Note Parmentier, GP 2017, n° 19, p. 79.
Note Cornille, Constr.-urb. 2017-5, p. 30.
Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 29 mars 2017
N° de pourvoi: 15-50.102
Publié au bulletin Rejet
Mme Batut (président), président
Me Carbonnier, SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Potier de La Varde, Buk-Lament et Robillot, avocat(s)
Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 juillet 2015),
que, suivant acte sous seing privé du 10 août 2010, deux associations, prestataires de conseil et de formation en fiscalité et en gestion des entreprises, ont, par l'entremise de la société Sisteron immobilier (l'agent immobilier), acquis, sous diverses conditions suspensives, une propriété classée en zone NC du plan d'occupation des sols de la commune de Sisteron, comprenant une maison d'habitation de 308 m ² ; que, les 27 novembre et 2 décembre 2010, cette vente a été réitérée en la forme authentique par acte passé devant M. X...(le notaire), au profit d'une troisième association issue de la fusion des deux premières, dénommée Centre de gestion agréé des Alpes du Sud (l'acquéreur) ; qu'informé par les services de l'urbanisme que le classement administratif du bien ne permettait pas de l'affecter à un usage professionnel et que ce zonage ne serait pas modifié avant l'adoption du nouveau plan local d'urbanisme, l'acquéreur, soutenant que l'agent immobilier et le notaire avaient failli à leurs devoirs d'information et de conseil en ne l'alertant pas sur l'incompatibilité du classement de l'immeuble avec l'activité professionnelle qu'il projetait d'y mener, les a assignés, ainsi que la société Mutuelles du Mans assurances IARD, assureur de la responsabilité civile du notaire (l'assureur), en responsabilité et en indemnisation du retard apporté à la création d'une structure d'accueil et de formation unique, véritable objectif, selon lui, de son acquisition ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires dirigées contre l'agent immobilier, alors, selon le moyen :
1°/ que l'agent immobilier doit, de lui-même, se renseigner sur les attentes et besoins de son mandant afin de lui délivrer utilement l'information et le conseil qu'il lui doit ; qu'en se bornant à retenir, pour écarter toute faute de l'agent immobilier à raison de ce que le bien acquis par son mandant se trouvait dans une zone du plan d'occupation des sols qui le privait de modifier sa destination, que l'acquéreur savait avoir visité une maison d'habitation et avait déclaré destiner le bien à cet usage, sans rechercher, comme elle y était invitée, si l'agent immobilier, qui ne pouvait ignorer l'objet social de son mandant, sans rapport avec l'acquisition ou l'usage d'une habitation, ne devait pas, de lui-même, se renseigner auprès de lui pour l'informer et le conseiller utilement quant à l'adéquation avec son projet du bien dont l'acquisition était envisagé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
2°/ que la présence d'un conseil auprès du mandant de l'agent immobilier ne l'exonère pas de sa propre obligation d'information et de conseil à son égard ; que la cour d'appel qui, bien qu'elle ait relevé que c'est à l'architecte de l'acquéreur que l'agent immobilier avait envoyé les informations relatives au plan d'occupation des sols, ce dont il résultait que l'agent immobilier n'avait pas délivré à son mandant l'information et le conseil qui lui étaient dus, a néanmoins retenu que ce dernier était pleinement informé de la situation du bien en zone NC et des contraintes en résultant, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé l'article 1147 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que l'acquéreur, qui avait donné pour mission à l'agent immobilier de rechercher « pour son compte, une propriété », s'était engagé, en signant la promesse synallagmatique de vente négociée et rédigée par celui-ci, à acquérir « une maison d'habitation » qu'il reconnaissait avoir visitée et déclarait vouloir affecter à l'usage d'habitation, la cour d'appel a retenu qu'il ne pouvait reprocher à son mandataire d'avoir acquis un immeuble qui ne pouvait être affecté qu'à cet usage ; que, de ces motifs, dont il ressort que l'agent immobilier avait été maintenu dans l'ignorance de la destination particulière que le mandant projetait de donner à l'immeuble, en l'affectant, au contraire de ce qu'il avait déclaré, à une exploitation professionnelle immédiate, elle a pu déduire, sans avoir à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, qu'il n'avait failli ni à ses obligations d'investigation ni à son devoir d'information et de conseil sur l'inadaptation du bien à la réalisation d'un tel projet ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes indemnitaires formées contre le notaire et son assureur, alors, selon le moyen, que le notaire, tenu professionnellement d'éclairer les parties et de s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il instrumente, ne peut décliner le principe de sa responsabilité en alléguant qu'il n'a fait qu'authentifier l'acte établi par les parties ; qu'en se fondant, pour écarter la faute du notaire, sur la circonstance inopérante que le rôle de ce dernier n'avait été que d'authentifier la vente, sans qu'il ait préalablement prêté son assistance à la rédaction de la promesse, ni qu'il soit intervenu lors de la conclusion de l'accord entre les parties, ce qui n'était pas de nature à exonérer le notaire de sa responsabilité, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu que le notaire chargé de dresser un acte de vente immobilière n'est pas tenu de vérifier la possibilité de procéder à un changement de destination de l'immeuble vendu qui n'est pas mentionné à l'acte et dont il n'a pas été avisé, à moins qu'il n'ait pu raisonnablement l'ignorer ;
Et attendu qu'ayant retenu que le notaire ne pouvait que constater la décision de l'acquéreur d'acheter l'immeuble pour l'affecter à l'usage d'habitation et n'avait pas à interférer dans ses motivations, la cour d'appel a pu, dès lors qu'une telle acquisition n'était pas illicite, en déduire qu'il n'avait commis aucune faute à l'origine du retard apporté à la réalisation d'un changement de destination qui ne lui avait pas été révélé ;
Que le moyen, qui s'attaque à un motif erroné mais surabondant, pris de ce que le notaire n'aurait fait qu'authentifier l'acte conclu entre les parties, est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'association Centre de gestion agréé des Alpes du Sud aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer, d'une part, à M. X... et la société Mutuelle du Mans assurances IARD la somme globale de 1 500 euros, et, d'autre part, à la société Sisteron immobilier la somme de 1 500 euros
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