N° 3108
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 juin 2020.
PROPOSITION DE LOI
portant création d’un fonds d’indemnisation des victimes du covid‑19,
(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Mesdames et Messieurs
Régis JUANICO, Christian HUTIN, Valérie RABAULT et les membres du groupe Socialistes (1) et apparentés (2),
députés.
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(1) Mesdames et Messieurs : Joël Aviragnet, Ericka Bareigts, Marie‑Noëlle Battistel, Gisèle Biémouret, Christophe Bouillon, Jean‑Louis Bricout, Luc Carvounas, Alain David, Laurence Dumont, Olivier Faure, Guillaume Garot, David Habib, Marietta Karamanli, Jérôme Lambert, George Pau‑Langevin, Christine Pires Beaune, Dominique Potier, Joaquim Pueyo, Valérie Rabault, Claudia Rouaux, Hervé Saulignac, Sylvie Tolmont, Cécile Untermaier, Hélène Vainqueur‑Christophe, Boris Vallaud, Michèle Victory.
(2) Christian Hutin, Régis Juanico, Serge Letchimy, Josette Manin.
– 1 –
Mesdames, Messieurs,
« Tous les personnels soignants malades du covid‑19 seront reconnus au titre des maladies professionnelles sans exception, quels qu’ils soient et quel que soit leur lieu d’exercice, à l’hôpital, en EPHAD ou en ville » a déclaré le 21 avril 2020 à l’Assemblée nationale, Olivier Véran, ministre de la santé et des Solidarités.
Cette reconnaissance automatique entraînera la prise en charge à 100 % des frais médicaux, la perception d’une indemnité de travail temporaire ou permanente et une pension pour la famille en cas de décès.
La procédure de reconnaissance systématique en maladie professionnelle pour les personnels soignants est indispensable, mais n’est pas suffisante.
L’indemnisation accordée au titre de la maladie professionnelle est une indemnisation forfaitaire qui ne répare pas l’ensemble des préjudices subis par une victime ou ses ayants droit.
Par exemple, en cas de décès d’un agent de la fonction publique reconnu en maladie professionnelle, seul le conjoint survivant d’un couple marié peut être indemnisé. Les pacsé‑e‑s et les concubin‑e‑s ne sont pas considérés comme des ayants droit.
Cette reconnaissance pour les seuls personnels soignants exclut toutes les autres catégories de travailleurs, les « premier‑e‑s de tranchées », monté‑e‑s au front pendant la crise sanitaire et qui devront se soumettre aux procédures classiques de reconnaissance de maladie professionnelle, particulièrement complexes, longues et incertaines.
Elle ne concerne donc pas les hôtesses de caisse, les agents des forces de l’ordre et de sécurité, les pompiers, les enseignants, les agents de la propreté publique ou d’accueil au public, les éboueurs, les postiers, les commerçants, les routiers et les livreurs, mais aussi les résidents d’EHPAD.
Elle ne couvre pas toutes les personnes dont l’activité présentielle a été maintenue pendant la crise sanitaire par leurs employeurs ou du fait de leur métier (maintenance, magasinage, préparation de commande dans les centres logistiques, agents de conduite et de maintenance des installations à marche continue, agents de conduite et de surveillance des transports, etc.).
Elle ne couvre pas l’ensemble des personnes chargées de la tenue des bureaux de vote lors des élections municipales (élus, assesseurs volontaires, agents municipaux, scrutateurs).
Elle ne couvre pas les bénévoles venus volontairement prêter main forte à des services hospitaliers, ni les bénévoles assurant l’aide des plus démunis dans le cadre des activités des associations de solidarité.
Elle ne prend pas en compte les victimes « environnementales » contaminées au sein de leur propre famille par des soignants ou des salariés travaillant au contact du public, porteurs du virus sans le savoir.
Comme le demandent l’Association nationale des victimes de l’amiante (ANDEVA), la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (FNATH), des syndicats de salariés et des associations de victimes, à l’instar de Coronavictimes, la Nation ne doit oublier aucune victime dans son devoir de reconnaissance.
Cette proposition de loi vise à créer un fonds dédié à l’indemnisation des personnes connaissant des séquelles temporaires ou définitives et des ayants droit des personnes décédées du fait de leur infection au virus SARS‑CoV‑2 sur le territoire de la République française.
Ce fonds d’indemnisation sera financé par une contribution financière de l’État et de la branche accident du travail‑maladie professionnelle de la sécurité sociale.
