Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du jeudi 9 mars 2017
N° de pourvoi: 15-29.084 16-10.477
Non publié au bulletin Rejet
M. Chauvin (président), président
Me Le Prado, SCP Boulloche, SCP Delaporte et Briard, SCP Odent et Poulet, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° Y 15-29.084 et n° U 16-10.477 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 octobre 2015), que l'Association foncière urbaine libre Saint-Aignan (l'AFUL), qui réunit les copropriétaires d'un immeuble, a réalisé une opération de rénovation, sous la maîtrise d'oeuvre de la société Fontenelle architecture, assurée auprès de la MAF ; que sont intervenus, la société SGB, chargée des travaux de gros oeuvre, ravalement, maçonnerie et charpente, depuis en liquidation judiciaire, assurée auprès de la SMABTP, M. X..., chargé de certains travaux de couverture, aux droits duquel vient la société X... couverture, assuré auprès de la MAAF, la société Appia, devenue la société Eiffage travaux publics Ile-de-France Centre (société Eiffage), qui a creusé une tranchée pour enfouir des câbles électriques et des canalisations de gaz, assurée auprès de la SMABTP ; que, se plaignant d'un retard et d'un surcoût des travaux, l'AFUL et divers copropriétaires ont assigné en indemnisation les sociétés Fontenelle architecture, aujourd'hui en liquidation judiciaire, la MAF, M. X..., la MAAF et la SMABTP ; que la MAF a appelé en garantie la société Eiffage ; que, par ailleurs, des infiltrations s'étant produites dans une tranchée réalisée par la société Appia ont entraîné un affaissement de l'immeuble de l'AFUL et l'éboulement d'un mur voisin appartenant à M. et Mme Y... ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal n° Y 15-29.084 de l'AFUL, le moyen unique du pourvoi incident de la société Eiffage et le premier moyen du pourvoi principal n° U 16-10.477 de la MAF, réunis :
Attendu que l'AFUL, les copropriétaires et la MAF font grief à l'arrêt de mettre hors de cause M. X..., l'entreprise X... et la MAAF, alors, selon le moyen :
1°/ que tout entrepreneur est tenu d'un devoir de conseil qui s'étend notamment aux risques présentés par la réalisation de l'ouvrage envisagé ; que la présence d'un maître d'oeuvre chargé de la conception de l'ensemble des travaux ne dispense pas l'entrepreneur de l'exécution de ce devoir en faveur du maître de l'ouvrage, son cocontractant ; que pour mettre hors de cause M. X..., l'entreprise X... et la MAAF, l'arrêt retient que même si M. X... était débiteur d'une obligation de conseil, il appartenait à la société Fontanelle architecture de gérer le raccordement des descentes d'eaux pluviales et de vérifier que la société SGB, à qui cette tâche avait été confiée, exécutait ses obligations ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à exonérer de sa responsabilité M. X..., à qui il appartenait d'exécuter son devoir de conseil en mettant en garde le maître de l'ouvrage profane sur les conséquences de l'exécution des seules prestations prévues pour le drainage des eaux et la stabilité de l'immeuble, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil ;
2°/ que l'entrepreneur est tenu d'une obligation de conseil, tant à l'égard du maître d'ouvrage qu'envers les autres intervenants, sans qu'il puisse, à cet égard, se retrancher derrière les limites de sa mission ; qu'en mettant M. X... hors de cause, au motif qu'il incombait au maître d'oeuvre de gérer les raccordements des descentes d'eaux pluviales et de vérifier que la société SGB, à qui cette tâche avait été confiée, remplissait ses obligations, la cour d'appel a violé les articles 1147 et 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté qu'aux termes de son contrat, M. X..., couvreur, ne devait pas raccorder les descentes d'eaux pluviales, cette tâche incombant à la société SGB, la cour d'appel, qui a retenu que l'absence de raccordement n'était pas l'une des causes du sinistre et qu'il appartenait à l'architecte de vérifier que la société SGB avait exécuté ses obligations, a pu en déduire que M. X... n'avait pas manqué à son devoir de conseil ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal n° Y 15-29.084 de l'AFUL, ci-après annexé :
Attendu que l'AFUL et les copropriétaires font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes d'indemnisation du coût des travaux et préjudices relatifs à l'achèvement de l'immeuble et d'expertise aux fins de définir, quantifier et chiffrer ces travaux et préjudices ;
Mais attendu, d'une part, que c'est dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire que la cour d'appel a rejeté la demande d'expertise ;
Attendu, d'autre part, que le moyen ne tend, en réalité, qu'à remettre en cause le pouvoir des juges du fond qui ont souverainement fixé le préjudice matériel subi par l'AFUL et les copropriétaires ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen du pourvoi principal n° U 16-10.477 de la MAF :
Attendu que la MAF fait grief à l'arrêt de la condamner, pour le compte de la société Fontenelle architecture, dans la limite des polices d'assurance, in solidum avec la société Eiffage, la SMABTP pour le compte de celle-ci et de son autre assurée la société SGB, à payer diverses sommes à l'AFUL et aux membres de l'AFUL, alors, selon le moyen :
1°/ que selon l'article 1.23 des conditions générales de la police d'assurance souscrite par la société Fontenelle architecture auprès de la MAF, constitue un seul et même sinistre l'ensemble des réclamations qui concernent des dommages résultant d'une même cause technique, même s'ils surviennent dans des édifices séparés, lorsque la mission du ou des sociétaires est accomplie pour un même maître d'ouvrage dans le cadre d'une même opération de construction ; qu'en décidant en l'espèce que les plafonds de garantie ne pouvaient s'appliquer à l'ensemble des condamnations dès lors qu'il n'existait pas une cause unique et que chacune des victimes avait subi sur son immeuble un sinistre différent, la cour d'appel a dénaturé la clause précitée du contrat d'assurance et violé l'article 1134 du code civil ;
2°/ que selon l'article L.124-1-1 du code des assurances, un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique, si bien que constitue un seul sinistre l'ensemble des réclamations s'y rapportant ; qu'en écartant l'argumentation de la MAF tendant à l'application des plafonds de garantie sur l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre relativement à la même opération de construction, aux motifs qu'il n'existait pas en l'espèce une cause unique aux désordres et que chacune des victimes avait subi sur son immeuble un sinistre différent, la cour d'appel a violé l'article L. 124-1-1 du code des assurances ;
3°/ qu'en se bornant, pour écarter l'argumentation de la MAF tendant à l'application des plafonds de garantie sur l'ensemble des condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre relativement à la même opération de construction, à affirmer péremptoirement qu'il n'existait pas une cause unique aux désordres, sans davantage s'expliquer sur ce point, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de motivation et violé l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant retenu, par motifs propres et adoptés, que les désordres n'étaient pas uniquement dus à la tranchée ouverte par la société Appia mais également à un état préexistant de l'immeuble rénové par l'AFUL, la cour d'appel a pu en déduire, sans dénaturation, que l'ensemble des procédures en cours ne relevaient pas d'une cause unique et d'un même sinistre et que les plafonds de garantie ne s'appliquaient pas à l'ensemble des condamnations prononcées contre la MAF ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
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