Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 22-22.695
- ECLI:FR:CCASS:2024:C300172
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation sans renvoi
Audience publique du jeudi 21 mars 2024
Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, du 06 septembre 2022- Président
- Mme Teiller (président)
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 mars 2024
Cassation sans renvoi
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 172 F-D
Pourvoi n° Y 22-22.695
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 MARS 2024
1°/ La société Axa France IARD, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ le syndicat des copropriétaires de la résidence Miraflores, dont le siège est [Adresse 3], représenté par la son syndic la société CO.GE.SIM, dont le siège est [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° Y 22-22.695 contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2022 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Alcala, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à M. [R] [V] [P], domicilié [Adresse 1],
3°/ à M. [E] [D] [P], domicilié [Adresse 5] (Espagne)
tous deux pris tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'héritiers de [C] [T] [J], épouse [P],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Axa France IARD et du syndicat des copropriétaires de la résidence Miraflores, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société civile immobilière Alcala et de MM. [V] [P] et [D] [P], après débats en l'audience publique du 6 février 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 6 septembre 2022), la société civile immobilière Alcala (la SCI), représentée par sa gérante, [C] [T] [J], a acquis une propriété en 1968, dont elle a cédé une partie à la société Miraflores en 1989, laquelle y a édifié deux bâtiments comportant une centaine de logements.
2. Se plaignant de désordres ayant pour origine des travaux réalisés sur la parcelle vendue et affectant l'immeuble dont elle avait conservé la propriété, la SCI a assigné le syndicat des copropriétaires de la résidence Miraflores (le syndicat des copropriétaires) et la société Axa France IARD (l'assureur) en indemnisation.
3. Le syndicat des copropriétaires et l'assureur ayant invoqué, en appel, la perte de la personnalité morale de la SCI, faute d'avoir procédé à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002, ses associés, [C] [T] [J] ainsi que MM. [V] [P] et [D] [P], agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'héritier de [C] [T] [J], sont intervenus volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le syndicat des copropriétaires et l'assureur font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir, alors :
« 1°/ que les sociétés civiles n'ayant pas procédé à leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002 ont, à cette date, perdu la personnalité juridique ; qu'une société ne jouissant pas de la personnalité juridique est dépourvue du droit d'agir en justice ; qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ; qu'en l'espèce, la SCI Alcala avait fait assigner le syndicat des copropriétaires de la résidence Miraflores et la société Axa France IARD, le 21 juin 2017, pour obtenir leur condamnation à lui payer, notamment, la somme de 86 586,41 euros TTC ; que la cour d'appel a constaté que la SCI Alcala n'avait pas été immatriculée au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002, de sorte qu'elle avait perdu sa personnalité juridique et était soumise au régime des sociétés en participation ; qu'en s'abstenant toutefois de conclure à l'irrecevabilité de son action dirigée contre le syndicat des copropriétaires de la résidence Miraflores et la société Axa France IARD, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 32 du code de procédure civile, ensemble l'article 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 et l'article 1871 du code civil ;
2°/ que les sociétés civiles n'ayant pas procédé à leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002 ont, à cette date, perdu la personnalité juridique ; qu'une société ne jouissant pas de la personnalité juridique ne peut ester en justice par l'intermédiaire de son gérant ; que l'assignation du 21 juin 2017 avait été délivrée à la seule requête de la SCI Alcala, avec la précision « poursuites et diligences de son gérant Mme [C] [H] [T] [J] veuve [P] demeurant [Adresse 6] » ; que la cour d'appel a constaté que la SCI Alcala n'avait pas été immatriculée au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002, de sorte qu'elle avait perdu sa personnalité juridique et était soumise au régime des sociétés en participation ; qu'en jugeant que l'action de la SCI Alcala était « valablement poursuivie et la fin de non-recevoir non-fondée » parce que Mme [C] [H] [P] avait reçu « mandat pour la représenter » lors de l'acte introductif d'instance, quand le défaut de personnalité juridique de la SCI Alcala, constaté par la cour d'appel, ne lui permettait pas d'ester en justice, fût-ce par l'intermédiaire de sa gérante, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 32 du code de procédure civile, ensemble l'article 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 et l'article 1871 du code civil ;
