Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 22-19.839
- ECLI:FR:CCASS:2023:C300803
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation sans renvoi
Audience publique du jeudi 07 décembre 2023
Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, du 08 juin 2022Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 décembre 2023
Cassation sans renvoi
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 803 F-D
Pourvoi n° U 22-19.839
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2023
1°/ la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 4],
2°/ la société Hervé thermique, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° U 22-19.839 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Zurich Insurance Public Limited Company, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à Société des fournitures industrielles et thermiques (Sofinther), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et de la société Hervé thermique, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Zurich Insurance Public Limited Company et de la Société des fournitures industrielles et thermiques, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 8 juin 2022), la société Hervé thermique, assurée auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), s'est vue confier les travaux de chauffage, ventilation et rafraîchissement du chantier de restructuration d'un bâtiment à usage de bureaux.
2. En 2012 et 2013, elle a acquis différents matériaux auprès de la Société des fournitures industrielles et thermiques (la société Sofinther), assurée auprès de la société Zurich Insurance Public Limited Company (la société Zurich).
3. La réception de l'ouvrage est intervenue le 16 juin 2013.
4. Se plaignant de fuites sur le réseau de distribution, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble a déclaré un sinistre à l'assureur dommages-ouvrage. L'expert désigné par cet assureur a chiffré provisoirement les réparations et conclu à la responsabilité des sociétés Hervé thermique et Sofinther.
5. Par actes des 7 et 11 mai 2020, la société Hervé thermique et la SMABTP ont assigné les sociétés Sofinther et Zurich pour qu'elles soient condamnées à prendre en charge les indemnités susceptibles de leur être imputées, à proportion du partage de responsabilité qui résulterait du rapport d'expertise dommages-ouvrage.
6. Par ordonnance du 16 décembre 2021, le juge de la mise en état a déclaré l'action irrecevable comme prescrite. Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. La société Hervé thermique et la SMABTP font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur action intentée à l'encontre des sociétés Sofinther et Zurich pour cause de prescription, alors « que pour les ventes conclues après l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut être assuré que par l'article 2232 du code civil qui édicte un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit ; qu'il s'ensuit que le délai de cinq ans de l'article L. 110-4 du code de commerce ne peut plus être regardé comme un délai butoir et que l'action en garantie des vices cachés doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de la mise en cause de la responsabilité de l'acquéreur, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter de la vente initiale ; qu'en jugeant néanmoins que le point de départ du délai de la prescription extinctive de l'article L. 110-4 du code de commerce courait à compter de la vente initiale et que, les ventes de matériel entre la société Hervé thermique et la société Sofinther ayant eu lieu entre 2012 et 2013, la dernière facture ayant été émise le 14 juin 2013, le délai de prescription de cinq ans de l'article L. 110-4 du code de commerce avait commencé à courir au plus tard le 15 juin 2013, sans connaître d'interruption ou de suspension, de sorte que l'action fondée sur les vices cachés, engagée les 7 et 11 mai 2020, était irrecevable, la cour d'appel a violé les articles 1648 du code civil, L. 110-4 du code de commerce et 2232 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1648, 2232, alinéa 1er , et 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce :
8. Il résulte de ces textes que l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut être assuré que par l'article 2232 du code civil, de sorte que cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice, ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie (Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvoi n° 20-10.763, publié ; Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvoi n° 21-17.789, publié et Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvoi n° 21-19.936, publié).
9. Pour déclarer irrecevables les demandes de la société Hervé thermique et de la SMABTP fondées sur la garantie des vices cachés, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la forclusion de l'article 1648, alinéa 1er, du code civil, qui a commencé à courir le 15 juin 2018, n'est pas acquise, mais que le délai de cinq ans de l'article L. 110-4 du code de commerce, qui enferme l'action et qui a commencé à courir au plus tard le 15 juin 2013, était expiré à la date des assignations des 7 et 11 mai 2020, sans avoir été suspendu ni interrompu.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
13. L'action en garantie des vices cachés de la société Hervé thermique et de la SMABTP n'est pas prescrite, ayant été introduite par actes des 7 et 11 mai 2020, moins de vingt ans après les ventes intervenues entre 2012 et 2013 et moins de deux ans après le jour où ces sociétés ont eu connaissance du vice, par le dépôt du rapport du laboratoire LCFM du 15 mai 2018.
14. Il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens et les frais irrépétibles, l'instance devant se poursuivre devant le tribunal judiciaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la Société des fournitures industrielles et thermiques et la société Zurich Insurance Public Limited Company à l'action de la société Hervé thermique et de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics en garantie des vices cachés ;
Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens et les frais irrépétibles de l'instance au fond ;
Condamne la Société des fournitures industrielles et thermiques et la société Zurich Insurance Public Limited Company aux dépens exposés devant la Cour de cassation ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société des fournitures industrielles et thermiques et la société Zurich Insurance Public Limited Company et les condamne à payer à la société Hervé thermique et à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-trois.ECLI:FR:CCASS:2023:C300803
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 7 décembre 2023
Cassation sans renvoi
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 803 F-D
Pourvoi n° U 22-19.839
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 DÉCEMBRE 2023
1°/ la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), dont le siège est [Adresse 4],
2°/ la société Hervé thermique, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],
ont formé le pourvoi n° U 22-19.839 contre l'arrêt rendu le 8 juin 2022 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Zurich Insurance Public Limited Company, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
2°/ à Société des fournitures industrielles et thermiques (Sofinther), société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
défenderesses à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gadiou et Chevallier, avocat de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics et de la société Hervé thermique, de la SARL Cabinet Munier-Apaire, avocat de la société Zurich Insurance Public Limited Company et de la Société des fournitures industrielles et thermiques, après débats en l'audience publique du 24 octobre 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 8 juin 2022), la société Hervé thermique, assurée auprès de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP), s'est vue confier les travaux de chauffage, ventilation et rafraîchissement du chantier de restructuration d'un bâtiment à usage de bureaux.