Si beaucoup de « combattant‑e‑s en première ligne » infecté‑e‑s par le SARS‑CoV‑2 ont guéri de formes moins graves de la maladie, d’autres ont passé des jours voire des semaines entières en réanimation, sous respirateur artificiel, porteront des séquelles durables ou sont décédé‑e‑s des suites du coronavirus.
Ce fonds n’oubliera ainsi aucun des malades atteints des formes graves du coronavirus et apportera une réponse digne, juste et rapide ‑ avec une instruction des dossiers en six mois ‑ pour toutes les personnes concernées, quel que soit leur régime social de couverture (privé‑public, indépendants, libéraux, auto‑entrepreneurs...).
Le fonds d’indemnisation que nous proposons s’inspire directement du fonctionnement du Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante (FIVA) créé en 2000.
Les exemples de mise en place de dispositifs particuliers justifiés par des spécificités, des circonstances exceptionnelles ou encore par une technicité particulière sont nombreux dans le passé :
– Fonds de garantie automobile (FGA) en 1951 ;
– Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI) en 1986 ;
– Office national d’indemnisation des accidents médicaux (Oniam) en 2002 ;
– Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires (CIVEN) en 2010 ;
– Fonds d’indemnisation des victimes des pesticides (FIVP) en 2020.
Il s’agit, à travers cette indemnisation exceptionnelle de reconnaitre les responsabilités de l’État dans la crise sanitaire actuelle.
En effet, certaines fautes manifestes, telles que l’absence d’un plan de gestion et d’anticipation, les pénuries de matériel médical et de protection sanitaire, l’absence d’accès aux soins hospitaliers de tous les malades, l’absence de mesures permettant un dépistage massif et rapide de la population, ainsi que la communication erratique du Gouvernement sur la question du port du masque, justifient l’indemnisation des victimes au titre de la solidarité nationale.
Il va de soi que la souffrance humaine et la légitime émotion qui ont surgi ces dernières semaines ne doivent pas engendrer de la part des pouvoirs publics de simples discours d’apparence volontariste.
La situation actuelle appelle, tout au contraire, des réponses politiques à la hauteur des enjeux et des responsabilités qui sont les nôtres.
C’est pourquoi nous proposons de passer de la parole ou des applaudissements aux actes, en prévoyant l’indemnisation de l’ensemble des préjudices subis, sans distinction, de toutes les victimes graves de cette pandémie.
L’article premier prévoit la réparation intégrale des préjudices des personnes connaissant des séquelles temporaires ou définitives du fait de leur infection au virus SARS‑CoV‑2 (le virus responsable du covid‑19) sur le territoire de la République française, ainsi que des ayants droit des personnes décédées du fait de leur infection au virus SARS‑CoV‑2 sur le territoire de la République française.
L’article 2 crée le Fonds d’indemnisation des victimes du covid‑19, établissement public national à caractère administratif placé sous la tutelle des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.
Les articles 3 à 7 détaillent la procédure d’indemnisation. Le dispositif d’ensemble s’inspire de la loi n° 2000‑1257 du 23 décembre 2000 de financement de la sécurité sociale pour 2001 qui a créé le Fonds d’indemnisation des victimes de l’amiante. En s’inspirant également du fonctionnement du Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides, le Fonds d’indemnisation des victimes du covid‑19 fonctionnera comme un guichet unique, notamment en se retournant lui‑même vers les régimes AT‑MP éventuellement compétents, plutôt que de demander aux victimes de suivre cette procédure avant de se retourner vers le Fonds.
L’article 8 prévoit les modalités de financement du Fonds d’indemnisation des victimes du covid‑19. Le Fonds bénéficiera notamment des éventuelles reconnaissances de maladies professionnelles et s’appuiera sur une contribution de l’État et du régime général AT‑MP. La proposition de loi est par ailleurs gagée par la création d’une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières.
L’article 9 prévoit que, dans des conditions fixées par une convention conclue entre le Fonds et la Nouvelle‑Calédonie ou par une convention conclue entre le Fonds et la Polynésie française, le Fonds peut gérer, pour le compte de chacune de ces collectivités, des dispositifs d’indemnisation des victimes du covid‑19 définis par chaque collectivité dans le cadre de ses compétences.
Dans des conditions fixées par une convention conclue entre le Fonds et la Nouvelle‑Calédonie ou par une convention conclue entre le Fonds et la Polynésie française, le Fonds peut gérer, pour le compte de chacune de ces collectivités, des dispositifs d’indemnisation des victimes du covid‑19 définis par chaque collectivité dans le cadre de ses compétences.
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