jeudi 2 décembre 2021

Péremption d'instance

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 25 novembre 2021




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 1072 F-D

Pourvoi n° D 20-13.561




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 25 NOVEMBRE 2021

La caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des [Localité 3], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 20-13.561 contre l'arrêt rendu le 16 janvier 2020 par la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail (section : accidents du travail), dans le litige l'opposant à la société Faurecia Automotive industrie, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des [Localité 3], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Faurecia Automotive industrie, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 6 octobre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (CNITAAT, 16 janvier 2020), M. [C] (la victime), salarié de la société Faurecia automotive industrie (la société), a été victime le 26 août 2011 d'un accident dont les conséquences ont été prises en charge au titre de la législation sur les risques professionnels. Par décision du 22 novembre 2013, la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 3] (la caisse), après consolidation acquise à la date du 17 novembre 2013, a estimé le taux d'incapacité permanente partielle de la victime à 40 % à la date du 17 novembre 2013. La société a saisi une juridiction du contentieux de l'incapacité afin de contestation de cette décision.

Examen des moyens

Sur les premier et second moyens réunis

Enoncé du moyen

2. La caisse fait grief à l'arrêt de constater la péremption de l'instance puis de dire qu'en application des dispositions de l'article 390 du code de procédure civile la péremption en cause d'appel confère au jugement la force de chose jugée, alors :

« 1°/ que, lorsqu'un appel est formé devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents de travail (CNITAAT), en application des articles R. 143-24 et suivants du code de la sécurité sociale, la direction de la procédure échappe aux parties et incombe à la juridiction, qui communique les éléments de la procédure aux parties, dirige l'instruction, procède à des investigations tant qu'elle ne s'estime pas suffisamment informée et ordonne la clôture lorsqu'elle a recueilli les éléments utiles ; que n'étant tenues d'effectuer aucune diligence en vue de faire avancer l'instance à compter de la saisine de la CNITAAT, les parties ne peuvent se voir opposer la péremption ; qu'en décidant le contraire, la CNITAAT a violé l'article 386 du code de procédure civile ;

1°/ que lorsqu'un appel est formé devant la CNITAAT, en application des articles R. 143-27 et R. 143-28 du code de la sécurité sociale, le président de la section en charge de l'affaire peut désigner, à titre de consultation, un médecin expert chargé d'examiner le dossier médical soumis à la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail ; que les parties n'ont aucune maîtrise de la procédure qui se déroule devant le médecin consultant, sachant qu'elles ne l'ont pas initiée, qu'elles n'y sont pas présentes, que l'expert se prononce exclusivement au vu du dossier constitué par la juridiction et que les parties ne sont pas directement destinataires de l'avis du médecin consultant ; que n'étant tenues d'effectuer aucune diligence en vue faire avancer l'instance à compter de la saisine du médecin consultant et jusqu'à la communication de son avis, les parties ne peuvent se voir opposer la péremption à raison de l'absence de telles diligences ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, quand elle constatait avoir commis un médecin consultant dont elle a examiné le rapport, la CNITAAT a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en s'abstenant de rechercher si, dès lors qu'en application des articles R. 143-27 et R. 143-28 du code de la sécurité sociale, les parties n'ont aucune maîtrise de la procédure qui se déroule devant le médecin consultant, sachant qu'elles ne l'ont pas initiée, qu'elles n'y sont pas présentes, que l'expert se prononce exclusivement au vu du dossier constitué par la juridiction et que les parties ne sont pas directement destinataires de l'avis du médecin consultant, la saisine du médecin expert ne suspendait pas le délai de péremption, ce dernier recommençant à courir à compter de la communication de son avis, la CNITAAT a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

3. Il résulte des dispositions de l'article R. 143-20-1 du code de la sécurité sociale, applicables au litige, que l'article 386 du code de procédure civile, selon lequel l'instance est périmée lorsque aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans, est applicable devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail.

4. Les mesures d'instruction ordonnées en application de l'article R. 143-27 du code de la sécurité sociale, alors en vigueur, ne privent pas les parties de la direction de la procédure, et de la faculté d'accomplir des diligences de nature à faire progresser l'instance, notamment de demander la fixation de l'audience, et n'ont pas pour effet de suspendre le délai de péremption.

