jeudi 24 septembre 2015

Dommages-ouvrage - dommages aux "existants" par les travaux neufs

Voir note Malinvaud, RDI 2015, p. 541 : "Précisions sur la notion d'impropriété à la destination de l'ouvrage".

Cour de cassation
chambre civile 3
Audience publique du mercredi 16 septembre 2015
N° de pourvoi: 14-12.198
Non publié au bulletin Rejet

M. Terrier (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Le Bret-Desaché, SCP Odent et Poulet, SCP Piwnica et Molinié, avocat(s)


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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique du pourvoi principal et sur le moyen unique du pourvoi incident, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 septembre 2013), que, par marché du 28 juin 1997, complété par avenants des 23 octobre 1997, 30 mars et 10 avril 1998, M. et Mme X...ont confié la construction d'une maison d'habitation à la société Concepts et réalisations champenoises (la société CRC), assurée en responsabilité décennale auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), société auprès de laquelle ils ont souscrit une assurance dommages-ouvrage ; qu'après réception des travaux le 19 mai 1998, M. et Mme X...ont déclaré, le 14 septembre 2005, un sinistre consistant en des infiltrations en sous-sol à la SMABTP, qui, après expertise, a dénié sa garantie au motif que les infiltrations s'étaient produites dans l'extension qui ne faisait pas partie des ouvrages assurés et qu'aucune infiltration n'avait été constatée dans la cave à vin ; que le 30 août 2006, M. et Mme X...ont vendu la maison à M. et Mme Y..., qui, ayant constaté des infiltrations d'eau en sous-sol, ont déclaré le sinistre en octobre 2006 à la SMABTP et ont fait appel à M. Z..., expert qui a établi un rapport le 26 décembre 2006 ; qu'après condamnation de M. et Mme X...à leur payer une provision au vu du rapport de M. A...expert désigné en référé, condamnation que la société CRC et la SMABTP ont été condamnées à garantir, M. et Mme Y... ont assigné M. et Mme X...en indemnisation de leurs préjudices ; que ceux-ci ont appelé en garantie la société CRC et la SMABTP ;

Attendu que la SMABTP et la société CRC font grief à l'arrêt de les condamner à garantir M. et Mme X...des condamnations prononcées à leur encontre au profit de M. et Mme Y..., alors, selon le moyen :

1°/ que la garantie décennale s'applique pendant un délai de dix ans à compter de la réception des travaux lorsque surviennent des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ; que l'atteinte à cette dernière s'apprécie au regard de la destination convenue entre les parties ; qu'en l'espèce, une fois les désordres identifiés dans la zone du sous-sol de la maison d'habitation construite, dont il était constaté qu'elle ne constituait qu'une zone 2, non habitable, « l'ouvrage », dont il devait être apprécié si la destination était atteinte ou non, était l'immeuble d'habitation construit selon l'intention des parties ; que pour décider que les désordres constatés relevaient de la garantie décennale, la cour d'appel s'est bornée à constater qu'ils rendaient le sous-sol impropre à sa destination de garage ; qu'en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à justifier la mise en oeuvre de cette garantie, la cour d'appel a violé l'article 1792 du code civil ;

2°/ que la garantie décennale ne peut être mise en oeuvre que si un désordre compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination a été dénoncé dans le délai d'épreuve de la garantie décennale, lequel a commencé à courir à compter de la réception ; qu'il doit en outre être établi que l'atteinte à la destination de l'ouvrage est intervenue elle-même avec certitude avant le terme du délai décennal ; qu'en retenant dès lors que les dommages survenus dans le sous-sol le rendaient impropre à sa destination de garage, sans avoir constaté que cette atteinte à la destination était survenue avant le terme du délai décennal, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792 du code civil ;

3°/ que la SMABTP avait fait valoir, dans ses écritures, que le certificat de conformité délivré le 15 février 1999 ne l'avait été, selon ce document, que « pour les travaux qui ont fait l'objet du permis de construire dont les références sont rappelées ci-dessus », portant le n° 0659700018 et accordé par arrêté du 13 octobre 1997 ; qu'ainsi sa garantie ne s'étendait pas aux travaux visés ultérieurement par la demande de permis de construire modificatif présentée par M. X...le 24 octobre 1997, portant en particulier sur des travaux qualifiés de « bûcher réalisé par client », qui avaient été source des désordres ; qu'en décidant dès lors que la SMABTP devait assumer la garantie décennale des dommages survenus dans le sous-sol de l'immeuble des époux Y..., sans avoir recherché, comme elle y était invitée, si, abstraction du sens donné à la clause d'exclusion de la police, les travaux dommageables n'avaient pas été réservés par M. X..., de sorte qu'ils étaient exclus de ce seul chef du champ de la garantie apportée par l'assureur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1792 du code civil ;

4°/ que la garantie décennale ne peut être mise en oeuvre à l'égard d'une entreprise que s'il est préalablement démontré qu'eu égard au marché passé entre l'entreprise et le maître d'ouvrage, les prestations qui sont le siège des désordres étaient au nombre des prestations entrant dans le champ de la convention, et pour lesquelles l'entreprise était contractuellement rémunérée ; que, dans ses conclusions d'appel, la société CRC avait fait valoir que sa responsabilité ne pouvait pas être mise en cause dès lors que les travaux litigieux concernant la partie « extension » ou « bûcher » avait été réalisés par M. X...lui-même, ce que ce dernier ne contestait pas ; que d'ailleurs le certificat de conformité délivré le 15 février 1999 ne l'avait été, selon ce document, que « pour les travaux qui ont fait l'objet du permis de construire dont les références sont rappelées ci-dessus », portant le n° 0659700018 et accordé par arrêté du 13 octobre 1997 ; qu'ainsi la responsabilité de la société CRC ne s'étendait pas aux travaux visés ultérieurement par la demande de permis de construire modificatif présentée par M. X...le 24 octobre 1997, portant en particulier sur des travaux qualifiés de « bûcher réalisé par client », qui avaient été source des désordres ; qu'en estimant que la société CRC devait la garantie décennale pour l'ensemble des désordres, sans constater que ceux des travaux dont il contestait avoir été contractuellement chargé entraient bien dans le champ du contrat d'entreprise passé entre lui et le maître d'ouvrage, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard des articles 1787 et 1792 du code civil ;

Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, constaté que les désordres consistaient en des infiltrations d'eau tant dans le fond du garage que dans le bûcher, construit par la société CRC en même temps que le reste de l'immeuble, et en une importante humidité en divers endroits sur les murs périphériques du sous-sol, relevé qu'ils avaient été constatés le 8 décembre 2006 par M. Z...et le 2 juillet 2007 par M. A..., lors d'une réunion d'expertise, et retenu que, par leur importance, leur persistance et leur étendue, ces désordres rendaient le sous-sol impropre à sa destination de garage et relevaient de la garantie décennale et que la SMABTP ne pouvait soutenir que sa garantie excluait les travaux de construction du sous-sol qui constituent la structure enterrée du bâtiment assuré, la cour d'appel a pu déduire de ces seuls motifs que la SMABTP et la société CRC étaient tenues de garantir M. et Mme X...des condamnations prononcées à leur encontre au profit de M. et Mme Y... ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la SMABTP et la société Concepts et réalisations champenoises à payer la somme globale de 3 000 euros à M. et Mme X...et la somme globale de 3 000 euros à M. et Mme Y... ; rejette les autres demandes ;

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