mardi 13 juillet 2021

Limite des obligations du garant d'achèvement

 Note Zalewski-Sicard, GP 2021, n° 34, p. 69.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 juillet 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 595 F-D


Pourvois n°
G 19-25.774
J 19-25.775
M 19-25.777
N 19-25.778
P 19-25.779 JONCTION






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2021

La société [K] [E]-[F] et [M] [E]-[F] (société civile professionnelle), société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé les pourvois n° G 19-25.774, J 19-25.775, M 19-25.777, N 19-25.778 et P 19-25.779 contre un arrêt rendu le 21 octobre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (1re chambre, section 1), dans les litiges l'opposant respectivement :

1°/ à Mme [O] [M], épouse [N],

2°/ à M. [G] [N],

tous deux domiciliés [Adresse 2],

3°/ à Mme [X] [K], épouse [X],

4°/ à M. [Z] [X],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

5°/ à M. [B] [L],

6°/ à Mme [S] [G],

tous deux domiciliés [Adresse 4],

7°/ à M. [E] [Y],

8°/ à Mme [N] [V], épouse [Y],

tous deux domiciliés [Adresse 5],

9°/ à M. [L] [J], domicilié [Adresse 6],

10°/ à M. [W] [U], domicilié [Adresse 7], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société [Adresse 8],

11°/ à la Caisse d'épargne et de prévoyance Midi-Pyrénées, société anonyme, dont le siège est [Adresse 9],

12°/ à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) de Paris et d'Ile-de-France, dont le siège est [Adresse 10],

13°/ à la société CIC Nord-Ouest, société anonyme, dont le siège est [Adresse 11],

14°/ à la société CIC Ouest, dont le siège est [Adresse 12], anciennement dénommée société Crédit industriel de l'Ouest, société anonyme,

défendeurs à la cassation.

Mme [M] épouse [N] et M. [N], M. [L] et Mme [G], Mme [V] épouse [Y] et M. [Y], M. [J], Mme [K] épouse [X] et M. [X] ont formé un pourvoi incident.

La demanderesse aux pourvois principaux invoque, à l'appui de ses recours, un moyen unique identique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boyer, conseiller, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société [K] [E]-[F] et [M] [E]-[F], de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de la société Caisse d'épargne et de prévoyance Midi-Pyrénées, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. et Mme [Y], de M. et Mme [N], de M. et Mme [X], de M. [L] et de Mme [G], après débats en l'audience publique du 8 juin 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Boyer, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

1. Par ordonnance du 15 mai 2020, les pourvois n° M 19-25.777, n° N 19-25.778 et n° P 19-25.779 ont été joints au pourvoi n° G 19-25.774.

2. En raison de leur connexité, les pourvois n° G 19-25.774 et n° J 19-25.775 sont joints.

Désistement partiel

3. Il est donné acte à la société civile professionnelle [K] [E]- [F] et [M] [E]-[F], anciennement dénommée [C] [F] [K] [E]-[F] et [M] [E]-[F] (la société notariale) du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [U], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société civile immobilière 2005 [Adresse 8] (la SCI), la société Caisse régionale du crédit agricole mutuel Paris-Ile-de-France, la société CIC Ouest, la société CIC Nord-Ouest, Mme [M] épouse [N] et M. [N], M. [L] et Mme [G], Mme [V] épouse [Y] et M. [Y], M. [J], Mme [K] épouse [X] et M. [X].

4. Il est donné acte à Mme [M] épouse [N] et M. [N], M. [L] et Mme [G], Mme [V] épouse [Y] et M. [Y], M. [J], Mme [K] épouse [X] et M. [X] du désistement de leur pourvoi incident.

5. Il est donné acte à la société notariale du désistement de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard de M. et Mme [N], de M. et Mme [X], de M. [L] et Mme [G], de M. et Mme [Y] et de M. [J].

Faits et procédure

6. Selon les arrêts attaqués (Toulouse, 21 octobre 2019), par actes authentiques reçus les 9, 10, 17, 29 avril et 5 mai 2008 par M. [E]-[F], notaire associé de la société notariale, la SCI a vendu à divers acquéreurs des lots de copropriété en l'état futur d'achèvement.

7. La SCI avait souscrit une garantie financière d'achèvement auprès de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Midi-Pyrénées (la Caisse d'épargne), assortie du nantissement, au profit de celle-ci, des sommes résultant de la vente des lots, lesquelles devaient être portées au crédit d'un compte centralisateur ouvert dans ses livres.

8. La SCI a été mise en liquidation judiciaire.

9. Les travaux de construction n'ont jamais commencé et la Caisse d'épargne a refusé la mise en oeuvre de la garantie d'achèvement en raison de la péremption du permis de construire, intervenue le 14 juin 2008.

