jeudi 2 décembre 2021

La loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 novembre 2021




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1067 F-D

Pourvoi n° J 19-22.394






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 NOVEMBRE 2021

La Caisse générale de sécurité sociale de la Guyane, dont le siège est [Adresse 3], ayant un établissement [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 19-22.394 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2019 par la cour d'appel de Cayenne (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [U] [M], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Coutou, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la Caisse générale de sécurité sociale de la Guyane, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Coutou, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 7 juin 2019) et les productions, à la suite d'un contrôle effectué le 10 avril 2014, la police aux frontières a établi le 6 mai 2014 un procès-verbal de travail dissimulé à l'encontre de M. [M] (le cotisant).

2. La Caisse générale de sécurité sociale de la Guyane (la Caisse) lui ayant adressé, le 2 février 2015, une lettre d'observations, suivie, le 26 juin 2015, d'une mise en demeure, le cotisant a saisi une juridiction de sécurité sociale d'un recours.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa quatrième branche

Enoncé du moyen

3. La Caisse fait grief à l'arrêt d'annuler le redressement, alors « que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; qu'à la date du contrôle ayant conduit au redressement notifié par lettre du 2 février 2015, la Caisse n'était pas tenue de remettre à l'employeur le document prévu aux articles L. 133-1 et R. 133-1 du code de la sécurité sociale, de telles dispositions introduites respectivement par la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 modifiée par la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 et la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018, ainsi que par le décret n° 2017-1409 du 25 septembre 2017, étant inapplicables au litige ; qu'en annulant le redressement au prétexte qu'il n'était pas démontré que le document prévu aux articles L. 133-1 et R. 133-1 du code de la sécurité sociale avait été porté à la connaissance de l'employeur, la cour d'appel, qui a fait une application rétroactive de ces articles, a violé l'article 2 du code civil, ensemble les articles L. 133-1, R. 133-1 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable à la date du contrôle. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2 du code civil, L. 133-1 et R. 133-1 du code de la sécurité sociale, ces derniers dans leur rédaction issue respectivement de la loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016, modifiée par les lois n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 et n° 2018-1203 du 22 décembre 2018, et du décret n° 2017-1409 du 25 septembre 2017 :

4. Selon le premier de ces textes, la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif.

5. Pour annuler le redressement, l'arrêt retient qu'il n'est pas démontré que le document prévu aux articles L. 133-1 et R. 133-1 du code de la sécurité sociale aurait été porté à la connaissance du cotisant.

6. En statuant ainsi, alors que les articles L. 133-1 et R. 133-1 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction issue des lois et décret précités, n'étaient pas applicables à la date du contrôle litigieux, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 7 juin 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Cayenne ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Cayenne, autrement composée ;

Condamne M. [M] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [M] à payer à Caisse générale de sécurité sociale de la Guyane la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la Caisse générale de sécurité sociale (CGSS) de la Guyane

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR infirmé la décision du 26 novembre 2015 de la commission de recours amiable de la CGSS de la Guyane rejetant la contestation de M. [M] concernant la mise en demeure de payer la somme de 13.181 euros et d'AVOIR en conséquence annulé le redressement opéré par la CGSS de la Guyane à l'encontre de M. [M] suite à constat de travail dissimulé, pour un rappel de cotisations de 10.419 euros.

AUX MOTIFS QUE l'article R. 243-59 III du code de la sécurité sociale dispose que lorsqu'un constat d'infraction de travail dissimulé a été transmis en application des dispositions de l'article L. 8271-6-4 du code du travail afin qu'il soit procédé à un redressement des cotisations et contributions dues, les agents chargés du contrôle mentionné à l'article L. 243-7 communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant une lettre d'observations datée et signée par eux mentionnant l'objet du contrôle réalisé par eux ou par d'autres agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail, le ou les documents consultés, la période vérifiée, le cas échéant, la date de la fin du contrôle et les observations faites au cours de celui-ci. Lorsqu'une infraction mentionnée à l'article L. 8221-1 du code du travail a été constatée, la lettre d'observation mentionne en outre : 1) la référence au document prévu à l'article R. 133-1 ou les différents éléments listés au premier alinéa de cet article lorsque l'infraction a été constatée à l'occasion du contrôle réalisé par eux ; 2) la référence au document mentionné à l'article R. 133-1 ainsi que les faits constatés par les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail lorsque le constat d'infraction de travail dissimulé a été transmis en application des dispositions de l'article L. 8271-6-4 du code du travail. Les observations sont motivées par chef de redressement. A ce titre, elles comprennent les considérations de droit et de fait qui constituent leur fondement et, le cas échéant, l'indication du montant des assiettes correspondants, ainsi que pour les cotisations et contributions sociales l'indication du mode de calcul et du montant des redressements et des éventuelles majorations et pénalités définis aux articles L. 243-7-2, L. 243-7-6 et L. 243-7-7 qui sont envisagés. Le montant des redressements indiqués dans la lettre d'observation peut être différent du montant évalué le cas échéant dans le document mentionné à l'article R. 133-1 ; qu'en l'espèce, le procès-verbal clos le 6 mai 2014 constatant les infractions de travail dissimulé a bien été versé à la cause à hauteur d'appel et il doit en être tenu compte ; que la lettre d'observation a également été établie par la caisse générale de sécurité sociale en application des dispositions susvisées et il s'agit du courrier en recommandé dont l'objet est intitulé « redressements envisagés suite à constat d'un délit de travail dissimulé » ; que cette lettre fait expressément référence au procès-verbal de travail dissimulé qui lui a été transmis par les agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail suite à l'infraction de travail dissimulé par dissimulation de salariés relevée à l'encontre de M. [U] [M] dans les conditions prévues par l'article L. 8271-7 du code du travail étant précisé que le procès-verbal correspondant a été transmis au parquet ; qu'ainsi, ce courrier mentionne bien l'existence du procès-verbal ; que néanmoins, ce procès-verbal n'apparaît pas avoir été notifié à M. [U] [M] ; que surtout, il n'est pas démontré que le document prévu aux articles L. 133-1 et R. 133-1 du code de la sécurité sociale aurait été porté à sa connaissance alors que le premier de ces textes précise qu'il est notifié à la personne contrôlée par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que M. [U] [M] fait valoir une atteinte aux droits de la défense dans la mesure où il n'a pas été en mesure de contester utilement les faits constatés ; qu'il doit nécessairement être constaté que le principe du contradictoire n'a pas été respecté et dès lors la procédure de recouvrement entreprise par la caisse générale de sécurité sociale de la Guyane à l'encontre de M. [U] [M] sera annulée, le jugement entrepris étant confirmé en toutes ses dispositions ;