5. Ayant constaté que la caisse avait expédié à la Cour les certificats médicaux initial et final le 7 avril 2017 et son second mémoire le 24 mai 2019, transmis à la partie adverse par pli délivré le 5 juin 2019 et qu'elle avait expédié à la Cour ses conclusions récapitulatives le 19 juin 2019, en sorte qu'entre le 7 avril 2017 et le 24 mai 2019, il s'était écoulé un délai de plus de deux ans pendant lequel aucune des parties n'avait accompli de diligences, la Cour nationale en a déduit, à bon droit, que l'instance était périmée.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 3] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 3] et la condamne à payer à la société Faurecia automotive industrie la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq novembre deux mille vingt et un.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 3]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a constaté la péremption de l'instance puis a dit que qu'en application des dispositions de l'article 390 du code de procédure civile la péremption en cause d'appel confère au jugement la force de chose jugée ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « le code de la sécurité sociale ne prévoit pas de dispositions spécifiques en ce qui concerne le délai de péremption devant les juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale ; Qu'en application des dispositions de l'article R.143-20-1 du dit code, il convient donc de faire application de !' article 386 du code de procédure civile, lequel prévoit que l'instance est périmée lorsqu' aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans; Considérant que l'article 387 du code de procédure civile dispose que la péremption d'instance peut être demandée par l'une quelconque des parties ou être opposée par voie d'exception à la partie qui accomplit un acte après l'expiration du délai de péremption ; Qu'en application de l'article 388 du code de procédure civile la péremption doit, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; Qu'au terme de la jurisprudence subséquente lorsque les diligences à accomplir incombent au greffe, la procédure échappant alors à la maîtrise des parties, la péremption n'a pas lieu de s' appliquer ; Qu'en l'espèce, il résulte de l'examen du dossier que : - la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin a formé appel le 13 novembre 2015 ; - par lettre datée du 17 février 2016 le tribunal a accusé réception à la Caisse de son appel; - par lettre recommandée distribuée le 15 mars 2016, la Cour a avisé la caisse de l'enregistrement de sa demande et l'a invitée à transmettre son mémoire et ses pièces ; - la Cour a accusé réception du premier mémoire de la société le 2 mars 2017 (et transmis à la Caisse par pli délivré le 8 mars 2017) ; - la Caisse a expédié à la Cour les certificats médicaux initial et final le 7 avril 2017 ; - la Caisse a expédié à la Cour son second mémoire le 24 mai 2019 (et transmis à la partie adverse par pli délivré le 5 juin 2019) ; - la société faurecia automotive industrie a invoqué la péremption de l'instance par mémoire récapitulatif du 7 juin 2019 (et transmis à la Caisse le 13 juin 2019 par pli délivré le 18 juin 2019) ; - la Caisse a expédié à la Cour ses conclusions récapitulatives le 19 juin 2019 (et transmis par pli délivré le 28 juin 2019) ; Qu'entre le 7 avril 2017 et le 24 mai 2019, il s'est donc écoulé un délai de plus de deux ans pendant lequel aucune des parties n' a accompli de diligences; Qu'en conséquence, il convient de constater la péremption d'instance » ;

ALORS QUE, lorsqu'un appel est formé devant la Cour nationale de l'Incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents de travail (CNITAAT), en application des articles R. 143-24 et suivants du Code de la sécurité sociale, la direction de la procédure échappe aux parties et incombe à la juridiction, qui communique les éléments de la procédure aux parties, dirige l'instruction, procède à des investigations tant qu'elle ne s'estime pas suffisamment informée et ordonne la clôture lorsqu'elle a recueilli les éléments utiles ; que n'étant tenues d'effectuer aucune diligence en vue faire avancer l'instance à compter de la saisine de la CNITAAT, les parties ne peuvent se voir opposer la péremption ; qu'en décidant le contraire, la CNITAAT a violé l'article 386 du Code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a constaté la péremption de l'instance puis a dit que qu'en application des dispositions de l'article 390 du code de procédure civile la péremption en cause d'appel confère au jugement la force de chose jugée ;

