Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 20-22.013
- ECLI:FR:CCASS:2021:C300880
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mercredi 15 décembre 2021
Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, du 15 octobre 2020Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 décembre 2021
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 880 F-D
Pourvoi n° R 20-22.013
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2021
M. [Y] [C], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° R 20-22.013 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige l'opposant à la société Trane, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société Trane a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [C], de la SCP Alain Bénabent , avocat de la société Trane, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 octobre 2020), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ. 10 octobre 2019, pourvoi n° 18-20.218), le 1er janvier 2002, la société Trane a pris à bail commercial des locaux à [Localité 2], propriété de M. [C], directeur salarié de l'établissement de cette société dans cette ville.
2. Le 23 décembre 2005, la société Trane a demandé la résolution du bail aux torts exclusifs de M. [C] qui, reconventionnellement, a sollicité la résiliation du contrat pour non-paiement des loyers.
Sur le premier moyen du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
4. M. [C] fait grief à l'arrêt de dire que les sommes dues par la preneuse produiraient intérêts au taux légal à compter de son prononcé, alors : « que la créance d'une somme d'argent dont le principe et le montant résultent du contrat porte intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer ; que, si le juge peut faire usage de son pouvoir modérateur sur la clause pénale prévoyant un intérêt moratoire contractuel, il ne peut allouer au créancier moins que les intérêts au taux légal sur les sommes dues à compter de la sommation de payer ; qu'en jugeant toutefois que la condamnation de la société Trane à payer à M. [C] la somme de 180 743,21 euros TTC au titre des loyers et charges et taxe foncière au 31 décembre 2007 et celle de 18 074,32 euros au titre de l'indemnité forfaitaire contractuellement prévue, produiraient des intérêts au taux légal « à compter de la présente décision », cependant que le principe et le montant de ces créances résultaient du contrat, de sorte que ces créances devaient à tout le moins porter intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer, la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
5. Selon ce texte, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, qui ne sont dus que du jour de la sommation de payer.
6. Pour dire que les sommes dues par la société Trane au titre des loyers, charges, et taxes foncières impayés ne porteraient intérêts au taux légal qu'à compter de l'arrêt, celui-ci retient que la sanction que constitue « le taux de base bancaire au jour de l'échéance impayée, majorée de cinq points et applicable à compter de chacune des dites échéances impayées » est manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi par le bailleur en raison du retard de loyer induit par la durée de la procédure judiciaire.
7. En statuant ainsi, alors que la modération par le juge d'une peine convenue entre les parties ne fait pas perdre à cette peine son caractère d'indemnité forfaitaire contractuellement prévue pour le cas d'inexécution, par une partie, de ses obligations, de sorte que les intérêts au taux légal de la somme retenue par le juge sont dus à compter du jour de la sommation de payer, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne le point de départ des intérêts légaux, l'arrêt rendu le 15 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Trane aux dépens des pourvois ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Trane et la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. [C] (demandeur au pourvoi principal)
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Monsieur [C] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, condamnant la société TRANE à lui payer la somme de 180.743,21 € TTC au titre des loyers et charges et taxe foncière au 31 décembre 2007 et celle de 18.074,32 € au titre de l'indemnité forfaitaire, dit que ces « sommes produi[raient] des intérêts au taux légal à compter de la présente décision » ;