2. En 2012 et 2013, elle a acquis différents matériaux auprès de la Société des fournitures industrielles et thermiques (la société Sofinther), assurée auprès de la société Zurich Insurance Public Limited Company (la société Zurich).
3. La réception de l'ouvrage est intervenue le 16 juin 2013.
4. Se plaignant de fuites sur le réseau de distribution, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble a déclaré un sinistre à l'assureur dommages-ouvrage. L'expert désigné par cet assureur a chiffré provisoirement les réparations et conclu à la responsabilité des sociétés Hervé thermique et Sofinther.
5. Par actes des 7 et 11 mai 2020, la société Hervé thermique et la SMABTP ont assigné les sociétés Sofinther et Zurich pour qu'elles soient condamnées à prendre en charge les indemnités susceptibles de leur être imputées, à proportion du partage de responsabilité qui résulterait du rapport d'expertise dommages-ouvrage.
6. Par ordonnance du 16 décembre 2021, le juge de la mise en état a déclaré l'action irrecevable comme prescrite. Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. La société Hervé thermique et la SMABTP font grief à l'arrêt de déclarer irrecevable leur action intentée à l'encontre des sociétés Sofinther et Zurich pour cause de prescription, alors « que pour les ventes conclues après l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut être assuré que par l'article 2232 du code civil qui édicte un délai butoir de vingt ans à compter de la naissance du droit ; qu'il s'ensuit que le délai de cinq ans de l'article L. 110-4 du code de commerce ne peut plus être regardé comme un délai butoir et que l'action en garantie des vices cachés doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice ou, en matière d'action récursoire, à compter de la mise en cause de la responsabilité de l'acquéreur, sans pouvoir dépasser le délai butoir de vingt ans à compter de la vente initiale ; qu'en jugeant néanmoins que le point de départ du délai de la prescription extinctive de l'article L. 110-4 du code de commerce courait à compter de la vente initiale et que, les ventes de matériel entre la société Hervé thermique et la société Sofinther ayant eu lieu entre 2012 et 2013, la dernière facture ayant été émise le 14 juin 2013, le délai de prescription de cinq ans de l'article L. 110-4 du code de commerce avait commencé à courir au plus tard le 15 juin 2013, sans connaître d'interruption ou de suspension, de sorte que l'action fondée sur les vices cachés, engagée les 7 et 11 mai 2020, était irrecevable, la cour d'appel a violé les articles 1648 du code civil, L. 110-4 du code de commerce et 2232 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1648, 2232, alinéa 1er , et 2224 du code civil et L. 110-4, I, du code de commerce :
8. Il résulte de ces textes que l'encadrement dans le temps de l'action en garantie des vices cachés ne peut être assuré que par l'article 2232 du code civil, de sorte que cette action doit être formée dans le délai de deux ans à compter de la découverte du vice, ou, en matière d'action récursoire, à compter de l'assignation, sans pouvoir dépasser le délai-butoir de vingt ans à compter du jour de la naissance du droit, lequel est, en matière de garantie des vices cachés, le jour de la vente conclue par la partie recherchée en garantie (Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvoi n° 20-10.763, publié ; Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvoi n° 21-17.789, publié et Ch. mixte, 21 juillet 2023, pourvoi n° 21-19.936, publié).
9. Pour déclarer irrecevables les demandes de la société Hervé thermique et de la SMABTP fondées sur la garantie des vices cachés, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la forclusion de l'article 1648, alinéa 1er, du code civil, qui a commencé à courir le 15 juin 2018, n'est pas acquise, mais que le délai de cinq ans de l'article L. 110-4 du code de commerce, qui enferme l'action et qui a commencé à courir au plus tard le 15 juin 2013, était expiré à la date des assignations des 7 et 11 mai 2020, sans avoir été suspendu ni interrompu.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
11. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
12. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
13. L'action en garantie des vices cachés de la société Hervé thermique et de la SMABTP n'est pas prescrite, ayant été introduite par actes des 7 et 11 mai 2020, moins de vingt ans après les ventes intervenues entre 2012 et 2013 et moins de deux ans après le jour où ces sociétés ont eu connaissance du vice, par le dépôt du rapport du laboratoire LCFM du 15 mai 2018.
14. Il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens et les frais irrépétibles, l'instance devant se poursuivre devant le tribunal judiciaire.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription opposée par la Société des fournitures industrielles et thermiques et la société Zurich Insurance Public Limited Company à l'action de la société Hervé thermique et de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics en garantie des vices cachés ;
Dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens et les frais irrépétibles de l'instance au fond ;
Condamne la Société des fournitures industrielles et thermiques et la société Zurich Insurance Public Limited Company aux dépens exposés devant la Cour de cassation ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société des fournitures industrielles et thermiques et la société Zurich Insurance Public Limited Company et les condamne à payer à la société Hervé thermique et à la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille vingt-trois.
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