3°/ que les sociétés civiles n'ayant pas procédé à leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002 ont, à cette date, perdu la personnalité juridique ; qu'une procédure engagée par une partie dépourvue de personnalité juridique est entachée d'une irrégularité de fond qui ne peut être couverte par l'intervention à l'instance d'une autre partie ; qu'en l'espèce, la SCI Alcala avait fait assigner le syndicat des copropriétaires de la résidence Miraflores et la société Axa France IARD, le 21 juin 2017, pour obtenir leur condamnation à lui payer, notamment, la somme de 86 586,41 euros TTC ; que la cour d'appel a constaté que la SCI Alcala n'avait pas été immatriculée au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002, de sorte qu'elle avait perdu sa personnalité juridique et était soumise au régime des sociétés en participation ; qu'en jugeant toutefois que l'action de la SCI Alcala était « valablement poursuivie et la fin de non-recevoir non-fondée » en raison de l'intervention volontaire de ses associés, quand une telle intervention ne permettait pas de couvrir l'irrégularité tenant au défaut de personnalité juridique de la SCI Alcala, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 32 et 117 du code de procédure civile, ensemble l'article 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 et l'article 1871 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 117 du code de procédure civile, 4 de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 et 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 :
5. Selon le premier de ces textes, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, le défaut de capacité d'ester en justice.
6. Il résulte de la combinaison des deux derniers de ces textes que les sociétés civiles devaient procéder, avant le 1er novembre 2002, à leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés.
7. Les sociétés civiles n'ayant pas procédé à cette immatriculation avant le 1er novembre 2002 ont, à cette date, perdu la personnalité juridique (Com., 26 février 2008, pourvoi n° 06-16.406, Bull. 2008, IV, n° 46) et sont soumises aux règles applicables aux sociétés en participation (3e Civ., 4 mai 2016, pourvoi n° 14-28.243, Bull. 2016, III, n° 59).
8. L'irrégularité d'une procédure engagée par une partie dépourvue de personnalité juridique est une irrégularité de fond qui ne peut être couverte (2e Civ., 26 mars 1997, pourvoi n° 94-15.528, Bull. 1997, II, n° 96).
9. Pour accueillir les demandes formées contre le syndicat des copropriétaires et l'assureur, l'arrêt retient que la SCI a perdu sa personnalité juridique à défaut d'immatriculation avant le 1er novembre 2002, de sorte que ses biens appartiennent en indivision à ses associés, [C] [T] [J], qui avait mandat pour la représenter lors de l'acte introductif d'instance, et MM. [V] [P] et [D] [P], lesquels sont intervenus volontairement à l'instance.
10. En statuant ainsi, alors que la procédure engagée par la seule SCI, dépourvue de personnalité juridique, était entachée d'une irrégularité de fond qui ne pouvait être couverte par l'intervention volontaire des associés à l'instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile et tel que suggéré par les demandeurs au pourvoi, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
13. L'irrégularité de la procédure tirée du défaut de capacité d'ester en justice ne pouvant être régularisée, il y a lieu de prononcer la nullité des actes introductifs d'instance délivrés les 19 et 21 juin 2017 par la SCI, dépourvue de personnalité juridique, ainsi que du jugement rendu le 27 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Bayonne.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Constate le défaut de capacité d'ester en justice de la société civile immobilière Alcala ;
Annule les assignations délivrées par la société civile immobilière Alcala les 19 et 21 juin 2017 ;
Annule le jugement rendu le 27 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Bayonne ;
Condamne MM. [V] [P] et [D] [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille vingt-quatre.