ALORS QUE 1°), le juge est tenu de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, l'article 15.3 du contrat de bail commercial prévoit qu'« en cas de paiement tardif du loyer, des charges, taxes ou accessoires, toutes les sommes dues produiront les intérêts à compter du jour de l'échéance, au taux de base des banques le jour de ladite échéance, majoré de cinq points » ; qu'en retenant que cette clause stipulait que les sommes dues seraient assorties du « taux de base bancaire » et que les parties s'étaient ainsi référées au taux de base d'une banque en particulier, pour en déduire qu'« en l'absence de précision sur la banque retenue », cette clause ne constituait pas un indice objectif et déterminable (arrêt, p. 7), cependant qu'il ressortait des termes clairs et précis de la clause litigieuse que les parties avaient entendu se référer au « taux de base des banques » et non d'une banque en particulier, la cour d'appel a dénaturé ladite clause et violé le principe selon lequel le juge est tenu de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis,
ALORS QUE 2°), le juge peut modérer le montant d'une clause pénale lorsqu'est établi le caractère manifestement disproportionné de la peine prévue par rapport au préjudice réellement subi par le bénéficiaire de la clause ; que le juge doit alors au préalable nécessairement déterminer le montant de la peine contractuellement prévue pour apprécier son caractère manifestement disproportionné par rapport au préjudice subi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que la clause du contrat de bail selon laquelle les sommes dues seraient assorties « du taux de base bancaire au jour de l'échéance impayée, majorée de 5 points et applicable à compter de chacune des dites échéances impayées » ne constitue pas un indice déterminable ; que dès lors, en se bornant à affirmer, pour décider de réduire les intérêts contractuels au taux légal à compter de l'arrêt, que la sanction que constitue « le taux de base bancaire au jour de l'échéance impayée, majorée de 5 points et applicable à compter de chacune des dites échéances impayée » est manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi par le bailleur en raison du retard de loyer induit par la durée de la procédure judiciaire (arrêt, pp. 7 et 8), sans toutefois préciser le montant de ladite sanction contractuellement fixée au regard d'un indice qu'elle a jugé indéterminable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
ALORS QUE 3°), l'article 1152 du code civil ne permet au juge que de modérer la peine, sans toutefois pouvoir allouer une somme inférieure au montant du dommage subi par le créancier ; que, pour décider que les intérêts au taux légal seront dus par la société TRANE à compter de l'arrêt, la cour d'appel énonce que la sanction que constitue « le taux de base bancaire au jour de l'échéance impayée, majorée de 5 points et applicable à compter de chacune des dites échéances impayée » est manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi par le bailleur en raison du retard de loyer induit par la durée de la procédure judiciaire (arrêt, pp. 7 et 8) ; qu'en privant ainsi Monsieur [C] de toute réparation de son préjudice subi antérieurement au prononcé de l'arrêt, après avoir pourtant constaté que le bailleur avait effectivement subi un préjudice, avant le prononcé de l'arrêt, en raison du retard de loyer induit par la durée de la procédure judiciaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Monsieur [C] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, condamnant la société TRANE à lui payer la somme de 180.743,21 € TTC au titre des loyers et charges et taxe foncière au 31 décembre 2007 et celle de 18.074,32 € au titre de l'indemnité forfaitaire, dit que ces « sommes produi[raient] des intérêts au taux légal à compter de la présente décision » ;
ALORS QUE la créance d'une somme d'argent dont le principe et le montant résultent du contrat porte intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer ; que, si le juge peut faire usage de son pouvoir modérateur sur la clause pénale prévoyant un intérêt moratoire contractuel, il ne peut allouer au créancier moins que les intérêts au taux légal sur les sommes dues à compter de la sommation de payer ; qu'en jugeant toutefois que la condamnation de la société TRANE à payer à Monsieur [C] la somme de 180.743,21 € TTC au titre des loyers et charges et taxe foncière au 31 décembre 2007 et celle de 18.074,32 € au titre de l'indemnité forfaitaire contractuellement prévue, produiraient des intérêts au taux légal « à compter de la présente décision », cependant que le principe et le montant de ces créances résultaient du contrat, de sorte que ces créances devaient à tout le moins porter intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer, la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Trane (demanderesse au pourvoi incident éventuel)
La société Trane fait grief à l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 15 octobre 2020 d'avoir constaté qu'il a été mis fin au bail par congé délivré le 22 juin 2007 par la société Trane pour le 31 décembre 2007 ;
