mardi 16 juillet 2024

Garantie de parfait achèvement : désordres signalés par le maître de l'ouvrage au PV de réception ou notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 4 juillet 2024




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 378 F-D

Pourvoi n° H 23-12.748




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 4 JUILLET 2024


La société Etablissements Parmentier, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 23-12.748 contre le jugement rendu le 28 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Lisieux, dans le litige l'opposant à Mme [F] [W], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Etablissements Parmentier, après débats en l'audience publique du 22 mai 2024 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Boyer, conseiller faisant fonction de doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Lisieux, 28 novembre 2022) rendu en dernier ressort, Mme [W] a confié à la société Établissements Parmentier le remplacement des fenêtres de sa maison.

2. Un procès-verbal de réception a été signé le 27 janvier 2020.

3. Le 12 novembre 2020, Mme [W] a formé opposition à une ordonnance lui enjoignant de payer à l'entrepreneur le solde du prix de ses travaux. Elle a demandé reconventionnellement l'indemnisation de malfaçons.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Établissements Parmentier fait grief au jugement de rejeter ses demandes tendant à ce que Mme [W] soit condamnée à lui verser la somme de 2 015,04 euros au titre du principal, 201,50 euros au titre de la clause pénale et 511,62 euros au titre des intérêts contractuels, alors « que la société Etablissement Parmentier demandait à ce que Mme [W] soit condamnée à payer le solde des travaux effectués dès lors qu'il était incontestable que les travaux de fournitures et pose des quatre fenêtres avaient été réalisés et que le chantier était achevé ; qu'en déboutant la société de cette demande sans répondre, même sommairement, au moyen soulevé par la société, le tribunal judiciaire a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

5. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

6. Le jugement rejette les demandes en paiement formées par la société Établissements Parmentier au titre du solde du prix de ses travaux, de la clause pénale et des intérêts contractuels, sans énoncer de motif.

7. En statuant ainsi, le tribunal n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

8. La société Établissements Parmentier fait grief au jugement de la condamner à payer à Mme [W] la somme de 1 440 euros au titre du remplacement des vantaux et la somme de 576 euros au titre du coût du rapport d'expertise, alors « que lorsque des désordres surviennent postérieurement à la réception des travaux, le maitre de l'ouvrage qui souhaite mettre en oeuvre la garantie de parfaitement achèvement est tenu de signaler les désordres par la voie d'une notification préalable écrite à l'entrepreneur, et ce avant toute action judiciaire, et dans le délai d'un an à compter de la réception des travaux ; qu'en jugeant que Mme [W] était bien fondée à se prévaloir de la garantie de parfaite achèvement, en se bornant à relever qu'elle avait expressément mentionné, l'absence de finitions et de grille d'aération, dans son courrier d'opposition à l'injonction de payer adressé au juge dans le délai d'un an à compter de la réception des travaux, sans constater qu'elle avait effectivement notifié à la société Etablissements Parmentier les désordres survenus, avant toute action judiciaire, et dans le délai d'un an à compter de la réception des travaux, le tribunal judiciaire a violé de l'article 1792-6 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1792-6 du code civil :

9. Selon ce texte, la garantie de parfait achèvement, à laquelle l'entrepreneur est tenu pendant un délai d'un an, à compter de la réception, s'étend à la réparation de tous les désordres signalés par le maître de l'ouvrage, soit au moyen de réserves mentionnées au procès-verbal de réception, soit par voie de notification écrite pour ceux révélés postérieurement à la réception.

10. Il en résulte qu'en l'absence de notification préalable à l'entrepreneur des désordres révélés postérieurement à la réception, qu'une demande en justice, même formée avant l'expiration du délai d'un an prévu à l'article 1792-6 du code civil, ne peut suppléer, les demandes indemnitaires du maître de l'ouvrage fondées sur la garantie de parfait achèvement ne peuvent être accueillies.

11. Pour condamner l'entrepreneur à indemniser le maître de l'ouvrage du coût du remplacement des vantaux des fenêtres sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, le jugement retient que les désordres sont apparus après la réception et relève que Mme [W] mentionne expressément dans sa lettre d'opposition à injonction de payer, adressée dans le délai d'un an à compter de la réception, l'absence de finitions et de grille d'aération.

12. En statuant ainsi, alors qu'il n'était pas soutenu devant lui que le maître de l'ouvrage, avait, avant d'agir, notifié à l'entrepreneur les désordres dont il demandait réparation, le tribunal a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Établissements Parmentier de ses demandes tendant à voir condamner Mme [W] à lui payer la somme de 2 015,04 euros au titre du principal, 201,50 euros au titre de la clause pénale et 511,62 euros au titre des intérêts contractuels, en ce qu'il condamne la société Établissements Parmentier à payer à Mme [W] la somme de 1 440 euros TTC au titre du coût du remplacement des vantaux et la somme de 576 euros TTC au titre du coût du rapport d'expertise de M. [C] et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement rendu le 28 novembre 2022, entre les parties, par le tribunal judiciaire de Lisieux ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ce jugement et les renvoie devant le tribunal judiciaire de Lisieux, autrement composé ;

Condamne Mme [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne Mme [W] à payer à la société Établissements Parmentier la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille vingt-quatre.ECLI:FR:CCASS:2024:C300378

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