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 21 mars 2024
Cassation sans renvoi
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 172 F-D
Pourvoi n° Y 22-22.695
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 21 MARS 2024
1°/ La société Axa France IARD, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ le syndicat des copropriétaires de la résidence Miraflores, dont le siège est [Adresse 3], représenté par la son syndic la société CO.GE.SIM, dont le siège est [Adresse 4],
ont formé le pourvoi n° Y 22-22.695 contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2022 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Alcala, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à M. [R] [V] [P], domicilié [Adresse 1],
3°/ à M. [E] [D] [P], domicilié [Adresse 5] (Espagne)
tous deux pris tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'héritiers de [C] [T] [J], épouse [P],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Djikpa, conseiller référendaire, les observations de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la société Axa France IARD et du syndicat des copropriétaires de la résidence Miraflores, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société civile immobilière Alcala et de MM. [V] [P] et [D] [P], après débats en l'audience publique du 6 février 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Djikpa, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 6 septembre 2022), la société civile immobilière Alcala (la SCI), représentée par sa gérante, [C] [T] [J], a acquis une propriété en 1968, dont elle a cédé une partie à la société Miraflores en 1989, laquelle y a édifié deux bâtiments comportant une centaine de logements.
2. Se plaignant de désordres ayant pour origine des travaux réalisés sur la parcelle vendue et affectant l'immeuble dont elle avait conservé la propriété, la SCI a assigné le syndicat des copropriétaires de la résidence Miraflores (le syndicat des copropriétaires) et la société Axa France IARD (l'assureur) en indemnisation.
3. Le syndicat des copropriétaires et l'assureur ayant invoqué, en appel, la perte de la personnalité morale de la SCI, faute d'avoir procédé à son immatriculation au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002, ses associés, [C] [T] [J] ainsi que MM. [V] [P] et [D] [P], agissant tant en leur nom personnel qu'en leur qualité d'héritier de [C] [T] [J], sont intervenus volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Le syndicat des copropriétaires et l'assureur font grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de droit d'agir, alors :
« 1°/ que les sociétés civiles n'ayant pas procédé à leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002 ont, à cette date, perdu la personnalité juridique ; qu'une société ne jouissant pas de la personnalité juridique est dépourvue du droit d'agir en justice ; qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ; qu'en l'espèce, la SCI Alcala avait fait assigner le syndicat des copropriétaires de la résidence Miraflores et la société Axa France IARD, le 21 juin 2017, pour obtenir leur condamnation à lui payer, notamment, la somme de 86 586,41 euros TTC ; que la cour d'appel a constaté que la SCI Alcala n'avait pas été immatriculée au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002, de sorte qu'elle avait perdu sa personnalité juridique et était soumise au régime des sociétés en participation ; qu'en s'abstenant toutefois de conclure à l'irrecevabilité de son action dirigée contre le syndicat des copropriétaires de la résidence Miraflores et la société Axa France IARD, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 32 du code de procédure civile, ensemble l'article 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 et l'article 1871 du code civil ;
2°/ que les sociétés civiles n'ayant pas procédé à leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002 ont, à cette date, perdu la personnalité juridique ; qu'une société ne jouissant pas de la personnalité juridique ne peut ester en justice par l'intermédiaire de son gérant ; que l'assignation du 21 juin 2017 avait été délivrée à la seule requête de la SCI Alcala, avec la précision « poursuites et diligences de son gérant Mme [C] [H] [T] [J] veuve [P] demeurant [Adresse 6] » ; que la cour d'appel a constaté que la SCI Alcala n'avait pas été immatriculée au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002, de sorte qu'elle avait perdu sa personnalité juridique et était soumise au régime des sociétés en participation ; qu'en jugeant que l'action de la SCI Alcala était « valablement poursuivie et la fin de non-recevoir non-fondée » parce que Mme [C] [H] [P] avait reçu « mandat pour la représenter » lors de l'acte introductif d'instance, quand le défaut de personnalité juridique de la SCI Alcala, constaté par la cour d'appel, ne lui permettait pas d'ester en justice, fût-ce par l'intermédiaire de sa gérante, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 32 du code de procédure civile, ensemble l'article 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 et l'article 1871 du code civil ;
