Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mardi 16 décembre 2014
N° de pourvoi: 13-23.198
Non publié au bulletin Rejet
M. Terrier (président), président
SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Boulloche, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, SCP Odent et Poulet, SCP Ortscheidt, SCP Piwnica et Molinié, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 19 juin 2013), que la SCI Clos des Ursulines (la SCI), gérée par M. X..., a confié la maîtrise d'oeuvre de la rénovation d'un immeuble constitué de deux bâtiments à la société Espace technique ingénierie (ETI), assurée auprès de la société Mutuelles du Mans assurances (MMA), qu'après la dissolution la société ETI, le contrat de maîtrise d'oeuvre a été transféré à M. Y..., assuré auprès de la SMABTP, qui a sous-traité une partie de la mission à M. Z... ; que le lot « démolition gros oeuvre » et le lot « menuiseries intérieures, escaliers, cloisons, plafonds, doublages et isolation » ont été confiés à la société Baticlo, assurée auprès de la SMABTP ; que la société Baticlo a sous-traité partiellement l'exécution des travaux à la société Petit, assurée auprès de la société Continental devenue société Generali ; que les travaux de charpente et couverture ont été confiés à la société DSL, assurée auprès de la société MAAF assurances ; que la réception est intervenue les 9 février et 13 septembre 1996 avec des réserves relatives à la présence d'humidité dans des logements du bâtiment situé « en front à rue » et mitoyen de l'immeuble appartenant à M. A..., assuré auprès de la société Via assurances devenue la société AGF, et à la flexibilité du plancher du premier étage du bâtiment situé en fond de cour ; que la SCI a, après expertises, assigné MM. A..., Z..., Y..., les sociétés ETI, Baticlo et DSL, et leurs assureurs, en réparation des désordres ;
Sur le cinquième moyen, pris en sa seconde branche :
Attendu que la société Baticlo fait grief à l'arrêt de la condamner à relever M. A... indemne à hauteur de 39 % des condamnations mises à sa charge, alors, selon le moyen, que le recours d'un tiers contre un constructeur est subordonné à la démonstration d'une faute commise par ce constructeur à l'encontre de ce tiers, distincte des fautes éventuellement commises par le constructeur à l'encontre du maître de l'ouvrage ou des autres locateurs d'ouvrage ; qu'en se fondant, pour condamner la société Baticlo à garantir M. A..., sur les fautes prétendument commises par la société Baticlo à l'égard du maître de l'ouvrage et du maître d'oeuvre, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que la société Baticlo avait constaté la présence de la mérule au cours de l'exécution des travaux de la zone 1, l'avait masquée et s'était abstenue d'en informer le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrage, ce qui avait eu pour conséquence de favoriser la prolifération de ce parasite alors qu'il était possible d'en arrêter les effets destructifs par un traitement approprié dont le coût, de ce fait, aurait été moindre, la cour d'appel, qui a caractérisé un manquement contractuel de la société Baticlo ayant causé un dommage à M. A... tenu de réparer partiellement les conséquences des désordres, a pu accueillir le recours de ce dernier ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le sixième moyen :
Attendu que la société Baticlo fait grief à l'arrêt de la débouter de son action récursoire contre la société Petit, alors, selon le moyen :
1°/ que le juge ne peut pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, il ressortait de la commande du 6 décembre 1995 et des comptes-rendus de chantier produits que l'exposante avait sous-traité la quasi-totalité des travaux du lot « menuiseries intérieures, escaliers, cloisons, plafonds, doublages, isolation » à la société Petit, laquelle ne s'était en aucun cas bornée à poser du plancher ; qu'en jugeant pourtant que cette dernière n'aurait réalisé que le plancher, de sorte qu'aucun élément ne permettrait de dire qu'elle avait vu le parasite lorsqu'elle a posé le plancher sur l'aggloméré fixé par la société Baticlo, la cour d'appel a dénaturé cette commande et ces comptes-rendus de chantier, violant ainsi l'obligation faite au juge de ne pas dénaturer les documents de la cause ;
2°/ que dans ses conclusions d'appel, la société Baticlo soutenait que les travaux avaient été sous-traités à la société Petit à la fois pour la zone 1 et la zone 2, en produisant la commande du 6 décembre 1995 au soutien de ses dires ; qu'en se bornant à exclure la garantie de la société Petit au titre de la zone 1, dont les désordres étaient attribués au développement de la mérule, sans motiver sa décision d'exclure la garantie de la société Petit au titre de la zone 2, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ qu'en matière commerciale, la preuve est libre ; qu'en se fondant sur le fait que l'exposante ne produise pas le contrat de sous-traitance la liant à la société Petit, motif impropre à exclure l'existence d'une sous-traitance qui était prouvée par la commande du 6 décembre 1995 et des comptes-rendus de chantier produits aux débats, la cour d'appel a violé l'article L. 110-3 du code de commerce ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la société Baticlo ne produisait pas le contrat de sous-traitance, que la société Petit avait indiqué à l'expert avoir posé le plancher en aggloméré, et retenu que cette pose était sans lien avec l'origine des désordres attribuée au développement de la mérule qui n'était pas visible lorsque la société Petit était intervenue, la cour d'appel, qui n'a pas limité sa motivation aux désordres affectant la zone 1 et n'a pas exclu l'existence d'une sous-traitance, a pu, sans dénaturation, mettre hors de cause la société Petit ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le septième moyen :
Attendu que la société Baticlo fait grief à l'arrêt de mettre hors de cause la SMABTP, alors, selon le moyen :
1°/ que les vices apparents lors de la réception ne sont pas exclus de la garantie décennale lorsqu'ils sont indissociables de vices cachés ; qu'en l'espèce, la cour d'appel s'est fondée sur la seule présence d'humidité ayant fait l'objet de réserves lors de la réception pour exclure la garantie décennale au titre de la zone 1 et la couverture corrélative de l'assureur ; qu'en statuant ainsi quand la simple humidité ne permettait pas de caractériser la connaissance du vice dans toute son étendue, et notamment la prolifération de la mérule, au moment de la réception, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;
2°/ que la contradiction de motifs constitue un défaut de motifs ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que l'humidité était la cause du réveil et de la prolifération de la mérule, elle-même cause des désordres ; qu'en jugeant par ailleurs que cette humidité serait une manifestation des désordres, c'est-à-dire une conséquence du développement de la mérule, la cour d'appel s'est contredite et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;
3°/ que le juge doit respecter la loi des parties ; qu'en l'espèce, la police d'assurance prévoyait la garantie de la SMABTP pour les activités de « maçonnerie et béton armé (limitée à des ouvrages n'excédant pas dix niveaux et qui, d'autre part, ne comportent pas de poutre ou planchers dont la portée serait supérieure à 9 m entre appuis ou à 4 m en porte-faux) » ; qu'une telle police couvrait donc l'activité de maçonnerie consistant à poser des poutres et intervenir sur des planchers, pourvu que soient respectés les dimensions indiquées ; qu'en jugeant pourtant qu'une telle activité constituait une activité de menuiserie bois non couverte par la police, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la SCI sollicitait la condamnation des constructeurs en réparation des désordres affectant son immeuble sur le fondement de l'article 1147 du code civil et retenu la responsabilité contractuelle de la société Baticlo, la cour d'appel a pu, sans contradiction de motifs, rejeter la garantie de l'assureur au titre de la responsabilité décennale de son assurée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les premier, deuxième, troisième, quatrième moyens et le cinquième moyen pris en sa première branche qui ne seraient pas de nature à permettre l' admission de ce pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Baticlo, devenue la société Saniez construction, aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
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