AUX MOTIFS PROPRES QU' « Considérant que le code de la sécurité sociale ne prévoit pas de dispositions spécifiques en ce qui concerne le délai de péremption devant les juridictions du contentieux technique de la sécurité sociale ; Qu'en application des dispositions de l'article R.143-20-1 du dit code, il convient donc de faire application de !' article 386 du code de procédure civile, lequel prévoit que l'instance est périmée lorsqu' aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans; Considérant que l'article 387 du code de procédure civile dispose que la péremption d'instance peut être demandée par l'une quelconque des parties ou être opposée par voie d'exception à la partie qui accomplit un acte après l'expirationdu délai de péremption ; Qu'en application de l'article 388 du code de procédure civile la péremption doit, à peine d'irrecevabilité, être demandée ou opposée avant tout autre moyen ; Qu'au terme de la jurisprudence subséquente lorsque les diligences à accomplir incombent au greffe, la procédure échappant alors à la maîtrise des parties, la péremption n'a pas lieu de s' appliquer ; Qu'en l'espèce, il résulte de l'examen du dossier que : - la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin a formé appel le 13 novembre 2015 ; - par lettre datée du 17 février 2016 le tribunal a accusé réception à la Caisse de son appel; - par lettre recommandée distribuée le 15 mars 2016, la Cour a avisé la ca isse de l'enregistrement de sa demande et l'a invitée à transmettre son mémoire et ses pièces ; - la Cour a accusé réception du premier mémoire de la société le 2 mars 2017 (et transmis à la Caisse par pli délivré le 8 mars 2017) ; - la Caisse a expédié à la Cour les certificats médicaux initial et final le 7 avril 2017 ; - la Caisse a expédié à la Cour son second mémoire le 24 mai 2019 (et transmis à la partie adverse par pli délivré le 5 juin 2019) ; - la société faurecia automotive industrie a invoqué la péremption de l' instance par mémoire récapitulatif du 7 juin 2019 (et transmis à la Caisse le 13 juin 2019 par pli délivré le 18 juin 2019) ; - la Caisse a expédié à la Cour ses conclusions récapitulatives le 19 juin 2019 (et transmis par pli délivré le 28 juin 2019) ; Qu'entre le 7 avril 2017 et le 24 mai 2019, il s'est donc écoulé un délai de plus de deux ans pendant lequel aucune des parties n' a accompli de diligences; Qu'en conséquence, il convient de constater la péremption d'instance » ;

ALORS QUE, PREMIÈREMENT, lorsqu'un appel est formé devant la CNITAAT, en application des articles R. 143-27 et R. 143-28 du Code de la sécurité sociale, le Président de la section en charge de l'affaire peut désigner, à titre de consultation, un médecin expert chargé d'examiner le dossier médical soumis à la CNITAAT ; que les parties n'ont aucune maitrise de la procédure qui se déroule devant le médecin consultant, sachant qu'elles ne l'ont pas initiée, qu'elles n'y sont pas présentes, que l'expert se prononce exclusivement au vu du dossier constitué par la juridiction et que les parties ne sont pas directement destinataires de l'avis du médecin consultant ; que n'étant tenues d'effectuer aucune diligence en vue faire avancer l'instance à compter de la saisine du médecin consultant et jusqu'à la communication de son avis, les parties ne peuvent se voir opposer la péremption à raison de l'absence de telles diligences ; qu'en s'abstenant de s'expliquer sur ce point, quand elle constatait avoir commis un médecin consultant dont elle a examiné le rapport, la CNITAAT a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du Code de procédure civile ;

ET ALORS QUE, DEUXIÈMEMENT, en s'abstenant de rechercher si, dès lors qu'en application des articles R. 143-27 et R. 143-28 du Code de la sécurité sociale, les parties n'ont aucune maitrise de la procédure qui se déroule devant le médecin consultant, sachant qu'elles ne l'ont pas initiée, qu'elles n'y sont pas présentes, que l'expert se prononce exclusivement au vu du dossier constitué par la juridiction et que les parties ne sont pas directement destinataires de l'avis du médecin consultant, la saisine du médecin expert ne suspendait pas le délai de péremption, ce dernier recommençant à courir à compter de la communication de son avis, la CNITAAT a privé sa décision de base légale au regard de l'article 386 du Code de procédure civile ;ECLI:FR:CCASS:2021:C201072

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