3°/ que les sociétés civiles n'ayant pas procédé à leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002 ont, à cette date, perdu la personnalité juridique ; qu'une procédure engagée par une partie dépourvue de personnalité juridique est entachée d'une irrégularité de fond qui ne peut être couverte par l'intervention à l'instance d'une autre partie ; qu'en l'espèce, la SCI Alcala avait fait assigner le syndicat des copropriétaires de la résidence Miraflores et la société Axa France IARD, le 21 juin 2017, pour obtenir leur condamnation à lui payer, notamment, la somme de 86 586,41 euros TTC ; que la cour d'appel a constaté que la SCI Alcala n'avait pas été immatriculée au registre du commerce et des sociétés avant le 1er novembre 2002, de sorte qu'elle avait perdu sa personnalité juridique et était soumise au régime des sociétés en participation ; qu'en jugeant toutefois que l'action de la SCI Alcala était « valablement poursuivie et la fin de non-recevoir non-fondée » en raison de l'intervention volontaire de ses associés, quand une telle intervention ne permettait pas de couvrir l'irrégularité tenant au défaut de personnalité juridique de la SCI Alcala, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 32 et 117 du code de procédure civile, ensemble l'article 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 et l'article 1871 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 117 du code de procédure civile, 4 de la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978 et 44 de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 :
5. Selon le premier de ces textes, constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, le défaut de capacité d'ester en justice.
6. Il résulte de la combinaison des deux derniers de ces textes que les sociétés civiles devaient procéder, avant le 1er novembre 2002, à leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés.
7. Les sociétés civiles n'ayant pas procédé à cette immatriculation avant le 1er novembre 2002 ont, à cette date, perdu la personnalité juridique (Com., 26 février 2008, pourvoi n° 06-16.406, Bull. 2008, IV, n° 46) et sont soumises aux règles applicables aux sociétés en participation (3e Civ., 4 mai 2016, pourvoi n° 14-28.243, Bull. 2016, III, n° 59).
8. L'irrégularité d'une procédure engagée par une partie dépourvue de personnalité juridique est une irrégularité de fond qui ne peut être couverte (2e Civ., 26 mars 1997, pourvoi n° 94-15.528, Bull. 1997, II, n° 96).
9. Pour accueillir les demandes formées contre le syndicat des copropriétaires et l'assureur, l'arrêt retient que la SCI a perdu sa personnalité juridique à défaut d'immatriculation avant le 1er novembre 2002, de sorte que ses biens appartiennent en indivision à ses associés, [C] [T] [J], qui avait mandat pour la représenter lors de l'acte introductif d'instance, et MM. [V] [P] et [D] [P], lesquels sont intervenus volontairement à l'instance.
10. En statuant ainsi, alors que la procédure engagée par la seule SCI, dépourvue de personnalité juridique, était entachée d'une irrégularité de fond qui ne pouvait être couverte par l'intervention volontaire des associés à l'instance, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile et tel que suggéré par les demandeurs au pourvoi, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
13. L'irrégularité de la procédure tirée du défaut de capacité d'ester en justice ne pouvant être régularisée, il y a lieu de prononcer la nullité des actes introductifs d'instance délivrés les 19 et 21 juin 2017 par la SCI, dépourvue de personnalité juridique, ainsi que du jugement rendu le 27 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Bayonne.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 septembre 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Constate le défaut de capacité d'ester en justice de la société civile immobilière Alcala ;
Annule les assignations délivrées par la société civile immobilière Alcala les 19 et 21 juin 2017 ;
Annule le jugement rendu le 27 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Bayonne ;
Condamne MM. [V] [P] et [D] [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille vingt-quatre.
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