Conseil d'État - 7ème - 2ème chambres réunies
- N° 436820
- ECLI:FR:CECHR:2021:436820.20210427
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du mardi 27 avril 2021
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société Strasbourg Electricité Réseaux a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de condamner conjointement et solidairement la société SADE et l'Eurométropole de Strasbourg à lui verser la somme de 498 527,13 euros, à titre de provision, à raison du dommage survenu le 8 août 2016 dans le cadre des travaux d'extension du réseau de chauffage urbain. Par une ordonnance n° 1703900 du 7 août 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, condamné la société SADE à verser à Strasbourg Electricité Réseaux une provision de 430 547,66 euros et, d'autre part, condamné l'Eurométropole de Strasbourg à garantir la société SADE de l'intégralité de cette condamnation.
Par un arrêt n° 18NC02291 du 3 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a porté à 497 801,82 euros la provision que la société SADE a été condamnée à verser à la société Strasbourg Electricité Réseaux, condamné l'Eurométropole de Strasbourg à garantir intégralement la société SADE du montant de cette somme et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 décembre 2019 et 2 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Eurométropole de Strasbourg et la société SMACL Assurances demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) statuant en référé, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de la société SADE la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yohann Bouquerel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de l'Eurométropole de Strasbourg et de la société SMACL Assurances, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Strasbourg Electricité Réseaux, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la société SADE, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de la société Delta Service Location et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la société Réseaux de Chaleur Urbains d'Alsace ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans le cadre de l'extension du réseau de chauffage urbain, l'Eurométropole de Strasbourg a attribué les travaux relatifs au réseau de chaleur à un groupement d'entreprises solidaires constitué de la société SADE et de la société Nord Est TP Canalisations, dont la société SADE était le mandataire commun, par un acte d'engagement du 6 janvier 2016. La maîtrise d'oeuvre de ce marché a été attribuée à un groupement conjoint constitué du cabinet Lollier Ingénierie, mandataire solidaire, et de la société Energival, aux droits de laquelle vient la société Réseaux de Chaleur Urbains d'Alsace. Compte tenu de la hauteur exceptionnelle des eaux de la nappe phréatique, des pompes ont été installées et surveillées durant toute la durée des travaux par la société Delta Service Location. Le 8 août 2016, lors des opérations d'évacuation d'une importante quantité d'eau constatée en fond de fouille d'une tranchée réalisée dans le cadre des travaux, une artère bétonnée enterrée en sous-sol, abritant une liaison haute tension exploitée par la société Electricité de Strasbourg, s'est effondrée. La société Strasbourg Electricité Réseaux, venant aux droits de la société Electricité de Strasbourg, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, d'une demande tendant à la condamnation solidaire de la société SADE et de l'Eurométropole de Strasbourg à lui verser la somme de 498 527,13 euros à titre de provision à raison du dommage subi. Par une ordonnance du 7 août 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a condamné la société SADE à verser à la société Strasbourg Electricité Réseaux une provision de 430 547,66 euros, a condamné l'Eurométropole de Strasbourg à garantir intégralement la société SADE des provisions mises à sa charge et a rejeté les appels en garantie formés par l'Eurométropole de Strasbourg contre la société SADE, la société Delta Service Location et les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre. Par l'arrêt du 3 décembre 2019 contre lequel se pourvoient en cassation l'Eurométropole de Strasbourg et son assureur, la société SMACL Assurances, la cour administrative d'appel de Nancy a porté le montant de la provision à la somme totale de 497 801,82 euros hors taxes et a condamné l'Eurométropole de Strasbourg à garantir intégralement la société SADE à hauteur de cette somme.
Sur l'existence d'une obligation non sérieusement contestable :
2. L'article R. 541-1 du code de justice administrative dispose : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ".
3. D'une part, le maître de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, l'architecte et l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.