ALORS QUE la résolution judiciaire d'un bail aux torts exclusifs du bailleur peut intervenir sur le constat d'agissements fautifs de ce dernier, fussent-ils commis dans le cadre d'un autre contrat liant les mêmes parties, dès lors que ces agissements mettent en péril la bonne exécution du contrat de bail et notamment la jouissance paisible des locaux due au preneur ; que tel est le cas lorsque le bailleur, salarié du preneur et chargé de la direction de l'activité exploitée par son employeur dans les locaux mis à bail s'est rendu coupable, dans le cadre de son contrat de travail, d'un abus de confiance au préjudice de son employeur ; que de tels agissements mettent en péril l'activité du preneur et plus loin, la jouissance paisible des locaux loués aux fins d'exploitation de l'activité à laquelle les deux parties participaient conjointement dans le cadre de leurs divers rapports contractuels ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de l'exposante en résiliation du bail aux torts exclusifs de M. [C] au regard de l'abus de confiance commis par ce dernier dans le cadre de ses fonctions de directeur salarié de la société Trane, la Cour d'appel a cru pouvoir se contenter de relever que « la résiliation judiciaire d'un bail ne peut intervenir que pour une méconnaissance d'une clause du bail ou un manquement aux obligations légales d'une partie » pour en déduire que « les agissements coupables de M. [C], en sa qualité de directeur de la société, n'ont pas été de nature à entraver la jouissance paisible des lieux par la locataire » et que « en sa qualité de bailleur, M. [C], qui a régulièrement délivré les locaux, n'a pas causé de troubles récurrents à l'exploitation des locaux par la société Trane » (v. arrêt p. 6-7) ; qu'en affirmant péremptoirement que l'abus de confiance commis par M. [C] en sa qualité de directeur de la société Trane ne causait aucun trouble à l'exploitation des locaux par l'exposante, cependant que les locaux occupés permettaient l'exploitation de l'activité de la société Trane et qu'il résultait nécessairement de tels agissements un trouble dans la jouissance des locaux, la Cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article 1719 du même code.ECLI:FR:CCASS:2021:C300880
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 15 décembre 2021
Cassation partielle
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 880 F-D
Pourvoi n° R 20-22.013
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 DÉCEMBRE 2021
M. [Y] [C], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° R 20-22.013 contre l'arrêt rendu le 15 octobre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige l'opposant à la société Trane, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société Trane a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de M. [C], de la SCP Alain Bénabent , avocat de la société Trane, après débats en l'audience publique du 9 novembre 2021 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 15 octobre 2020), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ. 10 octobre 2019, pourvoi n° 18-20.218), le 1er janvier 2002, la société Trane a pris à bail commercial des locaux à [Localité 2], propriété de M. [C], directeur salarié de l'établissement de cette société dans cette ville.
2. Le 23 décembre 2005, la société Trane a demandé la résolution du bail aux torts exclusifs de M. [C] qui, reconventionnellement, a sollicité la résiliation du contrat pour non-paiement des loyers.
Sur le premier moyen du pourvoi principal et sur le moyen du pourvoi incident, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le second moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
4. M. [C] fait grief à l'arrêt de dire que les sommes dues par la preneuse produiraient intérêts au taux légal à compter de son prononcé, alors : « que la créance d'une somme d'argent dont le principe et le montant résultent du contrat porte intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer ; que, si le juge peut faire usage de son pouvoir modérateur sur la clause pénale prévoyant un intérêt moratoire contractuel, il ne peut allouer au créancier moins que les intérêts au taux légal sur les sommes dues à compter de la sommation de payer ; qu'en jugeant toutefois que la condamnation de la société Trane à payer à M. [C] la somme de 180 743,21 euros TTC au titre des loyers et charges et taxe foncière au 31 décembre 2007 et celle de 18 074,32 euros au titre de l'indemnité forfaitaire contractuellement prévue, produiraient des intérêts au taux légal « à compter de la présente décision », cependant que le principe et le montant de ces créances résultaient du contrat, de sorte que ces créances devaient à tout le moins porter intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer, la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
5. Selon ce texte, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, qui ne sont dus que du jour de la sommation de payer.
