Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 9 décembre 2014
N° de pourvoi: 13-22.626
Non publié au bulletin Rejet
M. Terrier (président), président
SCP Didier et Pinet, SCP Odent et Poulet, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, SCP Rousseau et Tapie, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à la Chambre de commerce et d'industrie de Bayonne (la CCI) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. X... ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 24 mai 2013), que la CCI ayant décidé, de réhabiliter un ancien site industriel, a fait réaliser une étude géotechnique par la société CEBTP ; que le groupe Ucin qui a entrepris la construction d'une aciérie sur place, a confié la conception du projet à M. X... architecte et une autre étude géotechnique des sols à la société CEBTP qui a préconisé des travaux de compactage, réalisés par la société Solétanche Bachy ; que la CCI ayant dû faire des travaux complémentaires de démolition d'ouvrages enterrés, a, après expertise, assigné en indemnisation la société CEBTP, qui a assigné l'architecte, la société Solétanche et le groupement Navarra, Sobamat, Routière Setrac en la personne de son mandataire la société Delair Navarra ;
Sur moyen unique :
Attendu que la CCI fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande alors, selon le moyen :
1°/ que l'offre du 16 mars 1994, acceptée par la CCI le 21 mars 1994, stipulait que le CEBTP s'engageait à préciser la nature des sols rencontrés et leurs caractéristiques mécaniques ainsi que les éventuelles sujétions d'exécution liées au projet ; qu'en considérant qu'il ne s'agissait que d'une étude géotechnique concernant les seules qualités mécaniques du sol et non pas une recherche de présence physique d'anciennes fondations ou d'obstacles des usines précédentes, la cour d'appel a violé l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
2°/ que le géotechnicien a le devoir de s'enquérir de lui-même des caractéristiques complètes de l'immeuble afin d'en informer son client ; qu'en reprochant à la CCI de ne pas avoir spontanément transmis les plans de masse à la société CEBTP et en déchargeant celle-ci de toute responsabilité en raison de l'impossibilité où elle se serait trouvée de vérifier la profondeur des remblais faute de détenir les plans de masse, qu'il lui incombait de se procurer elle-même, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
3°/ que la cour d'appel, qui n'a pas recherché, comme elle y était invitée, si le CEBTP n'avait pas lui-même reconnu dans son rapport d'études du 24 mars 1994 que des remblais divers provenant des anciennes fonderies qui occupaient autrefois le site étaient apparus et que ces remblais très hétérogènes avaient occasionné la casse et la perte du matériel, ce qui aurait dû l'inciter à émettre l'hypothèse que les fondations des anciennes fonderies étaient toujours en place, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
4°/ que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de son obligation ; qu'en ayant considéré que la preuve d'un défaut d'information sur la nature du sol et ses sujétions n'était pas rapportée par la CCI, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article 1315 du code civil ;
5°/ que le géotechnicien a l'obligation de conseiller à son client de procéder au besoin à la réalisation d'études complémentaires ou de recourir aux services d'un maître d'oeuvre spécialisé dans les travaux de terrassement ; qu'à défaut d'avoir recherché, comme elle y était invitée, si le CEBTP, après avoir relevé l'existence de galeries souterraines et de puits, n'avait pas failli à son obligation de conseiller à ses clients de réaliser des études de sol complémentaires qui auraient permis la mise en évidence de fondations enterrées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
6°/ que l'offre d'étude émise par le CEBTP le 29 novembre 1994 stipulait que le rapport d'étude donnerait une synthèse des essais effectués en mars 1994 et les éventuelles sujétions liées au site ; qu'en ayant énoncé, pour décharger le CEBTP de toute responsabilité délictuelle envers la CCI en raison de ses manquements contractuels envers la société Martial Ucin, qu'il lui avait seulement été confié une étude des qualités mécaniques des sols et non une étude physique devant permettre de connaître l'étendue de l'encombrement du sous-sol, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause ;
7°/ que le géotechnicien a l'obligation de conseiller à son client de procéder au besoin à la réalisation d'études complémentaires ou de recourir aux services d'un maître d'oeuvre spécialisé dans les travaux de terrassement ; qu'en se fondant, pour décharger la société CEBTP de toute responsabilité délictuelle envers la CCI en raison de ses manquements contractuels envers la société Martial Ucin, sur le passage du rapport de l'expert M. Chamotte du 27 août 2005 selon lequel aucune réserve n'avait été faite par la société Martial Ucin concernant l'absence de recherches pour ouvrages enterrés au stade de l'étude, bien que l'initiative de cette recherche incombât au CEBTP, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
8°/ que le géotechnicien a le devoir de s'enquérir de lui-même des caractéristiques complètes de l'immeuble afin d'en informer son client ; qu'en reprochant à la société Martial Ucin de ne pas avoir spontanément transmis les plans des anciennes aciéries des Forges de l'Adour à la société CEBTP, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
9°/ que la cour d'appel, qui a constaté que le CEBTP s'était vu confier la mission de consolider le terrain au vu de sa fragilité et de procéder à une étude géotechnique comprenant des sondages et des essais « autant qu'il en faut » et n'en a pas déduit qu'à ce titre, le CEBTP aurait dû découvrir l'existence de fondations enterrées, a violé l'article 1382 du code civil ;
10°/ que tous les intervenants à la construction sont responsables in solidum de leurs manquements hormis l'existence d'une cause étrangère constitutive d'un cas de force majeure qu'il leur incombe de démontrer ; qu'en ayant déchargé le CEBTP de toute responsabilité pour ses manquements en raison de la déclaration faite par M. X... à l'expert judiciaire selon laquelle les études de sol entraient dans l'objet de sa propre mission, quand cette circonstance n'exonérait nullement le CEBTP de sa propre responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
11°/ que le lien de causalité existe entre la faute ayant consisté à s'abstenir d'effectuer une étude du sol qui aurait permis la découverte de fondations d'une ancienne scierie enterrée et le surcoût engendré pour faire effectuer les travaux de démolition des ouvrages enfouis dans le sol ; qu'en ayant nié l'existence d'un tel lien de causalité en retenant que les frais de nettoyage du terrain étaient sans rapport avec l'exécution d'une étude de sol, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la CCI avait connaissance de l'historique industriel du site et détenait les plans de masse des anciennes installations, que, d'une part, la société CEBTP avait informé la CCI de la nature hétérogène du sol, de l'existence de remblais et apporté les réponses suffisantes et nécessaires sur les possibilités de charges des différentes zones du projet, que la solution qu'elle proposait de compactage dynamique n'était pas critiquée et que ses conclusions claires permettaient de prendre une décision concernant la faisabilité du projet, que, d'autre part, la société CEBTP avait rempli sa mission en proposant une solution de consolidation des sols appropriée et en répondant aux questions du groupe Ucin qui ne lui avait pas donné la mission de rechercher les ouvrages enterrés, et enfin, que la casse de matériel était courante lors de tels travaux et due à la nature du sol hétérogène, la cour d'appel, qui n'a pas inversé la charge de la preuve, a pu en déduire, sans dénaturation, que la société CEBTP avait rempli son obligation d'information et de conseil à l'égard de la CCI et du groupe Ucin et que sa responsabilité ne pouvait être engagée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Chambre de commerce et d'industrie de Bayonne aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la Chambre de commerce et d'industrie de Bayonne à payer à la société Ginger CEBTP la somme de 3 000 euros, à la société Solétanche Bachy et la société Delair CFD la somme globale de 2 500 euros ; rejette la demande de la Chambre de commerce et d'industrie de Bayonne ;
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