4. D'autre part, lorsqu'il n'est pas sérieusement contestable que des dommages accidentels causés à des tiers sont imputables à l'exécution de travaux publics, ces tiers peuvent se prévaloir d'une obligation non sérieusement contestable pour obtenir une provision, à moins pour le maître d'ouvrage ou, le cas échéant, l'architecte et l'entrepreneur chargé des travaux, d'établir avec un degré suffisant de certitude l'existence d'un cas de force majeure ou d'une faute de la victime.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Nancy a, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, retenu, sur la base notamment du procès-verbal de constat du 9 août 2016 et du rapport de la société Saretec du 27 juin 2017, qu'il n'était pas sérieusement contestable que les dommages causés à l'artère bétonnée abritant la ligne haute tension résultaient de la réalisation des travaux effectués à proximité immédiate par la société SADE, lesquels ont le caractère de travaux publics et dont l'Eurométropole de Strasbourg était le maître d'ouvrage. La cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que l'Eurométropole de Strasbourg n'établissait pas avec un degré suffisant de certitude l'existence d'une faute de la société Strasbourg Electricité Réseaux d'une gravité telle qu'elle serait la cause exclusive des dommages. Par suite, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'Eurométropole de Strasbourg et la société SMACL Assurances ne sont pas fondées à soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit et aurait inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en estimant que l'obligation de la société SADE à l'égard de la société Strasbourg Electricité Réseaux n'était pas sérieusement contestable.
Sur la condamnation de l'Eurométropole de Strasbourg à garantir la société SADE :
6. En premier lieu, lorsque sa responsabilité est mise en cause par la victime d'un dommage dû à l'exécution de travaux publics, le constructeur est fondé, sauf clause contractuelle contraire et sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'aucune réserve de sa part, même non chiffrée, concernant ce litige ne figure au décompte général du marché devenu définitif, à demander à être garanti en totalité par le maître d'ouvrage, dès lors que la réception des travaux à l'origine des dommages a été prononcée sans réserve et que ce constructeur ne peut pas être poursuivi au titre de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise au constructeur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part.
7. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir relevé, d'une part, que la réception définitive des travaux exécutés par la société SADE, dans le cadre du marché de travaux portant sur l'extension du réseau de chaleur urbain, avait été prononcée le 23 septembre 2016 et les réserves levées le 21 novembre 2016, et, d'autre part, qu'il résultait de l'instruction que la société SADE avait accepté, le 9 mars 2017, le décompte général qui lui avait été notifié et qui était ainsi devenu le décompte général et définitif du marché de travaux en litige, la cour administrative d'appel de Nancy a jugé que le caractère intangible de ce décompte ne faisait pas obstacle à la recevabilité des conclusions d'appel en garantie de la société SADE contre l'Eurométropole de Strasbourg, dès lors que ces conclusions avaient été présentées en conséquence de la réclamation formée par un tiers victime de l'exécution de ces travaux publics. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, qui ne peuvent utilement se prévaloir, s'agissant de dommages causés à des tiers, de la possibilité dont dispose un maître d'ouvrage, sous certaines conditions, d'appeler en garantie le titulaire d'un lot du marché, alors même que le décompte de ce lot est devenu définitif, au titre d'une obligation mise à sa charge par le décompte d'un autre lot du même marché, la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit.
8. En deuxième lieu, en retenant que la mention figurant au procès-verbal de réception des travaux, selon laquelle " la décision de réception ne dégage pas la responsabilité de l'entreprise de dommages collatéraux apparus pendant ou après ladite réception et résultant de l'exécution des travaux ", ne visait pas les dommages apparus pendant l'exécution des travaux, pour en déduire que l'Eurométropole de Strasbourg ne pouvait utilement invoquer cette mention pour soutenir que les parties avaient entendu prolonger la responsabilité contractuelle du constructeur au-delà de la réception des travaux pour des dommages qui auraient été causés à des tiers antérieurement à celle-ci, la cour administrative d'appel de Nancy s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce exempte de dénaturation.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2131-10 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les décisions et délibérations par lesquelles les communes renoncent soit directement, soit par une clause contractuelle, à exercer toute action en responsabilité à l'égard de toute personne physique ou morale qu'elles rémunèrent sous quelque forme que ce soit ".
10. Ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de limiter les effets qui s'attachent à l'acte de réception par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Par suite, contrairement à ce soutiennent l'Eurométropole de Strasbourg et la société SMACL Assurances, la cour administrative d'appel de Nancy, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique en jugeant que ces dispositions ne faisaient pas obstacle à ce que la société SADE soit intégralement garantie par l'Eurométropole de Strasbourg pour les dommages causés à la société Strasbourg Electricité Réseaux compte tenu de la réception définitive des travaux prononcée le 23 septembre 2016.
11. Il résulte de tout ce qui précède que l'Eurométropole de Strasbourg et la société SMACL Assurances ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Eurométropole de Strasbourg, d'une part, et de la société SMACL Assurances, d'autre part, le versement d'une somme de 1 500 euros chacune à chacune des sociétés SADE, Réseaux de Chaleur Urbains d'Alsace et Delta Service Location au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'Eurométropole de Strasbourg versera la somme de 3 000 euros au même titre à la société Strasbourg Electricité Réseaux. Les dispositions de l'article L. 761-1 font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société SADE qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi de l'Eurométropole de Strasbourg et de la société SMACL Assurances est rejeté.
Article 2 : L'Eurométropole de Strasbourg, d'une part, et la société SMACL Assurances, d'autre part, verseront chacune à chacune des sociétés SADE, Réseaux de Chaleur Urbains d'Alsace et Delta Service Location une somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'Eurométropole de Strasbourg versera à la société Strasbourg Electricité Réseaux la somme de 3 000 euros au même titre.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Eurométropole de Strasbourg, aux sociétés SMACL Assurances, SADE, Réseaux de Chaleur Urbains d'Alsace, Strasbourg Electricité Réseaux et Delta Service Location.
Copie en sera adressée à la société Samuel Lollier Ingénierie.
ECLI:FR:CECHR:2021:436820.20210427
La société Strasbourg Electricité Réseaux a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg de condamner conjointement et solidairement la société SADE et l'Eurométropole de Strasbourg à lui verser la somme de 498 527,13 euros, à titre de provision, à raison du dommage survenu le 8 août 2016 dans le cadre des travaux d'extension du réseau de chauffage urbain. Par une ordonnance n° 1703900 du 7 août 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, condamné la société SADE à verser à Strasbourg Electricité Réseaux une provision de 430 547,66 euros et, d'autre part, condamné l'Eurométropole de Strasbourg à garantir la société SADE de l'intégralité de cette condamnation.
Par un arrêt n° 18NC02291 du 3 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a porté à 497 801,82 euros la provision que la société SADE a été condamnée à verser à la société Strasbourg Electricité Réseaux, condamné l'Eurométropole de Strasbourg à garantir intégralement la société SADE du montant de cette somme et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 17 décembre 2019 et 2 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Eurométropole de Strasbourg et la société SMACL Assurances demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) statuant en référé, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de la société SADE la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Yohann Bouquerel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de l'Eurométropole de Strasbourg et de la société SMACL Assurances, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Strasbourg Electricité Réseaux, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de la société SADE, à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de la société Delta Service Location et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la société Réseaux de Chaleur Urbains d'Alsace ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans le cadre de l'extension du réseau de chauffage urbain, l'Eurométropole de Strasbourg a attribué les travaux relatifs au réseau de chaleur à un groupement d'entreprises solidaires constitué de la société SADE et de la société Nord Est TP Canalisations, dont la société SADE était le mandataire commun, par un acte d'engagement du 6 janvier 2016. La maîtrise d'oeuvre de ce marché a été attribuée à un groupement conjoint constitué du cabinet Lollier Ingénierie, mandataire solidaire, et de la société Energival, aux droits de laquelle vient la société Réseaux de Chaleur Urbains d'Alsace. Compte tenu de la hauteur exceptionnelle des eaux de la nappe