1° - ALORS QUE lorsqu'il procède à un redressement consécutif à un constat d'un délit de travail dissimulé, l'organisme de recouvrement a pour seule obligation, pour respecter le caractère contradictoire du contrôle, d'adresser à l'employeur la lettre d'observations prévue à l'article L. 243-59 alinéa 5 du code de la sécurité sociale lorsqu'il a procédé à un contrôle en application de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, ou dans le cas contraire, le document prévu à l'article R. 133-8 du même code, sans être tenu d'y joindre le procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé ; qu'en annulant le redressement opéré par la CGSS à la suite d'une lettre d'observations faisant expressément référence au procès-verbal de travail dissimulé établi à l'encontre de M. [M], au prétexte que ce procès-verbal n'apparaissait pas lui avoir été notifié, la cour d'appel a violé les articles R. 243-59 et R. 133-8 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige ;

2° - ALORS QUE lorsqu'il procède à un redressement consécutif à un constat d'un délit de travail dissimulé, l'organisme de recouvrement a pour seule obligation, pour respecter le caractère contradictoire du contrôle, d'adresser à l'employeur la lettre d'observations prévue à l'article L. 243-59 alinéa 5 du code de la sécurité sociale lorsqu'il a procédé à un contrôle en application de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, ou dans le cas contraire, le document prévu à l'article R. 133-8 du même code, sans être tenu d'y joindre le procès-verbal constatant le délit de travail dissimulé dont le juge peut toujours ordonner la production ; que ce n'est qu'à défaut de communication de ce document malgré l'injonction faite par le juge que peut être retenue une violation du principe du contradictoire et des droits de la défense ; qu'en reprochant à la CGSS d'avoir méconnu les droits de la défense et le principe du contradictoire après avoir pourtant constaté que le procès-verbal constatant les infractions de travail dissimulé de M. [M] avait bien été versé à la cause à hauteur d'appel et qu'il devait en être tenu compte, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses constatations, en violation des articles 16, 133 et 446-3 du code de procédure civile ;

3° - ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que pour dire que le principe du contradictoire n'avait pas été respecté, la cour d'appel a reproché à la CGSS de ne pas démontrer avoir porté à la connaissance de M. [M] le document prévu aux articles L. 133-1 et R. 133-1 du code de la sécurité sociale ; qu'en statuant ainsi lorsqu'il résulte de l'arrêt que M. [M] avait soutenu oralement ses conclusions du 25 février 2019, lesquelles ne contenaient pas un tel moyen, la cour d'appel qui a soulevé d'office ce moyen sans avoir recueilli les observations des parties sur ce point, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4° - ALORS QUE la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ; qu'à la date du contrôle ayant conduit au redressement notifié par lettre du 2 février 2015, la CGSS n'était pas tenue de remettre à l'employeur le document prévu aux articles L. 133-1 et R. 133-1 du code de la sécurité sociale, de telles dispositions introduites respectivement par la loi n°2016-1827 du 23 décembre 2016 modifiée par la loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017 et la loi n°2018-1203 du 22 décembre 2018, ainsi que par le décret n°2017-1409 du 25 septembre 2017, étant inapplicables au litige ; qu'en annulant le redressement au prétexte qu'il n'était pas démontré que le document prévu aux articles L. 133-1 et R. 133-1 du code de la sécurité sociale avait été porté à la connaissance de l'employeur, la cour d'appel, qui a fait une application rétroactive de ces articles, a violé l'article 2 du code civil, ensemble les articles L. 133-1, R. 133-1 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable à la date du contrôle.ECLI:FR:CCASS:2021:C201067

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