Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du mercredi 1 juin 2016
N° de pourvoi: 15-18.067 15-21.455
Non publié au bulletin Rejet
Mme Batut (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, SCP Gatineau et Fattaccini, SCP Spinosi et Sureau, SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat(s)
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Texte intégral
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° Y 15-18. 067 et F 15-21. 455 ;
Donne acte à M. Z...de ce qu'il se désiste de son pourvoi n° Y 15-18. 067 en ce qu'il est dirigé contre M. X...et la société Groupama d'Oc ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 24 février 2015), que, démarchés par la société Aurore développement (l'intermédiaire), M. et Mme Y...(les acquéreurs) ont conclu avec la société Groupe Richard (le promoteur) un contrat de réservation d'un bien immobilier en l'état futur d'achèvement avec garantie intrinsèque ; que l'acte authentique de vente dudit bien a été dressé, le 27 août 2007, par M. Z...(le notaire) ; que, pour financer cette acquisition, les acquéreurs ont contracté un emprunt, avec déblocage progressif des fonds en fonction de l'avancement des travaux, auprès de la Société générale (la banque) ; que le bien immobilier n'ayant pas été livré et le promoteur ayant été placé en liquidation judiciaire, les acquéreurs ont déclaré leur créance au passif de la liquidation judiciaire et agi en résolution de la vente et du prêt bancaire accessoire, et en responsabilité et indemnisation ;
Sur le premier moyen du pourvoi n° Y 15-18. 067 :
Attendu que le notaire fait grief à l'arrêt, réformant le jugement entrepris sur les condamnations à réparation du préjudice des acquéreurs et statuant à nouveau, de dire qu'il sera tenu in solidum avec le promoteur et l'intermédiaire dans la limite du pourcentage de responsabilité mis à sa charge, du préjudice causé aux acquéreurs s'élevant à 114 053, 31 euros et de le condamner in solidum avec l'intermédiaire à payer aux acquéreurs la somme de 114 053, 31 euros dans la limite du pourcentage de responsabilité mis respectivement à leur charge, alors, selon le moyen :
1°/ que le notaire qui instrumente une vente en l'état futur d'achèvement n'est pas tenu d'informer l'acquéreur des insuffisances théoriques de la garantie intrinsèque ou de la supériorité de la garantie extrinsèque ; qu'en reprochant néanmoins au notaire de ne pas avoir informé les acquéreurs de ce « que l'opération n'est pas protégée par une garantie plus efficace », faisant implicitement peser sur le notaire l'obligation d'informer l'acquéreur des insuffisances théoriques de la garantie intrinsèque ou de la supériorité de la garantie extrinsèque, la cour d'appel a violé l'article R. 261-18 b du code de la construction et de l'habitation, ensemble l'article 1382 du code civil ;
2°/ qu'est seul réparable le préjudice causé par le fait générateur de responsabilité retenu ; qu'en condamnant le notaire à indemniser les acquéreurs des sommes versées au titre de la vente en l'état futur d'achèvement résolue, après avoir relevé qu'il ne prouvait pas avoir été en possession d'attestations établissant que les conditions de la garantie intrinsèque étaient réunies, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les conditions de la garantie n'étaient pas réalisées, de sorte que le lien de causalité n'était pas établi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;
3°/ que la liquidation judiciaire d'un débiteur ne fait pas obstacle au paiement de ses dettes, une telle procédure ayant précisément pour objet de réaliser son actif afin d'apurer son passif ; qu'en déduisant l'impossibilité d'obtenir le paiement de leur créance de restitution à laquelle seraient confrontés les acquéreurs de la seule ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de leur débiteur, sans établir que celle-ci ne pourrait conduire à la distribution, la cour d'appel a violé les articles L. 640-1 et L. 643-1 du code de commerce ;
Mais attendu, d'abord, qu'après avoir constaté que le notaire ne s'était pas assuré par une vérification documentaire de l'existence de la garantie intrinsèque, à défaut pour lui d'être en possession des pièces exigées par l'article R. 261-20 du code de la construction et de l'habitation, la cour d'appel, loin de lui avoir imposé une obligation d'information sur les insuffisances théoriques de la garantie consentie, en a exactement déduit qu'il avait manqué à son devoir d'assurer l'efficacité de l'acte de vente ; qu'ensuite, elle a pu, en conséquence, condamner le notaire à indemniser les acquéreurs, sans avoir à rechercher si les conditions d'application de la garantie intrinsèque étaient réunies, recherche qui, au demeurant, ne lui était pas demandée et que ses propres constatations rendaient inopérante ; qu'enfin, il résulte des écritures d'appel que le notaire n'a pas contesté l'affirmation des acquéreurs selon laquelle la liquidation judiciaire du promoteur était impécunieuse, dès lors que celui-ci avait laissé un passif considérable pour avoir démarré un nombre important de programmes immobiliers sans les avoir achevés ;
