Voir note Rias, RTDI 2015-1, p. 42.
Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 16 décembre 2014
N° de pourvoi: 13-16.305 et 13-18.912
Non publié au bulletin Rejet
M. Terrier (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Boulloche, SCP Le Bret-Desaché, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Odent et Poulet, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° A 13-18.912 et S 13-16.305 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en matière de référé (Rennes, 21 février 2013), que, lors de la rénovation d'un bâtiment industriel donné à bail à la société ECA EN, la société civile immobilière Ferca (la SCI) a confié une mission de maîtrise d'oeuvre, sous-traitée en partie à M. X..., à la société C & Cie JL Cousin architectes urbanistes (la société Cousin) et le lot "désamiantage-couverture-étanchéité-isolation" à la société SMAC Acieroïd, qui a sous-traité la partie charpente à la société Favreau et les calculs de charge à la société Dekra Industrial ; que la locataire, mise en demeure par l'inspection du travail suspectant la persistance de poussières d'amiante sur le site de réaliser les travaux de dépollution, a assigné la SCI afin d'obtenir sa condamnation à réaliser ces travaux et à lui payer une provision ; que la SCI a demandé la garantie de la société Cousin et de son assureur, la Mutuelle des architectes français (la MAF), qui ont demandé à être garantis par la société SMAC Acieroïd et son assureur, la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP) ;
Sur le moyen unique des pourvois n° A 13-18.912 et S 13-16.305, pris en leur première branche :
Attendu que la société Cousin et la MAF, la société SMAC Acieroïd et la SMABTP font grief à l'arrêt de condamner la société Cousin et la MAF, in solidum, à payer certaines sommes à la SCI et de condamner la SMAC Acieroïd et la SMABTP à garantir la société Cousin et la MAF à hauteur de la moitié des condamnations, alors, selon le moyen, que le constructeur d'un ouvrage n'est responsable de plein droit envers le maître de l'ouvrage que des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; que la responsabilité du constructeur suppose donc, lorsque la solidité de l'immeuble n'est pas compromise, des dommages qui, cumulativement, affectent l'ouvrage dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement et le rendent impropres à sa destination ; que pour condamner la société Cousin et la MAF à verser diverses sommes à la SCI, la cour d'appel, après avoir relevé qu'il n'y avait ni désordre matériel sur l'ouvrage existant ni atteinte à la solidité de l'immeuble, s'est bornée à constater un « dommage » résultant de la présence de poussières d'amiante déposées sur la charpente, constituant un danger pour les personnes travaillant dans cette atmosphère polluée et par voie de conséquence une atteinte à la destination de l'immeuble ; qu'en statuant ainsi, sans avoir justifié que ce dommage affectait l'immeuble dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792 du code civil et 809 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu qu'après les travaux, la charpente neuve réalisée présentait des poussières et des résidus d'amiante toxiques constituant un danger pour les personnes travaillant dans cette atmosphère polluée, la cour d'appel, qui a pu en déduire que l'ouvrage était rendu impropre à sa destination, a légalement justifié sa décision ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° A 13-18.912, pris en ses trois dernières branches :
Attendu que la société Cousin et la MAF font grief à l'arrêt de les condamner, in solidum, à payer certaines sommes à la SCI, alors, selon le moyen :
1°/ qu'elles ont soutenu, dans leurs conclusions d'appel, que les normes applicables avaient été respectées ; qu'en décidant que la présence de poussières d'amiante constituait un danger pour les personnes et permettait de retenir la responsabilité de l'architecte sur le fondement de la garantie décennale, sans répondre à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que la société Cousin et la MAF ont fait valoir, en se fondant sur l'avis de l'expert judiciaire, que les poussières d'amiante n'étaient pas seulement la conséquence des travaux entrepris par les constructeurs, mais provenaient aussi de l'usure des ouvrages, de travaux antérieurs et de l'activité du locataire ECA EN ; que la cour d'appel, tout en retenant que les poussières toxiques provenaient « au moins en partie » de l'opération de désamiantage, n'a pas répondu au moyen soutenant que compte tenu de l'impossibilité de préciser la provenance des déchets, l'obligation de l'architecte et de son assureur était sérieusement contestable, méconnaissant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que la société Cousin et la MAF ont soutenu, dans leurs écritures d'appel, que le maître d'ouvrage avait engagé sa responsabilité en ayant tardivement averti les constructeurs de la présence d'amiante dans le bâtiment et en ayant fait établir tardivement le dossier technique amiante ; qu'en les condamnant à payer à la SCI maître d'ouvrage diverses sommes à titre de provision, sans s'expliquer sur ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu que, quelle que soit la quantité d'amiante disséminée dans le bâtiment et le niveau normatif atteint, la présence de poussières toxiques, en relation causale directe avec l'intervention des constructeurs et provenant, au moins pour partie de l'opération de désamiantage, constituait un danger et rendait l'ouvrage impropre à sa destination, la cour d'appel a pu en déduire que le maître d'oeuvre ne pouvait invoquer aucune cause d'exonération totale de sa responsabilité ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° S 13-16.305, pris en ses trois dernières branches :
