Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 22-17.936
- ECLI:FR:CCASS:2023:CO00748
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation
Audience publique du mercredi 22 novembre 2023
Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges, du 21 mars 2022Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 novembre 2023
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 748 F-D
Pourvoi n° A 22-17.936
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023
La société Internatel, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 22-17.936 contre l'arrêt rendu le 21 mars 2022 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l'opposant à M. [J] [P], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Internatel, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [P], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 21 mars 2022), M. [P], pharmacien, a conclu pour vingt-quatre mois avec la société Internatel, opérateur téléphonique, un contrat d'abonnement pour une ligne fixe et une ligne analogique. Constatant des appels frauduleux depuis ses lignes vers des numéros spéciaux entraînant un important surcoût et reprochant son inaction à la société Internatel, M. [P] a résilié le contrat.
2. Sur la requête de la société Internatel, une ordonnance a enjoint à M. [P] de payer la somme de 4 949,69 euros contre laquelle ce dernier a formé opposition.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens, pris en leurs premières et deuxièmes branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
4. La société Internatel fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement et de la condamner à payer à M. [P] la somme de 4 000 euros en réparation de son dommage, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; que dans ses conclusions d'appel, M. [P] demandait, d'une part, à titre principal à voir débouter la société Internatel de toutes ses demandes et à se voir déclarer "bien fondé à refuser d'exécuter son obligation du fait du non-respect des obligations contractuelles de conseil et d'information de la société en vertu des dispositions des articles 1219 et 1220 du code civil", et d'autre part à titre subsidiaire, à voir "dire et juger que la société Internatel est responsable (de son) préjudice (...) constitué par la surfacturation qu'il a dû subir" et "en conséquence", à voir "condamner la société Internatel à titre de réparation (de son) préjudice (...) au paiement de dommages et intérêts équivalents à la totalité de la facturation qui lui est réclamée ce jour d'un montant de 5 324,89 euros" ; qu'en déboutant la société Internatel de sa demande en paiement, tout en la condamnant à payer à M. [P] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige et statué au-delà des prétentions des parties, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile :
5. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé.
6. Pour rejeter la demande en paiement formée par la société Internatel et la condamner à payer à M. [P] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt retient que si la société Internatel avait proposé à M. [P] de bloquer les numéros appelés frauduleusement, cela aurait permis de faire cesser l'usage et de limiter le montant des factures. Il en déduit que M. [P] a donc subi une perte de chance de ne pas payer les appels frauduleux vers les numéros spéciaux, que les montants litigieux facturés sont pour la facture du 3 juillet 2019 de 124,05 euros correspondant à 2 330 appels vers des numéros spéciaux et, pour la facture du 2 août 2019 de 987,81 euros correspondant à 18 244 appels vers des numéros spéciaux, que néanmoins parmi ces numéros spéciaux, certains ont été passés sans fraude et étaient utiles à la pharmacie, de sorte que le préjudice et la perte de chance doivent être estimés à la seule somme forfaitaire de 600 euros. Il ajoute que M. [P] n'aurait pas résilié le contrat s'il avait été mis fin au piratage et que le coût de la résiliation s'est élevé à 3 402 euros selon la facture du 27 août 2019, que le préjudice de M. [P] s'élève donc à la somme de 4 000 euros que la société Internatel sera condamnée à lui payer.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait accueilli la prétention principale de M. [P] tendant au rejet de la demande en paiement formée par la société Internatel et que, dans ses conclusions, M. [P] ne demandait qu'à titre subsidiaire la condamnation de la société Internatel au paiement de dommages et intérêts, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige et statué au-delà de ce qui était demandé, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne M. [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:CO00748
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 novembre 2023
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 748 F-D
Pourvoi n° A 22-17.936
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 NOVEMBRE 2023
La société Internatel, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 22-17.936 contre l'arrêt rendu le 21 mars 2022 par la cour d'appel de Limoges (chambre économique et sociale), dans le litige l'opposant à M. [J] [P], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, trois moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Internatel, de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de M. [P], après débats en l'audience publique du 3 octobre 2023 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Mamou, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Limoges, 21 mars 2022), M. [P], pharmacien, a conclu pour vingt-quatre mois avec la société Internatel, opérateur téléphonique, un contrat d'abonnement pour une ligne fixe et une ligne analogique. Constatant des appels frauduleux depuis ses lignes vers des numéros spéciaux entraînant un important surcoût et reprochant son inaction à la société Internatel, M. [P] a résilié le contrat.
2. Sur la requête de la société Internatel, une ordonnance a enjoint à M. [P] de payer la somme de 4 949,69 euros contre laquelle ce dernier a formé opposition.
Examen des moyens
Sur les premier et deuxième moyens, pris en leurs premières et deuxièmes branches
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
4. La société Internatel fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement et de la condamner à payer à M. [P] la somme de 4 000 euros en réparation de son dommage, alors « que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé ; que dans ses conclusions d'appel, M. [P] demandait, d'une part, à titre principal à voir débouter la société Internatel de toutes ses demandes et à se voir déclarer "bien fondé à refuser d'exécuter son obligation du fait du non-respect des obligations contractuelles de conseil et d'information de la société en vertu des dispositions des articles 1219 et 1220 du code civil", et d'autre part à titre subsidiaire, à voir "dire et juger que la société Internatel est responsable (de son) préjudice (...) constitué par la surfacturation qu'il a dû subir" et "en conséquence", à voir "condamner la société Internatel à titre de réparation (de son) préjudice (...) au paiement de dommages et intérêts équivalents à la totalité de la facturation qui lui est réclamée ce jour d'un montant de 5 324,89 euros" ; qu'en déboutant la société Internatel de sa demande en paiement, tout en la condamnant à payer à M. [P] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts, la cour d'appel, qui a méconnu les termes du litige et statué au-delà des prétentions des parties, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 5 du code de procédure civile :
5. Il résulte de la combinaison de ces textes que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge doit se prononcer seulement sur ce qui est demandé.
6. Pour rejeter la demande en paiement formée par la société Internatel et la condamner à payer à M. [P] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts, l'arrêt retient que si la société Internatel avait proposé à M. [P] de bloquer les numéros appelés frauduleusement, cela aurait permis de faire cesser l'usage et de limiter le montant des factures. Il en déduit que M. [P] a donc subi une perte de chance de ne pas payer les appels frauduleux vers les numéros spéciaux, que les montants litigieux facturés sont pour la facture du 3 juillet 2019 de 124,05 euros correspondant à 2 330 appels vers des numéros spéciaux et, pour la facture du 2 août 2019 de 987,81 euros correspondant à 18 244 appels vers des numéros spéciaux, que néanmoins parmi ces numéros spéciaux, certains ont été passés sans fraude et étaient utiles à la pharmacie, de sorte que le préjudice et la perte de chance doivent être estimés à la seule somme forfaitaire de 600 euros. Il ajoute que M. [P] n'aurait pas résilié le contrat s'il avait été mis fin au piratage et que le coût de la résiliation s'est élevé à 3 402 euros selon la facture du 27 août 2019, que le préjudice de M. [P] s'élève donc à la somme de 4 000 euros que la société Internatel sera condamnée à lui payer.
7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait accueilli la prétention principale de M. [P] tendant au rejet de la demande en paiement formée par la société Internatel et que, dans ses conclusions, M. [P] ne demandait qu'à titre subsidiaire la condamnation de la société Internatel au paiement de dommages et intérêts, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige et statué au-delà de ce qui était demandé, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 21 mars 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Poitiers ;
Condamne M. [P] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille vingt-trois.
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