10. Les acquéreurs ont assigné le liquidateur judiciaire de la SCI, la société notariale, leur organisme prêteur et le garant d'achèvement en résolution des contrats de vente et de prêt, ainsi qu'en réparation de leurs préjudices. La société notariale a sollicité la garantie de la Caisse d'épargne en sa qualité de garant d'achèvement.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses troisième, cinquième, sixième et septième branches, ci-après annexé

11. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen unique, pris en ses première, deuxième, quatrième et huitième branches

Enoncé du moyen

12. La société notariale fait grief à l'arrêt de rejeter son recours contre le garant d'achèvement, alors :

« 1°/ que le garant d'achèvement, ayant connaissance d'un risque de péremption du permis de construire et, partant, d'inefficacité de la garantie d'achèvement qu'il s'est engagé à fournir, doit en informer les acquéreurs et le notaire chargé d'instrumenter les ventes en l'état futur d'achèvement ; que le notaire soutenait que la Caisse d'épargne, auprès de laquelle avait été souscrite la garantie d'achèvement, devant suspecter que les travaux de construction n'avaient pu être engagés en l'absence de toute demande de débit du compte centralisateur concernant de tels travaux, et le risque de péremption du permis de construire qui en résultait, avait manqué à ses obligations en s'abstenant de l'en informer et d'alerter les acquéreurs ; qu'en retenant pour exclure, de ce chef, tout manquement du garant d'achèvement, qu'à cette époque, seuls treize actes de vente auraient été régularisés sur les soixante-douze lots réservés, de sorte que l'absence de débit correspondant à des travaux de construction n'aurait pas été suspecte, quand cette circonstance n'écartait en rien le risque, qui s'est réalisé, de péremption du permis de construire, en l'absence de commencement d'exécution des travaux suffisamment caractérisé, et la connaissance que le garant devait en avoir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ;

2°/ qu'une contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en relevant l'absence de tout débit du compte centralisateur correspondant à des travaux de construction, avant d'affirmer que le garant d'achèvement n'aurait été "en mesure de découvrir l'absence de commencement effectif des travaux dissimulée par le promoteur qu'en juillet 2008", après la péremption du permis de construire, la cour d'appel, qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en tout état de cause, le juge ne peut statuer par voie de simple affirmation ; qu'en se bornant à affirmer que le garant d'achèvement n'aurait pas été "en mesure de découvrir l'absence de commencement effectif des travaux dissimulée par le promoteur qu'en juillet 2008", sans relever comment l'absence de commencement effectif des travaux aurait, jusqu'alors, été dissimulée par le promoteur, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

8°/ que le garant d'achèvement, ayant connaissance d'un risque de péremption du permis de construire et, partant, d'inefficacité de la garantie d'achèvement qu'il s'est engagé à fournir, doit en informer les acquéreurs et le notaire chargé d'instrumenter les ventes en l'état futur d'achèvement ; que le notaire soutenait que la Caisse d'épargne devait suspecter que les travaux de construction n'avaient pu être engagés, et le risque de péremption du permis de construire qui en résultait, de sorte qu'elle avait manqué à ses obligations en attendant la péremption du permis de construire sans l'informer de cette circonstance et sans mettre en garde les acquéreurs ; qu'en excluant toute responsabilité du garant d'achèvement au motif, supposé adopté, que ses obligations contractuelles ne lui imposaient pas de s'assurer du bon déroulement des travaux, la cour d'appel a violé l'article 1382, devenu 1240, du code civil.

Réponse de la Cour

13. La cour d'appel, qui a énoncé à bon droit que le garant d'achèvement n'est pas tenu de s'assurer du bon déroulement des travaux (3e Civ., 17 mars 1999, pourvoi n° 97-12.706, Bull 1999, III, n°71), a relevé que le compte centralisateur ouvert dans ses livres au nom de la SCI avait été débité de sommes en lien direct avec l'opération immobilière, ainsi que de frais de maîtrise d'oeuvre et de maîtrise d'ouvrage délégué.

14. Elle a retenu, par motifs propres et adoptés, que les retards constatés, à compter du mois d'avril 2008, sur d'autres opérations réalisées par des sociétés du même groupe immobilier n'étaient pas de nature à établir que la SCI ne serait pas en mesure de mener à bien la construction de la résidence de [Localité 1].