Attendu que la société SMAC Acieroïd et la SMABTP font grief à l'arrêt de les condamner à garantir la société Cousin et la MAF à hauteur de la moitié des condamnations prononcées contre elle, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en ne répondant pas aux conclusions de la société SMAC faisant valoir que le juge des référés avait excédé sa compétence en statuant au fond sur le principe et la part de sa responsabilité et soutenant que, comme l'avait décidé le premier juge, « les recours et appels en garantie formulés... excèdent les pouvoirs du juge des référés et se heurtent à de sérieuses contestations, dès lors qu'ils nécessitent une appréciation de l'existence et des conséquences des fautes éventuellement commises par les différents intervenants à la construction ; que ce pouvoir est réservé au juge du fond », la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
2°/ que les appels en garantie excèdent les pouvoirs du juge des référés et se heurtent à de sérieuses contestations lorsqu'ils nécessitent une appréciation de l'existence et des conséquences des fautes éventuellement commises par les différents intervenants à la construction ; qu'en statuant comme il l'a fait, cependant que la question du bien-fondé des appels en garantie formés par la société Cousin et la MAF à l'encontre de la SMAC et de la SMABTP impliquait de trancher des questions de fond, la cour d'appel a violé l'article 809 du code de procédure civile ;
3°/ que la responsabilité de la société SMAC et son assureur la SMABTP envers la société Cousin et son assureur la MAF ne pouvait être recherchée que sur un fondement quasidélictuel ; qu'en statuant comme elle l'a fait, statuant sur une responsabilité de plein droit de la société SMAC, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 1792 et suivants du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que l'entreprise et l'architecte étaient tenus sur le fondement décennal envers le maître d'ouvrage et que la société SMAC Acieroïd n'avait pas effectué le nettoyage du site avec la diligence nécessaire, la cour d'appel, qui n'a pas excédé les pouvoirs du juge des référés et n'a pas tranché des questions de fond, a pu en déduire que l'obligation de l'entreprise à garantir l'architecte à hauteur de la moitié de la provision mise à sa charge ne se heurtait pas à une constatation sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ce blog est la suite de mon blog de droit de la construction: http://www.blogavocat.fr/space/albert.caston .
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samedi 27 décembre 2014
Rénovation - désamiantage - résidus d'amiante après travaux = responsabilité décennale
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Ça fait des années que l'on cesse d'utiliser de l'amiante dans la construction des immeubles. L'amiante était auparavant une substance qui faisait partie de la construction. Après des études de la construction et de cette substance, on a découvert les effets secondaires qu'il peut avoir sur les êtres vivants. Il cause des problèmes respiratoires, risque de Cancer, et d'autres anomalies. Cela ne veut pas dire qu'il est complètement mauvais et inutilisable. Il a toujours son usage en construction, mais il faut avoir un permis afin de la manipuler soit, son installation, ou l'enlèvement.
RépondreSupprimerEric | http://www.demospec.ca/fr/services
Ça fait des années que l'on cesse d'utiliser de l'amiante dans la construction des immeubles. L'amiante était auparavant une substance qui faisait partie de la construction. Après des études de la construction et de cette substance, on a découvert les effets secondaires qu'il peut avoir sur les êtres vivants. Il cause des problèmes respiratoires, risque de Cancer, et d'autres anomalies. Cela ne veut pas dire qu'il est complètement mauvais et inutilisable. Il a toujours son usage en construction, mais il faut avoir un permis afin de la manipuler soit, son installation, ou l'enlèvement.
RépondreSupprimerEric | http://www.demospec.ca/fr/services
Bonjour, j'ai fait appel à un menuisier bordeaux et jamais de la vie il aurait eu l'idée d'utiliser de l'amiante
RépondreSupprimerCe commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerBonjour,
RépondreSupprimerL'idée d'étendre la RCD à des prestations qui ne relèvent pas d'un "ouvrage" (désamiantage hors encapsulage) devient réellement un problème à gérer pour les entreprises de construction. Alors, doit on prendre en compte ce risque de requalification en impropriété à destination et demander les RCD des désamianteurs ou doit on rester sur la position classique d'une RC pro avec une qualification professionnelle particulière ? Merci d'avance.