Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 16 décembre 2014
N° de pourvoi: 13-24.032
Non publié au bulletin Rejet
M. Terrier (président), président
Me Le Prado, SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard et Poupot, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boulloche, SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, SCP Le Bret-Desaché, SCP Odent et Poulet, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à M. X... du désistement de son pourvoi ;
Donne acte à la MAF et la société FF...-X...du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre MM. Y..., Z..., Mmes B..., C..., M. et Mme D..., MM. E..., A..., I..., Mme F..., MM. G..., H..., Mme J..., M. K..., ès qualités, Mmes L..., M..., N..., Mme O..., ès qualités, M. et Mme P... , Mme Q..., M. R..., ès qualités, M. et Mme S..., M. T..., M. et Mme HH..., MM. U..., V..., M. et Mme W..., MM. XX..., GG..., M. et Mme YY..., M. et Mme ZZ..., M. AA..., Mme BB..., MM. CC..., KK...et Mme LL...;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 juin 2013), qu'à l'occasion d'une opération de promotion immobilière, la SCI Saint-André (la SCI) a conclu avec la société FF...-X...-X...(société FF...-X...), assurée auprès de la MAF, un contrat de maîtrise d'oeuvre portant sur une mission de conception ; que les travaux de construction ont été exécutés sous la maîtrise d'oeuvre de M. BB..., assuré auprès de la société Acte IARD ; que le lot de terrassement et le lot de gros-oeuvre-maçonnerie-enduits de façades ont été confiés à la société Entreprise de construction du terroir (société ETC), depuis en liquidation judiciaire et assurée auprès de la SMABTP ; qu'une police d'assurance « constructeur non-réalisateur » a été souscrite auprès de la société Acte IARD ; que les travaux ont été réceptionnés le 14 mars 1996 ; que se plaignant d'un non-respect de servitudes et d'empiétements, M. S..., propriétaire d'un terrain limitrophe, a assigné divers copropriétaires, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble Le Saint-Roch (le syndicat des copropriétaires), M. CC..., notaire, et la SCI, en indemnisation et en démolition de l'immeuble ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal, le moyen unique du pourvoi provoqué de la SMABTP le moyen unique du pourvoi provoqué de M. BB...et la seconde branche du troisième moyen du pourvoi incident de la société Acte IARD, réunis :
Attendu que la société FF...-X..., M. BB..., la MAF, la SMABTP, la société Acte IARD font grief à l'arrêt de condamner in solidum la société FF...-X..., la MAF et la société Acte IARD avec la SCI à garantir le syndicat des copropriétaires et M. DD...du coût des travaux nécessaires à la suppression des empiétements et à l'obturation des vues droites ainsi que de la condamnation indemnitaire prononcée en faveur des consorts S..., et de condamner in solidum la société FF...-X..., M. BB..., la MAF, la SMABTP et la société Acte IARD, à garantir la SCI du montant des condamnations prononcées à son encontre, alors, selon le moyen :
1°/ que la conception d'un immeuble en limite de propriété n'implique pas que cet immeuble sera construit en empiétant sur le fonds voisin ; qu'en l'espèce, dans ses conclusions d'appel, la société FF...-X...a fait valoir qu'elle avait été chargée d'une mission limitée au dépôt d'une demande de permis de construire, ce que la cour d'appel a admis, et que c'était le maître d'oeuvre d'exécution, M. BB..., qui avait laissé l'entreprise réaliser un ouvrage non conforme car débordant sur le fonds voisin ; qu'en retenant néanmoins la responsabilité de la société FF...-X...et de son assureur la MAF au titre de l'empiétement sur le fonds voisin, en dépit de l'absence de lien de causalité entre la mission limitée de cette maître d'oeuvre et ce dommage, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ que le juge doit caractériser l'existence d'un préjudice causé au voisin par des vues droites et d'un lien de causalité entre ce préjudice et le manquement imputé au maître d'oeuvre ; qu'en l'espèce, dans leurs conclusions d'appel, la société FF...-X...et de son assureur la MAF ont fait valoir que la cour devait adopter les conclusions de l'expert M. EE...selon lesquelles la plupart des désordres constatés n'étaient générateurs d'aucune gêne pour les consorts S..., et que même si l'immeuble avait été implanté à la distance légale, ces derniers auraient tout de même eu des vues droites sur leur propriété ; qu'en retenant la responsabilité de la société FF...-X...et de son assureur la MAF au titre des vues sur le fonds voisin, sans répondre à ce moyen contestant l'existence de préjudices et d'un lien de causalité avec la faute imputée à l'architecte, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge qui alloue des dommages et intérêts au propriétaire d'un fonds en raison des vues droites exercées llicitement depuis l'immeuble bâti sur le fonds voisin et du léger empiètement de cet immeuble implanté en limite séparative doit caractériser le préjudice causé par lesdites vues et l'empiètement ; qu'en l'espèce, M. BB...avait fait valoir que l'empiètement de quelques centimètres des fondations n'avait causé aucun préjudice de jouissance aux consorts S...et que s'agissant des vues, le préjudice en résultant aurait été identique si l'immeuble avait été implanté à la distance légale si bien qu'en allouant aux consorts S...la somme
de 60 000 euros, sans rechercher si l'empiétement et l'illicéité des vues étaient générateurs d'une gêne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
4°/ que l'arrêt avait constaté qu'un immeuble aurait pu être édifié à proximité du fonds des époux S...dans le respect des normes et qu'il aurait alors été possible aux occupants de l'immeuble d'exercer légalement des vues sur le fonds des époux S..., ce dont il résultait que la mauvaise implantation de l'immeuble n'était pas la cause du prétendu préjudice subi à cet égard par ces derniers ; qu'en allouant néanmoins aux époux S...une réparation à ce titre, la cour d'appel a violé derechef l'article 1792 du code civil ;