15. Ayant ainsi fait ressortir que le garant d'achèvement n'avait pas connaissance, à la date des actes de vente, ni antérieurement, de la situation financière obérée des sociétés du groupe de promotion immobilière, laquelle lui avait été dissimulée par la remise d'attestations d'avancement des travaux réalisés sur d'autres opérations ne reflétant pas la réalité, ni de l'absence de tout commencement de travaux sur le chantier de [Localité 1], que le seul défaut de facturation des entreprises ne suffisait pas à rendre suspecte, la cour d'appel, qui a retenu à bon droit que la garantie d'achèvement prévue à l'article R. 261-21 du code de la construction et de l'habitation, seule souscrite, est distincte de la garantie de remboursement au cas de résolution de la vente prévue à l'article R. 261-22 du même code, a pu déduire de ces énonciations et constatations souveraines que la société notariale, qui ne s'était pas assurée avant la signature des actes intervenue les 9, 10, 17, 29 avril et 5 mai 2008, du démarrage effectif des travaux, sans lequel le permis de construire encourait la péremption au 14 juin suivant, n'était pas fondée en son recours à l'encontre du garant d'achèvement, au titre des préjudices causés par la résolution des ventes, exclusivement imputables à la faute de celle-ci.

16. Elle a, par ces seuls motifs, exempts de contradiction et d'insuffisance, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société civile professionnelle [K] [E]-[F] et [M] [E]-[F], anciennement dénommée [C] [F] [K] [E]-[F] et [M] [E]-[F], aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Même s'ils ont comme origine une faute du constructeur, les dommages qui relèvent d'une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun

 Note JP Karila, RGDA 2021-8/9, p. 23

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 juillet 2021




Rejet


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 598 F-D

Pourvoi n° B 19-15.165




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2021

La société Viticole de France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 19-15.165 contre l'arrêt rendu le 15 janvier 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Malmezat-Prat-Lucas-Dabadie, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en qualité de liquidateur judiciaire de la société Piscines Occitanes,

3°/ à la société Piscines Occitanes, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4],

4°/ à la société Etablissements Rouch Sylvain, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 5],

défenderesses à la cassation.

La société Axa France IARD a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Krivine et Viaud, avocat de la société Viticole de France, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, après débats en l'audience publique du 8 juin 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 15 janvier 2019), par acte sous seing privé du 17 juin 2002, la Société viticole de France (la SVF) a confié à la société Piscines occitanes la construction d'une piscine et d'un local technique.

2. La réalisation d'un dallage a été confiée à la société Établissements Rouch Sylvain (la société Rouch).

3. L'ouvrage a été réceptionné sans réserve en juillet 2003.

4. En 2006, des infiltrations sont apparues dans le local technique. La SVF a assigné la société Piscines occitanes, ainsi que la société Axa France IARD (la société Axa), recherchée comme assureur de ce constructeur. La société Établissements Rouch Sylvain a été appelée en intervention forcée.

5. La société Piscines occitanes a été placée en liquidation judiciaire le 6 mai 2013 et son liquidateur a été appelé en intervention forcée. La liquidation a été clôturée le 2 juillet 2015 pour insuffisance d'actif.

Examen des moyens Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

6. La société SVF fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de la société Axa à lui verser, sans franchise, diverses sommes au titre de ses préjudices matériel et économique, alors :

« 1°/ qu'en énonçant que la convention n° 33300051429187 passée entre les sociétés Piscines occitanes et Axa était un contrat de responsabilité civile qui excluait les conséquences de la responsabilité décennale, sans examiner le courrier du 14 novembre 2003 de la société Marsh, courtier d'assurance, adressé à la société Piscines occitanes, produit par l'assureur lui-même, dont il résultait que ce contrat couvrait la garantie décennale due par la société Piscines occitanes, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que pour retenir que la convention n° 33300051429187 passée entre les sociétés Piscines occitanes et Axa était un contrat de responsabilité civile qui excluait les conséquences de la responsabilité décennale, la cour d'appel s'est fondée sur une attestation de la société Axa, « qui, compte tenu de sa date, ne p[ouvai]t être suspectée d'avoir été établie pour les besoins de la cause » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si n'étaient pas plus dignes de foi l'attestation du 13 mars 2002 et le courrier du 14 novembre 2003, qui émanaient de la société Marsh, dès lors que, d'une part, eu égard à leur date respective, eux non plus ne « pouvaient être suspecté[s] d'avoir été établi[s] pour les besoins de la cause », d'autre part, ils n'émanaient pas d'une partie au litige, enfin, étant l'oeuvre d'un courtier d'assurance, leur contenu ne pouvait pas être, qui plus est à une année d'intervalle, le fruit d'une confusion entre responsabilité civile de droit commun et garantie décennale, les juges du fond, qui n'ont pas suffisamment motivé leur décision, ont violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en retenant que la convention n° 33300051429187 passée entre les sociétés Piscines occitanes et Axa était un contrat de responsabilité civile qui excluait les conséquences de la responsabilité décennale, après avoir relevé que le contrat n° 333000514291 B entre les sociétés Piscines occitanes et Axa était lui aussi un contrat de responsabilité civile et non de responsabilité décennale, sans expliquer, même brièvement, ce qui aurait pu justifier que la société Piscines occitanes conclue ainsi deux conventions pour couvrir un même risque, l'engagement de sa responsabilité civile, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision et a violé l'article 455 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour

7. Sous le couvert de griefs non fondés de défaut de motifs, le moyen ne tend en réalité qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond quant à l'absence de contrat d'assurance décennale souscrit par la société Piscines occitanes auprès de la société Axa.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, réunis

9. Par son deuxième moyen, la société SVF fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de condamnation de la société Axa à lui verser, sans franchise, diverses sommes au titre de ses préjudices matériel et économique, alors :

« 1°/ que le versement de primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat d'assurance et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période et que toute clause ayant pour effet de réduire la durée de la garantie de l'assureur à un temps inférieur à la durée de la responsabilité de l'assuré est génératrice d'une obligation sans cause et doit être réputée non écrite ; qu'ainsi, en faisant application de la clause selon laquelle « la garantie s'applique aux dommages survenus postérieurement à la date d'effet du contrat et antérieurement à sa suspension ou à sa résiliation », laquelle tendait pourtant à exclure la garantie lorsque le dommage était postérieur à l'expiration du contrat d'assurance, ce même si le fait générateur était intervenu durant la période d'effet de la convention, la cour d'appel a violé l'article 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 124-1 du code des assurances ;

2°/ subsidiairement, que le versement de primes pour la période qui se situe entre la prise d'effet du contrat d'assurance et son expiration a pour contrepartie nécessaire la garantie des dommages qui trouvent leur origine dans un fait qui s'est produit pendant cette période et que toute clause ayant pour effet de réduire la durée de la garantie de l'assureur à un temps inférieur à la durée de la responsabilité de l'assuré est génératrice d'une obligation sans cause et doit être réputée non écrite ; qu'ainsi, en faisant application de la clause selon laquelle « la garantie s'applique aux dommages survenus postérieurement à la date d'effet du contrat et antérieurement à sa suspension ou à sa résiliation », sans rechercher, comme l'y invitait pourtant la Société viticole de France si cette clause ne tendait pas à exclure la garantie pour le dommage causé par un évènement intervenu pourtant au cours de la période d'effet de la convention d'assurance lorsque ce dommage était postérieur à l'expiration du contrat et n'avait pas pour effet de réduire la durée de la garantie de l'assureur à un temps inférieur à la durée de la responsabilité de l'assuré, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1131 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ensemble l'article L. 124-1 du code des assurances ;

3°/ plus subsidiairement, que qu'en vertu de l'article L. 124-5 du code des assurances, la garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation mais lorsqu'elle couvre la responsabilité des personnes physiques en dehors de leur activité professionnelle, la garantie est déclenchée par le fait dommageable ; qu'il résulte du IV. de l'article 80 de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, entré en vigueur le 2 novembre 2003, d'une part, que l'article L. 124-5, entre autres, s'applique aux garanties prenant effet postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi, du fait de la souscription d'un nouveau contrat, ou de la reconduction de garanties d'un contrat en cours, d'autre part, que toute autre garantie, dès lors qu'il est stipulé que la survenance du fait dommageable pendant la durée de validité du contrat est une condition nécessaire de l'indemnisation, est déclenchée par le fait dommageable conformément aux dispositions des articles L. 124-1-1 et L. 124-5 du code des assurances, enfin, que toute garantie ne relevant d'aucune des deux hypothèses précédentes est déclenchée par la réclamation ; qu'en mettant en oeuvre la clause selon laquelle « la garantie s'applique aux dommages survenus postérieurement à la date d'effet du contrat et antérieurement à sa suspension ou à sa résiliation » et en retenant que la garantie de la société Axa n'était pas due car les dommages invoqués par la Société viticole de France étaient postérieurs à la résiliation du contrat d'assurance, cependant qu'il résultait du IV de l'article 80 de la loi du 1er août 2003 que les garanties dues par la société Axa en vertu du contrat d'assurance litigieux résilié le 31 décembre 2003 ne pouvaient être déclenchées que par le fait dommageable ou par la réclamation, les juges du fond ont violé l'article 80 de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003 ;