phréatique, des pompes ont été installées et surveillées durant toute la durée des travaux par la société Delta Service Location. Le 8 août 2016, lors des opérations d'évacuation d'une importante quantité d'eau constatée en fond de fouille d'une tranchée réalisée dans le cadre des travaux, une artère bétonnée enterrée en sous-sol, abritant une liaison haute tension exploitée par la société Electricité de Strasbourg, s'est effondrée. La société Strasbourg Electricité Réseaux, venant aux droits de la société Electricité de Strasbourg, a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, d'une demande tendant à la condamnation solidaire de la société SADE et de l'Eurométropole de Strasbourg à lui verser la somme de 498 527,13 euros à titre de provision à raison du dommage subi. Par une ordonnance du 7 août 2018, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a condamné la société SADE à verser à la société Strasbourg Electricité Réseaux une provision de 430 547,66 euros, a condamné l'Eurométropole de Strasbourg à garantir intégralement la société SADE des provisions mises à sa charge et a rejeté les appels en garantie formés par l'Eurométropole de Strasbourg contre la société SADE, la société Delta Service Location et les membres du groupement de maîtrise d'oeuvre. Par l'arrêt du 3 décembre 2019 contre lequel se pourvoient en cassation l'Eurométropole de Strasbourg et son assureur, la société SMACL Assurances, la cour administrative d'appel de Nancy a porté le montant de la provision à la somme totale de 497 801,82 euros hors taxes et a condamné l'Eurométropole de Strasbourg à garantir intégralement la société SADE à hauteur de cette somme.
Sur l'existence d'une obligation non sérieusement contestable :
2. L'article R. 541-1 du code de justice administrative dispose : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) ".
3. D'une part, le maître de l'ouvrage ainsi que, le cas échéant, l'architecte et l'entrepreneur chargé des travaux sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution d'un travail public, à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.
4. D'autre part, lorsqu'il n'est pas sérieusement contestable que des dommages accidentels causés à des tiers sont imputables à l'exécution de travaux publics, ces tiers peuvent se prévaloir d'une obligation non sérieusement contestable pour obtenir une provision, à moins pour le maître d'ouvrage ou, le cas échéant, l'architecte et l'entrepreneur chargé des travaux, d'établir avec un degré suffisant de certitude l'existence d'un cas de force majeure ou d'une faute de la victime.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour administrative d'appel de Nancy a, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, retenu, sur la base notamment du procès-verbal de constat du 9 août 2016 et du rapport de la société Saretec du 27 juin 2017, qu'il n'était pas sérieusement contestable que les dommages causés à l'artère bétonnée abritant la ligne haute tension résultaient de la réalisation des travaux effectués à proximité immédiate par la société SADE, lesquels ont le caractère de travaux publics et dont l'Eurométropole de Strasbourg était le maître d'ouvrage. La cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier en estimant que l'Eurométropole de Strasbourg n'établissait pas avec un degré suffisant de certitude l'existence d'une faute de la société Strasbourg Electricité Réseaux d'une gravité telle qu'elle serait la cause exclusive des dommages. Par suite, il résulte de ce qui a été dit au point précédent que l'Eurométropole de Strasbourg et la société SMACL Assurances ne sont pas fondées à soutenir que la cour aurait commis une erreur de droit et aurait inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en estimant que l'obligation de la société SADE à l'égard de la société Strasbourg Electricité Réseaux n'était pas sérieusement contestable.
Sur la condamnation de l'Eurométropole de Strasbourg à garantir la société SADE :
6. En premier lieu, lorsque sa responsabilité est mise en cause par la victime d'un dommage dû à l'exécution de travaux publics, le constructeur est fondé, sauf clause contractuelle contraire et sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'aucune réserve de sa part, même non chiffrée, concernant ce litige ne figure au décompte général du marché devenu définitif, à demander à être garanti en totalité par le maître d'ouvrage, dès lors que la réception des travaux à l'origine des dommages a été prononcée sans réserve et que ce constructeur ne peut pas être poursuivi au titre de la garantie de parfait achèvement ou de la garantie décennale. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise au constructeur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part.
7. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué qu'après avoir relevé, d'une part, que la réception définitive des travaux exécutés par la société SADE, dans le cadre du marché de travaux portant sur l'extension du réseau de chaleur urbain, avait été prononcée le 23 septembre 2016 et les réserves levées le 21 novembre 2016, et, d'autre part, qu'il résultait de l'instruction que la société SADE avait accepté, le 9 mars 2017, le décompte général qui lui avait été notifié et qui était ainsi devenu le décompte général et définitif du marché de travaux en litige, la cour administrative d'appel de Nancy a jugé que le caractère intangible de ce décompte ne faisait pas obstacle à la recevabilité des conclusions d'appel en garantie de la société SADE contre l'Eurométropole de Strasbourg, dès lors que ces conclusions avaient été présentées en conséquence de la réclamation formée par un tiers victime de l'exécution de ces travaux publics. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, qui ne peuvent utilement se prévaloir, s'agissant de dommages causés à des tiers, de la possibilité dont dispose un maître d'ouvrage, sous certaines conditions, d'appeler en garantie le titulaire d'un lot du marché, alors même que le décompte de ce lot est devenu définitif, au titre d'une obligation mise à sa charge par le décompte d'un autre lot du même marché, la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit.
8. En deuxième lieu, en retenant que la mention figurant au procès-verbal de réception des travaux, selon laquelle " la décision de réception ne dégage pas la responsabilité de l'entreprise de dommages collatéraux apparus pendant ou après ladite réception et résultant de l'exécution des travaux ", ne visait pas les dommages apparus pendant l'exécution des travaux, pour en déduire que l'Eurométropole de Strasbourg ne pouvait utilement invoquer cette mention pour soutenir que les parties avaient entendu prolonger la responsabilité contractuelle du constructeur au-delà de la réception des travaux pour des dommages qui auraient été causés à des tiers antérieurement à celle-ci, la cour administrative d'appel de Nancy s'est livrée à une appréciation souveraine des faits de l'espèce exempte de dénaturation.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2131-10 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les décisions et délibérations par lesquelles les communes renoncent soit directement, soit par une clause contractuelle, à exercer toute action en responsabilité à l'égard de toute personne physique ou morale qu'elles rémunèrent sous quelque forme que ce soit ".
10. Ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet de limiter les effets qui s'attachent à l'acte de réception par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserve. Par suite, contrairement à ce soutiennent l'Eurométropole de Strasbourg et la société SMACL Assurances, la cour administrative d'appel de Nancy, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique en jugeant que ces dispositions ne faisaient pas obstacle à ce que la société SADE soit intégralement garantie par l'Eurométropole de Strasbourg pour les dommages causés à la société Strasbourg Electricité Réseaux compte tenu de la réception définitive des travaux prononcée le 23 septembre 2016.
11. Il résulte de tout ce qui précède que l'Eurométropole de Strasbourg et la société SMACL Assurances ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent.
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Eurométropole de Strasbourg, d'une part, et de la société SMACL Assurances, d'autre part, le versement d'une somme de 1 500 euros chacune à chacune des sociétés SADE, Réseaux de Chaleur Urbains d'Alsace et Delta Service Location au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'Eurométropole de Strasbourg versera la somme de 3 000 euros au même titre à la société Strasbourg Electricité Réseaux. Les dispositions de l'article L. 761-1 font, en revanche, obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société SADE qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de l'Eurométropole de Strasbourg et de la société SMACL Assurances est rejeté.
Article 2 : L'Eurométropole de Strasbourg, d'une part, et la société SMACL Assurances, d'autre part, verseront chacune à chacune des sociétés SADE, Réseaux de Chaleur Urbains d'Alsace et Delta Service Location une somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'Eurométropole de Strasbourg versera à la société Strasbourg Electricité Réseaux la somme de 3 000 euros au même titre.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Eurométropole de Strasbourg, aux sociétés SMACL Assurances, SADE, Réseaux de Chaleur Urbains d'Alsace, Strasbourg Electricité Réseaux et Delta Service Location.
Copie en sera adressée à la société Samuel Lollier Ingénierie.
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