vendredi 19 décembre 2014

Manquement au devoir de conseil n'entraîne que perte de chance et indemnisation limitée

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 10 décembre 2014
N° de pourvoi: 13-22.114 13-22.841
Non publié au bulletin Cassation partielle

Mme Batut (président), président
SCP Boutet-Hourdeaux, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Marc Lévis, SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Vu leur connexité, joint les pourvois n° F 13-22.114 et W 13-22.841 ;

Donne acte à la société Corsica bobinage du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre les sociétés Axa France IARD et Pramac France ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Ferme marine de Spano exploite une ferme aquacole comprenant plusieurs bassins remplis d'eau de mer, recyclée et oxygénée par des pompes alimentées en électricité par la société Electricité de France (EDF), équipée en outre d'un groupe électrogène qu'elle a acquis auprès de la société Corsica bobinage ; qu'ayant perdu l'ensemble de ses alevins à la suite d'une interruption de l'alimentation électrique survenue, sans que le groupe électrogène ait pris le relais, elle a assigné ces deux sociétés en réparation de son préjudice ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° F 13-22.114, pris en ses quatrième et cinquième branches :

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

Attendu que pour condamner la société EDF, in solidum avec la société Corsica bobinage, à indemniser la société Ferme marine de Spano de son entier préjudice, l'arrêt retient qu'elle n'a pas délivré une tension suffisante et une énergie électrique adaptée pour assurer un bon fonctionnement des moteurs et des appareils ;

Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société EDF qui soutenait que le syndicat d'électrification rurale de la Balogne était propriétaire du réseau de distribution d'énergie, dont elle n'était que le concessionnaire et n'avait que la charge de son entretien, et qu'elle avait informé le gérant de la société Ferme marine de Spano, comme le syndicat, des travaux à entreprendre sur le réseau pour permettre l'augmentation de puissance nécessaire à la satisfaction des besoins de la ferme aquacole, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n° W 13-22.841, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1147 du code civil ;

Attendu que pour condamner la société Corsica bobinage, in solidum avec la société EDF, à réparer le préjudice subi par la société Ferme marine de Spano, l'arrêt retient que la société Corsica bobinage, vendeur et installateur du groupe électrogène, qui connaissait l'état du réseau électrique desservant l'exploitation de sa cliente, n'avait pas informé cette dernière des risques que la modification du paramétrage en seuil minimum du groupe électrogène faisait courir aux installations et avait ainsi failli à son obligation de conseil ;

Qu'en statuant ainsi, alors que les conséquences d'un manquement à un devoir d'information et de conseil ne peuvent s'analyser qu'en une perte de chance, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si, mieux informée, la société Ferme marine de Spano aurait renoncé à faire modifier le paramétrage du groupe électrogène, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs des pourvois :

Met sur leur demande hors de cause les sociétés Axa France IARD et Pramac France ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare la société Corsica bobinage responsable du sinistre subi par la société Ferme marine de Spano, in solidum avec la société EDF, et les condamne in solidum à lui payer la somme de 656 925 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 15 avril 2011, l'arrêt rendu le 15 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;



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