4°/ plus subsidiairement encore, que qu'en vertu de l'article L. 124-5 du code des assurances, la garantie est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation mais lorsqu'elle couvre la responsabilité des personnes physiques en dehors de leur activité professionnelle, la garantie est déclenchée par le fait dommageable ; qu'il résulte du IV. de l'article 80 de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, entré en vigueur le 2 novembre 2003, d'une part, que l'article L. 124-5, entre autres, s'applique aux garanties prenant effet postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi, du fait de la souscription d'un nouveau contrat, ou de la reconduction de garanties d'un contrat en cours, d'autre part, que toute autre garantie, dès lors qu'il est stipulé que la survenance du fait dommageable pendant la durée de validité du contrat est une condition nécessaire de l'indemnisation, est déclenchée par le fait dommageable conformément aux dispositions des articles L. 124-1-1 et L. 124-5 du code des assurances, enfin, que toute garantie ne relevant d'aucune des deux hypothèses précédentes est déclenchée par la réclamation ; qu'en mettant en oeuvre la clause selon laquelle « la garantie s'applique aux dommages survenus postérieurement à la date d'effet du contrat et antérieurement à sa suspension ou à sa résiliation » et en retenant que la garantie de la société Axa n'était pas due car les dommages invoqués par la Société viticole de France étaient postérieurs à la résiliation du contrat d'assurance, sans rechercher s'il ne résultait pas du IV de l'article 80 de la loi du 1er août 2003 que les garanties dues par la société Axa en vertu du contrat d'assurance litigieux résilié le 31 décembre 2003 ne pouvaient être déclenchées que par le fait dommageable ou par la réclamation, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 80 de la loi n° 2003-706 du 1er août 2003. »

10. Par son troisième moyen, la société SVF fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ que l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès ; qu'en énonçant que « les circonstances de l'espèce ne permett[ai]ent pas de considérer qu[e l'assureur] a[vait] pris la direction du procès pour le compte de son assurée », par la considération que « celle-ci, au début de la procédure, a[vait] fait le choix d'un conseil distinct et a[vait] présenté sa propre défense en totale autonomie », cependant que l'assureur peut prendre la direction du procès en cours de procédure, les juges du fond qui, ont statué par un motif inopérant, ont violé l'article L. 113-17 du code des assurances ;

2°/ subsidiairement, que l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès ; qu'en énonçant que « les circonstances de l'espèce ne permett[ai]ent pas de considérer qu[e l'assureur] a[vait] pris la direction du procès pour le compte de son assurée », par la considération que « celle-ci, au début de la procédure, a[vait] fait le choix d'un conseil distinct et a[vait] présenté sa propre défense en totale autonomie », sans rechercher si, comme le soutenait la Société viticole de France, dès lors qu'en cours d'expertise judiciaire, la société Piscines occitanes n'avait plus été représentée et qu'en première instance et en cause d'appel, elle n'avait pas comparu, la société Axa n'avait pas pris la direction du procès, les juges du fond ont privé leur décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L. 113-17 du code des assurances ;

3°/ plus subsidiairement, que l'assureur qui prend la direction d'un procès intenté à l'assuré est censé aussi renoncer à toutes les exceptions dont il avait connaissance lorsqu'il a pris la direction du procès ; qu'en énonçant que « les circonstances de l'espèce ne permett[ai]ent pas de considérer qu[e l'assureur] a[vait] pris la direction du procès pour le compte de son assurée », sans répondre au moyen de la Société viticole de France selon lesquels l'attitude la société Axa durant les débats qui ont conduit à la désignation d'un expert judiciaire par une décision du 12 décembre 2011, durant les opérations d'expertise et encore au cours de l'instance devant le tribunal de commerce qui a abouti au jugement entrepris du 21 mars 2016 et pendant celle conclue par l'arrêt attaqué, instances durant lesquelles la société Piscines occitanes ne comparaissait pas que la société Axa avait pris la direction du procès, les juges du fond ont violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en énonçant que, dans sa note en délibéré du 29 septembre 2011, la société Axa France n'avait pas renoncé à se prévaloir de la résiliation du contrat d'assurance intervenue le 31 décembre 2003, cependant que dans ce document, l'avocat de l'assureur écrivait : « La police souscrite auprès de la compagnie Axa par la société Les Piscines occitanes a, effectivement, été résiliée à compter du 31 décembre 2003. / La compagnie Axa renonce donc à son moyen tiré de la résiliation de la police », ce dont il résultait, sans ambiguïté, une renonciation à tout moyen tiré de la résiliation, quelle que soit la date de celle-ci, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette pièce, partant, a violé l'interdiction qui lui est faite de ne pas dénaturer les documents de la cause et l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

