Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 22-13.634
- ECLI:FR:CCASS:2023:C300322
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du jeudi 11 mai 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, du 19 janvier 2022Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 mai 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 322 F-D
Pourvoi n° Z 22-13.634
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2023
La Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 22-13.634 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la SMABTP, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Gan assurances, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2022), l'établissement Port autonome de [Localité 3] (le PAP) a confié des travaux de chauffage d'un entrepôt à la société Terriat ingénierie, assurée auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP).
2. La société Terriat ingénierie a sous-traité la rédaction du cahier des clauses techniques particulières à M. [H], assuré auprès de la société Gan assurances.
3. Par jugement du 5 mai 2015, un tribunal administratif a condamné la société Terriat ingénierie à payer une indemnité au PAP au titre du dysfonctionnement de l'installation de chauffage.
4. Le PAP a assigné, ensuite, la SMABTP, qui a appelé la société Gan assurances en garantie.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. La SMABTP fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel en garantie formé contre la société Gan assurances, alors « que la subrogation a lieu de plein droit au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette, avait intérêt à l'acquitter ; que la cour d'appel rappelle que, dès lors que l'assureur, en indemnisant le tiers lésé, se trouve subrogé dans les droits et actions de ce dernier, il est recevable à exercer l'action directe dont disposait le tiers lésé à l'encontre de l'assureur du sous-traitant ; que, pour déclarer irrecevable l'action directe exercée par la Smabtp contre le Gan, la cour d'appel énonce que la subrogation dans les droits du tiers lésé est « conventionnelle » et suppose que le tiers lésé, en même temps qu'il reçoit le paiement, accepte expressément de subroger l'assureur dans ses droits et actions contre le responsable du dommage, et que la Smabtp, qui n'avait fait qu'exécuter le jugement assorti de l'exécution provisoire en payant le montant de ses condamnations, ne pouvait justifier d'une subrogation conventionnelle ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que la Smabtp était recevable à se prévaloir de la subrogation légale dans les droits et actions du Pap qu'elle avait désintéressé par son paiement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1251, 3° du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 124-3 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. La société Gan assurances conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que la SMABTP n'est pas recevable à invoquer pour la première fois en cassation le fondement de l'article 1251 du code civil, qui implique une qualification différente de son action, pour justifier le fondement de ses demandes.
7. Après avoir énoncé que l'assureur, en indemnisant le tiers lésé, se trouvait subrogé dans les droits et actions de ce dernier et était recevable à exercer l'action directe dont disposait le tiers lésé à l'encontre de l'assureur du sous-traitant, la cour d'appel a retenu que la subrogation dans les droits du tiers lésé était conventionnelle et que la SMABTP ne pouvait justifier d'une telle subrogation.
8. Dès lors, le moyen, qui est né de l'arrêt, est recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 1251, 3°, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 121-12 et L. 124-3 du code des assurances :
9. Il résulte de ces textes que l'assureur de responsabilité qui a indemnisé le tiers lésé est subrogé dans les droits de ce tiers et peut exercer l'action directe contre l'assureur d'un autre responsable.
10. Pour déclarer irrecevables les demandes de la SMABTP contre la société Gan assurances, l'arrêt retient que la subrogation dans les droits du tiers lésé est conventionnelle et suppose donc que ce dernier, en même temps qu'il reçoit le paiement, accepte expressément de subroger l'assureur dans ses droits et actions contre le responsable du dommage.
11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la SMABTP avait indemnisé le tiers lésé, de sorte qu'elle était légalement subrogée dans les droits de ce tiers, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'appel en garantie formé par la SMABTP en sa qualité d'assureur de la société Terriat ingénierie à l'encontre de la société Gan assurances en qualité d'assureur de M. [H], l'arrêt rendu le 19 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Gan assurances aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Gan assurances et la condamne à payer à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics la somme de 3 000 euros ;
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 11 mai 2023
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 322 F-D
Pourvoi n° Z 22-13.634
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2023
La Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Z 22-13.634 contre l'arrêt rendu le 19 janvier 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 5), dans le litige l'opposant à la société Gan assurances, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la SMABTP, de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Gan assurances, après débats en l'audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 janvier 2022), l'établissement Port autonome de [Localité 3] (le PAP) a confié des travaux de chauffage d'un entrepôt à la société Terriat ingénierie, assurée auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP).