6. Pour dire que les sommes dues par la société Trane au titre des loyers, charges, et taxes foncières impayés ne porteraient intérêts au taux légal qu'à compter de l'arrêt, celui-ci retient que la sanction que constitue « le taux de base bancaire au jour de l'échéance impayée, majorée de cinq points et applicable à compter de chacune des dites échéances impayées » est manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi par le bailleur en raison du retard de loyer induit par la durée de la procédure judiciaire.
7. En statuant ainsi, alors que la modération par le juge d'une peine convenue entre les parties ne fait pas perdre à cette peine son caractère d'indemnité forfaitaire contractuellement prévue pour le cas d'inexécution, par une partie, de ses obligations, de sorte que les intérêts au taux légal de la somme retenue par le juge sont dus à compter du jour de la sommation de payer, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qui concerne le point de départ des intérêts légaux, l'arrêt rendu le 15 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Trane aux dépens des pourvois ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Trane et la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze décembre deux mille vingt et un. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour M. [C] (demandeur au pourvoi principal)
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Monsieur [C] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, condamnant la société TRANE à lui payer la somme de 180.743,21 € TTC au titre des loyers et charges et taxe foncière au 31 décembre 2007 et celle de 18.074,32 € au titre de l'indemnité forfaitaire, dit que ces « sommes produi[raient] des intérêts au taux légal à compter de la présente décision » ;
ALORS QUE 1°), le juge est tenu de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis ; qu'en l'espèce, l'article 15.3 du contrat de bail commercial prévoit qu'« en cas de paiement tardif du loyer, des charges, taxes ou accessoires, toutes les sommes dues produiront les intérêts à compter du jour de l'échéance, au taux de base des banques le jour de ladite échéance, majoré de cinq points » ; qu'en retenant que cette clause stipulait que les sommes dues seraient assorties du « taux de base bancaire » et que les parties s'étaient ainsi référées au taux de base d'une banque en particulier, pour en déduire qu'« en l'absence de précision sur la banque retenue », cette clause ne constituait pas un indice objectif et déterminable (arrêt, p. 7), cependant qu'il ressortait des termes clairs et précis de la clause litigieuse que les parties avaient entendu se référer au « taux de base des banques » et non d'une banque en particulier, la cour d'appel a dénaturé ladite clause et violé le principe selon lequel le juge est tenu de ne pas dénaturer l'écrit qui lui est soumis,
ALORS QUE 2°), le juge peut modérer le montant d'une clause pénale lorsqu'est établi le caractère manifestement disproportionné de la peine prévue par rapport au préjudice réellement subi par le bénéficiaire de la clause ; que le juge doit alors au préalable nécessairement déterminer le montant de la peine contractuellement prévue pour apprécier son caractère manifestement disproportionné par rapport au préjudice subi ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a estimé que la clause du contrat de bail selon laquelle les sommes dues seraient assorties « du taux de base bancaire au jour de l'échéance impayée, majorée de 5 points et applicable à compter de chacune des dites échéances impayées » ne constitue pas un indice déterminable ; que dès lors, en se bornant à affirmer, pour décider de réduire les intérêts contractuels au taux légal à compter de l'arrêt, que la sanction que constitue « le taux de base bancaire au jour de l'échéance impayée, majorée de 5 points et applicable à compter de chacune des dites échéances impayée » est manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi par le bailleur en raison du retard de loyer induit par la durée de la procédure judiciaire (arrêt, pp. 7 et 8), sans toutefois préciser le montant de ladite sanction contractuellement fixée au regard d'un indice qu'elle a jugé indéterminable, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,