11. Par son quatrième moyen, la société SVF fait le même grief à l'arrêt, alors :

« 1°/ qu'en énonçant qu'il était établi que les désordres étaient survenus après la résiliation du contrat, le 31 décembre 2003, pour en déduire que la garantie de la société Axa n'était pas due, cependant qu'il était constant que la mauvaise conception du local technique par la société Piscines occitanes, laquelle constituait en elle-même un désordre dont la Société viticole de France demandait réparation au titre du « préjudice matériel », était intervenue avant la résiliation de la convention d'assurance, les travaux litigieux ayant été réceptionnés le 28 juillet 2003, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ;

2°/ subsidiairement, qu'en énonçant qu'il était établi que les désordres étaient survenus après la résiliation du contrat, le 31 décembre 2003, pour en déduire que la garantie de la société Axa France n'était pas due, sans rechercher si la mauvaise conception du local technique par la société Piscines occitanes ne constituait pas en elle-même un désordre dont la Société Viticole de France demandait réparation au titre du « préjudice matériel » qui était intervenu avant la résiliation de la convention d'assurance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

12. Même s'ils ont comme origine une faute du constructeur, les dommages qui relèvent d'une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun (3e Civ., 13 avril 1988, pourvoi n° 86-17.824, Bull. 1988, III, n° 67 ; 3e Civ., 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-22.376, publié).

13. La cour d'appel a, d'une part, constaté que les dommages étaient apparus trois ans après la réception, d'autre part, retenu qu'ils rendaient l'ouvrage impropre à sa destination, enfin, relevé que le contrat d'assurance souscrit par la société Piscines occitanes auprès de la société Axa ne couvrait pas la responsabilité décennale de ce constructeur.

14. Il en résulte que les demandes formées par la société SVF, relevant de cette garantie légale, devaient être rejetées.

15. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

Sur le cinquième moyen

Enoncé du moyen

16. La SVF fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il fixe sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Piscines occitanes à la somme de 208 590,28 euros et, statuant à nouveau sur ce point, de fixer le montant de cette créance à la somme de 186 015,28 euros, alors :

« 1°/ que les juges du fond ne peuvent aggraver le sort de l'appelant sur son seul appel, en l'absence d'appel incident ; qu'en infirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait fixé à 208 590,28 euros la créance de la Société viticole de France au passif de la liquidation judiciaire de la société Piscines occitanes et en ramenant ce montant à 186 015,28 euros, cependant qu'en cause d'appel, les société Piscines occitanes et Malmezat-Prat, en qualité de liquidateur judiciaire à la procédure ouverte contre la société Piscines occitanes, n'avaient pas comparu et la société Établissements Rouch Sylvain n'avait pas conclu, les juges du second degré ont violé l'article 562 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en infirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait fixé à 208 590,28 euros la créance de la Société viticole de France au passif de la liquidation judiciaire de la société Piscines occitanes et en ramenant ce montant à 186 015,28 euros, accueillant ce faisant la demande « infiniment subsidiaire » de la société Axa tendant à ce que soit « limité le préjudice économique » invoqué par la Société viticole de France, après avoir pourtant accueilli la demande principale de cette même entité tendant à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il avait débouté la Société viticole de France de ses demandes à l'encontre de la société Axa, la cour d'appel a méconnu l'objet du litige, partant, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ subsidiairement, qu'en infirmant le jugement entrepris en ce qu'il avait fixé à 208 590,28 euros la créance de la Société Viticole de France au passif de la liquidation judiciaire de la société Piscines occitanes et en ramenant ce montant à 186 015,28 euros, accueillant ce faisant la demande de la société Axa tendant à ce que soit « limité le préjudice économique » invoqué par la Société viticole de France, après avoir pourtant débouté la Société viticole de France de ses demandes à l'encontre de la société Axa, de sorte que celle-ci n'avait plus d'intérêt à réclamer la réduction du montant de la créance de la Société viticole de France contre la société Piscines occitanes, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

17. La société Piscines occitanes, dont la liquidation judiciaire a été clôturée pour insuffisance d'actif le 2 juillet 2015, a pris fin à cette date, par application de l'article l'article 1844-7 du code civil et n'a pas été régulièrement attraite à l'instance.

18. Le moyen, dirigé contre une fixation de créance au passif de cette société, est donc irrecevable.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident de la société Axa, qui n'est qu'éventuel, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société viticole de France aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; 

Responsabilité post-décennale : conditions

 Note Pagès-de-Varenne, Constr.-urb. 2021-11, p. 30.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 juillet 2021




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 599 F-D

Pourvoi n° Y 19-23.879




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2021

La société Matavai Lodge, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], prise en la personne de son gérant, M. [E] [A] domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 19-23.879 contre l'arrêt rendu le 11 juillet 2019 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige l'opposant à Mme [P] [Z], domiciliée [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Matavai Lodge, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de Mme [Z], après débats en l'audience publique du 8 juin 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 11 juillet 2019), par acte du 4 février 2013, la société civile immobilière Matavai Lodge (la SCI) a vendu à Mme [Z] un bungalow qu'elle avait fait construire en 2000.