D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa troisième branche comme étant nouveau et mélangé de fait, n'est pas fondé pour le surplus ;
Sur le second moyen du pourvoi n° Y 15-18. 067 :
Attendu que le notaire fait grief à l'arrêt de dire qu'il sera tenu de garantir et relever l'intermédiaire des condamnations prononcées à son encontre à concurrence de 70 %, alors, selon le moyen, que la responsabilité du notaire suppose que soit rapportée la preuve du lien de causalité entre la faute qui lui est imputée et le préjudice allégué par la victime ; qu'en condamnant le notaire à relever et garantir l'intermédiaire de sa condamnation à payer aux acquéreurs une somme correspondant aux versements qu'ils avaient réalisés indument à la suite des appels de fonds établis par le promoteur, soumis à leur signature par l'intermédiaire et avalisés par la banque, en méconnaissance des obligations de vérification de l'état d'avancement des travaux qui pesaient sur ces deux dernières sociétés et des termes de l'acte authentique qui stipulait que les appels de fonds devaient être établis par le notaire, quand le comportement fautif imputé au notaire n'était nullement à l'origine de la méconnaissance par ces sociétés de ces obligations spécifiques qui étaient précisément destinées à prémunir les acquéreurs contre des versements ne correspondant pas à l'état d'avancement réel des travaux, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que ne présentaient pas la même gravité les fautes commises par le notaire qui avait manqué à son devoir de conseil envers des acquéreurs profanes sans les éclairer utilement sur les risques importants attachés à la garantie intrinsèque, par l'intermédiaire qui avait fautivement fait signer par les acquéreurs des appels de fonds non datés, alors que les travaux correspondants n'avaient pas été réalisés, et par la banque qui avait libéré les fonds sans vérifier leur caractère exigible, la cour d'appel a caractérisé le lien de causalité entre les fautes respectives de ces parties et le préjudice des acquéreurs, et a souverainement estimé qu'en sa qualité de professionnel normalement averti, intervenu le dernier dans l'établissement de l'acte de vente, le notaire devait être déclaré principalement responsable du préjudice ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° F 15-21. 455 :
Attendu que l'intermédiaire fait grief à l'arrêt de le condamner à payer aux acquéreurs les sommes de 114 053, 31 et de 17 199, 39 euros dans la limite du pourcentage de responsabilité mis à sa charge, alors, selon le moyen :
1°/ qu'en retenant que l'intermédiaire a commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle, en faisant signer aux acquéreurs l'ensemble des appels de fonds non datés à une période où les travaux correspondants n'étaient pas réalisés et qu'elle ne peut pas se retrancher derrière la responsabilité de la banque ni de celle du promoteur qui gérait le calendrier des appels de fonds, sans s'être expliquée, comme elle y était pourtant invitée, sur le fait que c'est le promoteur, et non l'intermédiaire, qui a émis les appels de fonds non datés et qui les a encaissés, sans respecter le calendrier des travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regarde de l'article 1382 du Code civil ;
2°/ qu'en retenant que l'intermédiaire a commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle, en faisant signer aux acquéreurs l'ensemble des appels de fonds non datés, sans répondre au moyen péremptoire de celle-ci selon lequel les clients n'étaient pas contraints de signer un appel de fonds non daté, puisqu'ils avaient la possibilité de les conserver et gérer eux-mêmes l'envoi de chaque appel de fonds signé à la banque après réception de l'attestation d'achèvement de la phase de travaux, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'après avoir constaté qu'il agissait en qualité de mandataire du promoteur, la cour d'appel a retenu que l'intermédiaire avait commis une faute en faisant signer aux acquéreurs l'ensemble des appels de fonds non datés, alors que les travaux correspondants n'étaient pas réalisés, les privant ainsi de la protection dont ils disposaient à l'égard du promoteur, sans qu'il puisse s'exonérer de sa responsabilité en considération des autres fautes ayant concouru à la production du dommage ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision, sans avoir à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois ;
Condamne M. Z...et la société Aurore développement aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Z...et la société Aurore développement à payer, chacun, la somme globale de 3 000 euros à M. et Mme Y...et rejette les autres demandes ;
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