ALORS QUE 3°), l'article 1152 du code civil ne permet au juge que de modérer la peine, sans toutefois pouvoir allouer une somme inférieure au montant du dommage subi par le créancier ; que, pour décider que les intérêts au taux légal seront dus par la société TRANE à compter de l'arrêt, la cour d'appel énonce que la sanction que constitue « le taux de base bancaire au jour de l'échéance impayée, majorée de 5 points et applicable à compter de chacune des dites échéances impayée » est manifestement excessive au regard du préjudice effectivement subi par le bailleur en raison du retard de loyer induit par la durée de la procédure judiciaire (arrêt, pp. 7 et 8) ; qu'en privant ainsi Monsieur [C] de toute réparation de son préjudice subi antérieurement au prononcé de l'arrêt, après avoir pourtant constaté que le bailleur avait effectivement subi un préjudice, avant le prononcé de l'arrêt, en raison du retard de loyer induit par la durée de la procédure judiciaire, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 1152 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Monsieur [C] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, condamnant la société TRANE à lui payer la somme de 180.743,21 € TTC au titre des loyers et charges et taxe foncière au 31 décembre 2007 et celle de 18.074,32 € au titre de l'indemnité forfaitaire, dit que ces « sommes produi[raient] des intérêts au taux légal à compter de la présente décision » ;
ALORS QUE la créance d'une somme d'argent dont le principe et le montant résultent du contrat porte intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer ; que, si le juge peut faire usage de son pouvoir modérateur sur la clause pénale prévoyant un intérêt moratoire contractuel, il ne peut allouer au créancier moins que les intérêts au taux légal sur les sommes dues à compter de la sommation de payer ; qu'en jugeant toutefois que la condamnation de la société TRANE à payer à Monsieur [C] la somme de 180.743,21 € TTC au titre des loyers et charges et taxe foncière au 31 décembre 2007 et celle de 18.074,32 € au titre de l'indemnité forfaitaire contractuellement prévue, produiraient des intérêts au taux légal « à compter de la présente décision », cependant que le principe et le montant de ces créances résultaient du contrat, de sorte que ces créances devaient à tout le moins porter intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer, la cour d'appel a violé l'article 1153 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. Moyen produit par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour la société Trane (demanderesse au pourvoi incident éventuel)
La société Trane fait grief à l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 15 octobre 2020 d'avoir constaté qu'il a été mis fin au bail par congé délivré le 22 juin 2007 par la société Trane pour le 31 décembre 2007 ;
ALORS QUE la résolution judiciaire d'un bail aux torts exclusifs du bailleur peut intervenir sur le constat d'agissements fautifs de ce dernier, fussent-ils commis dans le cadre d'un autre contrat liant les mêmes parties, dès lors que ces agissements mettent en péril la bonne exécution du contrat de bail et notamment la jouissance paisible des locaux due au preneur ; que tel est le cas lorsque le bailleur, salarié du preneur et chargé de la direction de l'activité exploitée par son employeur dans les locaux mis à bail s'est rendu coupable, dans le cadre de son contrat de travail, d'un abus de confiance au préjudice de son employeur ; que de tels agissements mettent en péril l'activité du preneur et plus loin, la jouissance paisible des locaux loués aux fins d'exploitation de l'activité à laquelle les deux parties participaient conjointement dans le cadre de leurs divers rapports contractuels ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de l'exposante en résiliation du bail aux torts exclusifs de M. [C] au regard de l'abus de confiance commis par ce dernier dans le cadre de ses fonctions de directeur salarié de la société Trane, la Cour d'appel a cru pouvoir se contenter de relever que « la résiliation judiciaire d'un bail ne peut intervenir que pour une méconnaissance d'une clause du bail ou un manquement aux obligations légales d'une partie » pour en déduire que « les agissements coupables de M. [C], en sa qualité de directeur de la société, n'ont pas été de nature à entraver la jouissance paisible des lieux par la locataire » et que « en sa qualité de bailleur, M. [C], qui a régulièrement délivré les locaux, n'a pas causé de troubles récurrents à l'exploitation des locaux par la société Trane » (v. arrêt p. 6-7) ; qu'en affirmant péremptoirement que l'abus de confiance commis par M. [C] en sa qualité de directeur de la société Trane ne causait aucun trouble à l'exploitation des locaux par l'exposante, cependant que les locaux occupés permettaient l'exploitation de l'activité de la société Trane et qu'il résultait nécessairement de tels agissements un trouble dans la jouissance des locaux, la Cour d'appel a violé l'article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, ensemble l'article 1719 du même code.
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