requête, un tribunal judiciaire en réparation des préjudices en résultant.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. La locataire fait grief au jugement de la déclarer irrecevable en sa requête et en ses demandes contre le bailleur, alors :

« 1°/ que le juge ne peut dénaturer les éléments de la cause ; que pour prononcer la nullité de la requête de l'exposante, le tribunal a retenu que cet acte était dépourvu des mentions prescrites par la loi, soit un objet déterminé, un exposé sommaire des motifs et l'indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée, dès lors que le montant réclamé à titre principal par la demanderesse, soit 2 000 euros, n'est pas déterminé dans son objet en ce qu'il ne correspond à aucun poste identifié ; qu'en statuant ainsi quand, dans sa requête, Mme [S] réclamait en outre le paiement d'une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts aux motifs du non-respect, par le bailleur, de ses obligations, tenant à l'absence de gardien, à des problèmes de sécurité, à des cambriolages, à la présence de squatteurs, à des pannes d'ascenseur, à la présence de cafards, de punaises, de souris et de rats, ainsi qu'à des fissures et des infiltrations d'eau dans son appartement, de sorte que cet acte comportait un objet déterminé et motivé, et était donc conforme aux prescriptions des articles 54, 57 et 1137 du code de procédure civile, le tribunal a dénaturé le sens et la portée de la requête qui le saisissait et violé l'article 1192 du code civil, ensemble le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les éléments de la cause ;

2°/ que le juge ne peut dénaturer les éléments de la cause ; que pour prononcer la nullité de la requête, le tribunal a retenu que les demandes de Mme [S] s'analysaient en des demandes « de faire » adressées au bailleur Paris Habitat OPH, à savoir effectuer toutes réparations en vue de la cessation des nuisances subies, et qu'ainsi, s'agissant de demandes indéterminées, Mme [S] aurait dû procéder par voie d'assignation, et non par requête ; qu'en statuant ainsi quand, dans sa requête, Mme [S], qui invoquait le non-respect par le bailleur de ses obligations, tenant à l'absence de gardien, à des problèmes de sécurité, à des cambriolages, à la présence de squatteurs, à des pannes d'ascenseur, à la présence de cafards, de punaises, de souris et de rats, ainsi qu'à des fissures et des infiltrations d'eau dans son appartement, réclamait le paiement d'une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts et présentait ainsi une demande indemnitaire et non une demande « de faire », le tribunal a dénaturé le sens et la portée de la requête et violé l'article 1192 du code civil, ensemble le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les éléments de la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 54 du code de procédure civile et l'obligation pour le juge de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis :

5. Selon ce texte, la demande initiale formée par requête doit mentionner, à peine de nullité, notamment l'objet de la demande.

6. Pour déclarer la locataire irrecevable en sa requête et en ses demandes, le jugement retient que le montant réclamé à titre principal par la demanderesse, soit 2 000 euros, n'est pas déterminé dans son objet en ce qu'il ne correspond à aucun poste identifié et que les demandes de la locataire s'analysent en des demandes « de faire », par nature indéterminées, nécessitant de procéder par voie d'assignation.

7. En statuant ainsi, alors, d'une part, que dans sa requête, la locataire demandait la condamnation du bailleur à lui verser une somme 2 000 euros à titre principal et une somme de 3 000 euros de dommages et intérêts en réparation des troubles subis du fait des désordres affectant l'immeuble, l'objet de sa demande étant bien déterminé, et, d'autre part, qu'elle ne formait qu'une demande en paiement et non une demande « de faire », le tribunal a dénaturé la requête et violé le texte et le principe susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 28 juin 2021, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Paris ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Paris autrement composé ;

Condamne l'établissement public Paris Habitat OPH aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne l'établissement public Paris Habitat OPH à payer à Me [M] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé et signé par le président en l'audience publique du douze décembre deux mille vingt-quatre et signé par Mme Thomas, greffier de chambre qui a assisté au prononcé de l'arrêt.ECLI:FR:CCASS:2024:C201186

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.