2. Après son entrée en jouissance, Mme [Z] a constaté des infiltrations par la toiture. Elle a assigné la SCI en réparation de son préjudice.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. La SCI fait grief à l'arrêt de dire qu'elle a commis une faute dolosive de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de Mme [Z] et de la condamner à payer une certaine somme à titre d'indemnité, alors « qu'après la forclusion décennale, le constructeur ne peut être tenu que de sa faute dolosive, laquelle suppose une volonté délibérée et consciente de méconnaître la norme par dissimulation ou fraude ; qu'il résulte des propres constatations de la cour d'appel que la SCI Matavai Lodge avait confié la construction de la toiture litigieuse à une société Multipose Construction et que c'est cette dernière qui a violé une norme de construction ; qu'en se bornant à constater que la construction avait été réalisée sous la direction de la SCI Matavai Lodge dont les associés ont la qualité de menuisier et de maitre d'?uvre et que celle-ci avait connaissance de l'existence des infiltrations par la toiture, sans constater que la SCI Matavai Lodge avait connaissance de la violation de la norme de construction imputable à la société Multipose Construction, la cour d'appel n'a pas caractérisé la volonté délibérée et consciente de la SCI Matavai Lodge de méconnaître la norme par dissimulation ou fraude, et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

4. Il résulte de ce texte que le constructeur, nonobstant la forclusion décennale, est, sauf faute extérieure au contrat, contractuellement tenu à l'égard du maître de l'ouvrage de sa faute dolosive lorsque, de propos délibéré même sans intention de nuire, il viole par dissimulation ou par fraude ses obligations contractuelles.

5. Pour condamner la SCI malgré la forclusion décennale, l'arrêt retient que dès la construction, réalisée sous la direction de cette société, dont les associés étaient des professionnels du bâtiment, les documents techniques unifiés applicables n'ont pas été respectés et que la SCI, qui était chargée de l'entretien de l'ouvrage, ne pouvait ignorer les infiltrations qui affectaient tant la maison vendue que d'autres qu'elle avait fait construire en même temps si bien qu'en s'abstenant d'en informer l'acquéreur elle avait manqué à ses obligations contractuelles, en particulier à son devoir de loyauté.

6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser une volonté délibérée et consciente de la SCI de méconnaître ses obligations par dissimulation ou fraude, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

7. Dès lors que la cour d'appel a accueilli la demande fondée sur la responsabilité civile de droit commun de la SCI, qui était subsidiaire à la demande fondée sur la garantie des vices cachés, la cassation s'étend à la disposition de l'arrêt rejetant le surplus des demandes des parties.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il dit que la SCI Matavai Lodge a commis une faute dolosive de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de Mme [Z], la condamne à verser à Mme [Z] la somme de 3 704 716 CFP avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2015, dit que les intérêts échus de cette somme produiront intérêts et déboute les parties du surplus de leurs demandes, l'arrêt rendu le 11 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ;

Condamne Mme [Z] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Architecte - résiliation : restitution des honoraires ?

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 8 juillet 2021




Cassation partielle


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 601 F-D

Pourvoi n° D 20-12.917




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 8 JUILLET 2021

La société Architectes studio, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 20-12.917 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2019 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Inessens, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Roy frères Bourgogne, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Architectes studio, de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Inessens et de la société Roy frères Bourgogne, après débats en l'audience publique du 8 juin 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 10 septembre 2019), la société Architectes studio a réalisé des plans pour le compte de la société Financière L2G, devenue la société Inessens, pour la construction d'un atelier d'imprimerie pour sa filiale, la société Roy frères Bourgogne.

2. Un différend étant né entre les parties, le maître de l'ouvrage a confié le projet à un autre architecte.

3. La société Architectes studio, estimant la rupture fautive, a assigné le maître de l'ouvrage en paiement d'honoraires et dommages-intérêts.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner à la cassation.

