mardi 4 juillet 2023

Les demandes de « constater », formulées dans le dispositif des conclusions d'appel de la SCI, tendaient à faire reconnaître la conformité du portail d'accès

 

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 juin 2023




Cassation


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 456 F-D

Pourvoi n° G 22-11.641




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2023

La société Laval, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 7], a formé le pourvoi n° G 22-11.641 contre l'arrêt rendu le 9 décembre 2021 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 1-5), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [L] [J], domiciliée [Adresse 3],

2°/ à Mme [N] [H], domiciliée [Adresse 1], administrateur judiciaire, pris en sa qualité d'administrateur provisoire,

3°/ à la société La Mission Immobilière, dont le siège est [Adresse 4], représentée par son syndic le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, deux moyens de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Vernimmen, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société civile immobilière Laval, après débats en l'audience publique du 16 mai 2023 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Vernimmen, conseiller référendaire rapporteur, M. Delbano, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 9 décembre 2021), le lot n° 9 du lotissement « Château Laval », régi par le cahier des charges du 9 septembre 1955, est divisé en deux lots de copropriété dont le lot n° 1 appartient à la société civile immobilière Laval (la SCI) et le lot n° 2 à Mme [J].

2. La SCI est également propriétaire du lot n° 11 de ce lotissement.

3. Estimant que la SCI avait réalisé des travaux sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires et sans respecter le cahier des charges du lotissement, Mme [J] l'a assignée, en référé, aux fins de remise en état des lieux.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La SCI fait grief à l'arrêt de la déclarer irrecevable en ses demandes tendant à faire juger que les ouvrages servant d'accès au lot et ceux non implantés sur la limite séparative n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 8 du cahier des charges du lotissement et de la condamner, sous astreinte, à mettre en conformité aux dispositions de cet article le mur et le portail édifiés sur son lot n° 11 parcelle cadastrée BK [Cadastre 5], commune d'Antibes, au droit du chemin de Provence et en bordure de cette voie et la clôture qu'elle a édifiée entre la parcelle BK [Cadastre 5] et la parcelle BK [Cadastre 6], alors « que saisit valablement le juge la prétention par laquelle une partie lui demande de trancher une question litigieuse en précisant le régime d'un bien ; qu'en retenant, pour dire irrecevables les demandes de la SCI, qu'elle n'était saisie d'aucune prétention par les conclusions d'appel de la SCI tendant à voir dire et juger que ni les ouvrages servant d'accès au lot tels que les portails, ni les ouvrages non implantés sur la limite séparative du lot n'entrent dans le champ d'application de l'article 8 du cahier des charges du lotissement du Château de Laval et constater la conformité du portail et de la clôture aux stipulations du cahier des charges du lotissement, quand la SCI était fondée à obtenir de la juridiction statuant au fond une interprétation des stipulations du cahier des charges du lotissement contraire à celle retenue par le juge des référé, en vertu de laquelle une astreinte avait été prononcée à son encontre, et qu'elle constate la conformité aux stipulations du cahier des charges du portail édifié par elle, la cour d'appel a violé les articles 5 et 954 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 5 et 954, alinéas 1 et 3, du code de procédure civile :

5. Aux termes du premier de ces textes, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

6. En application du second, dans les procédures avec représentation obligatoire, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquelles chacune de ces prétentions est fondée, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d'appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

7. Pour dire qu'elle n'est saisie d'aucune prétention par la SCI, la cour d'appel retient que les demandes de « dire et juger », comme celles de « constater », formulées dans le dispositif des conclusions de l'appelante, ne constituent pas des prétentions dont elle est saisie, auxquelles elle est tenue de répondre, sauf quand le juge doit rendre une décision recognitive de droits, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

8. En statuant ainsi, alors que les demandes de « constater », formulées dans le dispositif des conclusions d'appel de la SCI, tendaient à faire reconnaître la conformité du portail d'accès au lot n° 11, de la clôture le prolongeant et de celle séparant les lots n° 9 et 11 au cahier des charges du lotissement, la cour d'appel, qui ne s'est pas prononcée sur ce qui lui était demandé, a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

9. La SCI fait grief à l'arrêt de rejeter ses chefs de demande tendant à faire juger que les ouvrages servant d'accès au lot et ceux non implantés sur la limite séparative du lot n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 8 du cahier des charges du lotissement, de la condamner, sous astreinte, à mettre en conformité aux dispositions de cet article le mur et le portail édifiés sur son lot n° 11 parcelle cadastrée BK [Cadastre 5], commune d'Antibes, au droit du chemin de Provence et en bordure de cette voie et la clôture édifiée entre la parcelle BK [Cadastre 5] et la parcelle BK [Cadastre 6], alors « qu'en toute hypothèse, seule l'autorité de la chose jugée impose de s'incliner devant ce qui a déjà été jugé ; qu'en retenant que l'arrêt du 1er mars 2012 et l'ordonnance de référé du 23 mars 2016 avaient déjà jugé que la SCI était responsable de manquements au règles du lotissement tout en affirmant que ces décisions n'étaient pas revêtues de l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel qui, malgré cette affirmation, a accordé à ces décisions autorité de la chose jugée, a violé l'article 1355 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1355 du code civil et 488, alinéa 1er, du code de procédure civile :

10. Selon le premier de ces textes, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement.

11. Aux termes du second, l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée.

12. Pour confirmer le jugement ayant condamné la SCI à mettre certains ouvrages en conformité avec les stipulations du cahier des charges du lotissement, la cour d'appel retient que l'arrêt du 1er mars 2012 concernant la clôture du lot n° 11 et l'ordonnance de référé du 23 mars 2016 relative à la clôture séparant les lots n° 9 et 11 ne peuvent pas être invoqués au titre de la fin de non-recevoir tenant à l'autorité de la chose jugée mais doivent être regardés comme ayant déjà jugé la SCI responsable de manquements aux règles du lotissement au titre des travaux de construction litigieux.

13. En statuant ainsi, alors que l'arrêt du 1er mars 2012 et l'ordonnance de du 23 mars 2016, rendus en matière de référé, n'avaient pas l'autorité de la chose jugée au principal, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 décembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne Mme [J] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Laval ;

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