2. La société Terriat ingénierie a sous-traité la rédaction du cahier des clauses techniques particulières à M. [H], assuré auprès de la société Gan assurances.
3. Par jugement du 5 mai 2015, un tribunal administratif a condamné la société Terriat ingénierie à payer une indemnité au PAP au titre du dysfonctionnement de l'installation de chauffage.
4. Le PAP a assigné, ensuite, la SMABTP, qui a appelé la société Gan assurances en garantie.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. La SMABTP fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable son appel en garantie formé contre la société Gan assurances, alors « que la subrogation a lieu de plein droit au profit de celui qui, étant tenu avec d'autres ou pour d'autres au paiement de la dette, avait intérêt à l'acquitter ; que la cour d'appel rappelle que, dès lors que l'assureur, en indemnisant le tiers lésé, se trouve subrogé dans les droits et actions de ce dernier, il est recevable à exercer l'action directe dont disposait le tiers lésé à l'encontre de l'assureur du sous-traitant ; que, pour déclarer irrecevable l'action directe exercée par la Smabtp contre le Gan, la cour d'appel énonce que la subrogation dans les droits du tiers lésé est « conventionnelle » et suppose que le tiers lésé, en même temps qu'il reçoit le paiement, accepte expressément de subroger l'assureur dans ses droits et actions contre le responsable du dommage, et que la Smabtp, qui n'avait fait qu'exécuter le jugement assorti de l'exécution provisoire en payant le montant de ses condamnations, ne pouvait justifier d'une subrogation conventionnelle ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que la Smabtp était recevable à se prévaloir de la subrogation légale dans les droits et actions du Pap qu'elle avait désintéressé par son paiement, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1251, 3° du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 124-3 du code des assurances. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. La société Gan assurances conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient que la SMABTP n'est pas recevable à invoquer pour la première fois en cassation le fondement de l'article 1251 du code civil, qui implique une qualification différente de son action, pour justifier le fondement de ses demandes.
7. Après avoir énoncé que l'assureur, en indemnisant le tiers lésé, se trouvait subrogé dans les droits et actions de ce dernier et était recevable à exercer l'action directe dont disposait le tiers lésé à l'encontre de l'assureur du sous-traitant, la cour d'appel a retenu que la subrogation dans les droits du tiers lésé était conventionnelle et que la SMABTP ne pouvait justifier d'une telle subrogation.
8. Dès lors, le moyen, qui est né de l'arrêt, est recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles 1251, 3°, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, L. 121-12 et L. 124-3 du code des assurances :
9. Il résulte de ces textes que l'assureur de responsabilité qui a indemnisé le tiers lésé est subrogé dans les droits de ce tiers et peut exercer l'action directe contre l'assureur d'un autre responsable.
10. Pour déclarer irrecevables les demandes de la SMABTP contre la société Gan assurances, l'arrêt retient que la subrogation dans les droits du tiers lésé est conventionnelle et suppose donc que ce dernier, en même temps qu'il reçoit le paiement, accepte expressément de subroger l'assureur dans ses droits et actions contre le responsable du dommage.
11. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que la SMABTP avait indemnisé le tiers lésé, de sorte qu'elle était légalement subrogée dans les droits de ce tiers, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés. PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'appel en garantie formé par la SMABTP en sa qualité d'assureur de la société Terriat ingénierie à l'encontre de la société Gan assurances en qualité d'assureur de M. [H], l'arrêt rendu le 19 janvier 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Gan assurances aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Gan assurances et la condamne à payer à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics la somme de 3 000 euros ;
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