Mais sur le moyen unique, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

5. La société Architectes studio fait grief à l'arrêt de la condamner à rembourser au maître de l'ouvrage la somme de 45 000 euros, alors « que dans un contrat synallagmatique à exécution échelonnée, la résiliation judiciaire n'opère pas pour le temps où le contrat a été régulièrement exécuté, sauf si les différentes prestations confiées forment un tout indivisible, bien qu'échelonnées dans le temps ; qu'en jugeant que la société Architectes studio est responsable de la résiliation du contrat et qu'elle « doit dès lors être condamnée au remboursement de 45 000 euros qu'il est constant que Financière L2G lui a réglées en exécution du contrat », sans caractériser une inexécution ou une exécution imparfaite des prestations fournies depuis l'origine, ni relever que les différentes prestations confiées à l'architecte seraient indissociables, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à l'espèce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

6. Selon ce texte, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisferait pas à son engagement.

7. Dans un contrat synallagmatique à exécution échelonnée, la résiliation judiciaire n'opère pas pour le temps où le contrat a été régulièrement exécuté, sauf si les différentes prestations confiées forment un tout indivisible.

8. Pour condamner la société Architectes studio à rembourser la somme de 45 000 euros à la société Financière L2G, l'arrêt retient que l'architecte, responsable de la résiliation du contrat, doit être condamné à rembourser les sommes versées par le maître de l'ouvrage en exécution du contrat.

9. En se déterminant ainsi, sans caractériser une inexécution ou une exécution imparfaite des prestations fournies depuis l'origine, ni relever que les différentes prestations confiées à l'architecte seraient indissociables, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Architectes studio au remboursement de 45 000 euros à la société Financière L2G (devenue la société Inessens), l'arrêt rendu le 10 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon autrement composée ;

Condamne la société Inessens aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

lundi 12 juillet 2021

lundi 5 juillet 2021

Mentions de la déclaration d'appel : les bonnes pratiques

 Etude, J. Pajeot, Procédures 2021-7, p. 35.

Le dispositif des conclusions ne conclut pas expressément à la réformation ou à l'annulation du jugement déféré, de sorte que l'appel est dénué d'objet.

 Note R. Laffly, Procédures, 2021-7, p. 13.

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 20 mai 2021




Annulation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 471 F-P

Pourvoi n° Z 19-22.316



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 MAI 2021

1°/ M. [S] [I],

2°/ Mme [C] [C], épouse [I],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° Z 19-22.316 contre l'arrêt rendu le 10 juillet 2019 par la cour d'appel de Bastia (chambre civile, section 1), dans le litige les opposant :

1°/ à l'Agent judiciaire de l'Etat - direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à M. [U] [N], domicilié [Adresse 3],

3°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) [Localité 1] - siège de Bastia, [Adresse 4],

4°/ à la Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN), dont le siège est [Adresse 5],

5°/ à la société Calypso, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],

défendeurs à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lemoine, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. et Mme [I], de la SCP BaraducBaraduc, Duhamel et RameixDuhamel et Rameix, avocat de M. [N] et de la société Calypso, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de l'Agent judiciaire de l'Etat - direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers, et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lemoine, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bastia, 10 juillet 2019), M. et Mme [I] ont relevé appel, le 6 juillet 2017, du jugement d'un tribunal de grande instance ayant, d'une part, condamné in solidum M. [N] et la société Calypso à payer une certaine somme à M. [I] et à l'Agent judiciaire de l'Etat et, d'autre part, rejeté les demandes de Mme [I].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais, sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 542 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

4. Il résulte des deux premiers de ces textes que lorsque l'appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l'infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l'anéantissement ni l'annulation du jugement, la cour d'appel ne peut que confirmer le jugement. Cependant, l'application immédiate de cette règle de procédure, qui a été affirmée par la Cour de cassation le 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626) pour la première fois dans un arrêt publié, dans les instances introduites par une déclaration d'appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.

5. Pour confirmer le jugement, l'arrêt retient que le dispositif des conclusions de M. et Mme [I] comporte des demandes tendant à « fixer », « condamner », « dire et juger », mais qu'ils s'abstiennent de conclure expressément à la réformation ou à l'annulation du jugement déféré, de sorte que leur appel est dénué d'objet.

6. En statuant ainsi, la cour d'appel a donné une portée aux articles 542 et 954 du code de procédure civile qui, pour être conforme à l'état du droit applicable depuis le 17 septembre 2020, n'était pas prévisible pour les parties à la date à laquelle elles ont relevé appel, soit le 6 juillet 2017, une telle portée résultant de l'interprétation nouvelle de dispositions au regard de la réforme de la procédure d'appel avec représentation obligatoire issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'application de cette règle de procédure dans l'instance en cours aboutissant à priver M. et Mme [I] d'un procès équitable au sens de l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne l'Agent judiciaire de l'Etat et M. [N] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Absence d'effet dévolutif de la déclaration d'appel : le sort de l'appel incident

 Etude, J. Lhadi, Procédures, 2021-7, p. 8.