5°/ qu'à défaut de rechercher si les désordres constatés étaient générateurs de gêne pour les consorts S..., et donc si ceux-ci avaient subi un préjudice susceptible de faire l'objet d'une indemnisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté que selon l'expert les vues droites généraient une perte d'intimité et une perte de vue ayant contribué à la dévaluation d'environ 50 % du bien de M. S..., que les troubles résultant des vues illicites et des empiétements avaient duré dix-sept années, et retenu que la société FF...-X..., maître d'oeuvre de la conception chargé de l'élaboration du dossier de permis de construire, avait implanté l'immeuble sur la limite des propriétés de la SCI et de celle des consorts S...sans respecter les distances légales et que cette faute avait été déterminante par rapport aux empiétements et aux vues illicites, la cour d'appel a pu retenir la responsabilité de plein droit de la société FF...-X...au titre de l'article 1792 du code civil, et a souverainement apprécié l'existence d'un préjudice résultant de l'erreur d'implantation ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen du pourvoi incident de la société Acte IARD :
Attendu que la société Acte IARD fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir le syndicat des copropriétaires et M. DD...du coût des travaux nécessaires à l'obturation des vues droites, de la condamner, en qualité d'assureur CNR de la SCI, à garantir celle-ci du montant des condamnations mises à sa charge et de la condamner, en qualité d'assureur décennal de M. BB..., à garantir celui-ci des condamnations prononcées à son encontre, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en retenant, pour en déduire que la responsabilité décennale des constructeurs était engagée, que la démolition des empiétements, caractérisée selon les recommandations de l'expert par la destruction d'une partie des fondations de l'immeuble, aurait pour effet de porter atteinte à des éléments assurant la solidité de l'ouvrage, cependant que l'arrêt avait précédemment constaté que, selon les préconisations de l'expert, il y aurait lieu à une suppression du seul débord de la semelle des fondations, avec étaiement des fondations par butonnage, pendant la durée des travaux, ce dont il résultait qu'en l'absence de toute destruction complète de l'immeuble, les fondations de celui-ci conserveraient leur effectivité et donc qu'il n'existait pas, à cet égard, d'atteinte à la solidité de l'immeuble, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé, par fausse application, l'article 1792 du code civil ;
2°/ qu'en retenant encore, pour en déduire une prétendue atteinte à la solidité de l'immeuble, que la démolition des empiétements aurait impliqué la suppression du drain enterré assurant l'étanchéité de l'immeuble, cependant que l'arrêt avait précédemment constaté que, selon les préconisations de l'expert, la suppression du drain serait suivie de la mise en place « d'un drainage vertical en PVC gaufré type Delta MS protégé par un feutre type BIDIM sur toute la surface de la partie enterrée du mur », ce dont il résultait qu'il ne serait pas porté atteinte à la fonction de drainage de la partie enterrée de l'immeuble ni donc à la solidité de celui-ci, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a derechef violé l'article 1792 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que les empiétements nécessitaient la destruction d'une partie des fondations de l'immeuble et la suppression du drain assurant son étanchéité, la cour d'appel a pu en déduire que les désordres avaient pour effet de porter atteinte à des éléments assurant la solidité de l'ouvrage et étaient de nature décennale ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi incident de la société Acte IARD :
Attendu que la société Acte IARD fait grief à l'arrêt de la condamner à garantir le syndicat des copropriétaires et M. DD...du coût des travaux nécessaires à l'obturation des vues droites, de la condamner, en qualité d'assureur CNR de la SCI, à garantir celle-ci du montant des condamnations mises à sa charge et de la condamner, en qualité d'assureur décennal de M. BB..., à garantir celui-ci des condamnations prononcées à son encontre, alors, selon le moyen :
1°/ que la garantie décennale ne trouve à s'appliquer qu'en l'état d'un désordre rendant l'entier ouvrage impropre à sa destination ; qu'en retenant le caractère décennal d'un désordre atteignant seulement certains appartements de l'immeuble, cependant qu'il était constaté que l'ouvrage était constitué de l'entier immeuble, ce dont il résultait que les désordres concernés n'étaient pas de nature à le rendre en entier impropre à sa destination, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1792 du code civil ;
2°/ qu'en retenant que l'obturation de certaines fenêtres de certains appartements de l'immeuble aurait pour effet de porter atteinte à la destination des appartements concernés, en ce que leurs occupants ne disposeraient plus d'un éclairage naturel normal et de la possibilité de jouir de ces ouvertures, cependant que l'arrêt avait précédemment constaté que la suppression des vues droites sur le fonds voisin impliquait la pose de fenêtres à verre dormant et opaque, ce dont il résultait que les fenêtres concernées seraient équipées de verre translucide ne laissant pas passer la vue mais laissant passer la lumière et, partant, qu'il n'était pas porté atteinte à l'éclairement des appartements ni à leur destination normale, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé, par fausse application, l'article 1792 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que les occupants des appartements concernés par les vues illicites ne disposeraient plus d'un éclairage naturel normal et de la possibilité de jouir de ces ouvertures par l'obstruction des principales ouvertures, la cour d'appel a pu en déduire que les désordres résultant des vues illicites portaient atteinte à la destination des appartements et étaient de nature décennale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la première branche du troisième moyen du pourvoi incident de la société Acte IARD qui ne serait pas de nature à permettre l'admission de ce pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société FF...-X...et la MAF à payer au syndicat des copropriétaires de la résidence Le Saint-Roch à Saint-Raphaël la somme de 3 000 euros ; rejette les autres demandes ;
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samedi 27 décembre 2014
Empiètement et obligation de supprimer les vues droites = responsabilité décennale
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